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Membres de l’association Autre Maroc, « Mouvement de lutte pour la justice sociale », Montassir Sakhi et Hamza Esmili livrent dans ce texte, précédemment publié sur le site de leur association, une réflexion (auto)critique sur le Mouvement du 20 Février et ses suites.

 

Quatre années se sont écoulées depuis le déclenchement du Mouvement du 20 Février.

Quatre années ne suffisent pas pour dresser une analyse globale des évolutions sociales qui se sont cristallisées, en 2011, dans un soulèvement populaire inédit dans l’histoire du Maroc1.

Quatre années, ce n’est rien dans la vie d’un peuple.

Il ne s’agit pourtant pas de la seule année 2011, ou des seules quatre années qui se sont écoulées depuis. Car comment comprendre les conditions de production d’un tel soulèvement sans resituer le Mouvement du 20 Février dans les luttes qui, depuis l’indépendance, traversent à la fois la société marocaine et le pouvoir ?

Ce texte constitue à la fois une autocritique, sans fard ni ambages, ainsi qu’un appel à de nouvelles luttes plus proches de la réalité sociale, conscientes des reconfigurations du pouvoir au Maroc actuel et agissant ainsi comme autant d’alternatives politiques au bénéfice des couches les plus démunies de notre société.

Refusant de céder tant à la tentation glorificatrice qu’au défaitisme militant, ce texte s’insère dans la volonté de faire une évaluation rationnelle des avancées du Mouvement ainsi que de ses carences qui ont abouti à la démobilisation progressive, à l’aune notamment de l’inadéquation entre la réalité du pouvoir et la construction historique des discours des acteurs revendiquant le changement, ce que Norbert Elias appelle « l’habitus par effet de retardement »2.

Nous chercherons ainsi à faire une analyse raisonnée des mouvements sociaux passés, de leurs constitutions au délitement de leurs mobilisations, pour aboutir à la discussion de la nouvelle réalité politique et sociale du pays, qui appelle, selon nous, à de nouvelles luttes.

Nous procéderons en trois temps.

Un premier axe d’analyse sera déployé autour de l’émergence de nouvelles formes du politique au sein du Mouvement du 20 Février, reprenant la dichotomie historique entre luttes redistributives et luttes de reconnaissance. Nous nous arrêterons également sur les raisons de l’échec de la tentative d’opérer une synthèse des revendications au sein du Mouvement et sa relation avec la décrue de la mobilisation.

Le second moment de l’analyse se fera autour de l’évolution de la définition même du pouvoir au Maroc, dans un contexte global, ainsi que les reconfigurations du jeu politique qui l’ont accompagnée. Nous chercherons ainsi à montrer que l’absence de prise de conscience quant à cette problématique, au sein du Mouvement, a été la source d’un décalage croissant entre les revendications portées par ce dernier et la réalité sociale au Maroc.

Enfin, cherchant à tirer les enseignements du passé et de l’expérience du Mouvement du 20 Février, nous tenterons de définir les orientations fondamentales d’une nouvelle lutte politique en faveur du changement social au Maroc.

 

Le Mouvement du 20 Février, formes, reconnaissance et redistribution

Formes du politique

Forme d’action politique inédite dans le contexte marocain, le Mouvement du 20 Février a notamment suscité l’espoir — au moins aux premiers temps de la mobilisation — d’une possible inversion du rapport de forces politiques, dans le contexte global de Printemps arabe, d’Indignés de Madrid et d’Occupy Wall Street.

Ainsi, bien qu’ancrés dans des réseaux de sociabilité historiquement constitués, les militants composant le Mouvement ont profité de la «  conjoncture fluide »3, que représentait le contexte historique global, pour bouleverser la perception de l’action politique au Maroc.

En opérant ainsi un passage de la politique, conçue en tant que champ séparé de la réalité sociale — dont le Palais, partis et autres entrepreneurs politiques seraient les acteurs exclusifs — au politique, défini de manière extensive comme cadre d’action privilégié sur le quotidien des citoyens, le Mouvement du 20 Février a élargi le champ des possibles au Maroc. Se définissant comme un « mouvement social total », le Mouvement a visé à ses débuts à établir les bases d’un nouveau projet de société touchant tous les aspects de la vie des citoyens.

La mobilisation a également proposé par la pratique une nouvelle définition de la démocratie. Face au modèle du régime démocratique représentatif, où le pouvoir est délégué à des « professionnels » censément porteurs des intérêts des citoyens, le Mouvement a opposé la méthode démocratique, c’est à dire la co-construction collective des orientations, revendications et pratiques de la mobilisation.

Illustration de cette définition pratique de la démocratie, en opposition avec la revendication programmatique classique d’un régime de démocratie représentative, le Mouvement, bien que présent sur l’ensemble du territoire, n’a pas mis en place une organisation centrale qui détiendrait un monopole décisionnel. En réalité, la prise de décision a été fondée sur le modèle délibératif entre militants diversement politisés.

Ainsi, le Mouvement a instauré une véritable pratique de la démocratie directe au sein des instances décisionnelles du Mouvement, transformées en véritables agoras militantes où le débat des idées avait lieu de manière spontanée et libre.

Dès lors, les réactions des partis politiques institutionnels sont symptomatiques de l’établissement de ces définitions alternatives de la politique et de la démocratie. Dénoncé comme facteur d’ «instabilité », le Mouvement a immédiatement été perçu comme une menace par les organes exécutifs des partis institutionnels, tout bord idéologique confondu, alors même que des franges non négligeables de leurs militants rejoignaient la mobilisation.

De fait, cette forme de démocratie directe promue par le Mouvement à ses débuts, ainsi que la volonté de se constituer en « mouvement social total », se sont elles-mêmes étiolées au fur et à mesure des récupérations dont faisait objet la mobilisation à partir du discours royal du 9 Mars. En définissant lui-même quelles revendications étaient légitimes, le Roi a prudemment reconstruit les limites du champ du possible politique au Maroc. En accordant au Mouvement la victoire de voir sa contestation reconnue comme bien-fondée, le discours royal a ainsi stoppé net la volonté de la mobilisation de se constituer en projet de société alternatif.

Dès lors, affaibli dans son essence même, les « infiltrations » multiples du Mouvement — par les ONG, les élites politiques institutionnelles ainsi que les représentants d’intérêts privés plaidant pour plus d’ouverture au Marché — ont fini d’achever la temporalité politique exceptionnelle dont avait bénéficiée la mobilisation à ses débuts.

 

Reconnaissance et redistribution

Une analyse historique des mouvements politiques — partisans ou associatifs — qui ont traversés la société marocaine depuis l’indépendance, fait apparaître une évolution majeure au cours des décennies post-1956 : le passage d’une conception redistributive de la lutte à une dimension de reconnaissance des droits.

En effet, la première catégorie d’action politique, largement marquée par une approche marxiste des rapports de classe, est ainsi axée sur la question de la justice sociale et de l’égalité réelle entre les citoyens. À partir de l’indépendance, elle est notamment représentée par les grands mouvements d’opposition issus du Mouvement national. Ainsi, l’UNFP4, constituée d’une base sociale principalement formée de fonctionnaires, étudiants et autres professions libérales au capital culturel élevé, se donnait, dans une perspective léniniste5 du parti d’avant-garde,  le rôle de représenter les prolétaires, petits paysans et autres laissés pour compte des premiers développements du capitalisme marocain.

À l’inverse, à partir des années 1980, de nouveaux mouvements sociaux ont mis au centre du débat politique la reconnaissance d’identités culturelles et/ou linguistiques, l’égalité entre les sexes ainsi que le droit de conscience religieuse, souvent sans articulation avec la demande d’égalité sociale. Ce déplacement du débat, souvent effectué dans l’optique libérale de la primauté du droit sur la réalité pratique de son exercice, a été favorisé, à la fois par le contexte international de la chute du Bloc communiste — et donc de retrait de l’idéologie marxisante —, ainsi que par la forte répression opérée par le régime hassanien contre les militants de gauche au cours des années de plomb.

Ce bref rappel historique effectué, quelle place au Mouvement du 20 Février dans cette dichotomie ?

La constitution même du Mouvement du 20 Février, « mouvement de mouvements » par excellence, porte en elle cette opposition historiquement construite entre luttes de redistributions et luttes de reconnaissance.

Ainsi, le Mouvement agrège ensemble les deux types de revendications. Le premier est celui des luttes matérialistes — obtention d’emplois dans le secteur public, amélioration des conditions de travail ou encore augmentation du salaire minimum légal et des revenus —, portées par les travailleurs syndicalistes6, les associations de diplômés-chômeurs et les collectifs citoyens7. Inversement,  des slogans culturalistes et/ou droitsdelhommistes sont notamment représentés par les associations demandant la constitutionnalisation de la langue amazighe, les membres des partis et associations politiques de l’opposition historique8 ainsi que les mouvements de lutte pour la reconnaissance des libertés individuelles9 de l’autre.

Pourtant, les organisations ayant appelé à soutenir la dynamique protestataire ont mis de côté, au moins en partie, leurs différends idéologiques pour s’identifier à la seule charte du Mouvement du 20 Février. Cette dernière a été conçue par des militants représentant des tendances politiques diverses ainsi que des « militants indépendants » fin Janvier 2011. Ainsi, par crainte de divisions précoces, la charte revendicative incarne la volonté d’éviter toute teinte idéologique susceptible de diviser le Mouvement.

Dès lors, citons entre autres principales revendications du mouvement : la dissolution du parlement, la promulgation d’une nouvelle constitution par une assemblée élue, l’instauration d’une monarchie parlementaire où les pouvoirs du roi seraient limités, la hausse des générale des salaires, la suspension de la privatisation de l’enseignement, la création d’un fond d’aide à la jeunesse ainsi que d’une allocation nationale aux chômeurs, la hausse et la généralisation des bourses estudiantines, l’indépendance de la justice, l’abrogation de la loi sur le terrorisme, la libération des prisonniers politiques, la reconnaissance de la langue amazighe comme une langue constitutionnelle, la nationalisation des grandes entreprises stratégiques, le respect des droits et libertés collectives, etc.

Ainsi, fait édifiant, la charte fondant l’action du Mouvement du 20 Février reprend à la fois des revendications redistributives classiques et des exigences de reconnaissance de droits culturels et politiques10.

Cette articulation n’a été permise que dans le cadre de la conjoncture fluide du moment historique, c’est à dire à une situation globale de brouillage des règles du jeu politique ainsi que des rapports de force objectifs, que représentait le contexte global de soulèvements populaires dans la région. Dès lors, c’est cette situation politique et historique particulière qui a permis la convergence de mouvements provenant d’horizons divers et n’ayant pas entrepris de processus de rapprochements idéologiques capables de déboucher sur un front pour un changement social et politique réel.

Ainsi, le pouvoir politique, incarné par l’Etat et encouragé par les différentes élites économiques profitant du statu quo, a favorisé la négociation sectorielle pour empêcher tout rapprochement idéologique pouvant déboucher sur une représentation des catégories sociales populaires et constituer ainsi une véritable « classe sociale ».

À titre illustratif, florilège des différents « cadeaux du pouvoir » :

Les centrales syndicales se sont retirées du Mouvement après la signature de l’accord tripartite — avec la Confédération générale des entrepreneurs marocains (CGEM) et le gouvernement —du 26 avril 2011 instituant une « augmentation urgente » des salaires nets des fonctionnaires.

Les courants dissidents du PJD — notamment le courant « Baraka » — ont quitté le Mouvement après la promesse de la tenue d’élections législatives transparentes.

Les diplômés chômeurs se sont retirés au moment de l’annonce d’un accord-cadre prévoyant leur intégration massive dans la fonction publique.

Les mouvements amazighs ont cessé de se mobiliser après l’annonce de la constitutionnalisation de la langue amazighe.

Ces différents mouvements n’ont eu ni le temps ni l’espace pour renoncer aux intérêts corporatistes et construire une critique systémique des mécanismes de production de la domination englobante. Dès lors, l’absence d’autocritique capable de leur permettre de s’inscrire dans une action sociale plus large a condamné le Mouvement au délitement progressif.

 

Nouveau pouvoir versus Nouvelle société civile

Dans le contexte du Mouvement du 20 Février, la coexistence au sein d’un même mouvement de dynamiques aussi diverses est devenue impossible sitôt la « conjoncture fluide » moins marquée.

Dès lors, le déclin des manifestations et des rassemblements citoyens qui, pendant plus de deux ans, avaient instauré une véritable situation de critique sociale s’insère dans le cadre d’un changement de temporalité politique rendant impossible la poursuite de l’action du Mouvement.

Plutôt que d’être sous le choc de la démobilisation, il convient de comprendre la nature de la nouvelle temporalité politique, et partant de cela penser un recadrage des luttes sociales permettant la remise en cause des systèmes de domination fonctionnant aux échelles nationale, régionale et mondiale.

Dans ce cadre, deux tendances nous semblent d’une importance capitale pour l’analyse et la critique politique de la « situation » marocaine.

 

Reconfigurations du pouvoir

Tout d’abord, il nous apparait que certains des acteurs engagés dans le Mouvement du 20 Février ont négligé les reconfigurations majeures du régime marocain, qui, d’un pouvoir répressif de violence systématique, s’est transformé en un dispositif où ce dernier est disséminé dans un ensemble hétéroclite d’acteurs de gouvernementalité.

Cette évolution n’est pas spécifique au seul Maroc. Elle s’inscrit dans une tendance lourde et globale de redéfinition du rôle du politique et de l’Etat.  

En effet, au cours des années 1980, l’émergence d’un Marché de plus en plus puissant, légitimé par les théories économiques néolibérales pseudo-scientifiques, s’est faite au détriment de l’Etat dans l’ensemble des pays dont le système économique s’est ouvert à la mondialisation telle que conçue dans les organisations internationales11.

Dans ce cadre, au nom du dogme de l’ouverture à la concurrence pure et parfaite, de larges pans de l’action publique ont été démantelés au profit d’intérêts privés, socialement situés et matériellement accumulatifs. Ainsi, au Maroc, les secteurs de l’éduction publique, de la santé, de l’agriculture, et du logement social—parmi bien d’autres—, sont aujourd’hui de très profitables marchés pour l’élite économique du pays.

Par ailleurs, fait emblématique de cette évolution, la Monarchie est aujourd’hui moins le  premier acteur institutionnel du pays que le premier opérateur du Marché. Ce constat, largement illustré par le prédatisme des entreprises royales, entérine ainsi l’aliénation du politique à l’économique.

Dès lors, cette évolution est symptomatique d’une nouvelle définition, libérale, du politique. Ce dernier ne serait plus le moyen privilégié d’action sur la réalité sociale, mais un champ séparé qui ne concerne que ses professionnels et qui vise à la résolution de problèmes conjoncturels d’optimisation de l’accès au Marché.

Dans cette optique, les revendications portant sur la reconnaissance des droits et libertés, l’exigence d’une démocratie représentative et la séparation du capital et du politique, notamment portées par certains acteurs du Mouvement du 20 Février, ne sont plus productrices de critique sociale radicale. En évacuant les questions de la marginalité et de la pauvreté disqualifiante du débat politique, ce type de luttes profite largement au système libéral installé et ne peut donc prétendre apporter une alternative pour les groupes démunis  tant matériellement, que culturellement et socialement.

Ainsi, cédant à une véritable ruse de l’Histoire, ces nouveaux mouvements sociaux ont abandonné l’égalité de fait en revendiquant l’égalité devant la loi. Il faut toutefois souligner ici l’héritage des années de plomb, qui fonctionne comme un habitus collectif : face à la répression systématique institutionnalisée du régime Hassan II, les mouvements des décennies précédentes ont centré la revendication sur la démocratie représentative, la transparence des élections, la lutte pour le droit à l’expression libre et contre la détention secrète et pour les droits des prisonniers politiques.

Or, à l’inverse, la répression d’Etat est loin d’être systématique dans le Maroc actuel.

Ainsi, bien qu’il soit évident que la presse continue à ne pas être libre, qu’il demeure des emprisonnements et des violences arbitraires, ainsi que des procès totalement injustes, ces « atteintes aux droits de l’Homme » sont localisées, très loin de la violence de masse du règne hassanien et des années de plomb.

Dans la perspective foucaldienne de l’idéologie néolibérale, le dispositif du pouvoir en place ne fait plus de la violence physique son principal moyen de domination, mais tend, au contraire, à vider le politique de son sens en en faisant un objet séparé de la réalité sociale.

 

Nouvelle société civile

Corollaire de cette nouvelle définition du politique, le virage culturaliste majeur opéré par les organisations politiques et associatives marocaines dès la fin des années 1980. Non spécifique à notre seul pays, cette évolution est liée à la montée en puissance de la notion de société civile. Instituée comme un canal privilégié de l’action politique, elle est censée combiner d’un côté une efficacité managériale par la définition d’objectifs de performance précis, et de l’autre, une éthique non entachée par les « vicissitudes » de la politique partisane.

Les associations, regroupant un ensemble hétérogène d’acteurs allant des jeunes de quartier aux fondations-mastodontes dirigées par des personnalités issus du monde des affaires, sont ainsi subventionnées par les institutions internationales, qui y voient un relais puissant des discours hégémoniques et globalisants. Leur action est également favorisée par l’Etat en cours de désengagement, qui leur délègue une partie de ses attributions. Dès lors, la société civile agit comme un levier de transformation de la réalité en dehors de toute régulation ou débat public.

Valorisant en apparence « l’action et l’action seule », séparée du diagnostic situationnel et de la critique fondamentale, ces nouveaux acteurs de la vie publique sont en réalité socialement et historiquement situés. En effet, malgré un discours se revendiquant apolitique, la construction des problèmes à traiter, la production de solutions, en apparence allant de soi (taken for granted) et les moyens mis en œuvre, sont tous issus d’arbitrages idéologiques définis par des positions sociales et des évolutions historiques situées. Ainsi, bien souvent, les acteurs de la société civile sont porteurs d’un paradigme idéologique néolibéral fort, jouant ainsi le rôle, à l’échelle locale marocaine, de hérauts du Consensus de Washington, qui consiste notamment en l’ouverture au marché et à la concurrence privée au détriment de l’action publique redistributive.

Evacuant ainsi totalement la question de la justice sociale, de nouvelles revendications ont ainsi émergé, portées par des associations et des partis représentant les intérêts des nouveaux groupes bénéficiaires de cette transformation et les intérêts de leurs propres adhérents/acteurs12.

Dans ce cadre d’analyse, l’expérience du Mouvement du 20 Février est symptomatique du rôle tenu par ces nouvelles ONG. Mouvement de revendications politiques et politisées par excellence, les dizaines de milliers d’ONG13, ayant envahi la sphère publique lors des dernières décennies, n’ont joué aucun rôle dans la mise en place du processus protestataire ni dans sa consolidation.

Toutefois, certaines de ces ONG, notamment celles qui œuvrent pour « la bonne gouvernance », « les droits humains », et/ou « les libertés individuelles», ont joué un rôle de récupération et de pacification du mouvement protestataire en banalisant les revendications populaires et sociales, dès la deuxième grande manifestation nationale du mouvement (Manifestation du 20 Mars 2011). En effet, à la suite du discours royal du 9 Mars, considérant les revendications démocratiques des protestataires comme légitimes14, des centaines d’associations rejoignent le Mouvement du 20 Février dans sa marche du 20 mars 2011.

Cette dynamique associative n’est pas anodine. Dans une conception gramscienne, la nouvelle société civile agit ici comme un moyen de diffusion de l’hégémonie culturelle des élites en places, au premier chef desquelles le Palais. Ainsi, à partir de cette date, au sein même du Mouvement, une inflexion relative aux slogans politiques est réalisée.

Nous avons ainsi assisté à la montée en puissance de revendications centrées sur les mots d’ordre offerts par le pouvoir reconfiguré, c’est à dire le Roi, dans son discours du 9 Mars. La question de la réforme constitutionnelle a, dès lors, pris le dessus sur les questions sociales. Le Mouvement s’est alors mis à porter des demandes n’intéressant pas les populations défavorisées économiquement, marginalisées socialement et privées d’accès à l’école et à la santé.

En effet, les besoins de ces populations condamnées au déclassement et à la reproduction dans un système inégalitaire entraient en décalage complet avec les slogans portant sur la liberté d’opinion et de la presse, la monarchie parlementaire, les droits culturels, ce qui a indubitablement été un facteur d’étiolement de la mobilisation au cours des mois suivant le discours royal.

 

Quelle nouvelle lutte sociale ?

S’il est juste que la mobilisation a décru au fil des années jusqu’à quasi-extinction, les questions qu’avaient remises au centre du débat le Mouvement demeurent tout aussi prégnantes dans la réalité sociale des marocains.

En 2015, au Maroc, l’extrême pauvreté perdure, avec plus de 25% de la population qui vit au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté (1$ par jour). Parmi les populations vivant au dessus du seuil de pauvreté, 50% sont économiquement vulnérable aux aléas de la vie (maladie, intempéries ou perte d’emploi)15.

Malgré un taux de croissance annuel moyen de 4,5% depuis 2002, le taux d’analphabétisme stagne à plus de 43% de la population16. Si la scolarisation a considérablement augmenté, le taux de déperdition annuelle des élèves fait que seule 13% d’une cohorte arrive au baccalauréat. Régulièrement pointé du doigt par les organisations internationales17, le système scolaire est globalement en ruine, provoquant une véritable rupture entre les familles aisés pouvant placer leurs enfants dans les écoles privées du pays (et parmi elle le saint graal des écoles françaises, représentant 0,02% des étudiants du pays mais véritable temples de la reproduction des élites) et ceux devant se contenter de l’école publique.

La problématique des logements sociaux où s’entassent des centaines de milliers de marocains dans des immenses cités dortoirs, la privatisation de la santé qui fait écho à celle de l’éducation, le manque d’infrastructures de base… l’ensemble de ces dossiers brûlants font du Maroc une véritable poudrière humaine.

Considérant l’héritage du Mouvement, et cherchant à évaluer le passé pour construire l’avenir des mouvements sociaux, il nous apparaît que certains questionnements doivent préluder à toute action politique réellement contestatrice et porteuse de changement global.

 

Articulation des luttes dans un mouvement social total

La séparation artificielle érigée entre luttes pour la démocratie, pour la justice sociale ou la reconnaissance des différences, contraste avec l’objectif fondamental de tout changement social et politique : l’édification d’une société plus juste. La lutte, telle que nous la concevons, doit avoir comme leitmotiv absolu, non seulement l’égalité des individus devant la loi, mais fondamentalement l’égalisation des capitaux économiques, sociaux et culturels. Ce n’est qu’à travers cette dernière que les idéaux de démocratie, de droit à la différence ou de liberté deviennent accessibles.

Nous appelons, ainsi, à reconstruire des mouvements sociaux non-sectoriels articulant toutes les luttes de la redistribution et de la reconnaissance des droits, en opposition au néolibéralisme.

Vaincre les dominations transfigurées par les recompositions du pouvoir politique et l’émergence de l’économie capitaliste au Maroc nécessite une lutte touchant la totalité de la réalité sociale, en opposition aux mouvements pensés en dehors des rapports de dominations qui s’y déroulent. Dès lors, la combinaison des échelles de la critique nécessite de sortir du glissement culturaliste insistant sur la simple dimension du droit et pour intégrer la question sociale.

La double dynamique en marche au Maroc, avec d’un côté l’émergence d’un capitalisme prédateur et de l’autre, le retrait de l’Etat des services publics, s’accompagne de la hiérarchisation toujours plus marquée entre les différents groupes sociaux.

Partant de ce constat, éviter le spectre de la ruse de l’histoire qui guette le mouvement social marocain actuel appelle une prise de conscience nécessaire : la réalisation des demandes libérales, historiquement issues des années de plomb, de séparation des pouvoirs, de reconnaissance des droits civiques et politiques, et de neutralité de l’Etat quant au déroulement des élections, la réforme du code pénal, la liberté d’opinion et de la presse, etc. ne signifie en rien la résolution de la question sociale.

Plus que jamais, la critique émanant des organisations représentant les nouveaux dominé(e)s, est appelée à dénoncer les politiques qui condamnent les populations à l’indigence, à la marginalisation et à la disqualification sociale.

 

Mouvements sociaux et représentation

Comme évoqué plus haut, le Mouvement, en tant que « mouvement de mouvement », a agi en catalyseur d’intérêts sociaux variés — et parfois contradictoires — qu’un moment politique spécifique a permis de faire coexister dans une même structure. Résultant d’une temporalité politique propre, cette coexistence de catégories sociales diverses, portant des revendications particulières, n’a pas pour autant signifié l’unification des luttes.

En dehors du moment historique du Printemps arabe, la transformation du profil sociologique des militants, au sein même des partis historiques de la gauche marocaine, a accentué le glissement de sens idéologique opéré au cours des dernières décennies.

Ainsi, l’USFP, originellement constituée de petits fonctionnaires et de professions intellectuelles et libérales, a vu ses structures décisionnelles et exécutives trustées par de grands propriétaires terriens, des chefs d’entreprises agroalimentaires majeures ou des entrepreneurs politiques salariés au fur et à mesure des congrès et de la gouvernementalisation du parti. Cette évolution, tout sauf anodine, a ainsi contribué à l’impossibilité pour le parti de renouveler la critique des structures de la société marocaine, dont l’USFP était pourtant la principale productrice au cours des premières décennies postindépendances.

Dès lors, une première exigence en lien avec la construction d’un mouvement social critique est une définition préalable de la représentativité de ce dernier, c’est à dire l’identification des catégories sociales en vertu desquelles la dynamique protestataire obtient sa légitimité et dont elle porte les intérêts.

Partant de ce postulat, la lutte revendiquant une société plus juste ne peut se faire qu’en défense de ceux qui sont actuellement marginalisés dans l’espace social marocain. Cette marginalisation, multiforme, portant à la fois sur l’économique, le social et le politique, tout en étant légitimée par la domination culturelle, touchant l’immense majorité des marocains, appelle dès lors une dynamique globale capable de formuler une critique systémique.

Victimes de domination(s) historique(s), du démantèlement de l’Etat, de l’hégémonie du Marché et de la montée en puissance des intérêts socialement situés, les dépossédés des capitaux scolaires et matériels, les victimes des politiques de privatisation massive, les chômeurs, les nouveaux travailleurs précaires, les petits agriculteurs, les parias récemment projetés dans la (bidon)ville, les minorités culturelles, en un mot les dominés, voici ceux pour qui la changement est nécessaire et mérite la lutte.

Dans ce cadre, cette dernière doit redéfinir l’objet politique en tant que facteur de transformation de la société. Ne s’arrêtant pas au changement des institutions étatiques et la production juridique, la lutte politique doit viser à un changement de la société par la société pour la société. 

 

Dépasser le clivage entre islamistes et gauchistes

À la suite du Mouvement du 20 Février, nous appelons à la refonte du paysage politique marocain sur d’autres bases que la simple opposition entre pseudo-conservateurs islamistes et pseudo-modernistes de gauche.

Perçu comme une dichotomie fondamentale de l’espace politique marocain, le clivage entre islamistes et gauchistes s’est largement imposé aux acteurs sociaux au cours des décennies postindépendances.

Pourtant, en fondant leurs oppositions sur la base de différences d’éthique et de valeurs, les deux dynamiques négligent les possibles convergences de leurs bases sociales.

Ainsi, une partie de la gauche marocaine s’est radicalisée en rejetant tout héritage culturel issu de l’Islam, amalgamé au despotisme, au « sous-développement » et à l’opposition à la Modernité. Inversement, une partie des mouvements islamistes s’est attachée à construire un référentiel unique de valeurs dans le but d’uniformiser l’espace social.

Largement exacerbée par le régime d’Hassan II, cette différenciation a également été amplifiée par un contexte international marqué par la théorie du choc des civilisations. Cette dernière agit soit de manière directe en construisant un « nous » contre un « eux », soit de manière plus insidieuse à travers les valeurs normatives de l’universalité et de la modernité face auxquelles tout modèle alternatif est voué à la stigmatisation.

Pourtant, l’opposition entre islamistes et gauchiste n’est ni un fait allant naturellement de soi, ni une norme historiquement ancrée dans la nature de l’opposition au Maroc.

Ainsi, les exemples ne manquent pas pour démontrer la non-évidence de cette dichotomie. Citons dans ce cadre, la coexistence, au sein du Mouvement national, des différentes tendances, allant du salafisme de Allal El Fassi au modernisme de Hassan El Ouazzani, l’existence au sein même de l’UNFP d’une large tendance islamiste18, ou encore le militantisme passé de certains leaders islamistes actuels au sein des organisations d’extrême-gauche des années 197019.

Dès lors, le recadrage de notre lutte nécessite de sortir de cette conception.

Cela requiert bien entendu le respect de conditions nécessaires pour réussir le dialogue entre les mouvements sociaux clivés sur cette base.

Il faut cependant signaler que les mouvements islamistes, à l’instar des organisations se réclamant de la gauche, ne sont pas représentatifs des mêmes intérêts et des mêmes projets sociétaux. Ainsi, le PJD, à la tête du gouvernement depuis 2012, est un chantre de la libéralisation à tout-va de l’économie alors même que les partis Al Badil Al Hadari et Al Oumma intègrent la dimension des classes sociales dans leurs programmes politiques. D’autres, comme le mouvement Adl Wa Al Ihssan, n’ont pas encore défini leurs positions quant à la question sociale et économique.

Partant de ce constant, il est nécessaire de construire un socle commun entre gauchistes et islamistes permettant ainsi la défense des mêmes intérêts sociaux au sein de la lutte politique. 

 

Féminisme et mouvements sociaux

Une lutte visant à combattre la domination des uns sur les autres ne peut faire l’impasse sur la question féminine. Pan essentiel de toute action contestatrice globale, la remise en cause de la domination masculine, et du patriarcat qui en découle, doit être conçu au cœur d’un mouvement social cherchant à édifier un projet de société alternatif.

Dans un mouvement double, le féminisme doit être constitutif de la lutte sociale, autant que la lutte sociale doit être constitutive du combat pour l’égalité des sexes.

En replaçant la lutte sociale au centre du féminisme, il s’agit de rompre avec les mouvements politiques privilégiant le droit à la pratique. Considérant le profond ancrage des structures de la domination masculine dans l’habitus collectif, il serait dès lors illusoire d’espérer l’égalité de fait d’une simple modification de textes légaux, ou encore d’imaginer que ces derniers impulsent le changement des structures incorporées de la domination masculine.

Ce type de revendications féministes, fondées sur une approche culturaliste, ont ainsi largement été reprises dans « le nouvel esprit du capitalisme »20 et contribuent ainsi à la légitimation du néolibéralisme. Ce dernier, créant pourtant de nouvelles inégalités de fait —notamment en régénérant une division sexuée de la vie sociale —, a ainsi fondé une partie de son discours sur la reprise des grandes critiques soulevées par les mouvements féministes de la seconde vague, notamment à l’endroit du capitalisme d’Etat, identifié à raison, comme modèle essentiellement patriarcal21.

De la même manière, en concevant la question féminine au cœur de la lutte sociale, nous refusons de la considérer comme une simple revendication touchant une catégorie spécifique, aussi large soit elle. Bien au contraire, nous considérons que, tant les femmes que les hommes, à des échelles évidemment extrêmement différentes, sont sujets de la domination masculine et du modèle sociétal patriarcal.

Dès lors, à la suite de Pierre Bourdieu, nous considérons que « seule une action politique prenant en compte réellement tous les effets de domination qui s’exercent à travers la complicité objective entre les structures incorporées (tant chez les femmes que chez les hommes) et les structures des grandes institutions où s’accomplit et se reproduit non seulement l’ordre masculin, mais aussi tout l’ordre social, […], pourra contribuer au dépérissement progressif de la domination masculine. »22

 

Articuler les dimensions locale, nationale et transnationale

La survenue en 2011 de soulèvements populaires autour du globe, n’est pas le fruit du hasard.

En effet, le déploiement global du néolibéralisme est un fait et appelle donc la combinaison de plusieurs échelles de luttes.

Au Maroc, le capitalisme transnational trouve dans l’Etat un allié naturel favorable aux politiques de privatisation, aux coupes budgétaires et aux exigences des instances internationales et des Etats dominants à l’échelle globale.

Dans ce cadre, la diffusion hégémonique de l’idéologie du Marché par les centres de décision majeurs — grands Etats, instances internationales, grandes multinationales… — recourt à toutes les armes possibles en vue d’obtenir « l’ouverture » des sociétés au modèle économique dominant se présentant comme « l’unique voie » possible. Le monde arabe est ainsi un exemple type de l’activation de la guerre destructrice et du spectre de l’identitarisme pour tuer dans l’oeuf toute résistance contre les gouvernements autoritaires et contre la pénétration du néolibéralisme sauvage.

Par ailleurs, l’interdépendance des Etats, les flux migratoires, la gestion de la question climatique, qui elle ne connaît pas de frontières, exigent l’inscription de nos mouvements sociaux dans un cadre de lutte globale post-national.  

Pourtant, partout dans le monde, des populations se mobilisent contre l’homogénéisation des économies appuyée sur des bureaucraties néolibérales.

Contre la marchandisation de tous les secteurs de la vie qui menace l’humain, contre la montée de l’individualisme et la rupture du lien social, contre l’amalgame entre salariat et subsistance, contre l’ostracisation des individus condamnés à la pauvreté et au chômage etc. il ne peut y avoir qu’une solidarité internationale des luttes, seule à même de contrer les forces hégémoniques en œuvre sur l’ensemble de la planète.

Remettre au centre du débat la question de la justice sociale, de la domination des uns sur les autres, de la marginalisation de la majorité des marocains au nom des intérêts de quelques uns, voici l’essentiel du combat aujourd’hui.

Construire une critique radicale tout en étant de son temps politique, tel est le défi de ceux qui souhaitent penser le changement au Maroc.

Ne pas tomber dans le piège de la séparation entre un champ politique vidé de son sens et une société civile fonctionnant par projets, voilà la condition sine qua none d’une alternative de société.

Eviter les fausses oppositions, ne pas s’engager dans les combats vides de sens, ne pas céder à la ruse de l’histoire, et construire ainsi un Autre Maroc.

 

Ce texte a précédemment été publié sur le site de l’association Autre Maroc.

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Image en bandeau via AutreMaroc.org.

 

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1 Inédit tant dans ses formes de mobilisations que dans ses retombées. Ainsi, sur un plan purement juridique, l’adoption en Juillet 2011 d’une nouvelle constitution opérant une rupture majeure avec ses devancières s’est faite à la suite des protestations initiées par le Mouvement du 20 Février.
2 Norbert Elias, La société des individus, Paris, Fayard, trad. fr. 1991.
3 Voir Michel Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de la FNSP, 1986.
4 Union nationale des forces populaires, mouvement issu de la scission en 1958 du Parti de l’Istiqlal, sous l’impulsion notable de Mehdi Ben Barka. Il est également possible de mentionner ici le Parti communiste marocain (devenu en 1974, le Parti du progrès et du socialisme). Au sein même de l’UNFP (devenue en 1975, l’Union Socialiste des Forces Populaires), évoquons les différentes courants portés par la tendance dite blanquiste de Fqih Basri, celle sociale-démocrate incarnée par Abderrahim Bouabid, le socialisme scientifique défendu par Ahmed Benjelloun et qui débouchera sur la constitution du Parti Avant-gardiste Démocratique Socialiste (PADS) ou encore la branche syndicale dirigée par Omar Benjelloun, Noubir Al Amaoui et autres.
5 Mehdi Ben Barka, « Option révolutionnaire », texte rendu public en 1965 « Nous ne devons avoir aucune illusion sur les tâches immenses qui nous attendent pour effectuer un vaste travail d’éducation et d’organisation parmi les masses populaires. Les potentialités révolutionnaires de notre peuple ont besoin d’être traduites en forces effectives capables de balayer les derniers vestiges de domination coloniale et d’exploitation de notre pays, capables aussi de se mobiliser pour construire la société nouvelle conformément à nos options révolutionnaires. L’essentiel est de nous préparer pour pouvoir faire face comme il convient à toutes les situations. »
6 Notamment membres des deux grandes centrales syndicales marocaines, la Confédération démocratique du travail (CDT) et l’Union marocaine du travail (UMT).
7 Associations de quartier pour le logement salubre (cas du douar Sahb El-Cayed à Salé), collectifs de jeunes pour l’éducation et la santé, etc.
8 À l’instar du Parti socialiste unifié (PSU), l’Association marocaine des droits humains (AMDH) ou encore l’organisation islamiste Justice et Bienfaisance (Al Adl wa al ihsane). Ces organisations, bien qu’héritières pour les deux premières des grandes luttes de gauche sous le régime hassanien, ont largement concentré leurs slogans sur les valeurs libérales de séparation des pouvoirs, de démocratie représentative, ou encore de respect des droits de l’Homme. A ce sujet, sur l’évolution des partis de gauche au Maroc, voir l’ouvrage de Frédéric Vairel, Politiques et Mouvements sociaux, Presses de Sciences Po, 2013.
9 Notamment le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI).
10 Sur l’articulation entre les luttes de redistribution et de la reconnaissance voir les débats entre les deux philosophes Nancy Fraser et Axel Honneth, notamment leur ouvrage : Redistribution or Recognition? A Political-Philosophical Exchange, Verso, 2004.
11 Fonds monétaire international (FMI), Banque Mondiale, Organisation mondiale du commerce (OMC), etc.
12 Pour illustrer ces propos, nous donnons des exemples d’associations et d’instances paraétatiques reliant les seules demandes de reconnaissance et de la réforme institutionnelle légale. C’est le cas de l’Instance Equité et Réconciliation qui s’est fixée sur la seule politique du « sentiment » et la reconnaissance des torts affligés aux victimes des années de plomb. C’est également le travail du Conseil National des Droits de l’Homme et de centaines d’associations tournant autour de lui (le Forum des alternatives Maroc, le Médiateur pour la démocratie et les droits de l’Homme, etc.) et qui souhaitent prévenir contre les violations d’un Etat déjà affaibli. C’est également le cas de milliers d’ONGs financés par des fonds européens, américains et d’instances internationales œuvrant au Maroc.
13 Dont le nombre dépasse les 30 000 au début des années 2000.
14 Il n’est d’ailleurs pas anodin que le discours royal ait porté exclusivement sur la question de la reconnaissance des droits politiques et de la transition démocratique en évacuant la question de la justice sociale et de la redistribution des capitaux face aux creusements des inégalités au Maroc. Le parallèle est également évident avec le fameux discours royal du 20 Août 2014, qui vient comme un écho à ces revendications non traitées en posant la fameuse question « Où est la fortune du pays ? ».
15 Rapport de la Banque Mondiale de 2014, “Se soustraire à la pauvreté au Maroc”.
16 Selon le recensement de 2004, dernière opération de ce type dont les résultats aient été publiés au Maroc.
17 Rapport Unesco 2014 sur « Les systèmes éducatifs dans le Monde ».
18 Courant, qui, en faisant scission de l’UNFP en 1970, donne naissance à la Chabiba Islamiya, et, in fine au PJD.
19 Mustafa Moatissm, ancien membre de Illal Ammam, et actuel leader du parti islamiste Al Badil Al Hadari.
20 Luc Boltanski, Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999.
21 Nancy Fraser, “Feminism, Capitalism and the Cunning of History”, New Left Review, n° 56, Mars-Avril 2009.
22 Pierre Bourdieu, La domination masculine, Seuil, 1998, p. 158.