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Dans le sillage du grand mouvement social sur les retraites, Damien Bucco, socio-juriste du travail, propose un éclairage original sur l’investissement militant des retraités à travers la question du syndicalisme. 

 


Le « monde des retraités organisés » est un monde pluriel, tant par ses formes juridiques que par les objectifs de ses acteurs. On peine aujourd’hui à recenser le nombre d’associations de retraités au caractère militant plus ou moins affirmé, permettant aux retraités engagement et participation sociale. S’il y a bien des manières de militer en retraite, toutes ne se font pas parce que retraités et en tant que retraités, au sens où ces derniers se perçoivent comme constituant un « groupe d’intérêts ».

 

Certains groupements relèvent de ce que l’on pourrait qualifier d’une alter-politique du vieillissement, fondée sur l’auto-organisation de la vie sociale au « troisième âge »1. Ces groupements bénéficient, à l’occasion, d’une couverture médiatique, souvent inversement proportionnelle à leur nombre d’adhérents ; différentes initiatives donc, portées par telle ou telle association, tel ou tel groupe d’affinités, visant à développer, très pratiquement, des manières alternatives de « bien vieillir » et à contester les assignations sociales en matière de vieillesse. Bien qu’il s’agisse de formes minoritaires, socialement situées, elles peuvent pourtant apparaître comme des réponses pratiques aux revendications du libre choix de son mode de vie, visant à contrecarrer la dépossession qui marque tellement la condition sociale des « vieux ». Au-delà de leurs différences d’objectifs, ces groupements ont en commun, à leur manière, de participer à l’élaboration de stratégies d’empowerment et constituent une des expressions particulières de ce « pouvoir gris » qui cristallise tellement de fantasmes.

 

Le mouvement revendicatif des retraités, à strictement parler, qui se distingue d’autres types de groupements par la mise en avant de la défense des intérêts matériels et moraux des retraités, ne saurait être confondu avec les associations de retraités pratiquant un bénévolat actif. Au sein de cet espace militant particulier, plusieurs types d’organisations peuvent être distingués.

 

Si cela fait près de 40 ans que les confédérations syndicales organisent leurs adhérents retraités2, c’est, dans un premier temps, à partir des conflits entourant les événements de Mai-Juin 1968, que les retraités vont devenir un « nouvel enjeu organisationnel » pour les confédérations syndicales. La sociologue Anne-Marie Guillemard souligne qu’« à la fin des années 60, la population âgée est pour l’essentiel retraitée. Elle est donc en marge de la vie de travail et de la vie syndicale. Il s’agit d’une population largement inorganisée (à l’exception des retraités du secteur public), inconsciente des actions de classe à mener et qui, en conséquence, fait souvent politiquement le jeu du pouvoir. Elle constitue, de plus, un groupe dont l’importance numérique croît rapidement, comme viennent de le rappeler les résultats du recensement de 1968. Pour cet ensemble de raisons, les retraités deviennent progressivement un enjeu non négligeable pour les organisations syndicales ouvrières, qui cherchent à se renforcer, dans une période de mobilisation sociale intense. Ces dernières vont développer activement, vers la fin des années 60, leurs associations et unions de retraités afin d’organiser les retraités, en liaison avec les actifs, sur une base de classe. La CGT, en particulier, consacre une grande place dans sa presse, durant toute cette période, à l’effort de rassemblement des retraités. Elle organise en 1969 une conférence nationale des retraités et crée une Union Confédérale des Retraités avec la devise : "même en retraite on peut agir".»3. A.-M. Guillemard indique également que cet intérêt des syndicats confédérés pour l’organisation des retraités s’inscrit dans le contexte particulier de la fin des années 1960, lorsque l’État entreprend de développer une politique de la vieillesse : « la tentative d’un renforcement organisationnel en direction des retraités n’est certainement pas sans entretenir des liens étroits avec les efforts engagés dans différentes instances gouvernementales, durant la même période, pour mettre sur pied une politique d’action sociale en faveur de la population âgée ». Car, en effet, « en donnant une impulsion à leurs organisations de retraités, la CGT et la CFDT entendent contrer ce qu’elles considèrent comme des offensives idéologiques des pouvoirs publics sur ce terrain. Elles veulent réaffirmer les intérêts communs de classe entre actifs et retraités, et entraîner ces derniers à l’action, aux côtés des premiers. ».

 

Dans un second temps, l’on a assisté à partir des années 1980 au fait inattendu que des associations qui avaient historiquement pour fonction l’« occupationnel », les loisirs ou le « lien social », ont initié une stratégie politique de regroupement, en vue de peser sur les politiques publiques de la vieillesse4. Sans que cela en soit la cause unique, le développement de ses associations et leur orientation plus militante renvoie notamment aux difficultés rencontrées dans cette période par les organisations syndicales pour répondre à la « problématique » des préretraités.

 

L’espace socio-institutionnel des organisations revendicatives de retraités

 

Schématiquement, il est possible de distinguer aujourd’hui trois « pôles » correspondant à trois manières idéales-typiques de concevoir l’organisation des retraités et la défense de leurs intérêts5 :

 

– un pôle syndical, composé des Unions Confédérales des Retraités (et assimilées), dont la majorité des organisations relève à strictement parler du statut associatif (à l’exception de l’UCR-CGT et de l’UNSA-Retraités6). Les UCR revendiquent l’appartenance des retraités au monde du travail et à la classe salariale.

 

– un pôle associatif « indépendant », constitué autour de la Confédération Française des Retraités, qui a réussi à fédérer à partir de 2000 des « poids lourds » associatifs comme les Aînés Ruraux, la Confédération Nationale des Retraités, la Fédération Nationale des Associations de Retraités et l’Union Française des Retraités7, et qui revendique près de 2 millions d’adhérents.

 

– un pôle associatif que l’on pourrait qualifier d’« autonome » de par son positionnement intermédiaire, où l’on peut « ranger » l’Union National des Retraités et Personnes Agées et la Fédération Générale des Retraités de la Fonction Publique.

 

L’UNRPA est la continuation de l’ancienne Union des Vieux de France, regroupement national d’amicales de « vieux travailleurs » impulsé par la CGT parisienne entre 1944 et 1946, restée longtemps proche du PCF et contemporaine de l’Union des Vieux Travailleurs de la CFTC8. Au sortir de la guerre, les deux grands courants historiques du syndicalisme français disposent d’une organisation de « vieux travailleurs », la catégorie « retraités », dans cette période, tendant à se constituer dans l’objectivité du Droit avec le développement du droit à la retraite et de la Sécurité sociale. L’UNRPA a pâti du choix fait par la direction de la CGT après 1968 d’organiser les retraités en son sein. De par son ancrage historique dans l’écosystème communiste, elle a refusé d’être partie prenante de la constitution de la Confédération Française des Retraités, refusant la concurrence vis-à-vis des organisations syndicales de retraités induite par cette constitution.

 

La FGR-FP, organisation assez singulière créée 1936 sous statut associatif9 a résisté aux différentes scissions syndicales. Elle participe régulièrement à l’intersyndicale des UCR (« inter-UCR »), tout en ayant développé des liens solides avec quelques associations de retraités des fonctions publiques10. La FGR-FP est l’expression de l’« autonomie syndicale » chez les retraités, au sens classique du terme. Elle a joué jusqu’ici le rôle d’une sorte d’intersyndicale permanente des non-confédérés11. Cependant, l’avenir de la FGR-FP est incertain à long terme dès lors que plusieurs de ses composantes ont fait le choix d’organiser leurs adhérents retraités en leur propre sein12.

 

Les relations entre les trois pôles : syndical, associatif « indépendant » et associatif « autonome »

 

Si l’on observe de manière très ponctuelle des actions convergentes, et si les organisations se côtoient depuis le début des années 1980 au sein du Comité National des Retraités et Personnes Agées, des CORERPA (régionaux) et des CODERPA (départementaux)13, l’ambiance n’est pas aux relations chaleureuses. L’UCR-CGT entretenait des relations assez régulières avec l’UNRPA dans les années 80, de même que l’UCR-CFDT dans une moindre mesure. Le fait que l’UCR-CGT et l’UNRPA veuillent occuper un même espace a pu occasionner des tensions entre ces deux organisations faisant figures de « sœurs ennemies »14.

 

Le plus souvent, ces pôles marchent donc séparément15 car ils sont pris dans des enjeux de concurrence en matière de représentation de la catégorie « retraités », essentiellement entre le pôle associatif « indépendant » et le pôle syndical16. Les organisations du pôle syndical sont représentées dans diverses institutions et organismes de protection sociale, ce que jalouse la CFR. Cette dernière multiplie d’ailleurs les démarches pour être reconnue comme interlocutrice légitime des pouvoirs publics et obtenir le statut d’association agréée, ce qui lui permettrait de pouvoir siéger au Conseil Économique et Social17 et dans les organismes de protection sociale. Á cette fin, elle exerce un lobbying méthodique, en particulier auprès des parlementaires de droite18. Elle mène des actions similaires au niveau européen via la plateforme AGE19, laquelle est en concurrence avec la Fédération Européenne des Retraités et Personnes Agées, branche « retraités » de la Confédération Européenne des Syndicats20.

 

Sociologiquement, le pôle syndical et le pôle associatif « indépendant » n’ont pas la même composition : interprofessionnel et plutôt « populaire » dans le premier cas ; corporatif et plutôt « cadres » dans le second cas. Comme le souligne le sociologue Vincent Caradec, « ce sont les retraités des classes moyennes qui sont à la pointe du mouvement non syndical, dont la composition sociologique est très différente de celle des organisations syndicales »21.

 

Des conceptions antagoniques

 

Le point commun entre ces organisations réside dans la conviction qu’il existe une « cause des retraités ». Afin de la stabiliser, les organisations de retraités ont su développer des compétences d’expertise sur les questions liées au vieillissement22. Pour le mouvement syndical, l’exploration de ce champ nouveau a permis d’élargir ses thèmes revendicatifs. Cependant, comme on l’a déjà indiqué, les pôles « syndical » et associatif « indépendant » divergent profondément. La divergence fondamentale porte sur la « mise en forme » de cette « cause des retraités », comme sur les stratégies que les retraités doivent adopter pour défendre leurs intérêts spécifiques. Cette question sous-tend celle de la manière dont est conçue l’organisation de la catégorie « retraités » et celle du lien qui doit être établi avec les salariés. Il s’agit d’une question d’articulation et d’appréhension des intérêts sociaux.

 

Le pôle « indépendant » considère que la défense des intérêts des retraités doit être exclusive, et que les organisations syndicales – « dominées » par nature par les actifs -, ne sont pas à même de défendre sérieusement les retraités. Les organisations syndicales de retraités, au contraire, considèrent qu’organiser les retraités hors d’organisations communes actifs/retraités est une forme de corporatisme d’âge, le système par répartition justifiant au contraire, et objectivement, une organisation commune. Depuis la naissance de son UCR, la CGT considère que si « la particularité de la vie des retraités appelle une activité, un style, spécifiques, originaux », il n’en reste pas moins que « la totale convergence d’intérêts des retraités et des actifs demande une intimité d’organisation »23. Pour l’anecdote, en 1982, à l’occasion du débat parlementaire relatif à l’assouplissement des conditions d’adhésion aux organisations syndicales24 – où s’est discutée la possibilité que se constituent des « syndicats de retraités » en tant que tels (proposition des députés communistes) – le député Alain Madelin défendait l’idée que « le système actuel de retraite par répartition […] paraît justifier une défense concertée des intérêts des retraités », c’est-à-dire en lien avec les actifs. Et de poursuivre : « Est-il vraiment nécessaire de multiplier les syndicats de retraités ? C’est ce qui se passe aux Etats-Unis où le grey power a permis l’émergence de toute une série de nouvelles organisations de défense, quelque peu corporatistes, des intérêts des retraités. »25.

 

Il faut avoir à l’esprit que ce clivage – et les enjeux qu’il recouvre – n’est pas propre à la France. Il se manifeste au plan européen via le lobbying exercé par la plateforme AGE, comme cela a été mentionné précédemment26. L’enjeu est donc global si l’on en juge par le contentieux porté devant le Bureau International du Travail, quand bien même il serait statistiquement faible. En effet, les organisations syndicales de retraités espagnoles ont déposé en 1988 une réclamation auprès du Bureau de la liberté syndicale de l’Organisation Internationale du Travail contre le gouvernement espagnol qui avait conclu une négociation sur la revalorisation des pensions avec une association – l’Union Démocratique des Pensionnés (membre de la plateforme AGE) – pour contourner les syndicats, permettant ainsi de faire avaliser une augmentation des pensions minimaliste, que les syndicats contestaient bien entendu27.

 

Le fait syndical retraité est contesté dans ses fondements mêmes, et sa capacité représentative est récusée par les tenants d’une organisation « indépendante » des retraités. Il n’est pas anecdotique de lire dans la revue du B.I.T., sous la plume du président d’un parti de retraités israéliens (pourtant ancien responsable syndical)28, les arguments critiquant l’incapacité intrinsèque des organisations syndicales à représenter pleinement les intérêts des retraités et personnes âgées. « D’un point de vue structurel, les organisations de travailleurs ne peuvent défendre convenablement les intérêts des personnes âgées parce qu’elles sont créées, construites et équipées dans le but d’assurer une protection syndicale aux travailleurs » ; l’auteur plaidant pour « un autre mode d’organisation et de représentation, c’est-à-dire confier la promotion et la protection de leurs intérêts à des organisations indépendantes », lesquelles devraient se voir reconnaître le droit de conduire des négociations et de conclure des accords collectifs. Un tel raisonnement – qui essentialise le syndicalisme – légitime d’une certaine façon l’idée de « parti des retraités »29, même si pour l’heure – en France tout au moins – l’action du pôle indépendant dans le champ politique se manifeste plutôt « négativement », par l’appel au vote sanction notamment30. Transposée à l’échelle nationale, cette stratégie déboucherait sur la remise en cause le monopole syndical en matière de négociations collectives. Nous n’en sommes pas là pour le moment, d’autant qu’en France la jurisprudence a confirmé que les syndicats ont pleine qualité pour représenter les retraités dans le domaine de la négociation collective31. Le monopole syndical de représentation renvoie au lien intime qui unit négociation collective et liberté syndicale, appuyé sur une tendance historique d’élargissement du pouvoir de représentation des organisations syndicales32.

 

Le mouvement syndical retraité a des adversaires multiples, organisés, qui agissent au plan national et européen, voire international. Même si l’affaire est peu commentée, l’on peut dire qu’entre la représentation syndicale et la représentation associative dite « indépendante » des retraités, une lutte pour l’hégémonie est engagée33. Je l’ai analysé à l’occasion des élections à la CNRACL où les syndicats ont été fortement concurrencés dans le collège « retraités » par une association membre de la CFR34.

 

Poids et place des retraités dans les syndicats

 

La manière dont les retraités doivent s’organiser au sein des confédérations a fait l’objet de débats internes, parfois vifs. Cela a été le cas à la CFDT notamment au début des années 1980, où plusieurs conceptions de l’organisation des retraités se sont affrontées. Á cette époque, l’UCR-CFDT développait un syndicalisme retraité pour le moins « empirique », juxtaposant différents types de structures. Deux thèses s’affrontaient. Une thèse minoritaire, soutenue par les tenants d’un syndicalisme « authentique » pour les retraités – portée par Gilbert Declercq notamment35 – sur des positions finalement assez proches de celles de la CGT, et les tenants, majoritaires, d’un regroupement spécifique des retraités, interprofessionnel sous statuts associatifs, relativement déconnectée des syndicats professionnels de salariés. C’est la forme associative qui l’a finalement emporté. Á la CGT, les choses semblent s’être déroulées plus sereinement. Après avoir posé en 1969, le principe d’une « carte de retraité » (plutôt qu’un timbre syndical)36, la question du pattern d’affiliation syndicale a été tranchée assez rapidement puisque les statuts syndicaux ont eu la faveur des retraités CGT, avec primat du principe professionnel d’affiliation (sous la forme de sections syndicales de retraités).

 

A la remarque qui lui était faite en 1975, « le jour où vous verrez le triomphe du socialisme, la réalisation de ce pourquoi vous avez combattu depuis votre plus jeune âge, vous pourrez, l’âme en paix, songer à votre retraite », Georges Séguy répondait : « Pour un militant révolutionnaire qui a consacré toute sa vie à la lutte pour la justice et la liberté, l’avènement du socialisme ne saurait être une incitation à prendre sa retraite. […] De toute façon, quand je parle de ma retraite, je n’envisage en aucun cas une sorte de réclusion qui me ferait déserter la vie militante. J’éprouverai toujours le besoin d’y participer dans toute la mesure où mes moyens physiques me le permettront. » (Georges Séguy, Lutter, Paris, Stock, 1975)

 

La plupart des enquêtes portant sur le syndicalisme ne prennent pas en compte cette question. Les retraités sont considérés comme des adhérents « passifs », et de ce fait, sont généralement mécomptés, alors qu’ils sont pourtant « constitutifs de la force syndicale »37. A partir des travaux de Dominique Andolfatto et de Dominique Labbé38, on peut estimer que les retraités représentent aux alentours de 20% des adhérents de la CGT par exemple, encore que cette proportion varie très fortement selon les fédérations professionnelles. D’autres travaux retiennent le chiffre de 20%, toutes organisations syndicales confondues39, voire de 25%40. La proportion des adhérents retraités au sein des effectifs globaux des confédérations syndicales françaises serait passée de 10% en 1979/1980 à plus de 20% dans les années 1996/199741. On constate que la part globale des retraités est stable (ou diminue un peu, selon les sources) mais que leur nombre augmente dans certaines fédérations professionnelles42. La situation française cependant n’est pas comparable à la situation italienne où près de 56% des adhérents de la Confederazione Generale Italiana del Lavoro sont des retraités43. Les syndicats allemands sont également confrontés au même processus de vieillissement de leur corps militant44. Ce phénomène touche autant les syndicats états-uniens qu’européens45.

 

Il faut souligner que la proportion de retraités dans les syndicats ne dit pas grand chose de la place qu’ils occupent effectivement dans la vie syndicale. Un responsable de la CFE-CGC déclarait par exemple qu’avant 1999, plus de 50% des unions régionales de la CFE-CGC étaient dirigées par des retraités46. Souvent les militants retraités « s’emparent d’un rôle que les forces vives du syndicalisme ne sont plus toujours en mesure d’assurer »47. Un certain nombre d’Unions Locales, voire de fédérations syndicales, ne « tiennent » qu’à travers l’implication militante de leurs retraités. Au point que certains retraités font même figure de véritables permanents syndicaux. La vision que nous pouvons avoir de la réalité du syndicalisme est souvent déformée, tributaire pour une part des travaux sur le syndicalisme, centrés essentiellement sur les actifs salariés. On sait par ailleurs qu’il existe des dispositifs de minoration du poids de retraités et/ou de leurs structures, prévus par les statuts des organisations syndicales. Ainsi, pour l’élection des délégués aux congrès confédéraux de la CGT, les actifs ont un droit à un délégué pour dix cotisations mensuelles, contre un pour vingt chez les retraités. Á la CFDT, les Unions Territoriales de Retraités ne se sont vues reconnaître des prérogatives semblables aux syndicats d’actifs qu’à partir de son congrès de mai 2002. Cette minoration fausse la représentation sociale immédiate. La représentation « galactique » du syndicalisme, proposée par Hubert Landier et Dominique Labbé, paraît donc plus conforme à ce que l’on peut observer du syndicalisme actuellement. Dans un ouvrage paru en 1998, ils décrivaient l’organisation syndicale confédérée comme « composée d’un noyau dur de militants permanents entouré d’une première couronne de retraités, et à quelque distance d’un anneau de section syndicale d’entreprise »48.

 

Il n’en demeure pas moins que les syndicats rencontrent les difficultés à « retenir » leurs adhérents lorsqu’ils arrivent la retraite, à éviter les ruptures de liaison entre la situation d’actif et celle de retraité. Plusieurs raisons expliquent les difficultés à rendre la « continuité syndicale » effective. Se syndiquer à la retraite n’apparaît pas toujours comme une geste naturel. Trop souvent, l’idée de l’action syndicale est encore associée à celle de l’activité salariée, ce qu’elle n’est pourtant plus depuis longtemps. Ensuite, « être retraité » ne dit pas grand-chose de la génération à laquelle on appartient. Les écarts d’âge, au sein d’une même section syndicale de retraités, peuvent être très importants. Il faut faire « cohabiter » des jeunes retraités de 60 ans et des « vétérans » du syndicalisme qui ont parfois 90 ans ou plus49. Les préoccupations immédiates, en termes de modes de vie à la retraite par exemple, ne sont pas identiques. Les jeunes retraités considèrent souvent que les sections de retraités sont encore trop habitées par une orientation amicaliste et préfèreraient un syndicalisme « authentique », tel qu’ils l’ont connu étant salariés. Enfin, pour certains militants syndicaux – ceux qui ont été en responsabilité en particulier – l’arrivée en retraite peut apparaître comme un soulagement, et le moment de prendre du temps pour soi, pour réaliser les projets personnels qui ont été différés du fait d’un militantisme intensif pendant la vie active. Lorsqu’ils en ont « bavé dans leur boîte », ils n’éprouvent pas forcément le désir de « rempiler » tout de suite. Il peut y avoir un burn out syndical, un phénomène de saturation ou de « déprise » militante. La reprise de l’activité syndicale peut cependant avoir lieu un peu plus tard. La « fidélisation » des retraités et le maintien de l’affiliation syndicale se heurtent à de nombreux obstacles sur lesquels les organisations syndicales n’ont pas forcément beaucoup de prise. Tout le travail qu’elles mènent actuellement consiste précisément à anticiper le départ à la retraite, à rendre le syndicalisme retraité plus « naturel », plus attractif aussi50.

 

L’offre associative à la retraite peut aussi constituer un concurrent sérieux du syndicalisme retraité : si une association (de quelque type qu’elle soit : sportive, culturelle, etc.) réussit à capter la disponibilité biographique des syndicalistes au moment de l’arrivée en retraite, l’adhésion syndicale pourra être maintenue formellement (« avoir sa carte »), mais la participation militante ne sera pas acquise. Le syndicalisme doit donc s’efforcer de capter, pour son propre compte, la nouvelle disponibilité biographique générée par le passage à la retraite, les compétences militantes et les dispositions à agir dont sont dotés nombre de syndicalistes.

 

Les thèmes revendicatifs des organisations de retraités

 

Bien que sur des bases et des conceptions différentes, il y a des thèmes communs aux trois pôles. Le montant des pensions et la lutte contre la pauvreté monétaire des retraités occupent une place centrale dans les agendas revendicatifs. La question de « la place des retraités dans la société », de la prise en charge de la dépendance et de la perte d’autonomie également. Mais sur ces différents thèmes revendicatifs, les « options » varient. Les organisations syndicales de retraités revendiquent une prise en charge du « cinquième risque » dans la cadre de la Sécurité sociale, ce qui n’est pas le cas de la CFR qui évoque prise en charge par la « solidarité nationale ». Ainsi, les UCR – de concert avec les syndicats d’actifs – ont clairement condamné la bien mal nommée « journée de solidarité » de Raffarin. Sur la question de l’indexation des pensions sur les salaires des actifs, il est évident que les UCR sont plus légitimes et mieux armées que les associations du pôle indépendant. De même, lorsque l’on aborde la question de la prise en charge de la dépendance, la question de la qualité de l’emploi des salariés de ce secteur est posée – si l’on refuse de laisser au marché de soin d’organiser cette prise en charge, et si l’on refuse que les services à la personne soit le laboratoire d’une néo-domesticité féminine – . Le fait d’être organisés au sein des confédérations syndicales permet aux syndicalistes retraités de développer et de porter des revendications convergentes avec celles des salariés des secteurs professionnels concernés. Il en va de même sur la question du cumul emploi-retraite.

 

Il faut noter que les organisations syndicales se sont progressivement ouvertes à des thématiques dites « sociétales », au même moment où les associations s’ouvraient à des problématiques de représentation. Il faut avoir à l’esprit que, côté syndical, il n’y a pas que des revendications « quantitatives ». Lorsque l’on étudie par exemple l’histoire de l’UCR-CGT, l’on se rend compte qu’il y a également une contestation d’une certaine image de la vieillesse et de la condition faite aux « vieux travailleurs », une récusation de l’assignation sociale des vieux à l’« oisiveté » et au silence. Par exemple, on trouve de la part de l’UCR-CGT, au début des années 1980, une critique très forte du paternalisme et de la fausse neutralité politique des clubs de troisième âge, qui a par ailleurs justifié la création de l’association « Loisirs Solidarités Retraite », association partie prenante de son projet syndical retraité. Cette stratégie d’investissement de la CGT Retraités dans le domaine des loisirs visait précisément à combattre l’aspect « thérapie occupationnelle » des clubs, dont une des caractéristiques était d’évacuer la politique.

 

Le syndicalisme retraité a constitué, même si ça n’a jamais été simple, un outil de la prise de parole des retraités, comme groupe social et comme sujets « porteurs de droit »51, contribuant à lever l’inhibition revendicative qui a longtemps caractérisé la situation de retraite, en particulier dans les milieux populaires. La portée proprement politique, voire même émancipatrice, du syndicalisme retraité, est pourtant rarement analysée. Le sociologue Pierre Naville pouvait écrire en 1973 que « la cessation de l’activité professionnelle, la mise à la retraite dissocient l’action militante, la vident d’une partie de son contenu ; il en reste un souvenir précieux, mais un engagement restreint. Les convictions demeurent, mais la façon de les affirmer change »52. Je pense que les faits le contredisent aujourd’hui. Rien ne serait plus faux que de croire que la continuité de l’adhésion et du militantisme syndical à la retraite relèveraient d’une sorte d’« inertie comportementale ». C’est parce qu’il existe une « cause des retraités », identifiée, organisée, que les dispositions à l’action des militants continuent de s’exprimer, soutenu par un « nouvel esprit de la retraite ». Car les projets de syndicalisation des retraités, à la fin des années 1960/début 1970, seraient restés « théoriques » s’il n’avait rencontré des individus disposés à poursuivre leur engagement.

 

L’enjeu « retraités » pour les organisations syndicales

 

Il ne faut pas exclure a priori la question des retraités du débat sur la représentativité syndicale. Sous l’« ancien régime » de représentativité syndicale, qui alliait représentativité irréfragable pour les cinq confédérations et représentativité prouvée pour les autres, la Cour de Cassation avait jugé en 2004 que les retraités ne devaient pas être écartés de l’effectif des syndiqués pour apprécier la représentativité d’un syndicat53. Il n’est pas exclu que cette question puisse se reposer bientôt puisque le critère du nombre d’adhérents est l’un des critères de la nouvelle représentativité syndicale. Par exemple, pour la FSU, la reconnaissance des retraités (du fait syndical chez les retraités) est considérée comme un élément constitutif de la représentativité syndicale54.

 

Il existe une série d’enjeux majeurs à ce que les syndicats réussissent à garder en leur sein leurs adhérents « partis en retraite », comme on dit. Il est essentiel que la mise à la retraite soit une mise à la retraite du syndicalisme et équivalente à une inhibition revendicative. Pour sept raisons principales.

 

La première raison, c’est que les syndicalistes retraités ont un savoir et un savoir-faire militant important. On voit d’ailleurs de plus en plus de retraités occuper une place centrale dans les Unions Locales, voire dans certaines fédérations syndicales, même s’ils sont souvent cantonnés à des tâches administratives, parfois au rôle de « petites mains ». Ils occupent néanmoins une place pour laquelle on ne trouve pas ou plus de « postulants ». C’est aussi l’un des problèmes auquel est confronté le syndicalisme aujourd’hui. Il y a un enjeu majeur du point de vue de la transmission de la mémoire des luttes. On a pu observer par exemple que, dans un département comme La Loire Atlantique – où près de 27% des adhérents à l’Union Départementale sont des retraités – l’Institut d’Histoire Sociale départemental de la CGT est composé presque exclusivement de retraités. Il y a donc de la part des retraités un besoin, nécessaire et utile, de transmettre. Le syndicalisme est à un moment de basculement générationnel critique. On estime entre près de 1/5ème et 1/6ème la proportion des adhérents de la CGT partant en retraite dans les années à venir55. Les effets du papy/mamy boom peuvent produire une désadhésion massive au moment du passage à la retraite, si rien n’est fait pour organiser pratiquement la « continuité syndicale ». Or les acquis des luttes passées se perdent également lorsque la mémoire des luttes et des savoirs et savoirs-faire militants qui les ont rendu possibles n’est plus transmise. Il importe donc que le basculement générationnel ne génère pas une amnésie syndicale. Si, demain, les syndicats perdent leurs adhérents et militants qui ont participé activement à Mai 68 – voire pour certains même à la construction de notre système de protection sociale – ce serait là une perte très lourde. Il faudrait donc que le papy/mamie boom soit aussi un papy/mamy boom syndical, cela n’empêchant nullement par ailleurs que les syndicalistes retraités consacrent du temps à leur vie personnelle ou à des projets associatifs, sur le modèle de l’adhésion syndicale plus ou moins distanciée. Le récent mouvement social sur la question des retraites a d’ailleurs constitué une occasion de campagne de syndicalisation en direction des retraités pour les confédérations56.

 

La seconde raison, c’est que les dominants aiment jouer la carte de la « guerre des générations », en opposant « retraités » et « actifs », comme ils opposent par ailleurs actifs et privés d’emploi. C’est un piège évidemment très dangereux tendu au monde du travail. En ce sens, un discours convergent des actifs et des retraités est indispensable. On l’a d’ailleurs constaté lors des mobilisations de 2006 contre le Contrat Première Embauche, où l’inter-UCR a appelé les retraités à descendre dans la rue aux côté des lycéens, des étudiants et des salariés, alors que du côté de la CFR et de ses organisations, silence radio. De même, lors des récentes mobilisations pour la défense du système de retraite, l’inter-UCR a appelé les retraités à prendre part massivement à la mobilisation, quand la CFR a joué une autre musique, en tant qu’« organisation responsable qui ne demande pas l’abandon du projet de réforme des retraites »57, toute occupée – en revanche – à réclamer une place au sein du Conseil Économique et Social.

 

On a pu observer dans ces différentes manifestations le côtoiement de plusieurs générations, bel exemple de solidarités intergénérationnelles en acte. D’où l’enjeu syndical d’une formulation commune.

 

La troisième raison, c’est qu’on sent bien que le pouvoir peut jouer sur les divisions du mouvement des retraités, en mettant en avant la CFR par exemple. Il y a, de fait, une lutte pour l’hégémonie. L’enjeu n’est pas mince si l’on considère que les retraités pèsent d’un poids numérique et électoral important. Il existe donc un enjeu du côté du pôle syndical à isoler la CFR et ses réseaux, en tissant des liens avec les associations (comme l’UNRPA) – et futures associations qui pourraient développer un caractère revendicatif – sur fond de papy/mamy boom, la CFR n’ayant probablement pas fini d’attirer à elle de nouvelles associations. Il est probable qu’à long terme « l’efficacité revendicative des structures syndicales passe par un partenariat avec le monde associatif des retraités, monde pluriel, dont toutes les composantes ne se reconnaissent pas nécessairement dans la philosophie de la CFR »58.

 

La quatrième raison renvoie à la question de la participation électorale des retraités et à la structure de leur vote. Lors des élections présidentielles de 2007, les retraités constituaient un tiers de l’électorat de N. Sarkozy59. Si l’interprétation doit être prudente, l’on retiendra que la participation électorale des retraités est sans commune mesure avec celle des plus jeunes. Les tendances observées ne sont toutefois pas définitives puisque l’actuelle contre-réforme des retraites pourrait faire perdre à Sarkozy et consorts l’appui dont ils disposent au sein de la population des 60 ans et plus60.

 

La cinquième raison, c’est qu’il faut lutter contre la politique de culpabilisation et le discours dominant qui stigmatisent les retraités en les présentant comme un « coût », comme une « charge » pour la société et nos systèmes de protection sociale. Cela nous concerne évidemment toutes et tous, jeunes et moins jeunes. Les retraités – pour ceux qui ne vivent pas dans la précarité – font la démonstration de ce que vivre sa retraite peut vouloir dire. Certes, ils et elles doivent inventer61, tant il est vrai que la retraite est un moment de la vie qu’aucune institution sociale ne vient encadrer a priori, sauf peut-être l’institution familiale à travers la grand-parentalité. Cette démonstration, c’est ce que Bernard Friot appelle « le travail libre des retraités »62, la possibilité de jouir du temps, un temps où l’on peut « travailler » pour soi et pour autrui, sans être pris dans les rets de la subordination salariale, sans avoir « un patron sur le dos ». La retraite apparaît de ce point de vue comme un moment particulièrement propice au développement de l’individualité de chacun et de chacune dans le cours de sociabilités, se rapprochant de « l’homme total » visé par Marx : « Chacun de ses rapports humains avec le monde, voir, entendre, sentir, goûter, toucher, penser, contempler, vouloir, agir, aimer, bref tous les actes de son individualité »63.

 

La sixième raison renvoie à un défi intergénérationnel de la retraite : d’un point de vue systémique, le fait qu’existe un âge légal de la retraite constitue une manière de répartir le travail contraint entre les générations. Encore faut-il en être conscient et mesurer toutes les implications et des effets sociaux de sa remise en cause, du point de vue des rapports entre générations.

 

La septième et dernière raison, corollaire des précédentes, renvoie à la place de la retraite dans un projet post-capitaliste d’émancipation, en rupture avec les approches dépolitisées des organisations « indépendantes » de retraités comme des usages politiques conservateurs de la droite. La construction historique de la retraite – indissociablement, comme temps et rémunération garantis – s’oppose en tous points aux projets de « retraite à la carte » ou « par points » prônée par les sociaux-libéraux, comme elle s’oppose à sa destruction libérale, puisqu’« en étendant la période du travail contraint, le projet UMP réduit d’autant un moment particulièrement propice au développement polyphonique de la créativité de chacun au sein de sociabilités diversifiées. Pour nos subjectivités abîmées, la retraite constitue bien une conquête appelée à s’amplifier »64.

 

 

Damien BUCCO

Janvier 2011

 

Damien BUCCO est socio-juriste du travail.

 

Sigles principaux :

 

AGE : Plateforme Européenne des Personnes Agées

BIT : Bureau International du Travail

CES : Confédération Européenne des Syndicats

CESE : Conseil Economique, Social et Environnemental

CFR : Confédération Française des Retraités

CNRACL : Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales

FGR-FP : Fédération Générale des Retraités de la Fonction Publique

OIT : Organisation Internationale du Travail

UCR : Union Confédérale des Retraités

UNRPA : Union Nationale des Retraités et Personnes Agées

 

1 Pour le cas de La Maison des Babayagas de Montreuil, cf. Danielle Michel-Chich, Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs, Paris, Des Femmes-Antoinette Fouque, 2007.

2 Sur l’histoire – encore fragmentaire – du syndicalisme des retraités, cf. S. Béroud et G. Ubbiali, « Association ou syndicat ? Le syndicalisme des retraités face au principe associatif », in D. Tartakowsky (dir.), Syndicats et associations. Complémentarités ou concurrence ?, Rennes, PUR, 2006 ; D. Bucco et M. Jarry, « "Actif, j’y suis ! Retraité, j’y reste !". La "continuité syndicale" à la CGT », Gérontologie et Société (revue de la Fondation Nationale de Gérontologie) : « La citoyenneté », n° 120, mars 2007, pp. 65-76. Cf. également E. Feller, Histoire de la vieillesse en France (1900-1960). Du vieillard au retraité, Paris, Editions Seli Arslan, 2005 (le chapitre 9 de l’ouvrage est consacré aux mouvements de pensionnés dans les années 1930) et A. Prost « Jalons pour une histoire des retraites et des retraités (1914-1939) », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, Tome XI, octobre-décembre 1963, pp. 263-289.

3 A.-M. Guillemard, Le déclin du social, formation et crise des politiques de la vieillesse, Paris, PUF, 1986, p. 236.

4 Cf. J.-P. Viriot-Durandal, Le pouvoir gris. Sociologie des groupes de pression de retraités, Paris, PUF, 2003. Sur le contexte socio-institutionnel de l’époque, qui a joué un rôle de catalyseur, cf. R. Lenoir, « Une bonne cause. Les Assises des retraités et personnes âgées », in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 52-53, juin 1984, pp. 80-87.

5 Cette distinction ne recoupe pas celle des statuts juridiques, non plus celle des modalités pratiques de leur organisation.

6 Ces deux organisations relèvent de la loi de 1884, même si l’UNSA-Retraités a pour « branche » retraités de la Police une association loi 1901.

7 Les Panthères Grises sont également membres de la CFR. Ce petit mouvement a surtout une visibilité médiatique mais compte peu de membres. L’adhésion des Panthères à la CFR est une manière de faire exister leur groupement. Cf. R. Gossard et J. Huguenin, La révolte des "vieilles". Les Panthères Grises toutes griffes dehors, Paris, L’Harmattan, 2003.

8 A. Iellatchitch, « L’âge syndical. Représentation sociale et intégration du travailleur âgé dans le syndicalisme. Exemple de la CFTC-CFDT (1946-1970) », in D. Réguer (dir.), Vieillissement et parcours de fins de carrière : contraintes et stratégies, Paris, ERES, 2007.

9 Rappelons que le droit de former des syndicats (au sens de la loi du 21 mars 1884) n’a été reconnu aux fonctionnaires qu’en 1946.

10 Association Nationale des Retraités des PTT, Union Nationale du Personnel en Retraite de la Gendarmerie,  Union Nationale des Retraités de la Police, Fédération Nationale des Officiers Mariniers en retraite et veuves.

11 Notons qu’à côté des adhésions via les syndicats constitutifs, la FGR-FP a toujours recueilli des adhésions individuelles directes de pensionnés de la Fonction Publique non affiliés à un syndicat.

12 Les syndicats de la FSU, de Solidaires et de l’UNSA ont commencé d’organiser leurs adhérents retraités. La Fédération Générale des Fonctionnaires-Force Ouvrière est membre de la FGR-FP bien que FO soit dotée d’une UCR.

13 Instances consultatives qui regroupent les organisations syndicales et associatives de retraités.

14 Le 29ème congrès de l’UNRPA (4-7 mai 2010) a adopté une motion donnant mandat à sa direction pour organiser les démarches nécessaires à l’obtention de la reconnaissance d’utilité publique.

15 Les UCR ont par exemple refusé que la CFR participe à la journée du 16 octobre 2008.

16 « Retraités : associations et syndicats se disputent le leadership », Les Échos, 07/04/1995, p. 3.

17 La nomination par le premier ministre Jean-Pierre Raffarin, en 2004, de Jean-Louis Mandinaud (ancien secrétaire national de la CFE-CGC en 1982, et ancien vice-président de la FNMF, président de la CFR à l’époque) au CES au titre des personnalités qualifiées, a été salué par la CFR comme un premier geste de reconnaissance par les pouvoirs publics.

18 L’Observatoire Seniors et Société a précisément pour fonction de centraliser l’information et rendre compte des démarches de lobbying auprès des parlementaires, tant au plan local que national.

19 Créée sous impulsion de la Commission Européenne et co-financée par elle, AGE est une structure associative qui regroupe différentes organisations de retraités (CFR, amicales de retraités d’entreprises, etc.), mais également la Fondation Nationale de Gérontologie, Les Petits Frères des Pauvres … et la Fondation de l’Armée du Salut. De par sa composition, la plateforme peut difficilement être considérée comme une expression indépendante du mouvement des retraités.

20 « Selon la FERPA, la Commission ne fait que jouer les ONG contre les syndicats, ces derniers étant jugés comme des structures obsolètes », cf. Maximos Aligisakis, « Syndicats ou ONG : frères-ennemis interdépendants et acteurs hétéronomes ? », colloque international Cent ans après la Charte d’Amiens : la notion d’indépendance syndicale face à la transformation des pouvoirs, Amiens, 11-13 octobre 2006. Sur l’utilisation de AGE contre la FERPA par la Commission Européenne, cf. également Hélène Michel, « Du "dialogue social" européen au "dialogue civil" » ? Syndicats et ONG dans le recours à la "société civile" par la Commission européenne », Cent ans après la Charte d’Amiens… (repris dans Hélène Michel dans Politique européenne, n° 27 2009/1, p. 129).

21 V. Caradec, Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Paris, Nathan, 2001, p. 69.

22 D. Béland et J.-P. Viriot-Durandal, « L’expertise comme pouvoir : le cas des organisations de retraités face aux politiques publiques en France et aux États-Unis », Lien social et politiques, n° 50, automne 2003, pp. 105-123. Cf. également la récente étude réalisée par l’UCR-CGT et le cabinet Emergences, La santé tout au long de la vie. Le « bien vieillir » est indissociable du « bien travailler », avril 2010.

23 Cf. UCR-CGT, 1969-1989 : Vingt années de luttes pour les retraités, préretraités et veuves, Éditions CGT, 1989, p. 3.

24 Qui concernait les jeunes, les femmes, les salariés étrangers, les retraités et les chômeurs.

25 Compte-rendu intégral de la 1ère séance du lundi 24 mai 1982, paru au JORF n°47, 25/05/1982.

26 Soulignons que certaines organisations syndicales jouent sur les « deux tableaux », l’Union Nationale des Associations de Retraités-CFTC étant membre de la FERPA et de la plateforme AGE. De son côté, l’Union Nationale Interprofessionnelle des Retraités-CGC est membre de la plateforme AGE mais pas de la FERPA, puisque la CFE-CGC n’est pas adhérente à la Confédération Européenne des Syndicats mais à la Confédération Européenne des Cadres.

27 OIT, rapport n° 265, cas n° 1474, vol. LXXII, 1989, série B, n°2.

28 G. et R. Ben Israel, « Personnes âgées : dignité sociale et droit à la liberté d’organisation », Revue Internationale du Travail, volume 141, 2002/3, pp. 279-300.

29 Rappelons que plusieurs « partis de retraités » ont vu le jour en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en République Tchèque, en Slovénie, en Italie, dans l’État d’Israël, etc., réalisant des scores parfois conséquents (c’est le cas par exemple du parti des retraités italiens qui a obtenu un élu aux élections européennes de 1999 et de 2004). Il faut prendre cette donnée comme l’un des symptômes de la crise profonde de la représentation politique.

30 J.-P. Viriot-Durandal, « Le pouvoir gris : du vote au groupe de pression. La défense des intérêts des retraités par leurs organisations », Revue Sociologie Santé, n°23, décembre 2005, pp. 193-213 (p. 209).

31 Arrêts de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation des 23/11/1999 et 31/05/2001.

32 Les juristes G. Boreunfreund et M.-A. Souriac rappellent que « le pouvoir de représentation des syndicats a été progressivement étendu aux intérêts de tous les salariés, […] le cadre d’exercice de l’action syndicale n’a cessé de s’élargir aux fins d’embrasser l’ensemble du champ social », de telle sorte que la représentativité est devenue « une qualité consubstantielle à la représentation syndicale », in  G. Boreunfreund et M.-A. Souriac (dir.), Syndicats et droit du travail, Paris, Dalloz, 2008, p. 8.

33 S. Béroud et G. Ubbiali, « Association ou syndicat ? Le syndicalisme des retraités face au principe associatif », op. cit.

34 Cf. D. Bucco, « Syndicalisme retraité et solidarités intergénérationnelles », Les Cahiers de l’Atelier, n° 525, avril-juin 2010, pp. 27-35.

35 Le même Gilbert Declercq qui déclarait en 1974 dans un livre-entretien avec Alain Besson et Jacques Julliard, de manière presque prémonitoire : « On est militant ouvrier non par l’âge mais tout simplement parce qu’on est de cette classe ouvrière et qu’on est sa chair même. » (Syndicaliste en liberté, Paris, Seuil, 1974). Ces propos illustrent la conception d’une appartenance « charnelle » à la classe ouvrière, indifférente au statut d’actif ou d’inactif. Voir également son texte emblématique rédigé au début des années 1980 intitulé Note sur la place des travailleurs retraités dans les syndicats (fonds d’archives BRI 22, Centre d’Histoire du Travail de Nantes).

36 Dès 1960, la question d’une « carte de retraités » est évoquée par Benoît Frachon : « Il n’y a pas de corporation qui ait à ce sujet la même méthode. Une seule chose compte, essentielle : la délivrance de la carte retraité. L’essentiel, c’est l’organisation des retraités (sinon, les travailleurs iront à d’autres organisations pour débrouiller leurs difficultés). Pas de timbre, mais une carte ; et laisser aux corporations le soin de faire au mieux pour le reste. Pour les petites localités, des sections inter-corporatives. Laisser la cotisation aux organisations, en gardant toute la souplesse nécessaire. Laisser aux camarades le soin de régler tout cela (mais pas la CGT). », in UCR-CGT, 1969-1989, op. cit., p. 18.

37 J.-M. Pernot, Syndicats : lendemain de crise ?, Paris, Gallimard, 2005, p. 337. L’invisibilité des retraités dans la plupart des travaux portant sur le syndicalisme – affectant en retour les représentations du syndicalisme – tient à la centration des chercheurs sur les militants d’appareil et les syndicalistes d’entreprise. Mais elle tient également à la manière dont les productions scientifiques, notamment à travers les enquêtes statistiques sur l’adhésion syndicale, fabriquent cette invisibilité, en se référant à la notion de population potentiellement syndicable ou à celle de force de travail disponible, qui exclut les retraités du comptage.

38 Cf. D. Andolfatto et D. Labbé, « La syndicalisation en France. Essai de dénombrement des effectifs de la CGT et de la CFDT (1990-2006) », juin 2007, [http://learning.londonmet.ac.uk/wlri/jist2007/10%20Syndicalisme/ZXAndolfatto,Labbe.doc].

39 Cf. T. Amossé, « Mythes et réalités de la syndicalisation en France », Premières Synthèses, DARES, octobre 2004, n° 44.2 ; T. Amossé et M.-T. Pignoni, « La transformation du paysage syndical depuis 1945 », Donnés sociales, INSEE, 2006, pp. 405-412.

40 Cf. D. Natali, « Le rôle des syndicats dans l’innovation des systèmes de retraite : processus et contenu de réforme dans divers pays de l’Union », in Revue Belge de Sécurité Sociale, 4ème trimestre 2004, pp. 857-882.

41 Cf. D. Ferrand-Bechmann, « Le surgissement de l’acteur citoyen : les personnes âgées dans les associations », in Gérontologie et Société, n° 26, 1983, pp. 33-45.

42 H. Landier et D. Labbé observent par exemple que les retraités constituent « parfois plus de la moitié des effectifs de certaines fédérations de la CGT, telle la fédération des cheminots », in Les organisations syndicales en France. Des origines aux difficultés actuelles, Paris, Editions Liaisons, 1998, p. 57. Observation confirmée, chiffres à l’appui, par un spécialiste du syndicalisme cheminot, cf. G. RIBEILL, « Les habitués de la table ronde », in La vie du rail, n° 2298, 6-12 juin 1991, pp. 14-15.

43 Cf. B. Chiarini, « The composition of union membership : the role of pensioners in Italy », British Journal of Industrial Relations, 37:4, décembre 1999, pp. 577-600.

44 Cf. A. Iellatchitch, « Les retraités dans le système syndical allemand », Retraite et Société, n° 12, pp. 60-69 ; M. Kohli, H. Künemund et J. Wolf, « Les retraités ont-ils encore des liens avec la sphère du travail ? », Retraite et Société, n° 24, 1998, pp. 29-45.

45 C. Nusberg, « The graying of trade unions in North America and Europe », Ageing International, december 1991, pp. 9-17. Cf. également M. Hutsebaut, Les pensionnés en Europe occidentale. Développement et positions syndicales, Bruxelles, ISE, 1988.

46 « Papy boom. Les syndicats préparent la relève », Entreprise & Carrières, n° 779, 4-10 octobre 2005, p. 13.

47 H. Landier et D. Labbé, Les organisations syndicales en France…, op. cit., Paris, Liaisons, 1998, p. 57. Pour une lecture « alarmiste » du phénomène, cf. « Le syndicalisme menacé de mort pour cause de vieillissement », Newsletter Seniorscopie, 16/01/2006 et S. Delattre, « Les camarades syndiqués ont les tempes grisonnantes », Liaisons Sociales/Magazine, décembre 2002, pp. 30-32.

48 Ibid.

49 On peut également ajouter qu’il existe des différences d’attentes sociales vis-à-vis du syndicalisme retraité en raison du sexe, voire même du statut social. Cf. Bucco et D. Loiseau, « La classe ouvrière et son épouse. Le syndicalisme et "ses" ménagères au moment de la retraite », in Les Mondes du Travail, n° 6, septembre 2008, pp. 77-89.

50 Cf. D. Bucco et M. Jarry, op. cit.

51 D. Argoud et B. Puijalon, La parole des vieux. Enjeux, analyse, pratiques, Paris, Dunod, 1999.

52 Cf. Préface à A. Andrieux et J. Lignon, Le militant syndicaliste d’aujourd’hui. Ouvriers, cadres, techniciens, qu’est-ce qui les fait agir ?, Paris, Denoël, 1973, p. 12.

53 Arrêt n° 2127 de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 10/11/2004.

54 Cf. Jean-Pierre Billot, « FSU représentativité : les retraités aussi ! », 25/02/2008, [http://www.snes.edu/Representativite-les-retraites.htmlsite].

55 Cf. S. Béroud, Adhérer, participer, militer : les jeunes salariés face au syndicalisme et à d’autres formes d’engagements collectifs, rapport d’enquête IRES-CGT, 2004.

56 Cf. par exemple le tract de l’UCR-CGT « Retraité et syndiqué, c’est d’actualité », [http://www.ucr.cgt.fr/administration/upload_actu/tract_retraite__ndique_2010.pdf].

57 Communiqué de presse de la CFR, mars 2010, [http://www.retraite-cfr.fr/nos-dossiers/retraite/reforme.html].

58 D. Bucco et G. Ubbiali, « Syndicalisme et retraités en France : une mise en perspective sociologique », in Documents-CLEIRPPA, Cahier n°21, janvier 2006, pp. 28-32 [p. 34].

59 Cf. le sondage sorti des urnes, « L’élection présidentielle : explication du vote et perspectives politiques », CSA-CISCO, avril 2007.

60 Cf. « L’électorat senior de l’UMP grimace », L’Humanité, 20 mai 2010.

61 Les formes d’une politique d’« alter-vieillissement » restent d’ailleurs largement à inventer.

62 B. Friot, L’enjeu des retraites, Paris, La Dispute, 2010.

63 K. Marx, Manuscrits de 1844 ; repris dans Œuvres II, édition établie par M. Rubel, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1968, pp. 82-83.

64 C. Calame, C. Castejon, P. Corcuff, J. Pénit-Soria, « Contre-réforme Sarkozy : retrait(e) de l’individu », Le Monde.fr, 17/09/2010, [http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/09/17/contre-reforme-sarkozy-retrait-e-de-l-individu_1412110_3232.html].

 

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