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En novembre dernier, un violent conflit a éclaté en Éthiopie dans la province du Tigré. L’armée fédérale a envahi la province nordique gouvernée par le Front populaire pour la libération du Tigré (FPLT et peuplée par plus de cinq millions d’habitants. Déjà depuis plusieurs mois, les tensions se sont accumulées dans ce pays, et pas seulement au Tigré. Le nouveau premier ministre, Abiy Ahmed Ali, semble déterminer à imposer une nouvelle centralisation de l’Éthiopie à contre-courant du projet fédératif qui avait résulté de la victoire des mouvements de libération en 1991. La guerre actuelle a déjà fait de gros dégâts, et cela pourrait s’aggraver dans la prochaine période. Plus encore, l’ampleur des confrontations risquent d’embraser le pays et de déborder dans une région (la Corne de l’Afrique) passablement instable.

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Les racines de la crise

Il importe pour bien saisir les multiples dimensions de la crise actuelle de revenir brièvement sur l’histoire contemporaine d’un État qui a tenté d’émerger dans des circonstances particulières.

Au tournant du dix-neuvième siècle, alors que l’Afrique tout entière est sous la coupe du colonialisme, l’Éthiopie maintenait son indépendance en résistant aux agressions de l’Italie. L’État de type monarchique et féodal résiste, émanant des hauts plateaux du centre où une communauté ethnolinguistique, les Amharas, domine une vaste étendue multiethnique Mais dans les années 1930, la donne change, alors que l’Italie mussolinienne conquiert le pays, après une guerre destructive. Un jeune empereur, Hailé Sélassié, se réclamant héritier d’une dynastie séculaire, devient le porte-parole des revendications éthiopiennes et jusqu’à un certain point, le symbole de la lutte anticoloniale en Afrique. Plus tard dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale, l’empereur est réinstallé par l’armée britannique. Auréolé comme le grand « libérateur », il devient le premier président de l’Organisation de l’unité africaine.

Lors de ce retour à l’indépendance, le pouvoir impérial et monarchique, reposant sur la minorité amhara[1], peine à ériger les fondements d’un État moderne. Le processus de centralisation conduit à de nombreux conflits, dont celui qui découle de l’annexion de l’Érythrée en 1952[2]. Par la suite, les conflits entre le pouvoir central et les périphéries se multiplient, puisque, « dans ce nouvel État-empire multinational, la majorité des populations locales sont réduites au servage, la domination de classe s’accompagnant d’une lourde oppression sur le plan national et religieux »[3].

Pour conforter son pouvoir, Hailé Sélassié aspire à devenir, avec l’appui des États-Unis, une sorte de « gendarme régional », un rempart contre la vague nationaliste qui traverse l’Afrique et le Moyen-Orient. Il bénéficie alors d’une importante aide américaine, notamment sur le plan militaire. Des alliances sont également établies avec d’autres États, notamment Israël et l’Iran à l’époque du Shah, pour contrer la montée de nouvelles puissances régionales perçues par les États-Unis et leurs alliés comme des menaces, tel l’Égypte, le Soudan, la Somalie.

Jusque dans les années 1970, l’État éthiopien tient le coup, mais une série de crises survient, déclenchées entre autres par de grandes famines. L’attention du monde est alors frappée par les terribles images de la misère affectant des millions de personnes, pendant que l’empereur est filmé dans ses palais en nourrissant ses chiens racés au filet mignon. Dans les régions rurales, les masses paysannes sont révoltées. Également dans les villes, les jeunes générations n’en peuvent plus de vivre sous la coupe d’un État répressif et archaïque. C’est le début de la fin pour la monarchie[4].

 

La cassure

Dans la capitale Addis Abeba, de jeunes étudiants inspirés par les luttes anti-impérialistes dans le monde, créent des groupes d’opposition comme le Mouvement socialiste pan-éthiopien (MEISON) et le Parti révolutionnaire du peuple éthiopien[5]. Au départ limitée, cette fronde finit par contaminer la société entière, et finalement, en 1974 survient un coup d’État de l’armée. L’empereur est destitué. Une partie de l’élite féodale et monarchique s’exile. Au départ, militaires et étudiants se partagent une gestion plutôt chaotique, mais finalement, ce sont de jeunes officiers qui s‘imposent avec un régime autoritaire prônant des réformes autour d’un projet défini comme socialiste. Les alliances de l’Éthiopie basculent du côté de l’Union soviétique.

Mais la reconstruction du pays s’avère très difficile. Dans les périphéries, les aspirations populaires sont captées par de nouvelles élites qui réclament le droit à l’autodétermination. C’est certainement le cas en Érythrée où le Front populaire pour la libération de l’Érythrée (FPLE) réorganise le mouvement de libération nationale en imposant sa présence dans une « zone libérée » le long de la frontière avec le Soudan[6]. Plus tard, l’« exemple » érythréen contamine d’autres régions dont la province du Tigré, habitée par une population rebelle d’où émerge le Front populaire pour la libération du Tigré (FPLT)[7]. Cette fronde s’étend dans d’autres régions de l’Éthiopie réticentes à la monopolisation du pouvoir par le nouveau pouvoir militaire.

 

La chute de la dictature

Un militaire, Haile Mariam Mengistu, finit tant bien que mal d’imposer un régime répressif qui perdure de 1977 jusqu’à 1991, avec l’appui de l’Union soviétique et de Cuba[8]. Pris dans les conflictualités de la Guerre froide, l’Éthiopie se met sur un pied de guerre contre ses voisins, notamment la Somalie. Dans la province éthiopienne de l’Ogaden où domine l’importante minorité somali, les combats font des milliers de victimes.

À Addis, les opposants sont traqués, torturés et tués sous le régime du Derg[9]. Contre l’Érythrée, l’armée éthiopienne, fortement appuyée par ses alliés soviétiques et cubains, réalise quelques avancées, mais sans être en mesure de vaincre le FPLE, aguerri par plusieurs années de combat et bénéficiant d’une base arrière relativement sécuritaire au Soudan[10]. Pour sa part, le FPLT au Tigré prend le contrôle d’une province en proie à une terrible famine. Embourbé dans ces conflits sans issue, le pouvoir des militaires s’érode. Les grandes réformes promises pour sortir le pays de la misère ne se réalisent pas. Finalement, abandonné par l’URSS dans le sillon des réalignements de la glasnost et de la perestroïka, le régime s’écroule le 21 mai 1991.

 

Une réinvention à moitié réussie

Les forces combinées du FPLE et du FPLT prennent le contrôle de l’ensemble du pays. En Érythrée, cela débouche en 1992 sur l’indépendance proclamée après un référendum très largement appuyé par la population, et même agréé par le nouveau pouvoir à Addis sous l’influence déterminante du FPLT.

À Addis Abeba, le FPLT, avec d’autres formations politiques, crée le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE)[11]. Au départ, cette transition se passe dans un calme relatif. Des groupes, notamment dans la minorité amhara qui a toujours dominé le pays, sont récalcitrants et acceptent le mal le nouveau pouvoir identifié à des groupes minoritaires longtemps méprisés par l’élite. En Érythrée, l’hégémonie du FPLE est plus largement acceptée. En apparence au moins, les deux mouvements et les deux nouvelles républiques semblent vouloir travailler ensemble pour la reconstruction.

 

Une nouvelle Éthiopie

Du côté éthiopien, le pays se redéfinit autour d’un projet fédéraliste autour de communautés ethniques qui sont censées dominer les diverses provinces. En réalité, le FPLT domine le processus. Le FDRPE, en principe une coalition, reste une structure fortement centralisée par le noyau original du TPLF, lui-même dominé par Meles Zenawi , qui est une personnalité dont tous reconnaissent la force et l’efficacité. Et ainsi, le nouvel État fort et relativement bien géré, s’attèle à développer les infrastructures, y compris dans les régions périphériques longtemps abandonnées. Le système scolaire est rehaussé de haut en bas, jusqu’à la création de dizaines d’universités régionales. Par l’amélioration des infrastructures routières et des investissements dans le secteur du transport, une partie des paysans prospère. Les niveaux de pauvreté diminuent, bien qu’au total, la majorité de la population pauvre et rurale vit des conditions difficiles, mais sans les catastrophes régulières qui caractérisaient les régimes antérieurs. Les grandes « perdants » de cette modernisation, sont les couches moyennes urbaines, surtout amharas, qui sont en partie délogées la fonction publique et de l’armée.

Plus tard, Meles trouve dans la Chine un partenaire pour développer un secteur manufacturier « bas de gamme » (textile, vêtements, cuir), en espérant, comme les « tigres » et les « dragons » asiatiques, acquérir de l’expérience et peu à peu remonter dans la chaîne des valeurs[12]. Cela fait l’affaire de la Chine qui cherche à internationaliser ses capacités économiques en cherchant des pays où se trouver une main-d’œuvre bon marché. Avec des taux de croissance élevés et sa démographie importante (106 millions d’habitants, l’Éthiopie, pense-on dans les officines des institutions internationales, entre sur le chemin de l’« émergence ». À cause de cela, les financements internationaux sous forme d’aide et surtout de crédits, affluent de Chine, de l’Union européenne et même des États-Unis[13].

 

Le rebond des vieux conflits

Cela se passablement différemment du côté érythréen. Le nouveau régime dominé par le FPLE trébuche. Comme en Éthiopie, le contrôle du noyau dur du parti/État est total. Il n’y pas de velléités de décentralisation. Les autres formations politiques sont écartées. La société civile à travers les organisations religieuses, quelques mouvements associatifs et quelques ONG, est mise au pas. Malgré quelques tentatives d’attirer des investisseurs étrangers, les conditions n’apparaissaient pas trop favorables du fait des infrastructures défaillantes (la destruction du pays pendant trente ans de guerre laissait des traces indélébiles), et de toute évidence, la base politique du régime apparait trop centralisée, donc fragile.

Et ainsi, à la surprise générale, les vieilles conflictualités ressurgissent entre ceux qui ont combattu ensemble pour détruire l’ancien régime. Au départ, la nouvelle Éthiopie qui espère négocier avec l’Érythrée un passage vers la mer, entre autres vers le port d’Assab (ou Aseb), rencontre un mur, la nouvelle Érythrée proclamant son refus de renégocier des frontières léguées depuis la période coloniale.

En 1998, un obscur problème de délimitation des frontières surgit à la frontière entre les deux pays. Le président érythréen, contre l’avis de ses dirigeants militaires et politiques, déclenche un grand conflit armé qui quatre ans, tout au long d’une frontière de 1 000 kilomètres dans des zones peu peuplées. Les dommages sont immenses.

 

Un coup très dur

Cette guerre atroce fait au moins 100 000 morts directement (sans compter l’impact de l’effondrement économique). Pire encore du côté érythréen, la défaite militaire est sans appel. L‘arme éthiopienne avance profondément dans le territoire, mais s’abstient d’aller jusqu’au bout pour renverser le pouvoir, estimant que cela serait dangereux pour l’équilibre politique à long terme.

Et ainsi on revient donc à la case de départ. Sans mettre le blâme d’un seul côté, il apparait que cette aventure relève principalement du pouvoir érythréen centralisé autour de son président tout puissant, Issayas Afeworqi. Avant et après le déclenchement de ce nouveau conflit, il « purge » le Front, le gouvernement et l’armée des nombreux critiques qui remettent en question la validité de cette belligérance. Parmi les opposants se trouve Paulos Tesfagiorgis, l’ancien responsable de la très importante agence humanitaire érythréenne (ERA) et également membre du noyau directeur du FPLE qui qualifie la dérive comme une sorte de drame « shakespearien » : « Issayas était notre chef, en qui on avait confiance depuis tant d’années, et qui fonctionnait dans le cadre d’une direction collective. Puis soudainement, il s’est mis à déraper. Il n’écoutait plus personne, y compris les responsables militaires qui lui disaient ce qui allait arriver, c’est-à-dire un grave échec »[14].

Un cessez-le-feu conclu sous l’égide de l’ONU finit par valider les prétentions de l’Érythrée. Mais en réalité, cette victoire symbolique n’a aucun sens puisque le conflit n’est pas résolu.  Selon Tesfagiorgis, le régime érythréen a profité de cette situation pour militariser le pays encore plus et détourner toutes les ressources : « la population est dévastée par la misère. Des centaines de milliers de jeunes sont conscrits dans l’armée pour de longues années ». L’Érythrée, selon Amnistie internationale, devient une vaste prison à ciel ouvert.

Cette situation de « ni guerre ni paix » a des répercussions régionales. Pour nuire à l’Éthiopie, l’Érythrée s’implique dans des conflits régionaux, notamment en Somalie. Les tentatives de reconstituer un gouvernement disloqué par une guerre civile de 20 ans, sont refoulées. Les rebelles somaliens, les « Shabab ». sont armés par l’Érythrée. La dislocation de la Somalie a des répercussions importantes dans toute la région.

 

L’« émergence » éthiopienne mise à mal

Bien que « gagnante » de la guerre de 1998-2000, l’Éthiopie est elle aussi affaiblie. Il y a évidemment l’impact du détournement immense de ressources vers la dimension militaire. Plus encore, il y a des ratés dans la refonte des institutions. Le fédéralisme « ethnique » trébuche. Selon Paulos Tesfagiorgis, « Meles ne croyait pas à la reconstruction du pays autour de réformes démocratiques ». Chaque décision était prise par le chef de l’État et son parti, qui agissaient en tant que gouvernement parallèle à tous les échelons de l’État, aux niveaux provincial et national, dans la continuité de la vision marxiste-léniniste stalinienne des premières années du FPLT.

Le plan de Meles est basé sur la volonté d’affaiblir le groupe qui détenait le pouvoir en Éthiopie depuis longtemps, les Amharas (27 % de la population). Les Amharas sont une cible facile, puisque, depuis les premiers pas de la monarchie féodale, ils sont connus pour leur mentalité méprisante et discriminatoire face aux autres populations éthiopiennes. Dans le contexte de la nouvelle gouvernance du FPLT et de ses alliées, cela créée de fortes tensions, puisque les Amharas composent une proportion importante des cadres de l’administration et de l’armée, de même qu’au sein des élites économiques urbaines. En 2005, lors des élections remportées comme toujours par l’alliance dirigée par le FPLT, des manifestations éclatent dans la ville, notamment dans la capitale. Plus de 200 personnes, majoritairement des étudiants, sont tuées et plusieurs blessées.

Du côté de l’autre grande minorité éthiopienne, les Oromos, il y a également une vague de mécontentement, y compris au sein d’une élite issue du développement rural et de l’extension des institutions d’éducation. Cette couche est également avide de défendre ses droits contre un régime largement accaparé par les Tigréens.

Pendant longtemps, Meles réussit à contenir la fronde, tout en gardant un contrôle hypercentralisé sur les rouages essentiels de l’État. Cette situation est facilitée du fait des projets développementistes impulsés par un appareil d’État relativement efficace et d’une croissance créatrice d’emplois dans le secteur manufacturier à forte intensité de main-d’œuvre et de l’agriculture. Pour autant, le grand projet « développementiste » s’essouffle. Au tournant des années 2010, on observe le déclin des taux de croissance et des investissements[15]. Forcé par le FMI aux habituelles mesures d’« ajustement », le gouvernement décide d’augmenter les prix du fuel et des produits alimentaires, ce qui mécontente la population constatant les effets ravageurs de l’inflation. Le taux de chômage augmente, surtout chez les jeunes. Dans un climat de plus en plus tendu, un coup de tonnerre éclate le 20 août 2012 avec le décès du chef de l’état Meles.

 

Aujourd’hui, une menace d’effondrement

Aujourd’hui, l’Éthiopie est sur la touche. Personne n’est en mesure de prédire comment va évoluer la crise qui pour le moment se concrétise autour de l’occupation militaire du Tigré. Certes, tel qu’évoqué auparavant, il est évident que cette détérioration n’est pas surgie du néant. L’ultracentralisation du pouvoir sous le couvert d’un fédéralisme de façade faisait de moins en moins l’affaire, pas seulement du côté de la minorité amhara, mais aussi parmi les autres communautés. De nouvelles tensions régionales ont surgi également avec l’Égypte, à propos d’un projet de barrage sur le haut Nil. Plus tard à la fin de la décennie, le ralentissement de l’économie mondiale et de la Chine a eu également des répercussions économiques.

 

Un nouveau chef, un nouveau projet

Par conséquent, FPLT, toujours dominant, a senti la pression. Aussitôt après le décès de Meles, le sudiste Hailemariam Desalegn s’impose, mais rapidement, il perd le contrôle avec la prolifération de violentes manifestations, surtout à Addis. Il démissionne et alors s’enclenche un processus pour redéfinir les contours du pouvoir. Il y a alors un sentiment profond que l’ère du FPLT tire à sa fin. De son côté, le mouvement qui contrôle l’Éthiopie depuis près de trente ans est secoué par une sourde guerre de succession entre ceux qui préconisent une sorte de « repli » vers le Tigré et d’autres qui pensent encore jour un rôle au niveau fédéral. D’un côté comme de l’autre, le choix n’est pas facile, d’où la confusion et les désaccords qui se renforcent au plus haut sommet de l’État.

L’élite amhara, entretemps, cherche à regagner des positions hégémoniques. Elle voit une possibilité de changement, d’autant plus que les Oromos (le deuxième groupe en importance en Éthiopie) gagnent en influence, grâce à l’émergence de cadres. De ces des tractations émerge un successeur, soit Abiy Ahmed, un ancien officier du renseignement de l’arméeet également chef du Parti démocratique oromo. Aux yeux de plusieurs, son principal avantage est en fait qu’il n’est pas tigréen !

Rapidement, le nouveau premier ministre s’engage sur de nouveaux sentiers. Il procède à la dissolution du FDRPE (ce à quoi s’oppose le FPLT). Il crée son propre parti, le Parti de la prospérité. Durant ses premières années au pouvoir, il devient très populaire. Il signe un accord de paix avec l’Érythrée[16]. Il libère des milliers de prisonniers politiques et il nettoie l’État et l’armée d’un grand nombre de cadres supérieurs originaires du Tigré. Abiy, qui affiche sa foi pentecôtiste, s’éloigne aussi du discours sur l’« État développementiste » promu par Meles, introduisant des politiques néolibérales et la privatisation de plusieurs entreprises publiques. Sans que cela ne soit affiché publiquement, Abiy espère minimiser les liens avec la Chine et se rapprocher des États-Unis et de ses alliés régionaux, notamment Israël, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis »[17].

 

L’affrontement

Délogés en partie de leurs postes de commandement des forces de sécurité et de l’armée, les chefs tigréens préparent leur retraite. Ils décident de « nettoyer » les bases militaires éthiopiennes au Tigré. Celles-ci sont attaquées, des militaires sont tués et plusieurs autres sont poussés à l’exil. Pour Tesfagiorgis, c’est une grave erreur : « ils ont été mal avisés en se retirant dans leur province, qui a été perçu comme une fuite en avant dans la peur d’être confrontés aux nombreuses histoires de corruption qu’ils ont laissées derrière eux à Addis Abeba ». En septembre dernier, le TPLT organise une élection provinciale qu’ils gagnent haut la main. Abiy immédiatement dénonce ce qu’il considère comme une manœuvre illégale. « Le TPLT, estime Tesfagiorgis, a mal évalué le rapport de forces. Ils se sont retrouvés coincés entre l’ennemi érythréen au nord et la recomposition du pouvoir à Addis autour des Amharas et des Oromos ».

Dans la lignée de l’accord de paix signé par Abiy et Afeworqi, les deux pays se préparent ensemble à l’affrontement. Les forces militaires érythréennes se regroupent le long de la frontière avec le Tigré. Pour le dirigeant érythréen, c’est une chance historique d’affaiblir l’ennemi juré, qui l’avait fait si mal paraître lors de la guerre de en 1998. « De cette manière, selon Tesfagiorgis, Afeworqi entend renforcer ses positions, à fois contre le Tigré et contre l’Éthiopie ».

Au début de décembre, une imposante force militaire érythréenne envahit le Tigré. Selon Mesfin Hagos, l’ex-ministre de la défense érythréen (aujourd’hui en exil), 14 divisions mécanisées, quatre divisions d’infanterie et deux divisions de forces spéciales (d’élites) sont utilisées au Tigré, de même que d’importants services de soutien logistique, d’armement et de renseignements. Ces forces érythréennes jouent un rôle majeur dans la reprise des zones urbaines de Tigré.

Quelques jours plus tard, Abiy proclame que la guerre est terminée et que l’Éthiopie est en mesure de rétablir l’ordre. Malgré les déclarations, il y a plusieurs massacres de civils. Les combattants du FPLT ne sont pas innocents non plus, des tueries ayant été dénotées parmi les civils amharas. Au total, selon la commissaire de l’ONU sur les droits de la personne, Michelle Bachelet, c’est une catastrophe qui génère des déplacements de population de plusieurs centaines de milliers de personnes dont plusieurs débordent au Soudan où les capacités humanitaires sont très en deçà des besoins.

Actuellement, l’armée éthiopienne semble contrôler la situation, surtout dans les villes, notamment dans la capitale Mekelle (500 000 habitants. « Mais la guerre ne fait que commencer », selon Tesfagiorgis. Bien que l’accès très difficile aux zones de combat empêche de faire un bilan précis, on sait que les 150 000 combattants du FPLT, bien armés, bien organisés, disposant d’une structure de commandement expérimentée, et surtout, agissant sur un terrain qu’ils connaissent parfaitement, mènent la vie dure aux occupants. Sans l’apport stratégique de l’armée érythréenne, la force éthiopienne pourrait être en péril, elle qui était, jusqu’au départ du FPLT d’Addis en 2019, essentiellement dirigée par des officiers tigréens. D’autre part selon Tesfagiorgis, le Front a une forte base populaire. Il a été réélu il y a à peine quelques mois avec une forte majorité lors d’une élection de toute évidence transparente et légitime ». Il dispose d’un corps aguerri de cadres politiques et militaires. « Tout peut arriver », estime Tesfagiorgis : « le ressac en Éthiopie sera très grand s’il s’avère que l’occupation est un désastre ». Même si l’Éthiopie bénéficie de l’appui financier de l’Arabie saoudite et d’autres pétromonarchies du Golfe, les coûts économiques seront énormes pour un pays qui au-delà de ses avancées économiques, reste très pauvre.

 

Une guerre sans gagnants ?

Réfugié quelque part dans les montagnes, Débretsion Gebremichael, le chef du FPLT, promet une guerre « à finir ». S’il est vrai, selon ce qu’on vient d’évoquer, qu’il dispose d’avantages stratégiques, la capacité du Tigré de soutenir un affrontement à long terme semble limitée. Selon Tesfagiorgis, « l’un des plus gros problèmes qui attend FPLT est la vulnérabilité des lignes d’approvisionnement. Pendant la guerre de libération, les deux Fronts, érythréen et tigréen, bénéficiaient de voies de passages à travers le Soudan. Les combattants pouvaient se déplacer, se soigner, s’approvisionner. Sans cette « base arrière », il sera difficile de continuer longtemps. D’autre part, un autre défi sera de reconstruire une sorte d’administration parallèle, comme cela avait été le cas pendant la guerre contre le régime de Mengistu. Il n’est pas certain que les jeunes générations, surtout celles qui ont bénéficié de l’éducation supérieure qui s’est développée ces dernières années, vont prendre le chemin des armes que leurs aînés avaient pris dans les années 1980-90. Certes, si l’occupation éthiopienne s’enlise et glisse dans des prédations et des exactions à grand échelle, un nouvel élan patriotique pourrait resurgir et changer la donne.

Par ailleurs du côté éthiopien, les dilemmes apparaissent encore plus grands. Il s’avère en effet que la base du nouveau chef de l’État se rétrécit. De récents affrontements meurtriers dans la province du Benishangul-Gumuz font ressortir la volatilité de la situation dans le contexte où prolifèrent de nombreux conflits terriens entre les populations locales et la minorité amhara[18]. À l’époque où le FPLT était au pouvoir, le gouvernement central ne tolérait aucune activité militarisée du côté amhara, mais maintenant que le pouvoir a basculé, il est possible de voir resurgir une posture plus agressive du côté amhara qui, dans sa majorité, considère qu’elle est le maître « naturel » de l’Éthiopie. Pour le moment, il est difficile de prévoir comment cette ethnicisation peut évoluer.

Plus grave est probablement la monte de la dissidence dans les régions oromos. L’été dernier, de violentes manifestations ont éclaté à la suite du meurtre d’un jeune chanteur populaire, Hachalu Hundessa. Selon plusieurs rapports, l’armée a tué et blessé des centaines de personnes, envahi des maisons, volé des propriétés à une grande échelle dans plusieurs régions de l’Oromia. Plus encore selon Tesfagiorgis, « les Oromos disposent d’un nouveau leadership plus éduqué et plus aguerri. Ils ne veulent pas retourner en arrière quand un gouvernement dirigé par Amhara contrôlait tout. Ils n’ont pas confiance dans l’élite d’Addis, même dans Abiy qui est pourtant d’ascendance oromo. Ils voudraient accroître substantiellement la fédéralisation du pays, ce que le FPLT ne pouvait ou ne voulait pas faire. Le jeu est loin d’être terminé »[19].

 

Un conflit qui pourrait durer

Pour le moment, l’ONU signale une grave crise humanitaire provoquée par la fuite de milliers de Tigréens et aussi d’Érythréens vers le Soudan. La situation des Érythréens au Tigré est encore plus préoccupante « Avant la guerre, il y avait 100 000 réfugiés, fuyant la misère, la répression et la conscription obligatoire. Maintenant que l’armée érythréenne est de retour au Tigré, qu’arrivera-t-il aux réfugiés là-bas ? Pour les jeunes Érythréens, retourner en Érythrée est très dangereux, car ils seront rapidement enrôlés et envoyés à la guerre », soutient Tesfagiorgis.

Dans la capitale éthiopienne, les Amharas dansent dans les rues, heureux de voir les Tigréens qu’ils méprisent depuis longtemps boutés hors du pouvoir. Cependant, pendant combien de temps soutiendront-ils Abiy si la guerre se prolonge ? Peu avant l’affrontement, le Monde rapportait que « la Commission éthiopienne des droits de l’homme a accusé le gouvernement de n’avoir pas su protéger ses citoyens lors des violences intercommunautaires qui ont déplacé plus d’un million de personnes dans les six derniers mois et fait des centaines de victimes. Des membres de la coalition remettent en cause la capacité de M. Ahmed à maintenir la stabilité du pays »[20].

Un autre facteur d’incertitude est l’expression d’une opinion populaire très montée contre les Tigréens, notamment dans la capitale Addis Abeba . Paulos Tesfagiorgis : « il y a des milliers de Tigréens là-bas, hommes d’affaires, fonctionnaires et étudiants. Si le conflit tourne au vinaigre, il sera tentant pour le gouvernement de déclarer la guerre à l’ennemi « de l’intérieur ». Déjà, il y a des signes de ce qui pourrait devenir un pogrom ». Sans qu’on ne puisse parler d’une « purification ethnique » organisée, plusieurs centaines de Tigréens ont été menacés de perdre leur emploi ou leurs commerces. La tension est, semble-t-il, à fleur de peau.

 

Des enjeux régionaux

Il reste à voir comment réagiront le Soudan et d’autres puissances régionales (l’Égypte en particulier). Celles-ci n’ont pas vraiment d’atomes crochus avec aucun des protagonistes. Avec l’appui des États-Unis, ces deux États pourraient être tentés d’affaiblir l’Éthiopie, qui est potentiellement une grande puissance dans une région volatile. Si on ajoute à cela le conflit persistant autour de la gestion des eaux du Nil, l’affaiblissement d’Addis Abeba pourrait être une bonne chose pour ses voisins. Bien que courtisés par Abiy, les États-Unis restent sur leurs gardes et ne voient pas d’un bon œil l’émergence d’une puissance africaine appuyée à fond par la Chine. Vont-ils aller jusqu’à agir concrètement pour affaiblir l’Éthiopie ? Selon des chercheurs, une balkanisation de l’Éthiopie « mettrait en péril les objectifs stratégiques géopolitiques de la Chine et de la Russie, qui pénètrent fortement dans la région »[21].

 

Peu d’espoirs à court terme pour le rétablissement de la paix

Pour le moment, aucune volonté de négocier n’apparait ni d’un côté ni de l’autre. Le premier ministre éthiopien a prévenu qu’il n’était pas question d’une médiation internationale. Lors d’une rencontre le 27 novembre avec des chefs d’États africains mandatés par l’Union africaine dont le président sud-africain Cyril Ramaphosa, il a rejeté d’emblée tout dialogue avec le FPLT. Selon Tesfagiorgis, Abiy, comme d’autres avant lui, a mal estimé le rapport de forces. « Il pensait que le leadership du FPLT allait capituler rapidement. C’est vraiment mal les connaitre ! » Il risque aussi de regretter l’alliance actuelle avec l’Érythrée. « Tout le monde sait qu’Issayas Afeworqi, n’est pas fiable. Il peut à tout moment changer d’alliance. Comme il n’a pas de stratégie à long terme pour sortir l’Érythrée de la crise, il navigue d’une aventure à l’autre, en espérant déstabiliser ses adversaires réels ou présumés. L’important est qu’aucun pays ne puisse retrouver le chemin de la paix et du développement! Pour le moment, affaiblir le Tigré avec l’Éthiopie est une «bonne affaire. « Demain, cela pourrait être autre chose. La situation actuelle peut déboucher sur une crise prolongée, sans paix ni stabilisation. Cela permettra à Afeworqi de continuer à imposer sa dictature et de refuser toute libéralisation».

De leur côté, les Tigréens restent sur leurs positions, mais on ne sait pas exactement ce que mijotent leurs leaders. Leur priorité est sans doute, au-delà d’infliger de durs coups à l’armée d’occupation et de sécuriser des voies de passage à partir du Soudan. Ils estiment probablement que le conflit va s’envenimer, qu’il y aura des erreurs du côté éthiopien, dont des exactions contre les civils, qui vont scandaliser l’opinion publique et qu’ils pourront également bénéficier des forces centrifuges dans les autres régions de l’Éthiopie.

C’est peut-être là le facteur décisif. Tel qu’évoqué au début, le premier ministre Abiy a profité d’un fort sentiment anti-Tigréen, et pas seulement parmi les Amharas, où une forte proportion de la population rejetait la coalition dominée par le FPLT et de facto, la domination des Tigréens sur le processus politique éthiopien. Dans le moment présent, il n’est pas certain que cet appui au chef de l’État puisse perdurer, car le conflit actuel a le potentiel de détruire le fragile équilibre entre les provinces (et pas seulement le Tigré).

Ceci explique que les Oromos, qui forment 35 % de la population, restent ambigus face au conflit actuel au Tigré. Ils ne regrettent nullement l’ancien pouvoir tigréen dont on connaissait le côté autoritaire. En même temps, ils craignent que l’affaiblissement du FPLT n’ouvre la porte à un retour revanchiste des Amharas. En ce moment, rares sont les voix qui essaient de de démarquer dans la polarisation actuelle[22].

Il n’y a pas non plus, du moins à court terme, de pression internationale crédible et organisée (encore moins à l’ONU), pas plus sur l’Éthiopie (et la Corne de l’Afrique) que sur les autres régions du monde en prise avec des conflits inextricables (au Moyen-Orient notamment). Les Tigréens pourraient en fin de compte bénéficier de cette passivité, surtout s’ils réussissent à convaincre le Soudan et l’Égypte, avec la complicité des États-Unis, de les laisser utiliser le Soudan comme base arrière, quitte à faire semblant de rester « neutres ».

 

Pour ne pas conclure

Avant l’arrivée au pouvoir du FPLT et du FPLE, des liens de solidarité existaient entre des mouvements internationalistes et le FPLE[23]. Il s’agissait d’appuyer le droit à l’autodétermination de l’Érythrée et de condamner les exactions commises par le régime Mengistu. On en parlait, on soulevait des débats et également, on levait des fonds pour aider la gigantesque œuvre humanitaire organisée par l’Eritrean Relief Association. Il y avait quelques approches de ce genre avec le FPLT, mais beaucoup moins, en partie par le côté abrasif d’une organisation qui se réclamait de Staline et d’Enver Hoxha !

Par la suite, ces campagnes ont rapidement heurté le mur érigé par le virage autoritaire du régime érythréen. En Éthiopie, face aux manifestations contre le nouveau régime au tournant des années 2000, les internationalistes étaient hésitants, craignant que se cache devant l’aspiration démocratique des étudiants d’Addis une colère amhara entachée d’ethnisme.

Aujourd’hui, le temps est venu de briser le silence. En premier lieu, il faut condamner sans nuance l’occupation militaire du Tigré par l’Éthiopie, avec la complicité de l’Érythrée. Cette agression ne peut qu’envenimer un conflit multidimensionnel et conduire à des destructions e grande envergure. Halte à la guerre ! Halte à l’occupation du Tigré !

D’ailleurs, selon la constitution éthiopienne, le Tigré a le droit à l’autodétermination, et plus encore, à la sécession. L’adhésion à la fédération éthiopienne est volontaire. Une fois dit cela, une telle sécession ne règlera pas, en soi les problèmes, s’il n’y pas d’entente avec l’Éthiopie. Pour qu’il soit durable, le processus doit être négocié, et non imposé. D’autre part, il faut exiger des États extérieurs des sanctions contre les protagonistes qui refusent de négocier. Il faut faire campagne pour que l’aide humanitaire se rende sans obstruction dans les régions où sévissent la famine et la misère. Cette urgence humanitaire est à la fois éthique et politique.

Autrement, il faut ouvrir nos esprits à ce qui se trame dans l’opposition démocratique érythréenne et éthiopienne, celle de l’intérieur et celle de l’extérieur (à travers les vastes diasporas qui se construisent en réseaux), et qui cherche, dans des conditions d’une grande adversité, de surmonter la dispersion et l’éparpillement et de créer de nouveaux consensus contre-hégémoniques. Quand on navigue un peu sur la toile, on s‘aperçoit qu’il y a littéralement des milliers de personnes, surtout jeunes, qui débattent : comment faire cesser les guerres fratricides ? Comment se débarrasser des pouvoirs corrompus et répressifs ? Comment construire une nouvelle unité populaire ?

En Éthiopie comme en Érythrée, au Soudan, en Algérie et ailleurs dans le monde, de nouvelles générations se retrouvent à la tête de mouvements contestataires de longue durée où s’expriment des projets, voire des cultures politiques, en rupture avec les mouvements de libération des décennies précédentes, comme le FPLE ou le FPLT. Récemment, un embryon de réseau de jeunes éthiopiens de toutes les nationalités était en train d’être mis en place à l’université de Mekelle, appelant à construire un nouveau projet de société plurinational. Les travaux ont été interrompus par la guerre, mais l’idée pourrait probablement renaître d’ici peu.

Quand les conditions le permettent, quand les régimes ne sont plus en mesure de contrecarrer ces mouvements par la répression, quand surgit un autre appel à la liberté et à la justice, quelque chose peut surgir de ces multiples « printemps » créatifs, semi spontanés, semi organisés qui, en apparence, semblent précaires et éphémères, mais qui ont le potentiel de semer de plus grandes révoltes et de nouveaux projets d’émancipation.

 

Notes

[1] L’Éthiopie est une mosaïque de peuples dont les Amharas qui constituent environ 27 % de la population. D’autres autres communautés incluent les Oromos (35 %), les Somalis (6 %), les Tigréens (7 %), et divers groupes ethnolinguistiques de plus faible amplitude (au total, on en dénombre 82). Les Amharas et les Tigréens ont majoritairement chrétiens (rite orthodoxe), alors que les populations sont majoritairement musulmanes.

[2] L’Érythrée avait été conquise par l’Italie en 1890. Aux lendemains de la remise en place de l’État éthiopien, des négociations ont lieu sous l’égide de l’ONU autour d’un projet d’autonomie régionale reflétant les aspirations érythréennes. Mais en 1963, l’État éthiopien annexer purement et simplement l’Érythrée en imposant la langue amharique et en concentrant autour de l’État monarchique tous les pouvoirs dans l’administration et la société. De cela émergent divers mouvements indépendantistes.

[3] Olga Kapeliouk, « La gauche éthiopienne face au pouvoir militaire », Le Monde diplomatique, décembre 1977.

[4] Un reportage, réalisé en 1975 par la télévision britannique, quelques mois après le renversement de l’empereur, raconte la révolte des paysans.

[5] Le Meison avait un programme marxiste inspiré du socialisme européen. Le PRPE s’affichait « marxiste-léniniste » que des jeunes Éthiopiens avaient ramené des États-Unis où ils étudiaient. Après le renversement du régime par l’armée, le Meison a soutenu de manière critique le pouvoir militaire. Le PRPE a tenté, sans succès, de déclencher une lutte armée dont le résultat fut un véritable carnage d’étudiants.

[6] Créé en 1972, le FPLE s’est imposé en réunissant ruraux et urbains, musulmans et chrétiens, sédentaires et nomades autour d’un projet de libération nationale laïque, promettant des réformes sociales (la redistribution des terres, l’émancipation des femmes, etc.). Libre des influences étrangères, le FPLE réussit à mettre en place ces réformes dans les territoires sous son influence, tel que l’évoque un reportage de la BBC en 1978.

[7] Créé en 1975, le FPLT se présentait comme un mouvement marxiste-léniniste proche de la Chine, puis de l’Albanie. Dans les années subséquentes, il a délaissé l’objectif de l’indépendance du Tigré en faveur d’une lutte pour la transformation de l’Éthiopie entière.

[8] Dans ce reportage de la télévision britannique en 1990, Mengistu et ses adjoints expliquent leur projet.

[9] Le Derg (« comité de coordination ») forme est l’organisme mis en place par les militaires. Il devient en 1987 le Parti des travailleurs de l’Éthiopie.

[10] Un reportage de TV-5 en 1987 raconte la guerre.

[11] Officiellement né de l’alliance entre le FLPT, l’Organisation démocratique des peuples Oromo, le Mouvement national démocratique Amhara et le Mouvement démocratique des peuples du sud de l’Éthiopie.

[12] Voir le reportage de TV-5 sur les liens économiques très forts établis entre l’Éthiopie et la Chine.

[13] Après les attentats de 2001, les États-Unis cherchent des États susceptibles de les aider dans leur guerre contre l’islamisme radical. Le régime éthiopien utilise habilement cette situation en se présentant comme un allié contre les « menaces » islamistes que Washington craint du côté du Soudan et de la Somalie.

[14] Extrait d’une entrevue publiée sur le site d’À l’Encontre, 24 décembre 2020, http://alencontre.org/afrique/erythree/lethiopie-entre-dans-une-situation-dangereuse-decryptage-dune-guerre-et-dune-crise-regionale.html.

[15] Yohannes Woldemariam , “Ethiopia’s Quiet Revolution: From Revolutionary Developmentalism to Neoliberal Reform”, Review of African Political Economy, 7 août 2019,

 

[16] Abiy a reçu le prix Nobel de la paix pour cet accord de paix.

[17] Un reportage d’Al-Jazeera peu après l’arrivée au pouvoir d’Abiy décrivait les débats et les tensions.

[18] Selon plusieurs rapports de Human Rights Watch, un massacre de villages amharas a été perpétré au début de décembre par des milices locales non identifiées. L’armée éthiopienne est intervenue et a tué plusieurs de ces miliciens. Voir le rapport de Laeticia Bader, directrice de HRW pour la Corne de l’Afrique, https://www.hrw.org/news/2020/12/23/interview-uncovering-crimes-committed-ethiopias-tigray-region

[19] Voir l’entrevue avec le spécialiste de la Corne de l’Afrique Marc Lavergne, qui explique les enjeux de ce qui pourrait être un conflit prolongé et très meurtrier.

[20] Emeline Wuilbercq, « Éthiopie : les réformes démocratiques sous surveillance », Le Monde, 16 octobre 2018.

[21] Salvador Soler, « L’Éthiopie est au bord de la guerre civile », Révolution permanente, 19 décembre, https://www.revolutionpermanente.fr/L-Ethiopie-est-au-bord-de-la-guerre-civile.

[22] L’ancien premier ministre Hailemariam Desalegn, qui a gouverné après la mort de Meles jusqu’à sa démission en 2012 et qui vient du sud du pays, craint une guerre « sans fin » entre Amharas, Tigréens et Oromos. Il propose que le FPLT négocie l’autonomie du Tigré où il pourra gouverner en promettant au régime éthiopien de ne pas le déstabiliser. Pour le moment, cette idée n’est pas prise au sérieux.

[23] Du moins au sein de la gauche indépendante (les partis proches de l’Union soviétique appuyaient l’État éthiopien « socialiste ».

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