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Kevin Ovenden est secrétaire national de Unite against fascism (Grande-Bretagne). Cet article constitue un prolongement à « La Grèce, l’État et l’antifascisme ».

 

La conférence internationale antifasciste qui s’est tenue à Athènes les 5 et 6 octobre derniers à l’initiative de KEERFA (coalition antifasciste/antiraciste grecque) a constitué un grand pas en avant.

Quelques 600 personnes, représentant un large spectre de la gauche et du mouvement social dans son ensemble, se sont réunies dans la foulée de l’immense émotion populaire qu’a suscité l’assassinat du très apprécié rappeur antiraciste, Pavlos Fyssas, par des nervis d’Aube dorée.

Cette révolte populaire, ajoutée à la très active campagne antifasciste en cours, a poussé le gouvernement – une coalition de centre droit et de quelques vestiges du centre gauche – à finalement agir contre fascistes. Ces dernières semaines ont été le théâtre de spectaculaires arrestations de dirigeants d’Aube dorée et de descentes dans leurs locaux.

S’il existe encore l’ombre d’un doute sur le fait que les représentants d’Aube dorée ne sont pas seulement une organisation raciste d’ « extrême droite » mais également une initiative dédiée à un projet néonazi, alors cette photographie1 du numéro deux du parti, Christos Pappas en ces jeunes années, devraient la dissiper.

La photo a fait irruption dans une scène médiatique grecque saturée au jour le jour par des récits et des reportages qui mettent en cause l’organisation fasciste. Cela fait une différence avec ce qu’il en était deux mois plus tôt, quand la plupart du champ médiatique se contentait d’un silence coupable ou d’une indulgence vis-à-vis des stigmatisations et du racisme à l’encontre des immigrés. Le gouvernement se refusait alors à prendre la moindre mesure à l’encontre d’Aube dorée (et certaines figures de premier plan du centre droit laissaient ouverte la possibilité de former une coalition avec eux). Ce gouvernement était lui-même l’artisan des politiques les plus racistes et les plus autoritaires de tous ses homologues de l’Union européenne.

Ce qui a été absolument crucial dans le changement qui est intervenu réside dans l’action du mouvement antifasciste et la réaction au meurtre de Pavlos. Ce mouvement n’était spontané qu’au sens où, par plusieurs milliers, les militant•e•s, souvent jeunes, ont su ce qu’ils et elles avaient à faire instinctivement et sans attendre un cri de ralliement central. C’était le résultat de près d’un an de campagnes antifascistes de masse et, par contagion dans la base de la société, des idées qui ont guidé ce mouvement ascendant.

Le gouvernement espère maintenant reprendre le contrôle. Il espère détourner le mouvement et l’enserrer dans les limites des processus légaux et constitutionnels – une approche déjà expérimentée par la social-démocratie agonisante et poids plume de la coalition, le Pasok.

De cette manière, il tente de regagner en légitimité en se présentant comme gardien de la démocratie, et de convertir tous les éventuels gains de capital politique en nouvelles mesures d’austérité – la Grèce se dirige actuellement vers une crise de la dette et de déficit approfondie l’année prochaine, dans un contexte de résistance sociale et ouvrière extraordinaire et permanente.

Ce gouvernement espère piéger la gauche, en particulier la gauche parlementaire, dans un « arc constitutionnel » impuissant et illusoire, dirigé par le centre droit, tout en continuant à dénoncer la gauche radicale comme « l’autre facette de la pièce » fasciste et comme un danger pour la démocratie à la mesure d’Aube dorée.

L’ampleur, la base sociale, l’orientation précise et affûtée de la conférence du 5 et 6 octobre, tout comme la résolution de plus en plus nette du mouvement ouvrier, suggèrent que les espoirs du premier ministre Antonis Samaras et son gouvernement pourraient être déçus.

 

Le mouvement et sa fin forment un même tout

Maria Psarra, qui travaille au journal de centre gauche Ethnos, faisait partie des intervenantes de la conférence. Elle figure désormais parmi les principaux auteurs qui font la lumière sur les crimes et le véritable projet politique d’Aube dorée. La rédaction du journal a résolu de lui fournir plus d’espace éditorial dans sa production quotidienne que ce qui était le cas auparavant.

Elle a déclaré aux participant•e•s de la conférence – qui formait une audience particulièrement jeune et tout juste sortie des récents mouvements sociaux – qu’il est indéniable que c’est leur activité et celle du mouvement qui est responsable du changement abrupt de la politique d’État grecque vis-à-vis d’Aube dorée.

Ce n’est pas seulement l’éruption ayant suivi le meurtre de Pavlos, a-t-elle ajouté, mais aussi le mouvement en cours qui a consisté en des centaines de mobilisations locales et de meetings, ainsi qu’une manifestation nationale historique de 20 000 personnes contre Aube dorée le 19 janvier de cette année. Maria a également précisé que l’information qu’elle relaye avec d’autres dans les grands médias est elle-même un produit du mouvement.

Javed Aslam, une figure de la communauté grecque pakistanaise, a souligné que nous en sommes là aujourd’hui, à la veille d’une potentielle défaite des fascistes, avant tout parce qu’une partie de la gauche a décidé, il y a plusieurs années, de forger une alliance durable avec la communauté musulmane et d’autres communautés immigrés en Grèce – s’élevant contre le fascisme, la répression d’État (et notamment les rafles d’immigrés pakistanais menées sous la bannière de l’antiterrorisme), le racisme populaire et l’islamophobie.

Le gouvernement et les gratte-papier à son service tentent de se présenter comme les agents majeurs, sinon principaux, de la déroute des fascistes. D’autres – dont un certain nombre qui devraient pourtant être au fait de ce genre de choses – sapent à leur insu l’assurance du mouvement, et des politiques qui lui donnent sa cohésion, en reléguant l’impact de cette large et radicale campagne de masse antifasciste à ce qui serait à peine « un facteur » parmi tant d’autres : la plupart du temps, il s’agit de réduire cet impact à un facteur « objectif », « structurel », ou encore à une donnée extérieure au mouvement.

Il y en  a même qui, depuis une posture « anti-État » et à partir d’une préoccupation légitime à l’encontre de la tentative de l’État de capitaliser sur cette initiative politique, en sont venus à tordre la réalité dans le sens d’un prisme idéologique qui suggère que la fureur antifasciste est entièrement, ou au moins très largement, manipulée par « l’État ».

Ainsi, Samaras est censé avoir agi selon un plan minutieusement concocté pour renforcer l’État en feignant d’attaquer les fascistes mais avec le but, à peine voilé, de mener une offensive sévère contre la gauche, et de détruire le mouvement ouvrier et social.

La distance historique rend souvent difficile de démêler les causes premières et immédiates des plus secondaires et moins directes quand il s’agit d’événements et de périodes dans un passé relativement lointain. Nous avons la chance de vivre cette tragédie historique et d’avoir des preuves irréfutables des machinations qui se jouent au plus haut sommet et d’avoir une expérience directe de la lutte par en-bas.

Nous savons grâce au journal interne de la droite grecque et des hommes d’affaires, Kathimerini (qui pourrait être comparé au Daily Telegraph en Grande-Bretagne, au Figaro en France et au Wall Street Journal aux États-Unis), qu’il y a en effet eu, à la fin du mois d’août, des discussions au sommet au sein du parti de droite Nouvelle démocratie concernant la manière de réagir face à la montée d’Aube dorée.

Mais il n’en est pas sorti qu’il fallait alors déployer tout l’arsenal de l’appareil judiciaire anticriminalité contre ces nazis. Bien au contraire, il s’agissait de lancer à l’automne un vaste assaut contre les migrants, de faire monter le racisme sur la plan rhétorique comme institutionnel, et de redoubler la propagande déployée contre la gauche rappelant ainsi les années de guerre civile contre le mouvement ouvrier et communiste. Il s’agissait donc de reconquérir les votes favorables aux fascistes en s’adaptant grossièrement à eux.

Cela consistait à demander aux gens de préférer une imitation « bourgeoise » et modérée à l’agitation « plébéienne » et militante – imitation qui n’a jamais manqué une occasion, depuis les gouvernements autoritaires pré-hitlériens en Allemagne jusqu’à aujourd’hui, d’enhardir les fascistes. Un avant-goût de cette politique criminelle a eu lieu à l’occasion du discours de Samaras en date du 7 septembre à l’occasion du rassemblement annuel à Salonique de l’association patronale grecque, alors que 50 000 manifestants ont assiégé l’événement.

Nous savons également qu’il y a eu quelques timides et silencieuses inquiétudes de la part de ministres européens en regard de la montée des nazis en Grèce. Il y a eu une poignée de prises de parole plus claires et directes, souvent portées par les très bons rapports d’ONG telles que Amnesty International, conçues pour faire reliure les valeurs « européennes » et « progressistes » du projet d’Union européenne.

Mais il n’y a eu aucune mesure prise à l’encontre d’Aube dorée de la part de l’Union européenne. Malgré quelques protestations respectables, l’une de ses députés – rien de moins que l’épouse du führer, désormais emprisonné, Michaloliakos –, aussi absurde que cela puisse être, a été autorisée à compter parmi la délégation grecque lors de la réunion du Conseil européen, gardien de la Convention européenne des droits de l’Homme.

L’UE a imposé sa politique de l’Europe forteresse tout au long de la dernière décennie – mise en œuvre en Grèce par Frontex, traqueurs de Noirs et de basanés qui opèrent à la frontière de la Turquie, et dans toute l’Europe du sud, et qui a récemment engendré l’assassinat de masse et multiétatique qui a consisté à laisser se noyer des migrants au large de l’île italienne Lampedusa. Et c’est bien l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le FMI – la troïka – qui ont évidemment imposé, à l’appui du patronat grec, l’austérité dévastatrice.

 

Voilà donc les circonstances « objectives », à peine modifiées en cinq années de crise si ce n’est pour mieux s’accommoder avec l’extrême droite et pour devenir plus vicieuses encore.

C’est simplement et de toute évidence l’éruption de la lutte antifasciste, appuyée par une campagne de masse soutenue, qui a transformé la situation en l’espace de deux semaines – cela et, de manière connexe, l’échec des fascistes dans leur tentative de prise de contrôle des quartiers à coup de combats de rue à grande échelle tout au long de l’année dernière. La faible mobilisation suscitée par Aube dorée en protestation contre les arrestations menées à l’encontre de leurs dirigeants constitue la preuve de cet échec. Le mouvement antifasciste a consciemment cherché à cliver Aube dorée, entre son noyau nazi et sa périphérie plus molle. C’est bien le mouvement politiquement conscient qui a remodelé les conditions « objectives » et, à travers une action de masse, collective et organisée, qui est devenu un facteur « objectif » en soi : les circonstances critiques d’hier ont été héritées par la lutte d’aujourd’hui pour en faire une potentielle victoire de demain.

La réponse du gouvernement grec est, évidemment, calibrée pour construire un bloc politique à même de le renforcer, de s’accrocher au mouvement et même pour en prendre la tête. Il serait idiot de sous-estimer cela. Mais c’est loin d’être cohérent, et encore moins planifié.

Cela a été une réponse ad hoc, en réaction et au coup par coup. C’est par le biais d’organisations politiques, mettant en œuvre des stratégies et des tactiques précises, que les intérêts de la classe dirigeante et de la direction de leurs organes étatiques se matérialisent. L’instrument que constituent la Nouvelle démocratie et la coalition gouvernementale qu’elle dirige est faible. Cet instrument agit dans des circonstances qu’il n’a pas choisies et dans lesquelles le « facteur » principal et immédiat est à la fois en franche opposition, et également capable de développer sa propre analyse politique – dirigée non seulement contre les fascistes mais aussi contre la classe politique dont les fascistes sont la maladie incubée.

 

La lutte, la politique et la loi

Ce sentiment et cette analyse traversaient la conférence de KEERFA tandis qu’elle délibérait soigneusement sur les prochaines étapes concrètes et au sujet des revendications du mouvement. La traduction du communiqué et de l’appel qui en sont le fruit sont disponibles en ligne2.

La composition des participant•e•s allaient de militant•e•s des années de guerre civile et de lutte contre l’occupation nazie, en passant par des universitaires et des figures publiques telles que Dimitris Kousouris (qui fut victime, en 1998, d’une agression d’Aube dorée qui a failli lui être fatale) jusqu’à la jeune femme qui est victime de poursuites pour avoir poussé des dirigeants d’Aube dorée dans le port de La Canée, en Crète.

On y trouvait aussi des représentant•e•s des communautés immigrées en Grèce, des élus tel que Petros Constantinou (l’organisateur de KEERFA qui fait face à des poursuites à l’initiative de l’État au motif de s’être prononcé en défense des Albanais tués par la police), des responsables syndicaux – notamment de la chaine publique, ERT, toujours occupée et gérée par les salarié•e•s. La chaine occupée a d’ailleurs retransmis en direct la conférence et cela a suscité une couverture média plus large encore.

Pour signe du dynamisme de la nouvelle situation, le représentant de la communauté pakistanaise, Javed Aslam, a été appelé à témoigner devant la plus haute court grecque contre Aube dorée : auparavant, il avait eu à faire face à une véritable chasse au sorcière mise sur pied par le gouvernement et par son prédécesseur, le Pasok, et avait été menacé d’être trainé devant les tribunaux, cette fois en tant qu’accusé.

Des avocat•e•s – y compris ceux et celles représentant les victimes des fascistes comme, par exemple, la famille de l’ouvrier pakistanais assassiné, Shehzad Luqman – ont apporté une contribution importante à la conférence.

Lorsque les gens sont en premier lieu émus par quelque chose d’aussi vital que la préoccupante montée du fascisme, la première réaction est d’essayer de trouver des réponses légales – c’est que, de manière assez compréhensible, nous sommes supposés vivre en démocratie, dans un État de droit, il existe donc probablement des actions légales contre la criminalité des bandes fascistes.

Face à l’impuissance, ou encore à la collaboration avec le fascisme et le racisme de la police, des juges et du système pénal – tout le noyau de l’appareil répressif étatique –, il est compréhensible de rapidement  ressentir un réel mépris pour tout appel au recours légal. Bien que cela soit le fruit de germes de sagesse, cela ne constitue pas en soi une réponse positive à la menace.

 

Les avocat•e•s antifascistes – eux et elles-mêmes militant•e•s au sein du mouvement et également défenseurs et défenseuses des droits des victimes du fascisme et du racisme – ont plaidé, lors de la conférence, pour une approche stratégique à même d’unifier le mouvement (très inégal en termes d’expérience et d’assurance) plus largement encore, de contrecarrer les tentatives de le réduire à un simple processus constitutionnel, et mener la bataille politique jusqu’au cœur des partis au pouvoir et de l’État.

Comme en Grande-Bretagne, c’est l’État grec qui détient la capacité de porter l’accusation. Nous avons déjà vu ce qu’on pourrait appeler, au mieux, l’incompétence des autorités judiciaires : la semaine dernière un juge a transféré aux avocats des fascistes les données personnelles d’une personne qui les avait dénoncés.

Le mouvement ne se contente pas de fournir les preuves sur lesquelles se basent les poursuites judiciaires, et le travail des militant•e•s ne s’arrête pas au fait de permettre un examen public des procès en rapportant des comptes rendus précis. Un des cris de ralliement de la conférence d’Athènes était que le mouvement antifasciste devait lui-même monter les poursuites et l’investigation publique d’Aube Dorée, sans se limiter à la collusion avec les institutions de l’État, les hommes d’affaires et les personnalités politiques.

C’est de manière collective que le mouvement devra insister – dans le cadre d’une procédure légale qui s’apparente à une « poursuite privée » (private prosecution) dans le droit britannique – sur le fait que des avocat•e•s antifascistes de confiance devront faire partie des procès officiels en tant que « coplaignant•e•s », pour poser les questions, interroger, et pour apporter les preuves et les témoignages qu’on ne peut vraisemblablement pas attendre de l’État.

 

Plutôt qu’un débat abstrait et alambiqué sur « action légale vs. mouvement », l’expérience collective des participant•e•s de la conférence d’Athènes les a conduit•e•s vers une réponse plus profonde et plus concrète : faire entendre le mouvement, imposer sa présence, jusqu’aux sacrosaintes délibérations au sommet.

La stratégie consiste à pousser les limites posées par l’establishment, soit jusqu’à ce qu’il se brise, soit jusqu’à ce qu’il soit visible aux yeux de toute la société – dans les deux cas ce serait une avancée énorme, pas seulement pour la lutte contre les fascistes, mais également dans la lutte pour une alternative véritablement juste et démocratique qui remplacerait le système qui a permis à cet establishment de se développer.

La réponse apportée à cette équation, inextricable pour bien des militant•e•s, – comment aller d’une lutte contre vers une lutte pour – n’est pas apportée par un mouvement d’idées ou d’idéologie, ni par une défense grossière et brutale de la nécessité d’une « Idée du communisme », comme le philosophe, engagé contre le racisme, Alain Badiou l’a récemment fait dans un article3 assez décevant. C’est plutôt au travers des luttes de masses réelles du peuple que ce projet se dessine – guidé par une politique basée sur le « mouvement indépendant de l’immense majorité dans l’intérêt de l’immense majorité », ainsi que Marx et Engels définissaient la tradition politique communiste et socialiste en 1847 dans Le Manifeste du parti communiste.

 

Un appel à la résistance à l’échelle européenne

Un séance de la conférence d’Athènes a consisté en une plénière réunissant quelques représentant•e•s de mouvements antifascistes de divers pays d’Europe. Partout sur le continent, la lutte contre le fascisme, le racisme, la xénophobie et l’islamophobie est fermement à l’ordre du jour. Il existe évidemment des particularités nationales – diverses imbrications entre racisme d’État et racisme de l’extrême droite, influence plus ou moins importante de la droite populiste, de l’extrême droite et des forces ouvertement fascistes.

Mais la lutte en Grèce – tout comme la lutte de classes contre l’austérité – nous offre des leçons essentielles, à condition qu’elles soient appliquées au travers de la construction de mouvements unitaires et déterminés dans chaque État européen. L’appel lancé lors de la conférence, pour une journée européenne d’action le 22 mars lors de la période préélectorale de 2014, constitue un appel salutaire en cela qu’il fournirait un horizon à des mobilisations nationales et à l’action internationale coordonnée.

L’attention du mouvement est clairement tournée vers le fascisme et l’extrême droite, mais elle barre plus généralement la route aux idées racistes, islamophobes et xénophobes. En conséquence, et puisque la centre droit est au pouvoir dans la plupart des régions d’Europe en donnant du crédit au racisme (c’est le moins qu’on puisse dire), la poussée politique générée par le 22 mars frappera la droite sous toutes ses formes, directement et indirectement.

Les diverses formations antifascistes ont réagi de manière très positive, comme elles l’ont fait lors de la journée internationale de solidarité avec la Grèce le 19 janvier – une journée très réussie qui a rassemblé des traditions aussi diverses que les sociaux-démocrates européens mainstream et les groupes radicaux « antifa ».

M22 – pour 22 mars – fournit les bases d’une lutte unitaire mais conséquente à même de percer jusqu’au cœur du mouvement ouvrier et de l’opinion publique progressiste, de manière à les faire pencher plus à gauche. La galaxie des forces en présence et le type de mobilisation varieront sans nul doute selon le développement du mouvement et de la réalité de chaque pays. Mais l’idée de construire une coalition large et pourtant radicale, de chercher à se coordonner avec des formations similaires, est un principe qui entraîne une dynamique à travers tout le continent.

La gauche radicale en particulier a de fortes chances, grâce à la lutte formidable du mouvement grec, d’avoir un effet politique immédiat tout en renforçant ses propres rangs. Ceux et celles parmi nous qui faisons partie de cette gauche aurions intérêt à nous rassembler pour saisir cette opportunité.

Unite Agaist Fascism, la principale coalition antiraciste en Grande Bretagne, était représentée à la conférence par notre président national Steve Hart – issu du plus grand syndicat britannique Unite – et par son secrétaire national, Weyman Bennett.

Ils ont été très favorables à l’appel pour une coordination renforcée avant les élections européennes (UAF a déjà développé une stratégie de campagne nationale). L’appel de la conférence d’Athènes sera très prochainement étudié par les permanent•e•s élu•e•s au niveau national.

La manifestation très étendue et bien coordonnée du 19 janvier constitue un modèle, non seulement pour des mobilisations plus vastes le 22 mars, mais aussi pour une campagne de masse unie contre le fascisme et l’extrême droite jusqu’au 22 mars et au-delà.

 

Tous ensemble, unity, hep birlikte, vereingt euch, l’unita, oloi mazi

La gauche en Grèce est vaste et dispersée. C’est le reflet d’un passé turbulent et d’une résistance continue de la part des classes ouvrières et de ses forces alliées depuis la chute de la junte des colonels il y a quatre décennies.

La division organisationnelle de la gauche est – de façon générale et au moins du point de vue des forces ayant un minimum d’influence – reflète de profondes différences aussi bien politiques qu’en termes stratégiques.

Le succès remporté en Grèce par la lutte antifasciste jusqu’à aujourd’hui ne saurait être mis sur le compte de l’unité de la gauche dans une seule organisation, aussi séduisant que cela puisse être.

Ce succès est plutôt imputable à la détermination à construire une unité du mouvement. Ceci impliquait – simultanément – des arguments fermes pour une politique qui priorise un mouvement militant de masse, et une collaboration avec un large spectre – et pas seulement avec la gauche traditionnelle – mais, bien plus crucialement encore, qui inclut des nouveaux et nouvelles arrivant•e•s en Grèce qui arrivent tout frais émoulus dans cette lutte.

Alors que la crise continue à déchirer l’Europe et bien au-delà, les leçons qui émergent depuis la Grèce de l’actuelle lutte en plein effervescence (en opposition avec les tentatives de fondre ces développements dans des moules idéologiques) deviennent de plus en plus vitales.

 

Puisque j’écris depuis Londres, je ne peux m’empêcher de penser à une leçon précise, à savoir le besoin d’organiser une réponse unitaire et de masse – ce qui implique d’être prêt•e•s à plaider, avec fermeté s’il faut, pour des tactiques précises basés sur la meilleure estimation vers laquelle nous pouvons aller collectivement, mais toujours dans un esprit qui prenne à cœur la nécessité de l’unité, et qui garde en tête que notre ennemi est à droite, quelles que soient nos différences à gauche.

 

Traduit de l’anglais par Félix Boggio Éwanjé-Épée, Stella Magliani-Belkacem et Samr T., avec l’aimable autorisation de l’auteur.

La version originale de cet article a été publiée sur left-flank.org (http://left-flank.org/2013/10/08/athens-anti-fascist-conference-a-milestone-for-the-left/)

Illustration: Vladan Nikolic (Zrenjanin, Serbie). Voir également sur le site de Risha Project: http://rishaproject.org/pub13.html

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