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Sûrement confortés par leur relaxe en appel le 16 décembre dernier, les militant-e-s de Génération Identitaire (GI) réitèrent leur opération de communication anti-réfugiés en montage. C’est cette fois dans les Pyrénées que le groupuscule d’extrême droite a décidé de jouer les supplétifs de la PAF (police de l’air et des frontières) devant les caméras et armé de sa tristement célèbre doudoune bleue. 

Si GI est bien loin de pouvoir mettre son programme en pratique, cette action illustre son orientation politique. Une opposition totale à la solidarité et à l’accueil des réfugiés qui reposent sur un racisme viscéral, doublée d’une assimilation de l’immigration au terrorisme. Cette action montre aussi que GI ne compte pas seulement sur l’État pour mettre en place son programme mais souhaiterait le faire par une intervention militante dont elle n’a, aujourd’hui, pas les moyens. 

Cet article, écrit la Commission nationale antifasciste du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), revient sur les spécificités de GI car il importe, pour mieux les combattre, de mieux les comprendre

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En fin de matinée du 29 octobre 2020, après un nouvel attentat au couteau à Nice, les médias annoncent une seconde attaque à Avignon. Le RN s’est, dans un premier temps, empressé de dénoncer un nouvel attentat islamiste, à l’unisson des premiers messages sur les réseaux sociaux. Très vite, d’après plusieurs médias, dont Libération et Médiapart, l’assaillant semble être proche, voire militant du groupuscule d’extrême droite Génération Identitaire (GI) dont il porte un modèle de veste. L’individu aurait attaqué un « maghrébin » avec un pistolet automatique en revendiquant son appartenance aux identitaires. Fidèles à leur méthode d’interpellation démocratique, les policiers l’abattent malgré leurs premiers tirs de LBD.

Il s’avère, selon Marianne, que l’individu a été proche des Jeunesses communistes pendant une dizaine d’années. Connu pour ses problèmes psychiatriques, il aurait commencé à développer une perception d’oppression venant des « Arabes ». Il s’éloigne du PCF du Vaucluse en 2015, en coupant tous liens. Selon l’expression journalistique, « des livres d’ultra-droite et néonazis » auraient été trouvés à son domicile. En réalité, la doudoune qu’il porte a été longtemps en vente sur internet : rien n’indique que l’individu soit un membre de Génération Identitaire.

Il n’est tout-de-même pas anodin qu’un individu, même déséquilibré et confus, tire sur un homme d’origine maghrébine, habillé avec l’uniforme de militants qui « défendent l’Europe », dans le contexte actuel : une islamophobie largement institutionnalisée entretenue par l’extrême-droite d’une part et, d’autre part, une série d’attentats d’inspiration jihadiste. Quel rôle joue Génération Identitaire (GI) dans cette affaire ? GI n’a pas besoin de dangereux farfelus incontrôlables. Ses militant-e-s, propres sur eux, se rêvent dans les Cabinets d’un gouvernement qui organiserait la « remigration », pas de finir en martyr perdu dans une flaque de sang.

 

Agence de com’ pour la fachosphère

Se présentant comme « gramscistes » de droite, très inspirés par les néo-fascistes italiens de CasaPound, les Identitaires se font régulièrement connaitre par leurs actions médiatiques. En 2012, les militant-e-s de GI occupent le chantier de la mosquée de Poitiers, multipliant les références à Charles Martel. Au printemps 2019, ils occupent le toit de la CAF de Bobigny en déroulant une banderole demandant « de l’argent pour les Français, pas pour les étrangers ». Au printemps 2020, ils déploient une large banderole contre le racisme anti-blanc pendant un rassemblement contre les violences policières organisé par le comité Adama, place de la République à Paris. A ces actions médiatisées s’ajoutent de nombreuses initiatives locales, promouvant leur « communauté enracinée » ou dénonçant les soutiens aux immigrés comme« officines immigrationnistes »

Leurs grosses opérations s’inscrivent dans une campagne « Defend Europe », inspirée du modèle australien de lutte contre l’immigration (« No way »). En 2016, une grosse centaine de militant-e-s de GI bloque trois ponts à Calais pour empêcher les « clandestins » d’accéder à la ville. L’année suivante, c’est en Méditerranée qu’ils cherchent à bloquer les migrants. France info en a fait le récit : ils tentent d’abord avec un canot pneumatique de gêner l’Aquarius, le navire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières. L’action sert à engager une collecte participative pour affréter leur propre embarcation afin d’intercepter les bateaux de migrants. Malgré la suspension de leur compte Paypal, ils récoltent quelques 70 000 euros puis environ 100 000 supplémentaires grâce à une plateforme de financement des néo-conservateurs américains. Sans expérience de la mer, la demi-dizaine de militants identitaires embarquent avec… vingt apprentis marins tamouls, dont plusieurs demanderont l’asile à Chypre. Leur bateau tombe en panne au milieu de la mer, au point que le Centre italien de coordination du sauvetage maritime enclenche une procédure de secours à laquelle répond…. le navire d’une ONG d’aide aux migrants.

Mais est-ce vraiment un échec ? Couverture médiatique assurée, démonstration de force militante avec de belles images sur les réseaux sociaux, ils enchaînent l’année suivante sur la terre ferme. En avril 2018, une centaine de militants venus du monde entier bloque le col de l’Echelle dans les Alpes, point de passage des réfugiés de l’Italie vers la France. Ils organisent des patrouilles dans la montagne pour « sécuriser » la frontière. Cette opération aura coûté plusieurs dizaines de milliers d’euros pour financer 4×4, hélicoptère, matériels divers dont la fameuse doudoune bleue que porte l’assaillant d’Avignon. A l’automne, une vingtaine de militant-e-s envahisse le siège de SOS Méditerranée à Marseille.

Les militant-e-s de l’occupation de la CAF sont condamnés principalement à quelques mois de prison avec sursis. Condamnés en 2017 à un an de prison et 10 000 euros d’amende pour l’occupation de la mosquée de Poitiers, cinq militants de GI sont relaxés en juin 2019, suite à une erreur de procédure. Trois militants sont encore relaxés en appel pour l’opération du Col de l’Echelle où il leur était reproché d’avoir « exercé une activité dans des conditions créant la confusion avec une fonction publique ». Mais chaque action, même sans lourdes conséquences judiciaires, engendre des frais judiciaires. Il faut maintenir un réseau suffisamment fidèle, et doté de moyen financier, pour assurer sur le long terme leur activisme. En oute, le passage par la garde-à-vue ou le contrôle judiciaire favorise l’endurcissement des plus volontaristes.

 

Génération consanguine et violente

Le propos actuel des Identitaires tourne essentiellement autour du rejet de l’immigration, principalement extra-européenne et du refus des sociétés multiethniques et multiculturelles. Ils se réjouissent d’avoir « été les premiers à mettre le racisme anti-blanc et anti-français au cœur du débat public ». Les Identitaires se revendiquent notamment de la pensée de Dominique Venner, père d’un racisme renouvelé dans les années 60 qui critique « le métissage systématique » dû à l’immigration algérienne en France.

Leur vision de « L’ » identité est unique et immuable, basée avant tout sur l’appartenance ethnique au sein d’une Europe des Régions (entre « Europe aux cents drapeaux » et « patries charnelles » pour reprendre un vocable du milieu). Mais les identitaires de GI n’opposent plus enracinement local et nationalisme français. Ils agitent sans peine des drapeaux bleu-blanc-rouge, marqueur d’un « on est chez nous », derrière les frontières hexagonales. De même l’affirmation néo-païenne des débuts n’a plus cours. Les Identitaires ont perdu le soufre de l’époque des vives querelles catho contre païens, où leurs aînés étaient qualifiés de « militants de l’Anti-France » par Bernard Antony. Rien ne les empêche de recruter dans la jeunesse de la bourgeoisie catholique comme-il-faut. La référence chrétienne serait même aujourd’hui plutôt vue comme une réaction « enracinée » face à la religiosité musulmane. Les Identitaires ont surtout focalisé le discours raciste d’extrême droite contre l’islam.

Génération Identitaire (GI) a réussi à occuper un certain espace politique, poussée par une évidente volonté militante. Ses actions incarnent le projet politique des Identitaires, fondamentalement racistes et particulièrement islamophobes. GI forme des cadres politiques rompus aux techniques de communication, une élite « d’officiers de la reconquête » plutôt qu’une armée de fantassins, même spartiates. Pour autant, sa force est d’entretenir une communauté, un réseau de sympathie informel notamment avec des hooligans dans les villes où ils sont implantés, à Lyon, Nice, Toulouse, Lille, Paris… Leurs militants sont ainsi impliqués dans des attaques violentes en 2010 à Lyon contre un piquet de grève de cheminots pendant la mobilisation pour les retraites ; en janvier 2019 à Paris, Lyon et Toulouse contre les cortèges progressistes des manifs de gilets jaunes (dont celui du NPA) ; le soir de la final de la Coupe d’Afrique des Nations de 2019 contre des supporters algériens…

 

Du FN au RN

Jeunesse identitaire (JI), Les Identitaires (ID) puis le Bloc identitaire (BI) sont créés entre 2002 et 2003, après l’interdiction d’Unité radicale. Un de ses militants, Maxime Brunerie, a tenté d’assassiner le Président de l’époque, Jacques Chirac, lors du défilé du 14 juillet. Créée à la fin des années 90, Unité radicale se pense comme un pôle de radicalité pour les nationalistes-révolutionnaires, dans et hors du FN. Avec la scission mégrétiste, c’est dans le MNR qu’Unité radicale voit un avenir… mauvaise pioche.

La dissolution offre une perspective de rebond, un grand ménage dans le courant nationaliste-révolutionnaire. Cette opération de dédiabolisation vaudra aux « identitraitres » un déchaînement d’attaques des fachos vieilles écoles. Mais leur projet politique n’en reste pas moins radical. Si les Identitaires abandonnent « l’islamophilie judéophobe » classique à l’extrême-droite, ils désignent l’islam et l’immigration comme ennemis principaux. Les Identitaires mettent alors en marche la défense de « notre Europe et son peuple », les guerres de Yougoslavie et l’attentat du 11 septembre sont passés par là.

Les Identitaires jusqu’à Génération identitaire maintiennent leur cap autour d’un activisme 2.0 basé sur une communauté de structures militantes locales. Ils sont tournés résolument vers la jeunesse. Ils martèlent leurs seules thématiques politiques : remigration et refus de l’islam en Europe. Génération identitaire bénéficie d’une bonne audience jusque dans les médias mainstream. La réaco-sphère lui a construit une renommée inespérée, qui tient plus de la reconnaissance de son expertise des coups d’éclat médiatiques que d’une adhésion à un programme politique tout ficelé. Sauf que les applaudissements à des actions contre le « politiquement-correct » vont à des défenseurs de l’Europe blanche.

C’est avec le Rassemblement Bleu Marine que le FN s’ouvre pleinement aux identitaires, aux élections municipales de 2014 puis départementales de 2015, principalement dans la Nièvre, en Bretagne et surtout à Nice. Après une piteuse tentative de campagne présidentielle, sur une ligne localiste, les tenants d’une indépendance au FN quittent le groupe pour former leur propre réseau identitaire. En 2016, le parti Bloc identitaire (re)devient l’association Les Identitaires : « Depuis quelques années, nous avons cessé toute confrontation électorale avec le Front National. Nous n’avons pas persisté dans une concurrence sans issue. Nous avons taché de nous inscrire dans une complémentarité. Partout, nos militants ont agi là où les militants du FN ne le pouvaient. Du reste, partout, souvent, nous avons agi là où aucun mouvement patriote n’agissait ».

Pourtant nés d’une lointaine scission, début 90, qui reprochait au mouvement nationaliste-révolutionnaire sa satellisation au FN, les Identitaires maintiendront la logique de pôle de radicalité du principal parti à l’extrême-droite. Unité radicale aura toujours été en franche opposition à l’Oeuvre française de Sidos, tenant d’un nationalisme catholique vichyste à l’ancienne (« le Führer au petits pieds » récemment disparu). L’Oeuvre française avait misé sur Bruno Gollnish pour assoir son influence dans le FN… son entrisme aura fait flop. En 2020, les militants formés par les Identitaires se comptent par dizaine au RN. Leur maitrise de la communication leur a notamment permis de trouver des débouchés professionnels auprès d’élus du RN.

 

Petites mains pour Marine Le Pen

En juillet, Philippe Olivier, député européen RN, rend visite aux militants de la Somme. Pour Patricia Chagnon, tête de liste RN aux municipales d’Abbeville et seule élue de sa liste, cette conférence-déjeuner sur l’Union européenne est un succès, avec le « très grand nombre de jeunes de moins de trente ans » venus pour écouter, boire un coup et… poser derrière une banderole « Jeunesse au cœur de feu, réveillez-vous Picards ». Le ton rappelle celui des Identitaires, pas étonnant. On compte au premier rang plusieurs militants ayant faits leurs armes chez Génération Identitaire et participant toujours volontiers à ses initiatives. Philippe Olivier, un ancien du FN passé par le MNR de Mégret, n’est pas venu seul. Il est accompagné de son attaché parlementaire. Ce dernier, un mois avant, disait avoir été contacté par « des habitants d’Abbeville » pour les soutenir dans leur opposition à la construction d’une mosquée. C’est un bon choix de se tourner vers lui, car Damien Rieu n’est pas uniquement attaché parlementaire pour le RN.

Damien Rieu est rédacteur du site Fdesouche. Modèle pour la fachosphère, Fdesouche ne compile que les faits-divers dont les protagonistes (auteurs présumés, jamais les victimes) portent un nom pas assez gaulois. L’effet est sidérant. Damien Rieu est passé maître dans l’art de lancer, sur les réseaux sociaux, les rumeurs les plus catastrophiques de « submersion migratoire » et d’« islamisation de la France ». Fdesouche est un formidable outil de propagande pour toute l’extrême-droite, RN compris. Damien Rieu a une certaine expérience de la communication et du FN : il a été chargé de communication pour Julien Sanchez, maire FN de Beaucaire, puis embauché au conseil régional de PACA après l’élection de Marion Maréchal, dont il anime le compte tweeter. Il fera ses premiers pas de collaborateur d’élu avec Gilbert Collard à l’Assemblée nationale. Mais si Damien Rieu a fait un passage au FNJ, c’est chez les Identitaires qu’il s’est formé, au point d’être au bureau directeur du Bloc puis de devenir l’un des porte-paroles de Génération identitaire. Il se fait connaître dans les actions contre la mosquée de Poitiers ou la fermeture de frontière symbolique au Col de l’Echelle. Mais Damien Rieu n’est pas le seul ancien cadre des Identitaires à grenouiller autour du RN.

Un reportage de la chaîne Al Jazzeera sur la Citadelle, le local des identitaires de Lille dirigé par Aurélien Verhassel, a montré certaines de ces connections. Pierre Larti, ancien dirigeant de la section parisienne de GI, a été chef de cabinet de Philippe Emery, le président du groupe RN au conseil régional des Hauts de France. Il aurait trouvé ce poste après avoir été licencié de son ancien boulot, responsable des ressources humaines, à la suite de révélations sur son militantisme. Rémi Meurin, militant de GI à Amiens, a réussi à être placé comme assistant de commission pour les élus RN, grâce au « bon réseau » de Verhassel. Il est aujourd’hui élu RN à Tourcoing.

Nicolas Goury, conseiller municipal au Petit Quevilly et délégué départemental adjoint du RN, s’occupe de formation dans le parti. Il travaille dans le « conseil en relations publiques et communication ». Il vient de Vague Normande, le groupe local des identitaires. Mathieu Balavoine, responsable de ce groupe, avouait aider fréquemment le FN : en se présentant aux départementales de 2015 ou filmant la galette des rois de Nicolas Bay en 2017. La production de film est son domaine professionnel. Nicolas Bay, un autre ancien mégrétiste normand, a perdu en 2019 son assistant Guillaume Parouda. Ce fondateur des Jeunesses Identitaires de Marseille, exclu du RN pour un vieux dossier antisémite le concernant, a rejoint un élu de l’AfD… autant dire, le bureau d’à côté dans le groupe parlementaire européen du RN. Mais Nicolas Bay conserve Bastien Rondeau-Frimas comme autre attaché parlementaire. Rondeau-Frimas intervenait en 2016 dans le local des identitaires niçois pour une conférence sur « l’Islam à la conquête de l’Europe ». Ces relations FN-RN et identitaires ne se concentrent en effet pas que dans le nord-ouest.

Philippe Vardon, ancien dirigeant de Nissa Rebela, est le plus célèbre des « transfuges » au FN, en tant que directeur de la campagne du RN pour les élections européennes et candidat du parti à Nice. Ses anciens camarades ont largement contribué à sa campagne, comme Benoît Lœuillet, ex-cadre de Nissa Rebela, aujourd’hui responsable du FN dans la ville. Après le congrès du FN de 2018, Philippe Vardon fait la tournée des fédérations pour des formations sur la communication avec la logique « s’implanter, s’allier, gouverner ». Loriane Schoch, son épouse, a été l’attachée parlementaire de Marie-Christine Arnautu au parlement européen, une historique du FN. Loriane Schoch exerce dans… la communication d’entreprise. Philippe Vardon a aussi été attaché parlementaire pour Nicolas Bay quand son frère Benoît offrait des prestations de service en matière de communication.

Arnaud Naudin, ancien du MNR, élu au bureau politique du Bloc identitaire, créateur d’une AMAP sur Paris, sera rédacteur en chef de Novopress, le site d’information des Identitaires. Il fait la campagne du Rassemblement Bleu Marine dans la Sarthe en 2015. Arnaud Naudin profitera des bisbilles internes en 2013, au moment où Philippot cherche à s’implanter en Lorraine. Il est, sur recommandation de « Paris », recruté comme attaché pour le groupe FN au conseil régional. Antoine Baudino était en 2013 responsable des Jeunesses identitaires pour Aix-les-Bains. Après avoir été stagiaire pour l’eurodéputé FN Jean-François Jalkh, il devient l’attaché parlementaire de Stéphane Ravier au Sénat. Il est aujourd’hui conseiller municipal RN de Berre-l’Étang. Romain Carrière a dirigé les Jeunesses identitaires de Toulouse. Il devient l’un des porte-paroles de Génération identitaire. Membre du RN, il est aujourd’hui collaborateur d’élus au conseil régional d’Occitanie.

Mais les relations identitaires dans le RN ne s’arrêtent pas strictement à GI. Pierre-Louis Meriguet a été assistant de Virginie Joron au parlement européen avant de devenir chargé de communication et animateur des réseaux sociaux du groupe RN de Bourgogne. C’est à lui que l’on doit les images de “l’affaire” de la mère voilée venue accompagner son enfant au conseil régional lors d’une sortie scolaire. Lorsqu’il était activiste violent à Tours, il dirigeait Vox populi, un groupe autonome mais très proche de Génération identitaire. Thibaud Gibelin, de l’Institut Iliade, le think-tank de Jean-Yves Le Gallou, a contribué à plusieurs bulletins du groupe parlementaire européen du FN (ENL).

Il a aussi été assistant d’élus au parlement européen. Julien Langella a commencé à l’Action française pour passer aux Jeunesses identitaires puis à Génération Identitaire dont il fut l’un des cadres pour la section de Provence. Voulant unir « le message chrétien au combat identitaire », il participe à la création d’Academia Christiana. L’année suivante, il est embauché un temps par le maire FN de Corgoloin comme chargé de communication. Aujourd’hui, instituteur dans une école hors-contrat, il se consacre avec l’Academia Christiana à la formation « de chefs et de guides ». Eloigné du RN, il tend malgré tout une oreille attentive au discours sur les « localistes contre les globalistes » de Hervé Juvin, parlementaire européen du RN, avec qui il devisait pour une table ronde sur « l’écologie enracinée » au dernier colloque de l’Institut Iliade.

Cette liste, non exhaustive, ne suffit pas à conclure au sujet de l’influence des Identitaires sur la ligne politique du RN. Ce parti est contrôlé par un cercle réduit de fidèles autour de Marine Le Pen. Mais l’indéniable présence de ces Identitaires indique bien l’existence d’un accord politique minimal sur le racisme et l’islamophobie. Une telle présence implique l’accord des dirigeants du RN, en manque de cadre. La direction du RN s’appuie sur eux à condition qu’ils fassent profil bas à l’extérieur du parti, mais sans rien cacher de leur CV, en interne. Aux dernières municipales, Marine Le Pen, découvrant le passé de sa tête de liste à Tourcoing, Rémi Meurin, indiquait :

« on ne va pas lui retirer une investiture au motif qu’il a eu un engagement précédent chez les « Identitaires » (…) mais c’est suffisant pour lui demander la raison pour laquelle il n’a pas fait connaître, dans sa demande d’investiture, ses engagements passés ».

Le moment venu, le RN pourra s’appuyer sur le savoir-faire des Identitaires pour construire l’affrontement avec le mouvement ouvrier, antiraciste, lgtbti et viser principalement les immigrés. Après le meurtre de Samuel Paty, Marine Le Pen réclamait une « législation de guerre » qu’elle inscrit dans une « stratégie de reconquête ». Des experts en « Reconquista », elle peut en trouver auprès des Identitaires.

 

Formés pour la Reconquête

En juin 2020, GI revendique 4 000 adhérents… mais sa capacité de mobilisation nationale n’excède pas 300 personnes. Lors de son université d’été sur le thème de « la frontière » en 2020, GI n’a rassemblé qu’une soixantaine de militants, quand elle en annonçait 200 en 2019. GI pourrait trouver des troupes plus massives, en puisant dans les milieux supporters ou dans la jeunesse du RN qui doit se contenter d’une fadasse et inexistante Génération nation. Mais est-ce bien là son objectif ? Les Identitaires se veulent une « centrale d’agitation et de formation », une « rampe de lancement des principales offensives identitaires, qu’elles relèvent de l’agit-prop ou de la pénétration de nos idées dans la société française ». GI n’a besoin que d’un groupe restreint d’activistes : « cinq militants valent mieux que cinquante farfelus » écrivait Dominique Venner en 1963.

L’agitation de GI sur « l’immigration-invasion » est couplée à une posture martiale de contre-attaque. Son lancement s’est fait en 2012 par une « Déclaration de guerre » qui affirmait : « notre seul héritage c’est notre terre, notre sang, notre identité » . Les Identitaires adorent montrer leurs séances d’entrainement sportifs. Ils se mettent régulièrement en scène sur les réseaux sociaux lors de rondes de sécurisation contre la délinquance et les « racailles ». En 2016, après le meurtre d’un prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvray, GI lance une campagne « Défends ton église » pour assurer la surveillance et la protection des églises. Comme pour les tournées de sécurisation, il s’agit plus de poser sur les réseaux sociaux qu’organiser l’auto-défense. Il n’empêche. Ancien champion de taekwondo et formateur chez les paras, Romain Carrière, outre son poste de collaborateur d’élu RN, a dirigé une boîte de coaching qui proposait des « Bootcamps dans le cadre de Teambuiding aux entreprises » [sic] puis a créé une éphémère Association française pour l’autodéfense :

« il est donc temps de se former, que chaque citoyen soit capable d’assurer lui-même sa propre protection ».

Dans un article pour Présent en octobre 2019, Langella, le catho-identitaire, s’interrogeait : « peut-on raisonnablement abandonner la responsabilité de défendre nos familles et nos biens au gouvernement ? ». Il répondait « semons push dagger et couteaux automatiques entre missels et carnets de chants ». La longue tradition de mercenariat de l’extrême-droite, qui a pu trouver dans le conflit du Haut Karabagh une nouvelle cause, renforce la fascination pour l’aventure armée. De là à monter la tête du premier « déséquilibré » biberonné aux fake-news de Fdesouche, il n’y a qu’un pas. Génération Identitaire, comme toute l’extrême-droite, joue sur le fil du rasoir.

Il est évident que dans le climat actuel, les passages à l’acte des plus faibles psychologiquement risquent de se multiplier. Génération Identitaire, largement médiatisé, représente effectivement un modèle d’engagement. Eric Coquerel, député de la France insoumise, en dénonçant des groupes « ennemis de la République » a demandé ainsi, après l’attaque d’Avignon,la dissolution de Génération Identitaire, « devenu un étendard pour des individus potentiellement meurtriers ». Il serasuivi par l’Observatoire national de l’extrême-droite (ONED) en décembre.

 

Jusqu’où iront les Identitaires ?

En 2002, Fabrice Robert et Guillaume Luyt, futurs dirigeants des Identitaires écrivaient une lettre ouverte à Brunerie :

« aujourd’hui, grâce à ton coup de folie, Maxime, nous avons l’occasion historique de faire, une bonne fois pour toutes, le ménage dans nos rangs (…). Ayant affronté, à visage découvert, les conséquences hystériques de ton acte insensé, nous avons en plus la légitimité pour en finir avec tous ces imbéciles ».

Ceci étant, le reportage en caméra cachée d’Al Jazeera à la Citadelle de Lille donne un bon aperçu de la difficulté persistante à « écarter tous les mythomanes nostalgiques et autres agents provocateurs ». Aurélien Verhassel, lui même, qui joue le cadre politique respectable, n’a-t-il pas été condamné pour violence en 2020 pour une affaire d’agression à la terrasse d’un restaurant ? En 2018, il était jugé puis relaxé dans une histoire de bagarre entre supporteurs de foot. « Zéro plus zéro, cela fait toujours zéro. L’addition des mythomanes, des comploteurs, des nostalgiques, des arrivistes… » la formule de Dominique Venner hante l’extrême-droite depuis les années 60.

Les Identitaires connaissent bien évidemment les risques de dissolution. Avec l’occupation du local de la CAF à Bobigny (93) en 2019, le gouvernement disait étudier les moyens de dissoudre l’organisation. Dans la foulée, GI proposait à Christophe Castaner une « carte d’adhérent d’honneur » pour sa dénonciation de la « collusion » entre les passeurs et les ONG qui secourent les migrants en Méditerranée. Difficile de lui reprocher un discours parfois repris par les républicains bon teints.

Le succès de GI s’appuie sur un maillage de groupes locaux, dont l’implantation est grandement facilitée par l’occupation d’un local, vitrine sur la ville. Il s’agit d’un élément fondamental pour « faire communauté ». Une dissolution gênerait certes la concrétion autour de tel lieu. Mais on peut se demander si une interdiction de GI parviendrait à dissoudre le réseau de connexions militantes et affinitaires. Une dissolution juridique n’affecterait en outre pas les militants déjà casés au RN. Elle amènerait soit à contourner la « reconstitution de ligue dissoute » avec une nouvelle organisation, soit à déplacer le savoir-faire militant au sein d’autres structures.

Génération nation n’a rien du FNJ de la belle époque. C’est une coquille vide à prendre. La récente création du Parti localiste par Hervé Juvin (consultant pour le patronat déjà proche des Identitaires) et son attaché parlementaire, Andréa Kotarac (renégat lyonnais passé de la France Insoumise au RN), pourrait aussi offrir un cadre politique. En outre le nomadisme militant déjà constaté depuis plusieurs années des jeunes nationalistes orientera les velléités individuelles d’engagement vers d’autres organisations politiques (on peut penser à l’Action française ou au réseau autour de l’Academia Christiana). Ces éléments peuvent se combiner avec la dérive autonome et violente de bandes affinitaires informelles, déjà existantes.

Lors leur dernière université d’été, les militant-e-s de GI portaient sur leur T-shirt une citation de Dominique Venner (Un homme n’existe et n’a de signification qu’à travers son clan, son peuple, sa cité). Dans les années 60, s’opposant aux « tares de l’opposition nationale », Dominique Venner définissait une nouvelle stratégie politique visant à noyauter les milieux de pouvoir les plus divers, au moyen d’« une organisation sans hiérarchie, sans délimitation territoriale, [avec des] membres qui fassent rayonner notre enseignement, suivant leur milieu, leurs capacités et leurs affinités ». Le RN n’est pas uniquement la porte de sortie alimentaire pour des militants médiatisés et grillés auprès de leur employeur, c’est aussi une étape cohérente du parcours militant des jeunes Identitaires. Le RN, dont les résultats électoraux le rapprochent toujours un peu plus des institutions, constitue l’un de ces milieux à pénétrer. Il faudra plus qu’un décret au journal officiel pour dissoudre cette « centrale idéologique ».

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