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Andrés Arauz, qui entend reprendre l’héritage de la présidence de Rafael Correa, est arrivé en tête au premier tour des élections en Équateur. De son côté, Yaku Pérez, le candidat du mouvement indigène, obtenait près des 20% de voix. Ainsi sont réapparus en pleine lumière les deux courants de gauche, fruits de l’histoire et des appréhensions antagonistes de l’extractivisme. Chargé d’étude au Centre Tricontinental, Frédéric Thomas donne ici des clés pour penser ces divergences. 

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Le premier tour des élections en Équateur, le 7 février 2021, a attisé l’intérêt et l’espoir. Il a attiré les regards du continent et même au-delà, suscitant une prolifération de commentaires, réflexions et prises de position. Arrivé loin en tête, avec près d’un tiers des voix, Andrés Arauz, économiste de 36 ans, entend reprendre la politique progressiste de son mentor, l’ancien président Rafael Correa, qui a dirigé le pays de 2007 à 2017. La deuxième place était disputée par le candidat de la droite, Guillermo Lasso, et le représentant de Pachakutik, le bras politique du mouvement indigène, Yaku Pérez, ayant chacun obtenu un peu moins de 20% des voix. La perspective d’un second tour opposant Arauz et Pérez mettait au-devant de la scène les deux (principaux) courants latino-américains qui se disputent, à gauche, l’alternative au néolibéralisme, voire au capitalisme.

La possibilité et l’orientation du changement de cap en Équateur rebondissant au regard de l’actualité régionale. L’éventualité d’une rupture post-néolibérale dans le pays andin suit, en effet, le retour du parti d’Evo Morales, le Mouvement vers le socialisme (MAS), au pouvoir en Bolivie, fin 2020. Elle est contemporaine, par ailleurs, de la prochaine mise en place d’une assemblée constitutionnelle au Chili, suite aux journées insurrectionnelles de l’automne 2019. Enfin, elle met sous les projecteurs la probabilité que la coalition de gauche passe le premier tour des élections péruviennes le 11 avril prochain. L’hypothèse d’un nouveau tournant politique en Amérique latine est-elle à l’ordre du jour ?

Mais, finalement, après un recomptage partiel des votes – moins de 33.000 voix (0,35% des votes) séparent les candidats à la deuxième place – et un certain imbroglio, c’est Lasso qui devrait affronter Arauz au second tour, le 11 avril prochain (le recours de Pérez, évoquant une « fraude électorale », a été rejeté)[1]. Quoi qu’il en soit, le bon score de Pérez, auquel vient s’ajouter la surprise créée par Xavier Hervas, le candidat de la social-démocratie historique, ayant récolté plus de 15% des voix, en leur donnant une visibilité majeure, offrent l’occasion de revenir sur ces diverses options de gauche.

Force est de constater que le débat a vite et majoritairement tourné à la polémique. La polarisation sur la figure de Rafael Correa (interdit de se présenter aux élections ; d’autres mesures légales, à la légitimité douteuse, le visant personnellement ou son mouvement avaient été prises) et la mauvaise gestion du contentieux électoral ont encore accentué la difficulté à appréhender théoriquement les enjeux, les convergences et les désaccords. Or, ceux-ci plongent leurs racines dans le double nœud du bilan du tournant post-néolibéral en Équateur et de l’extractivisme, et pâtissent d’une crispation idéologique qui « neutralise » ces différends.

 

Un pays en crise

Le nombre élevé de candidats présidentiels – seize (dont une seule femme) : un record – ouvrait la voie à une dispersion du corps électoral. Il n’en a pourtant rien été, puisque les quatre premiers candidats rassemblent 87% des votes. Par-delà ce qui les sépare et les oppose, ils ont un point commun : le rejet du gouvernement de Lenin Moreno. Dauphin de Rafael Correa, auquel il a succédé en mai 2017, avant d’opérer un virage libéral et de se retourner contre lui, la présidence de Moreno s’est distinguée par la mauvaise gestion de la crise économique et sanitaire, accentuant un peu plus la dégradation de tous les indicateurs socio-économiques, ainsi que le fossé entre la population et la classe politique.

À la veille du premier tour des élections, le pays comptait plus de 250 000 cas confirmés et près de 15.000 morts – le sixième bilan le plus élevé du continent – dûe à la covid-19. On se souvient des images désastreuses de cadavres dans les rues de Guayaquil, au cours des premières semaines de la pandémie. Plus récemment, alors que 8 190 doses seulement de vaccins avaient été reçues le 20 janvier 2021, pour une population de plus de 17 millions d’habitants, éclatait le scandale du ministre de la santé : celui-ci a fait vacciner plusieurs membres de sa famille et ses proches (il a démissionné fin février). La gestion de la covid-19 constitue un miroir grossissant de la faiblesse des infrastructures de santé, de la corruption et de l’incurie du pouvoir.

La pandémie a accéléré et aggravé la détérioration déjà en cours de la situation sociale. La population vivant sous le seuil de pauvreté, est passée, de juin 2015 (son taux le plus bas) à décembre 2020, de 22% à 32,4%, tandis que les inégalités ont augmenté[2]. Le surendettement du pays – qui a atteint 65% du PIB – a poussé le gouvernement à négocier un prêt auprès du Fonds monétaire international (FMI). Les conditions imposées sont à l’origine directe du soulèvement populaire d’octobre 2019, au sein duquel le mouvement indigène a joué un rôle central[3]. Si Pérez ne fut pas l’une des figures emblématiques du mouvement, il est bien porté par celui-ci, et sa candidature « bénéficie de cette vision renouvelée de la politique indigène »[4].

Quel que soit le prochain président, il devra donc rapidement apporter une réponse à la double crise économique et sanitaire, qui sanctionne l’impopularité du gouvernement actuel. La lecture des résultats du premier tour des élections, au regard du défi à relever, emprunte deux voies distinctes. Il s’agit, à l’évidence, d’un rejet massif du néolibéralisme, dont Guillermo Lasso est le représentant, puisque, ensemble, les trois candidats positionnés à gauche, réunissent les deux-tiers des votes. Mais, ne peut-on pas arguer également – et Lasso ne s’en n’est pas privé – qu’il s’agit plutôt d’un refus de tout retour à l’autoritarisme des gouvernements de Rafael Correa ? Car, si Lasso fut le principal opposant électoral à Correa, en 2013, et à Lenin Moreno, en 2017, Pérez contesta, dans la rue, la politique minière et pétrolière de Correa, et Hervas s’est également montré critique envers l’ancien président.

Pour être divergentes, ces deux interprétations n’en sont pas pour autant exclusives. Au-delà de la polarisation du champ politique, elles soulèvent la question des alternatives : le néolibéralisme ou le progressisme constituent-ils les seules politiques possibles ? Le dilemme est-il fixé sur cette dichotomie ; la stratégie mise en œuvre, en son temps, par Corrrea, est-elle la meilleure ou la seule possible ? La confrontation Lasso-Arauz normaliserait en ce sens le principal, sinon l’unique, clivage Gauche-droite. Paradoxalement, en « simplifiant » les contours et enjeux de l’antagonisme, en les réinscrivant dans le récit politique « traditionnel », la présence de Lasso au second tour accroît les chances d’Arauz de gagner ces élections. Il aurait été plus compliqué, en effet, pour lui, d’affronter Pérez.

 

Un bilan problématique

L’étonnant n’est pas le champ composite de la gauche équatorienne, mais l’étonnement des commentateurs face à la « dispersion » des forces. Plutôt que d’une méconnaissance de l’histoire politique, en général, et des quinze dernières années en Équateur, en particulier, cela témoigne d’un biais idéologique. Manière d’invisibiliser les tensions et divergences au sein des gauches, ainsi que le parcours conflictuel des trois gouvernements successifs de Correa. Ignorer ce passé et ce passif, c’est se condamner à ne pas comprendre la situation actuelle. Ou à la fausser.

Rafael Correa arrive au pouvoir en 2007, dans un contexte régional de tournant post-néolibéral[5], et national de mobilisation de mouvements sociaux, dont le plus important était la Conaie (Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur), issu d’un spectre commun de combats et de références théoriques, et qui sont fédérés autour d’un agenda anti-néolibéral : la révolution citoyenne. Mais, au bout de deux ou trois ans, cette alliance se rompt ; avant tout sur la question de la politique des ressources naturelles. D’un côté, le gouvernement reprend une stratégie extractiviste – l’extraction de matières premières peu ou pas transformées, en l’occurrence ici, surtout le pétrole, destinées principalement à l’exportation[6] – pour assurer une politique de redistribution et de lutte contre la pauvreté. De l’autre, un conglomérat d’acteurs, dont la Conaie, qualifiés de « gauche écologique » ou de mouvement post ou anti-extractiviste, qui rejettent cette stratégie, en raison de son coût socio-environnemental et de sa matrice « développementiste » (voir plus loin)[7].

Comme le remarque Thea Riofrancos, la rupture de l’alliance est aussi le fruit d’une réinterprétation, d’une réorientation du « radicalisme des ressources », qui faisait auparavant leur terreau commun. La question n’est plus centrée sur la nationalisation et l’expropriation, mais sur la distribution de la rente, du côté des acteurs étatiques, sur la résistance au modèle extractiviste, du côté des mouvements protestataires. Au moins, poursuit la chercheuse, ces deux courants étaient « d’accord sur une chose : pour chacun, l’autre représentait une perversion de la gauche, une perversion particulièrement insidieuse parce qu’elle se cache derrière le langage de la transformation radicale. Chaque camp a accusé l’autre de trahir les principes d’égalité socio-économique, d’émancipation populaire et d’anti-impérialisme qui ont défini la gauche latino-américaine pendant plus d’un siècle »[8].

L’antagonisme était singulièrement aigu, puisqu’il portait sur des questions essentielles, et était interprété en termes de trahison. La conflictualité ira croissant, en lien avec l’accentuation de l’extractivisme, la répression et la criminalisation de la protestation sociale, et la mise en évidence des limites et coûts de cette stratégie gouvernementale. Parallèlement, la centralisation et la personnalisation du pouvoir, liées à la politique économique poursuivie[9], sont allées de pair avec la mise à mal de l’autonomie – organisationnelle et territoriale – des acteurs, que le gouvernement cherchait à coopter ou contrôler. La polarisation autour de la figure de Correa provient de cette histoire et de cette manière de gouverner. Cela a non seulement laissé des « blessures politiques profondes »[10], mais aussi configuré le (non) débat.

Du côté de Correa (et de ses soutiens), par un mélange d’autoritarisme et de paternalisme, l’opposition à sa politique a systématiquement été délégitimée, comme gauche et écologisme « infantiles », « environnementalime de cocktail », instrumentalisés par des ONG internationales, manipulant les peuples indigènes, et faisant le jeu de la droite et de l’impérialisme. Bref, un faux débat porté par une fausse gauche. Du côté des opposants, la tendance sera à minorer les acquis sociaux – réduction de la pauvreté et des inégalités (du moins jusqu’à 2014), et mise en place de politiques sociales – du régime, ainsi que les contraintes structurelles et le poids des classes dominantes, en mettant l’accent sur le « modèle de développement » ou l’aspect civilisationnel.

Thea Riofrancos éclaire la logique narrative de ce glissement :

« si même un gouvernement qui s’identifie comme étant de gauche peut reproduire ou, pire, intensifier l’exploitation rapace de la nature et la subordination des communautés indigènes à une nation définie de manière homogène, violant ainsi les droits collectifs et centralisant le pouvoir, alors, selon les activistes du mouvement social, la racine du problème n’est pas la couleur idéologique des élus, mais le modèle « civilisationnel » qui englobe aussi bien le socialisme que le capitalisme »[11].

C’est donc aussi à l’aune de la cristallisation de cette lecture et des « blessures politiques profondes », qu’il convient d’interpréter la focalisation d’une partie du mouvement social sur la figure de Correa. De même, éclairent-ils (sans les justifier), des positionnements ambigus, voire problématiques, comme la fameuse phrase de Yaku Pérez lui-même, au second tour des élections de 2017, justifiant son appui à Guillermo Lasso face à Lenin Moreno, en affirmant : « je préfère un banquier à une dictature ».

Outre que Pérez avait une expérience plus directe et « concrète » de la confrontation à la « dictature » précédente de Correa – ayant été arrêté à plusieurs reprises au cours de manifestations –, les conditions du conflit tendaient à mettre au premier plan la puissance de l’État, en tenant à distance les acteurs économiques, et la surdétermination de la logique capitaliste de l’accumulation marchande. À cela vient s’ajouter l’hétérogénéité du mouvement indigène. Mais les ambiguïtés, zones d’ombre et contradictions de ce dernier ont leur pendant auprès des partisans (d’hier et d’aujourd’hui) de la révolution citoyenne de Correa. Leur programme n’est-il pas centré sur une vision figée du néolibéralisme, arrimée à Washington et aux institutions financières internationales, et une appréhension neutre de l’exploitation des ressources naturelles ? En réalité, le capitalisme demeure hors-champ de part et d’autre.

À l’instar d’autres pays de la région, la stratégie mise en œuvre par le gouvernement de la révolution citoyenne était doublement liée au boom des prix des matières premières et à la demande chinoise exponentielle. La chute des prix et l’endettement obligèrent l’État à accroître l’extraction de pétrole et à accélérer les projets de méga-mines à ciel ouvert. Et ce, alors même que la légitimation première de cette politique, à savoir la lutte contre la pauvreté, n’opérait plus (ou moins). Ainsi, entre 2007 et 2011, grâce aux programmes sociaux financés par l’exportation des ressources naturelles, la pauvreté et les inégalités reculèrent de manière importante en Équateur. Mais, à partir de 2012-2013, elles demeurent stables – en milieu rural, elles augmentent même depuis 2014 –, avant d’exploser depuis 2019.

Nombreux sont les analystes de gauche à reporter sur le tournant néolibéral du gouvernement de Lenin Moreno, en 2017, les sources de la crise actuelle, alors qu’elles plongent plus loin ; chronologiquement et structurellement. De plus, attribuer les causes à un changement de conjoncture politique évacue la continuité de la stratégie de développement poursuivie, le lien entre « populisme et nationalisme des ressources », ainsi que la dépendance des programmes populaires de redistribution sociale envers les rentes issues de l’exportation des matières premières sur les marchés internationaux. Enfin, ces analyses tendent à occulter le fait que la contre-offensive des droites tient largement à un retournement d’alliance d’acteurs qui, dans une conjoncture particulière, ont tiré profit de la stratégie mise en place.

Les conclusions que tire Martinez Esguerra par rapport à l’Amérique du Sud se vérifient amplement dans le cas équatorien :

« nombre des avancées politiques et idéologiques de cette période ne se sont pas matérialisées par des changements substantiels dans les structures du pouvoir politique et économique : la région n’a pas été en mesure de sortir de son rôle « subordonné » dans la division internationale du travail en tant qu’exportateur de matières premières, les grandes inégalités sociales ont persisté et les bases du pouvoir politique et social n’ont pas été démocratisées »[12].

C’est aux mêmes conclusions qu’arrivent Théa Riofrancos par rapport à l’expérience équatorienne de l’extractivisme, évoquant « une arme à double tranchant », qui « a permis au gouvernement Correa de répondre aux besoins sociaux sans transformation plus profonde des rapports de classe. Tant qu’il y avait un afflux de rentes pétrolières, le revenu des pauvres pouvait être augmenté sans exproprier la richesse des riches. Juan Ponce et Rob Vos qualifient cette dynamique de « redistribution sans changement structurel ». En fin de compte, c’est le recours continu à un modèle d’accumulation fondé sur l’exportation primaire qui a généré ces formes persistantes de précarité, d’inégalité et de concentration de la richesse – et qui explique en partie le « retrait » politique ultérieur des gouvernements de gauche »[13].

Lorsque, au bout d’une dizaine d’années d’expérience du tournant post-néolibéral, le poids (inchangé, voire renforcé) des « structures du pouvoir politique et économique » est pris en compte dans les réflexions, le désaccord porte alors sur les causes et le rythme de cette transition grippée. D’un côté, les gouvernants de gauche affirment qu’il est illusoire de prétendre renverser, en quelques années, une situation liée à l’insertion subordonnée du continent latino-américain dans une division internationale du travail, marquée par les inégalités ; situation qui est elle-même le fruit de plusieurs siècles de colonialisme et de plusieurs décennies de néocolonialisme. De l’autre, la critique d’un double discours et d’une stratégie de la transition qui passe par la reproduction et le renforcement des rapports extractivistes[14].

 

Gauche universaliste versus néospiritualité identitaire

Plutôt que de prendre acte des divergences, de les analyser et de penser à partir de celles-ci, le débat tourne court et la dénégation l’emporte. Il s’agit alors, pour la majorité des commentateurs, d’interroger « l’anomalie » des diverses options à gauche. Ces dernières en viennent à être réduites et dénoncées dans le triptyque diversion-instrumentalisation-trahison.

Sous un mode mineur, il est ainsi reproché à Pérez de faire diversion, de décentrer, voire d’occulter l’ennemi principal et la lutte première. L’enchaînement se fait rapidement et, un cran au-dessus, c’est de son instrumentalisation qu’il est question : au mieux, la bourgeoisie locale et l’impérialisme international tirent profit des divisions qu’il crée artificiellement ; au pire, il se laisse, plus ou moins consciemment, plus ou moins volontairement, utilisées et manipulées. Enfin, la disqualification et la condamnation se fondent dans la trahison du projet émancipateur.

Cette dynamique intellectuelle présuppose l’unité de la gauche ou, du moins, la supériorité d’un acteur et la primauté d’un combat par rapport aux autres ; à qui, il ne reste, en toute logique qu’à s’aligner… ou à trahir[15]. Si cette manière d’hypothéquer le débat n’est pas propre aux enjeux électoraux équatoriens, elle s’y donne à voir avec évidence, du fait entre autres de la polarisation et des espoirs contradictoires qu’ils ont suscités.

Mais, faute de reconnaître les divergences, d’en retracer l’histoire conflictuelle, et d’en analyser les racines, autour de l’extractivisme, s’opère un retour du refoulé plus ou moins ouvertement raciste. Ainsi, selon l’intellectuel équatorien, Jorge Oviedo Rueda, le « pachamamisme » de Pérez porte en lui « le venin d’un racisme à l’envers », qui revient à ouvrir la voie à « un talibanisme andin »[16]. De son côté, le théoricien du parti de gauche espagnol, Podemos, Juan Carlos Monedero, lors d’une émission de Telesur, questionnait, « à partir de présupposés ouvertement coloniaux, l’identité indigène de Yaku Pérez »[17].

Enfin, dans le Monde diplomatique du mois de février 2021, l’ancien ministre des affaires étrangères de Correa, Guillaume Long, offrait une synthèse des tares et impensés d’une certaine gauche[18]. Après avoir disqualifié toute critique envers Arauz, comme l’expression des droites et des classes supérieures, il opposait le sérieux de celui-ci, « un économiste reconnu » au folklore indigéniste de « Yaku » – Carlos Pérez Guartambel a pris le nom de « Yaku », qui signifie « eau » en kichwa –, qu’il prenait soin de distinguer des « bons » indigènes, qui sont à gauche et – cela va de soi – comprennent et approuvent le programme d’Arauz et la politique de son mentor, Rafael Correa.

Cette lecture des divisions – réelles – du mouvement indigène est erronée, sinon de mauvaise foi. L’aile gauche, incarnée par Jaime Vargas et Leonidas Iza, figures importantes du soulèvement populaire d’octobre 2019 ont à de multiples reprises critiqué, parfois de manière virulente, Pérez. En outre, Iza a appelé à sortir de la polarisation autour de Correa. Cela ne signifie pas pour autant une adhésion ou un ralliement ni même une complaisance envers le corréisme, réaffirmé dans le programme d’Arauz. Et ce sont d’ailleurs ces dirigeants qui ont appelé à un « vote nul idéologique » au second tour ; position, adoptée par la Conaie, lors de sa dernière assemblée, en mars. « Cette position est cohérente avec notre lutte historique, pour notre projet politique qui transcende le temps électoral » assure l’organisation, qui a, de plus, réaffirmé l’unité du mouvement indigène[19].

« Plus intéressé par la pratique du yoga sur la plage et la néospiritualité andine que par l’exposition du modèle de développement qu’il prône », écrit Guillaume Long, « M. Pérez Guartambel mise sur les symboles et les coups d’éclat médiatiques tout en surfant sur la vague identitaire, communautariste et antiextractiviste qui a nourri l’opposition au courant universaliste et développementiste de la gauche latino-américaine ».

C’est une gageure d’avoir réuni en une seule phrase autant d’idées reçues. On en viendrait presque à regretter que Yaku ne soit pas une femme et/ou un noir, afin de tester la capacité de l’ancien ministre à produire des clichés éculés.

Loin de constituer un cas à part, ce mépris est largement institué. Et dépasse le mouvement indigène, pour embrasser l’ensemble des combats « futiles » de la (prétendue) gauche indigène. En témoigne, à quelques jours du scrutin, la sortie de Correa, faisant écho à une prise de position de Pérez. Dans une Amérique latine, favorablement secouée par la quatrième vague féministe, et alors que, sous la pression de la rue, l’Argentine vient de dépénaliser l’avortement, ce dernier marquait, dans un tweet, son soutien au mouvement féministe argentin, espérant que celui-ci se diffuse sur tout le continent. Il affirmait en outre que « l’avortement n’est pas une question de sexualités, mais de santé publique ». C’est à ce positionnement que s’en prit Correa, dans un entretien vidéo, évoquant les avortements « par hédonisme », et/ou en raison d’une « activité frénétique sexuelle »[20].

La sortie de Correa relève moins d’un calcul électoraliste, pour gagner les franges conservatrices de la société équatorienne, que de la réédition d’une prise de position qu’il a déjà manifestée à plusieurs reprises par le passé[21]. Mais révélateur est le relatif silence à ce propos, aux niveaux national et international, des penseurs de gauche – sûrement tournés vers des sujets autrement plus sérieux et fondamentaux –, ainsi que l’invisibilisation de cette question parmi les candidats. Il convient d’ailleurs de remarquer, qu’en la matière, c’est le programme de Xavier Hervas, qui se montre le plus explicite et le plus ambitieux. Il n’a pas hésité à mettre en bonne place une série de mesures autour de la santé sexuelle et reproductive, à promouvoir la création d’espaces d’attention aux groupes de diversité sexuelle, et à « avancer vers la dépénalisation totale de l’avortement »[22].

Il semble bien que le féminisme soit en butte à la même critique de la diversion, au même clivage entre le sérieux et le futile, le principal et l’accessoire. Si l’économiste reconnu, Arauz, dauphin de Correa, est du bon côté – celui de la gauche « universaliste et développementiste » –, les mouvements féministes et indigènes doivent, eux, encore faire un effort ; pour dépasser leurs luttes « particulières », « identitaires » et « communautaristes », opérer la distinction entre un harcèlement de « gauche » ou de « droite », et se défaire de revendications déplacées et intempestives, qui divisent inutilement l’universel, et font le jeu des classes dominantes.

En son temps déjà, le sous-commandant zapatiste Marcos raillait, à propos de l’extractivisme mis en œuvre par le gouvernement de Correa sous un discours écologiste et anti-impérialiste, l’appétence d’une certaine gauche pour une lecture biaisée et réconfortante. « À la recherche d’un contre-modèle, cette gauche est parfois prête à fermer les yeux sur certains « détails » »[23]. Ce récit, encore très prégnant, et dont l’article de Long constitue un exemple emblématique, fonctionne selon une pseudo-dialectique de l’essentiel et de l’accessoire, de l’universel et des « détails ». Narratif de la dénégation et de la dépolitisation, il ne reconnaît ni l’autonomie ni le caractère politique des mouvements féministes et indigènes. Encore moins est-il capable de remettre en question ses bases théoriques, ainsi que les séparations – entre vie privée et vie publique, économie et politique, culture et nature, etc. –, qui les instituent et qu’il consacre. Ni, enfin, de reconnaître que l’enjeu et le désaccord premiers portent justement sur ce qui est important ou non, ce qui relève ou non du politique et du commun.

Bien sûr, le problème n’est pas nouveau et trouve largement ses racines dans les traditions du mouvement ouvrier, en général, et du marxisme, en particulier ; dans leur difficulté (ou leur refus) à appréhender d’autres clivages que celui des classes sociales. Il serait cependant erroné de réduire ce défaut à l’œuvre de Marx. D’une part, parce qu’on trouve dans ses écrits des éléments épars pour penser d’autres luttes, et, d’autre part, parce qu’on peine à repérer l’équivalent d’une économie critique des modes de production, ni même d’ailleurs une analyse des rapports sociaux de classes, au sein des gauches gouvernementales[24].

L’extractivisme constitue tout à la fois l’un des principaux nœuds conflictuels, qui divise non seulement la gauche et la droite, mais aussi, au sein même de la gauche, et, en partie du moins, le point aveugle de la critique du capitalisme et des programmes d’une transition.

 

L’extractivisme au milieu du chemin

Entre 2000 et 2013, alors que le commerce de biens entre le continent latino-américain et le reste du monde a triplé, celui avec la Chine a été multiplié par vingt-deux. Pékin est devenu le deuxième partenaire commercial du continent, derrière les États-Unis (avec qui l’Équateur a signé, en décembre 2020, un accord commercial « de première phase »), en supplantant l’Union européenne. La montée en puissance de la Chine dans les rapports commerciaux avec l’Amérique latine a constitué un catalyseur du processus de « reprimarisation » du secteur exportateur. La part des matières premières dans les exportations du continent est, en effet, passée de 27% au début des années 80 à 40% en 2009[25].

Entre 2005 et 2018, la part de la Chine dans les importations équatoriennes a pratiquement triplé, passant de 6,47% à 18,91%. Dans le même temps, le poids du géant asiatique dans les exportations du pays andin passait de 0,07% à 6,92%[26]. La Chine est ainsi devenue le deuxième partenaire commercial de l’Équateur. Principalement intéressée par les ressources naturelles, la croissance des relations avec Quito a logiquement consacré la reprimarisation de l’économie équatorienne. En 2018, les matières premières composaient près des trois-quarts du total des exportations équatoriennes (81,25% vers les États-Unis ; 92,43% vers la Chine).

À eux seuls, les États-Unis et la Chine représentent 40% des échanges de l’Équateur. Or, ils se livrent une guerre commerciale sur le dos (notamment) de l’Amérique latine. La possibilité de tirer avantage de cette rivalité est mise à mal par la concentration du marché équatorien et sa dépendance envers les fluctuations des prix des matières premières – surtout le pétrole – au niveau international. Ainsi, en 2016, alors que l’Équateur exportait près de 23 millions de barils de plus qu’en 2011, la valeur monétaire de ces exportations étaient réduites de plus de moitié[27].

Pris dans ce cercle vicieux, Correa a été amené à accroître la production et la commercialisation de pétrole – la chute des prix imposait d’exporter plus pour combler la différence –, à solliciter davantage les prêts chinois – donc à s’endetter – et à se tourner de manière plus décidée encore vers l’exploitation minière. Sous les gouvernements de la révolution citoyenne, l’Équateur a emprunté 19 milliards de dollars (autour de 16 milliards d’euros) à la Chine, avec un taux d’intérêt élevé et des conditions opaques[28].

Ce faisant, l’État accentuait le processus extractif et de reprimarisation, à l’origine de la subordination du pays sur le marché international. Une part importante de la dette chinoise est payée en pétrole. Celui-ci ne suffisant plus, l’État équatorien a cherché à développer des projets miniers de grande envergure ; projets dans lesquels la Chine s’est investie (elle détient trois des cinq plus grandes mines du pays). « À la recherche d’une base de revenus plus large, Correa a accordé une priorité croissante à l’exploitation des réserves inexploitées d’or et de cuivre et au forage pétrolier dans le sud-est de l’Amazonie. Son administration n’était pas la première à tenter de développer un secteur minier à grande échelle en Équateur. Mais, contrairement aux gouvernements précédents, il a fait de l’exploitation minière une priorité politique nationale »[29].

Cette fuite en avant a intensifié et démultiplié les conflits autour de la gestion et du contrôle des terres. La contradiction flagrante entre le discours étatique sur les « droits de la nature » – inscrits dans la nouvelle Constitution corréiste de 2008  – et la politique mise en œuvre, ainsi que la qualification de ces projets comme autant de priorités stratégiques nationales – faisant de toute opposition un acte de sabotage irresponsable, voire de terrorisme – n’ont fait qu’aggraver ces conflits. Le cas Yasuni fut emblématique des promesses non tenues, de la reconfiguration des alliances et de la conflictualité nouvelle autour des ressources naturelles[30].

 

Programmes de transition

L’obsession d’une grande partie des commentateurs à soulever les faiblesses et ambiguïtés, les zones d’ombre et les contradictions du programme de Pachakutik n’a d’égale que leur silence et leur complaisance envers l’agenda d’Arauz, hérité de Correa. Force est cependant de remarquer que, dans les deux programmes, la stratégie pour sortir l’Équateur de sa subordination et sa dépendance – puisqu’aussi bien, « la transition vers une économie post-pétrolière » est également l’un des objectifs du programme d’Andrés Arauz – n’est guère élaborée et théorisée.

Ainsi, Martinez Esguerra note le manque de réflexion, dans le programme de Pérez, sur la façon dont les « économies locales alternatives », sur lesquelles ce dernier s’appuie, intégreront le marché, tandis qu’elle relève, dans le contexte d’une économie dollarisée qui ne permet pas un contrôle de la politique monétaire, la naïveté du programme d’Arauz. « La proposition d’Arauz avait une confiance un peu naïve dans les projets de changement de la matrice productive, de la matrice énergétique et du rôle de la technologie, qui permettraient au pays de sortir de sa dépendance à la production de « biens sans valeur ajoutée » ou de matières premières »[31]. Ces « naïvetés » et faiblesses sont d’autant plus problématiques que la transition – plus exactement, la manière de l’organiser, les conditions et le rythme de celle-ci – constitue justement l’un des principaux points d’achoppement[32]. Qui plus est, elle recouvre des enjeux communs à tout le continent.

Le programme de Pérez reprend une série de concepts clés des mouvements paysans et indigènes – souveraineté alimentaire, agriculture paysanne, agroécologie, économie solidaire – qui sont des leviers pour réorienter non seulement la politique économique – vers les circuits courts et la consommation locale –, mais aussi les rapports à la nature. À cela vient s’ajouter, sous l’influence des expériences féministes, davantage visibilisées au cours de la pandémie, la reconnaissance de l’économie du care. Autant de stimulants à la réflexion et de sources d’espoir. Sauf, bien sûr, à prendre ces dynamiques pour de simples démonstrations postmodernes ou new age. Elles n’en demeurent pas moins insuffisamment articulées et théorisées dans le programme de Pachakutik.

Sur le plan extractif, Pérez appelle à cesser toute exploitation pétrolière dans le parc Yasuni, à renégocier les contrats pétroliers en fixant une production maximale, afin de limiter la frontière pétrolière. Il entend, en outre, réaliser des audits des dettes externes, des contrats pétroliers et des concessions minières, en ce compris leurs impacts environnementaux. Enfin, il veut réguler la mine, et effectuer des consultations populaires nationales, dans le but, entre autres, de faire en sorte qu’à terme l’Équateur devienne un territoire « libre » de l’exploitation minière métallique.

Ce dernier point était d’une grande actualité, puisque le même jour que le premier tour des élections, se tenait dans la troisième ville du pays, Cuenca, une consultation populaire (qui est aussi le fruit du militantisme de Pérez) sur l’exploitation minière métallique. Plus de 348 000 personnes (soit près de 79% de l’électorat) votèrent à plus de 80% en faveur de l’interdiction de la mine dans les territoires où se situent les sources de plusieurs fleuves[33].

Ainsi, et contrairement aux idées reçues qui tendent à voir du côté d’Arauz le sérieux et le réalisme qui manqueraient cruellement au programme de Pérez, c’est plutôt au sein de celui-ci, malgré ses faiblesses, que se trouvent des ébauches d’une stratégie de la transition. Or, la faible prise en compte de cette question par Arauz soulève des inquiétudes, à la mesure de l’expérience du corréisme. Thea Riofrancos rappelle à quel point la vision de Correa était « technocratique », prétendant que la mine était un enjeu « technique » et non politique. Est venue s’ajouter à cela une rhétorique totalement déconnectée de la stratégie poursuivie, et qui ne servait qu’à couvrir celle-ci. La formule de cette couverture idéologique a été donnée par l’ex vice-président bolivien, Alvaro Garcia Linera, lors d’une rencontre internationale, à Quito justement, en septembre 2015 : « on sort de l’extractivisme, en utilisant temporairement l’extractivisme »[34].

Cette gauche a dès lors perdu une grande part de sa crédibilité auprès d’un vaste spectre des mouvements sociaux. En conséquence, Arauz peine à être entendu lorsqu’il parle industrialisation, diversification économique et transition : comment et pourquoi les mêmes politiques n’auraient-elles pas les mêmes effets ? Mais, par contrecoup, la vision de l’État et de la stratégie du mouvement indigène a été affectée. Il s’en est suivi, en effet, une tendance à surestimer la puissance de l’État, principale responsable de la dépossession des terres, ainsi que la tentation, vu l’urgence et le double discours du gouvernement, de ne pas s’embarrasser d’une théorisation stratégique, perçue comme un risque potentiel de freiner ou de compromettre la transition, en se laissant piéger par la rhétorique mensongère du pouvoir.

C’est aussi sous cet angle qu’il convient d’analyser les déclarations récentes de Perez, parlant de réduire la taille de l’État, appréhendé comme un appareil bureaucratique démesuré et une source de corruption. À noter que de tels propos ont été sévèrement critiqués au sein du mouvement indigène. Ils témoignent, en tous les cas, au-delà des ambiguïtés et du manque de cohérence théorique du candidat, de l’hétérogénéité du mouvement et de son expérience conflictuelle avec l’État équatorien.

Malheureusement, comme le remarque notamment Riofrancos, la vision technocratique et la vision mouvementiste tendent à converger dans un double hors-champ : celui d’une planification stratégique de la transition et celui de l’inscription de l’extractivisme dans la dynamique même de l’accumulation capitaliste. Encore convient-il de reconnaître qu’il s’agit d’une tendance et non d’une fatalité, et qu’il existe une tentation bien réelle de disqualifier a priori les penseurs/euses de l’anti-extractivisme, comme incapables d’appréhender le capitalisme[35].

Cette double faiblesse se vérifie dans le positionnement respectif de Pérez et d’Arauz sur la scène internationale et, plus particulièrement, vis-à-vis de Pékin et de Washington. L’enjeu est de taille puisque les solutions à la crise actuelle sont largement surdéterminées par la dépendance de l’Équateur envers ces deux pays « amis ». Comme déjà évoqué, l’accord avec le FMI a provoqué le soulèvement de 2019. Si les conditions de celui-ci – particulièrement la fin des subventions à l’essence – ont été revues, la situation demeure explosive.

L’Équateur est endetté et a terriblement besoin d’argent, alors que la pauvreté de la population s’accroît et l’accès aux services sociaux de base se délite. Or, la rivalité entre les États-Unis et la Chine ne profite guère au pays latino-américain ; Washington tentant d’évincer ou, à tout le moins, de tenir à distance le géant asiatique. Ainsi, l’institution financière états-unienne DFC (International Development Finance Corporation) a conclu un accord de 3,5 milliards de dollars (2 893 millions d’euros) avec Quito pour lui permettre de payer sa dette envers la Chine, mais à la condition d’exclure les entreprises chinoises dans la course à la 5G[36].

Paradoxalement, chacun des deux candidats semble isoler un seul des deux marqueurs de la dépendance et de l’endettement du pays : les États-Unis (et les institutions financières internationales qui lui sont liées) pour le candidat corréiste ; la Chine pour le candidat indigène. Dans son programme, Pérez se fixe ainsi uniquement sur la dette illégitime chinoise, restant très timoré par rapport au FMI, tandis qu’Arauz garde le silence sur l’avenir des relations avec Pékin. Mais, la structure de subordination des échanges avec l’un et l’autre pays n’est-elle pas similaire ? N’est-on pas, pour reprendre les termes de Jean-Jacques Kourliandsky, face à une « option des dépendances concurrentielles » et un « partage de vassalité »[37] ?

De fait, le financement de la DFC, dont une proportion significative est destinée au secteur pétrolier, s’apparente aux prêts chinois. Le dilemme pour le prochain président se réduirait-il à choisir envers qui le pays marquera sa subordination ? « L’Équateur est passé d’une dépendance à l’égard des États-Unis et des organisations multilatérales à une autre dépendance à l’égard de la Chine. Le problème est que l’Équateur n’a rien appris de ses expériences précédentes et qu’il est toujours dépendant de l’ancien modèle d’exportation de matières premières »[38]. Le problème est même plus complexe, car la dépendance envers Pékin n’a pas véritablement permis de se dégager de la subordination envers Washington.

La difficulté d’appréhender cette double dépendance semble découler de l’inscription de l’extractivisme dans un problème « technique » ou un mode de développement, dégagée d’une réflexion plus globale sur les déterminants de la logique capitaliste. Or, la transition suppose, au-delà d’un changement de vision, de refondre l’insertion de l’Équateur sur le marché international, et de revoir la matrice des échanges marchands ; ce qui demande en retour une véritable stratégie. Sous peine sinon de rééditer le tournant opéré au début de ce millénaire[39], avec ses limites et ses contradictions, et, en fin de compte, son échec à changer les structures du pouvoir.

 

Penser les gauches : ensemble et autrement

Andrés Arauz représente le pire et le meilleur de Correa, écrit Melissa Moreano Venegas[40]. D’un côté, il s’engage à résister aux États-Unis et au FMI, et à mettre en place des politiques sociales. D’un autre, il ne se distancie pas de son mentor quant à l’extractivisme, l’autoritarisme et les questions de genre. De même qu’il garde, jusqu’à présent, le silence sur les relations avec la Chine, et le poids de ce pays dans la dette extérieure équatorienne. Il s’est cependant distingué de Correa, en reconnaissant les désaccords au sein de la gauche, et en manifestant une ouverture d’esprit : il a ainsi appelé à trouver les points communs et à créer une large alliance avec le mouvement indigène et la social-démocratie pour s’opposer au néolibéralisme.

Tactique électoraliste ou reconfiguration stratégique ? Car les vieux réflexes demeurent. Au cours d’un entretien récent, il qualifiait de la sorte le programme de Pachakutik :

« La plupart de son programme est en effet progressiste et de gauche. Cependant, il existe de nombreux éléments qui sont clairement influencés par un réseau d’ONG dans un sens négatif. Il y a un accent postmoderne qui, je le crains, pourrait être à l’origine d’une tendance au néolibéralisme. (…) La pensée que je critique pourrait se résumer à l’idée d’une plateforme « anti-extractiviste » poussée à l’extrême »[41].

Affirmation triplement problématique : elle nie l’autonomie du mouvement – influencé par un réseau d’ONG, elles-mêmes liées à des acteurs internationaux – et disqualifie « l’anti-extractivisme » comme tendance postmoderne et néolibérale. Outre leur incohérence – comment les forces néolibérales tireraient-elles profit d’un frein mis à l’exploitation des ressources naturelles et à l’accumulation marchande ? –, de tels propos donnent la mesure de l’aveuglement et du déni. Loin d’être une mode postmoderne ou le marqueur d’un néolibéralisme « vert », ou même de se réduire à une question « simplement » environnementale, l’extractivisme est un enjeu politique, qui met en question la division internationale du travail, le modèle productif, les liens avec la terre et les territoires, les rapports sociaux de classe, de genre et de « race », ainsi que le renouvellement de relations de type coloniales. Et, finalement, le capitalisme lui-même.

Plutôt que de s’en tenir à une lecture simplifiée du champ politique sous forme d’une guerre de position entre la gauche et ses multiples ersatz, toujours enclins à se laisser manipuler par les classes dominantes, il paraît plus pertinent d’interroger les programmes et les stratégies, les lignes de tension et les désaccords. Cela implique de ne pas plus idéaliser un mouvement indigène, qui serait pur de toute contradiction, que le programme politique d’Arauz – comme le seul réaliste et de gauche –, ni de postuler une concordance parfaite des temps et des combats.

Le débat dépasse l’Équateur pour embrasser la question d’une « éthique politique de la coexistence des luttes »[42]. Il s’agit tout autant de se départir d’une hiérarchie des luttes que d’un procès sans fin de leurs « préférences » et hors-champs. Sans pour autant, non plus, céder à l’idéalisme d’une correspondance automatique et harmonieuse des combats : la femme indigène étant naturellement antiraciste et anticapitaliste ; le militant ouvrier de gauche, soutenant le féminisme ; etc. Leurs articulations ne sont-ils pas plutôt le fruit et la mesure de l’expérience et de l’intensité des luttes[43] ?

Pour revenir à la situation actuelle de l’Équateur, il faut donc partir de ce que les candidats représentent. « Yaku Pérez et Andrés Arauz reflètent les gauches réellement existantes, celles que nous avons, ni plus ni moins, avec toutes leurs contradictions et leurs clairs obscurs »[44]. Et l’extractivisme est l’une des principales clés de leur opposition, comme des contradictions et zones d’ombre de leurs positionnements respectifs.

En fin de compte, la mise en évidence de deux (et même de trois, avec celle de Hervas) options à gauche, à la faveur des élections équatoriennes, n’est pas une anomalie ni même une phase transitoire avant une prise de conscience, suivie d’un alignement derrière le candidat « naturel », mais l’état réel du champ politique. En Équateur comme ailleurs. Et depuis toujours[45]. Il n’y a pas unité, mais des convergences possibles ; en fonction et à la chaleur des luttes.

Plutôt donc que d’entériner une union fantasmée et un peuple homogène, il faut partir du dissensus. Et de ce qui le fonde : la pluralité des acteurs et des intérêts, l’hétérogénéité des mouvements, les stratégies et visions différentes sur des enjeux, au premier rang desquels, en Amérique latine, l’extractivisme. À partir de là, il devient alors possible de penser les conditions du débat et, au-delà celles des alliances et convergences, ainsi que les limites et impasses des expériences précédentes, les chances d’une transition et d’une rupture[46].

Même s’il n’est pas présent au second tour, les près de 20% qu’a récoltés la candidature de Yaku Pérez témoignent de l’autonomie et de la force acquises par le mouvement indigène au cours de ces dernières années. Son programme constitue l’expression actuelle, jusque dans ses tensions et contradictions, ses faiblesses et ses manques, du mouvement indigène : métissage de discours de classe et ethnique, associés aux demandes écologiques, et mis en œuvre dans une politique qui cherche à tirer parti des opportunités[47]. Quant à Andrés Arauz, quelles que soient les critiques que soulève son programme, son élection est nettement préférable à celle de Lasso, en ce compris pour les droits des femmes, des indigènes et de la nature. Cela n’efface pas pour autant ses contradictions, n’impose pas un ralliement aveugle, et ne suspend pas les conflits à venir.

Nous n’avons d’autres choix que de penser avec et à partir de ces deux gauches « réellement existantes ». Non pas pour en choisir l’une contre l’autre, mais pour confronter les expériences passées et les projets d’émancipation à celles-ci. Et (les) travailler ensemble et autrement. Pour ce faire, l’invitation de Martinez Esguerra est de veiller à « inclure une vue plus dialectique de la relation nature-société afin d’avancer dans la consolidation d’une gauche anticapitaliste »[48].

Cela suppose de ne pas régler l’action sur le seul cadran électoral, mais bien de remonter les forces sur le temps long du quotidien, au sein duquel se reproduisent et se cristallisent les formes oppressives comme les chances d’un changement, et sur le temps court de l’insurrection. Cela suppose surtout de renforcer les mouvements sociaux, d’intensifier les luttes. Et de ne pas perdre l’expérience du soulèvement populaire d’octobre 2019.

*

Frédéric Thomas est docteur en sciences politiques, chargé d’étude au CETRI – Centre tricontinental (www.cetri.be).

 

Notes

[1] DW, « Tribunal Electoral de Ecuador niega recurso a Yaku Pérez”, DW, 15 mars 2021, https://www.dw.com/es/tribunal-electoral-de-ecuador-niega-recurso-a-yaku-p%C3%A9rez/a-56872361.

[2] Tous les chiffres proviennent de l’Instituto Nacional de Estadística y Censos (INEC), https://www.ecuadorencifras.gob.ec/pobreza-diciembre-2020/.

[3] Raul Zibechi, « Amérique latine : l’année des ‘peuples en mouvement’ », Alternatives Sud, XXVII – 2020, n°4, Soulèvements populaires, Louvain-la-Neuve, Cetri/Syllepse.

[4] Melissa Moreano Venegas, « Antiextractivismo y política radical en Ecuador”, Cetri, 23 février 2021, https://www.cetri.be/Antiextractivismo-y-politica.

[5] À ce sujet, lire entre autre Franck Gaudichaud et Thomas Posado (sous la direction de), Gouvernements progressistes en Amérique latine (1998-2018). La fin d’un âge d’or, France, Presses universitaires de Rennes, 2021 ; et Alternatives Sud – État des résistances dans le Sud : Amérique latine, vol. XXIV – 2017, n°4, https://www.cetri.be/Etat-des-resistances-dans-le-Sud-4511.

[6] Je reprends ici la definition d’« extractivisme proposée par Eduardo Gudynas : Extractivismos. Ecologia, economia y politica de un modo de entender el desarrollo y la Naturaleza, Claes/Cedib, Cochabamba, 2015.

[7] Sur cette histoire conflictuelle, lire Matthieu Le Quang, « Débats autour de l’extractivisme, transition écosociale et Buen Vivir en Équateur » dans Franck Gaudichaud et Thomas Posado, Ibidem. L’auteur conclut : « Le pragmatisme éthique (lutte contre la pauvreté), économique (la nécessité de disposer de devises) et politique (réélection) a éloigné la Révolution citoyenne de son compromis à plus long terme qui était le changement de la matrice productive ».

[8] Thea Riofrancos, Resource radicals: from petro-nationalism to post-extractivism in Ecuador, duke university press, radical américas series, 2020, https://www.dukeupress.edu/resource-radicals.

[9] « La distribution centralisée de la rente a de puissantes implications politiques et structurelles : elle favorise une hypercentralisation du pouvoir politique, qui dérive systématiquement en clientélisme et corruption, ainsi qu’en une logique paternaliste, intolérante envers les dissidences et hostile au débat pluraliste ». Miriam Lang, « Éléments de conclusion. Le cycle progressiste et ses contradictions. Réflexion critique sur les défis de la transformation sociale en Amérique latine » dans Franck Gaudichaud et Thomas Posado, Ibidem.

[10] Maristella Svampa, « Yaku Pérez et une autre gauche possible », Cetri, 15 février 2021, https://www.cetri.be/Yaku-Perez-et-une-autre-gauche.

[11] Thea Riofrancos, Ibidem.

[12] E. Martinez Esguerra, « La izquierda ecológica frente al progresismo en América Latina: repensar la crítica del neoextractivismo”, Cetri, 15 mars 2021, https://www.cetri.be/La-izquierda-ecologica-frente-al.

[13] Thea Riofrancos, Ibidem.

[14] Frédéric Thomas, « Fin de cycle, fin de partie ? Bilan du virage à gauche latino-américain », Cetri, 11 mai 2017, https://www.cetri.be/Fin-de-cycle-fin-de-partie-Bilan.

[15] A contrario, dans l’ouvrage qu’ils ont dirigé, Franck Gaudichaud et Thomas Posado ont justement cherché à éviter « la dichotomie entre une ‘bonne’ et une ‘mauvaise’ gauche » ; « qualificatifs normatifs » et « interchangeables ». Franck Gaudichaud et Thomas Posado, Ibidem.

[16] Jorge Oviedo Rueda, « Hay una izquierda imposible en el Ecuador?”, La línea de fuego, 17 février 2021, https://lalineadefuego.info/2021/02/17/especial-hay-una-izquierda-imposible-en-el-ecuador/.

[17] Juan Carlos Coéllar y Remedios Sánchez, « Arauz: ¿más de lo mismo o podría ser un nuevo comienzo?”, La línea de fuego, 19 février 2021, https://lalineadefuego.info/2021/02/19/arauz-mas-de-lo-mismo-o-podria-ser-un-nuevo-comienzo/#more-28974.

[18] Guillaume Long, « Trois projets pour l’Équateur », Le Monde diplomatique, février 2021, https://www.monde-diplomatique.fr/2021/02/LONG/62763.

[19] Nodal, « La CONAIE anuncia un “voto nulo ideológico” y arranca formalmente la campaña para el balotaje », Nodal, 16 mars 2021, https://www.nodal.am/2021/03/ecuador-la-conaie-anuncia-un-voto-nulo-ideologico-y-arranca-formalmente-la-campana-para-el-balotaje/. Lire également le récent entretien de Leonidas Iza: Marco Teruggi, « Líder indígena ecuatoriano: « Hay que salir de la polarización correísmo-anticorreismo » », Sputnik, 10 mars 2021, https://mundo.sputniknews.com/20210310/lider-indigena-ecuatoriano-hay-que-salir-de-la-polarizacion-correismo-anticorreismo-1109714850.html.

[20] Martín Pallares, « El frenesí sexual de Correa es por votos », 4 Pelagatos, 5 février 2021, https://4pelagatos.com/2021/02/05/el-frenesi-sexual-de-correa-es-por-votos/.

[21] « En 2013, des parlementaires féministes qui en Équateur ont défendu simplement la légalisation de l’avortement en cas de viol, ont été sanctionnées par le conseil disciplinaire d’Alianza País [le parti de Correa] ». Miriam Lang, Ibidem. Lire également : « Presidente Correa pide sanciones a AP para asambleístas pro aborto por violación », El Universo, 18 octobre 2013, https://www.eluniverso.com/noticias/2013/10/18/nota/1598441/presidente-correa-pide-sanciones-ap-sus-asambleistas-que/.

[22] Pour une analyse des différents programmes par rapport à la « diversité sexuelles », voir Plan V, « La diversidad sexual, escéptica frente a los candidatos finalistas », Plan V, 8 mars 2021, https://www.planv.com.ec/historias/politica/la-diversidad-sexual-esceptica-frente-candidatos-finalistas. Début mars, Arauz a participé à un débat centré sur les questions écologistes et féministes : « Segmento Presidencial Indignadas – Andrés Arauz », 8 mars 2021, https://www.youtube.com/watch?v=hWTnHHgvaN4. Lire également à ce propos, Iván Ulchur, « Arauz salió rayado por El Yasuní », 12 mars 2021, https://4pelagatos.com/2021/03/12/esta-semana-arauz-salio-rayado-por-el-yasuni/.

[23] Sous-commandant Marcos, « El verdadero precio de las políticas sociales de Rafael Correa », 7 novembre 2013, Rebelión, https://rebelion.org/el-verdadero-precio-de-las-politicas-sociales-de-rafael-correa/.

[24] De son côté, E. Martinez Esguerra écrit que critiquer la théorie de Marx en la réduisant au développement des forces productives est problématique : une telle perspective « ignore des aspects essentiels de la critique de Marx du capitalisme en tant que mode de production fondé sur un métabolisme social, où la relation à la nature est médiatisée par la forme de la valeur ». E. Martinez Esguerra, Ibidem.

[25] CEPAL, China y America Latina y el Caribe : Hacia una relacion economica y comercial estrategica, 2012, https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/2598/S1100769_es.pdf?sequence=1&isAllowed=y ; Frédéric Thomas, Chine – Amérique latine et Caraïbes : Coopération Sud-Sud ou nouvel impérialisme ?, Cetri, 23 avril 2020, https://www.cetri.be/Chine-Amerique-latine-et-Caraibes; et « Relations Chine-Amérique latine : catalyseur du néo-extractivisme » dans Franck Gaudichaud et Thomas Posado, Ibidem.

Paradoxalement, en 2020, alors que les exportations en général, sous l’effet de la pandémie, se sont contractées, celles à destination de la Chine ont augmenté de 2%, en raison de la structure des échanges avec le géant asiatique, dominés par les produits agricoles et miniers. Ainsi, la covid-19 accentue la reprimarisation de l’économie sud-américaine. Cepal, Perspectivas del Comercio Internacional de América Latina y el Caribe. La integración regional es clave para la recuperación tras la crisis, Cepal, 2021, https://www.cepal.org/sites/default/files/publication/files/46613/S2000805_es.pdf.

[26] Sauf indications contraires, toutes les données proviennent du World Integrated Trade Solution (WITS), https://wits.worldbank.org/.

[27] Agencia de Regulación y Control Hidrocarburífero (ARCH) – Secretaría de Hidrocarburos del Ecuador, Boletín estadístico 2016, https://www.controlhidrocarburos.gob.ec/wp-content/uploads/downloads/2018/02/BOLET%c3%8dN-ESTAD%c3%8dSTICO-2016_11.pdf.

[28] Mat Youkee, « Ecuador’s election influenced by US-China frictions », Dialogo chino, 4 février 2021, https://dialogochino.net/en/trade-investment/39714-ecuadors-election-influenced-by-us-china-frictions/.

[29] Thea Riofrancos, Ibidem.

[30] Lire entre autre à ce sujet, Bernard Duterme, « Équateur : du pétrole pour atteindre le ‘buen vivir’ ?, Cetri, 15 septembre 2014, https://www.cetri.be/Equateur-du-petrole-pour-atteindre.

[31] E. Martinez Esguerra, Ibidem.

[32] Juan Carlos Coéllar y Remedios Sánchez, Ibidem.

[33] Doménica Montaño, « Consulta popular en Cuenca: ¿una victoria contra la minería o el inicio de otra batalla legal? », Mongabay Latam, 3 mars 2021, https://es.mongabay.com/2021/03/consulta-popular-prohiben-mineria-en-cuenca-ecuador/.

[34] Frédéric Thomas, « Fin de cycle, fin de partie ? Bilan du virage à gauche latino-américain », Cetri, 11 mai 2017, https://www.cetri.be/Fin-de-cycle-fin-de-partie-Bilan.

[35] Sur ce débat, lire entre autres, outre divers auteurs cités ici: Guido Galafassi, Natalia Riffo, « Una lectura crítica sobre el concepto de “extractivismo” en el marco de los procesos de acumulación », Trama, revista de ciencias sociales y humanidades, Volumen 7, (2), https://revistas.tec.ac.cr/index.php/trama/article/view/3939. Ces auteurs préfèrent d’ailleurs parler de “processus extractiviste”. Lire également les réflexions de Gudynas autour de l’appropriation latino-américaine de l’œuvre de David Harvey : Eduardo Gudynas, « Colonialismo ‘simpático’ y las contradicciones de nuestros progresismos », Rebelión, 19 novembre 2015, https://rebelion.org/colonialismo-simpatico-y-las-contradicciones-de-nuestros-progresismos/.

[36] Sur la rivalité Chine-États-Unis autour de la 5G et la place actuelle de la Chine dans le monde, je renvoie aux études de Cédric Leterme. Notamment : « Bataille autour des données numériques : Qui captera l’‘or du XXIe siècle’ ? », Cetri, 4 novembre 2019, https://www.cetri.be/Bataille-autour-des-donnees; en collaboration avec Robin Delobel, « La 5G au cœur d’une guerre froide Chine- États-Unis ? », Gresea, 31 juillet 2020, https://gresea.be/La-5G-au-coeur-d-une-guerre-froide-Chine-Etats-Unis-1993; Chine : l’autre superpuissance, Alternatives Sud, XXVIII – 2021, n°1, Cetri, Louvain-la-Neuve, Cetri/Syllepse.

[37] Jean-Jacques Kourliandsky, « Une Amérique latine ballotée par la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis », 26 juin 2019, IRIS, https://www.iris-france.org/138905-une-amerique-latine-ballotee-par-la-guerre-commerciale-entre-la-chine-et-les-etats-unis/.

[38] Elena Polo, « Beijing to Quito: Ecuador’s Sustainable Development Hindered by Its Relationship With China », Glimpse from the globe, 17 novembre 2020, https://www.glimpsefromtheglobe.com/topics/economics/beijing-to-quito-ecuadors-sustainable-development-hindered-by-its-relationship-with-china/.

[39] Martinez Esguerra parle à ce propos d’une « restauration conservatrice du progressisme ». Martinez Esguerra, Ibidem.

[40] Melissa Moreano Venegas, Ibidem.

[41] « Andrés Arauz habla con Jacobin », Jacobin America latina, 25 février 2021, https://jacobinlat.com/2021/02/25/andres-arauz-habla-con-jacobin/.

[42] Frédéric Lordon, « Pour favoriser une entente des luttes », Le Monde diplomatique, mars 2021, https://www.monde-diplomatique.fr/2021/03/LORDON/62828. Cet article peut être lu comme une intervention dans le débat suscité dans le monde francophone par la publication récente de Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie (Agone, 2021), par Stéphane Beaud et Gérard Noiriel.

[43] Frédéric Thomas, « Soulèvements populaires : ‘révoltes logiques’? », Alternatives Sud, XXVII – 2020, n°4, Soulèvements populaires, https://www.cetri.be/Soulevements-populaires.

[44] Juan Carlos Coéllar y Remedios Sánchez, Ibidem.

[45] Il n’est qu’à voir l’histoire de la Première Internationale. Mathieu Léonard, L’émancipation des travailleurs. Une histoire de la Première Internationale, Paris, La fabrique, 2011. De manière générale, les lectures qui « normalisent » l’unité de la gauche participent généralement d’une occultation des courants libertaires.

[46] Pour intéressant et stimulant que soit l’article de Renaud Lambert, « Icare ou l’impossible démocratie latino-américaine », dans Le Monde diplomatique, de mars 2021, en se centrant sur la contre-offensive des droites, ne contribue-t-il pas à l’invisibilisation des tensions et oppositions au sein de la gauche, autour notamment de l’extractivisme, qui ont contribué à la puissance de cette contre-offensive ?

[47] Pablo Ospina Peralta, « Caminos y bifurcaciones del movimiento indígena ecuatoriano », Cetri, 16 février 2021, https://www.cetri.be/Caminos-y-bifurcaciones-del.

[48] E. Martinez Esguerra, Ibidem.

Lire hors-ligne :