Sur l’anticolonialisme et les communistes français (1919-1939)

Retour sur un livre de Claude Liauzu : Aux origines des tiers-mondismes. Colonisés et anticolonialistes en France 1919-1939, L’Harmattan, Paris, 1982.

En 1982, l’historien Claude Liauzu (1940-2007) publiait un ouvrage intitulé Aux origines des tiers-mondismes, dans lequel il s’intéressait à la séquence que représente la période de l’entre-deux guerres dans la formation de ce qu’il nomme les « tiers-mondismes » – qui se développeront notamment dans la période 1954-1975. Or, pour Liauzu, faire l’histoire des divers engagements tiers-mondistes implique de ne pas se cantonner à Diên Biên Phu, ou aux mobilisations contre la guerre du Vietnam. A travers des recherches en archives sur les « premières percées anticolonialistes », Claude Liauzu revient ainsi sur les rapports entre l’évolution du mouvement communiste français de l’entre-deux guerres et les luttes anticoloniales.

I.

L’ouvrage de Liauzu s’attaque de front aux contradictions – concernant la question coloniale – des premières années du Parti Communiste Français (PCF) afin de mettre en lumière l’évolution de cette organisation vers un Front Populaire qui délaissera totalement cette question. Alors que l’attitude du PCF face au colonialisme est souvent analysée en bloc, de manière homogène, notamment à travers le vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet en 1956 et plus largement à travers l’attitude du parti (ainsi que de son homologue algérien) lors de la Révolution algérienne, une analyse historique approfondie des premières années du parti en permet une approche moins simpliste.

En suivant l’analyse de Liauzu, on pourrait qualifier ces premières années de temps des « spécialistes ». Il semble, en effet, que malgré ses origines révolutionnaires, le PCF n’a jamais réussi à mettre sur pieds un réel mouvement de masse anticolonialiste en métropole. Nous ne reviendrons pas, ici, sur les tensions qui menèrent au congrès de Tours de Décembre 1920, et par là à la création de la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC, futur PCF), cependant il n’est pas inutile de rappeler – comme le fait très bien Jakob Moneta dans Le PCF et la question coloniale (1971 pour la version française) – que

(…) le P.C.F. dans les premières années de son existence a eu de la peine, en ce qui concerne la question coloniale, à faire respecter dans ses propres rangs les engagements qu’il avait pris en adoptant les 21 conditions de l’Internationale communiste[1].

De la même manière, Liauzu explique dès le premier chapitre de son livre que « [d]ans les comptes rendus des débats préparatoires publiés par l’Humanité, le problème est presque entièrement ignoré. Il est marginal aussi dans les travaux du congrès, en dehors de l’intervention de Nguyen Aï Quoc. » (p. 14). En fait, si la SFIC-PCF avait bien une rhétorique anticoloniale dans ses premières années, ses membres restaient assez largement divisés sur la question. Le PCF des débuts comportait en effet diverses tendances. Dans son Moscou sous Lénine, Alfred Rosmer – qui avait participé au congrès de Bakou avant de devenir membre du PCF – décrit par exemple que le fort chauvinisme de figures fondatrices du PCF comme Cachin et Frossard ne faisait pas mystère au sein de l’Internationale Communiste :

La séance allait commencer quand un petit homme, tout fluet, entra discrètement. Ivan, qui se trouvait près de moi, me dit : ‘’Boukharine … c’est notre cristal’’. Mon autre voisin, qui avait entendu sa remarque, se tourna vers moi, ajoutant pour la compléter : ‘’Dommage que vous n’étiez pas là quand votre Cachin et votre Frossard ont comparu devant le Comité central du Parti ; c’est Boukharine qui leur a rappelé leur chauvinisme, leur trahison du temps de guerre ; c’était bien émouvant ; Cachin pleurait – Oh ! dis-je, il a la larme facile ; en 1918 il pleurait à Strasbourg devant Poincaré célébrant le retour de l’Alsace à la France[2].

Durant son premier congrès à Marseille (du 25 au 30 Décembre 1921), la position officielle du PCF était assez proche de celle de l’Internationale Communiste (IC) en affirmant que les communistes devaient avoir une forte activité anticoloniale pas seulement parce que les peuples colonisés étaient victimes de l’expansion capitaliste, mais aussi parce que les indigènes étaient utilisés par la bourgeoisie française pour mener ses guerres impérialistes. A cela s’ajoutait la peur de voir ces indigènes être instrumentalisés comme force contre-révolutionnaire par la suite.

Néanmoins, cette rhétorique anticoloniale était accompagnée d’un fort paternalisme dont le meilleur exemple est sans doute la déclaration (publiée dans le Bulletin Communiste du 14 Février 1922) dans laquelle les communistes arguaient que les indigènes des colonies seraient incapables de s’émanciper par eux-mêmes puisqu’ils n’avaient pas de « passé révolutionnaire ». C’est entre autre à cause de ce « handicap politique » que le PCF décida de créer le « comité d’études coloniales » (CEC), par lequel Liauzu commence son ouvrage. L’une des premières activités de ce « comité d’études » fut la présentation d’un rapport lors du congrès – pas vraiment consistant – de Marseille.

Selon Liauzu, deux lignes se dessinent donc, symbolisées par le CEC d’un côté et la section de Sidi Bel Abbès de l’autre. Cette section de Sidi Bel Abbès était l’une des plus importantes en Algérie, la lettre que ses leaders écrivirent aux dirigeants du parti (1922) provoqua des remous politiques non négligeables. Cette section se déclara en total désaccord avec les thèses de Moscou sur le colonialisme et affirma que si les indigènes d’Algérie déclenchaient une insurrection anticoloniale avant qu’une révolution prolétarienne n’ait éclatée en France, l’Algérie risquerait de redevenir un régime féodal. C’est cette attitude que Trotsky qualifia de « point de vue purement esclavagiste[3] ».

S’il est vrai que le CED d’un côté et Sidi Bel Abbès de l’autre représentaient les deux « pôles » du PCF sur cette question dans les premières années du parti, il s’agit pourtant de ne pas surestimer le rôle du CED. Bien que n’ayant que peu d’impact, il fut restructuré (au milieu des années 1920) en « Comité Colonial » (CC), qui sera principalement animé par les jeunes communistes. Le CC restera le principal centre d’activité colonial du parti jusqu’en 1934 et l’avènement du Front Populaire. Cependant l’activité anticoloniale du PCF resta principalement le fait de « spécialistes ».

La figure majeure de ces spécialistes était, bien évidemment, Nguyễn Ái Quốc, un jeune Vietnamien qui fit un discours remarquable lors du Congrès de Tours (l’un des rares focus sur le colonialisme lors de ce congrès fondateur) et qui devint plus connu par la suite sous le nom d’Ho Chi Minh. En 1922, Nguyễn Ái Quốc joua un rôle primordial dans l’édition du journal Le Paria – principalement animé par des indigènes – et qui fut à peu près la seule manifestation de l’Union Intercoloniale – qui regroupait à la fois des réformistes « assimilationnistes » et des révolutionnaires. Cependant, la seule campagne d’importance qu’organisèrent les communistes en dehors des « cercles d’études » ou des « unions » fut la campagne contre la guerre du Rif.

Ce fut la première fois que l’anticolonialisme devint un argument de mobilisation des ouvriers français. Cependant, comme Liauzu l’explique dans un autre livre[4], la mobilisation contre la guerre du Rif – notamment entre 1924 et 1926 – écrasa totalement le mouvement nationaliste et syndical tunisien et les communistes ne réussirent pas à mettre sur pied une réelle solidarité avec les travailleurs tunisiens. On peut cependant trouver une exception à cela à travers la figure d’un autre « spécialiste » de l’anticolonialisme au sein du PCF – qui n’est mentionné que brièvement dans le livre de Liauzu – Robert Louzon[5], militant anarcho-syndicaliste qui soutint la mise sur pieds de la Confédération Générale des Travailleurs Tunisiens (CGTT) et qui finança le développement d’une presse communiste en arabe. Il décida de ne pas écarter la lutte du peuple tunisien et quitta le PCF en 1924, à une période où certains des militants historiques du parti en étaient exclus – comme Souvarine, Rosmer ou Monatte.

Un article entier serait nécessaire afin de développer la mobilisation remarquable du PCF contre la guerre du Rif mais il s’agit principalement de rappeler ici que dans les premières années du parti, les rapports de forces relatifs à la question coloniale n’étaient pas aussi simplistes. A cette époque des figures indigènes comme Abdelakder Hadj Ali étaient membres du PCF et participaient à l’anticolonialisme communiste. Hadj Ali – membre du comité central du parti puis de l’Etoile Nord-Africaine lors de sa création –  enseignait dans la « section coloniale » de l’école du PCF à Bobigny. Il créa également la première association pour les ouvriers nord-africains en métropole.

C’est avec le Front Populaire que l’anticolonialisme fut réellement liquidé au sein du PCF :

De l’activisme du Rif à la quasi-liquidation du travail colonial (…) la brutalité des changements d’orientation et la faiblesse des oppositions qu’ils suscitent posent le problème de la réalité de l’anticolonialisme dans le Parti communiste. (p. 45)

Au-delà de la seule mobilisation politique, Liauzu s’est également intéressé – et à raison – aux productions théoriques et conceptuelles, montrant par là une méconnaissance des théories marxistes de l’impérialisme et du colonialisme par les communistes : « la notion d’impérialisme n’apparaît dans aucun des rapports de la Commission coloniale des trois premiers congrès » (p. 46) ; « Un dépouillement des principales revues des années vingt en fait ressortir la pauvreté » (p. 46) ; « le ‘’léninisme’’, qui devient de rigueur à partir de 1925 relève de la vulgate, dont le modèle le plus élaboré est Le Communisme et les colonies de Doriot. Le recensement des ouvrages et brochures concernant l’impérialisme et le problème colonial et l’analyse des Cahiers du Bolchevisme confirment la pauvreté de l’appareil conceptuel » (p. 50).

En résumé, on pourrait dire que lorsque l’anticolonialisme du PCF, ne relevait pas du vœu pieux, il empruntait plutôt à la tradition antimilitariste d’avant 1914. Que ce soit sur le plan de la mobilisation ou dans les débats théoriques, le PCF ne proposa jamais – à l’exception de la guerre du Rif – d’anticolonialisme conséquent. Ce qui ne s’arrangea pas avec l’influence de Zinoviev, puis de Staline sur le parti.

II.

Dans les années 1930, Maurice Thorez devint le chef du parti, ce qui ouvrit la période que l’on pourrait qualifier d’« au service du peuple de France ». Avec Thorez, le PCF participa au projet du Front Populaire marquant ainsi une étape primordiale dans la « nationalisation » du PCF.

Comme l’écrit René Gallissot, cette période marque une nouvelle utilisation du terme de « peuple » par le PCF. Jusqu’alors, ce terme était utilisé pour parler des peuples opprimés dans les colonies ; avec le Front Populaire, les communistes commencèrent à traiter du « peuple de France » et à se lier de plus en plus à la Nation française. Avec la menace fasciste, l’anticolonialisme fut abandonné car il était perçu comme une possibilité d’affaiblir la France. Ainsi, la révolution n’était plus une priorité : l’ennemi principal était le fascisme et le sujet politique principal, le peuple français.  Le 12 novembre 1935, le journal fondé par Jean Jaurès, L’Humanité, titra même « Le soldat inconnu a retrouvé ses camarades ». Cet exemple est d’ailleurs assez parlant ; Benedict Anderson commence son étude sur le nationalisme par ce symbole :

Il n’est pas d’emblèmes plus saisissants de la culture nationaliste moderne que les cénotaphes et les tombes du Soldat inconnu. Les cérémonies et les hommages dont on entoure publiquement ces monuments (…) n’ont pas de précédents dans les temps passés. (…) Si vides que soient ces tombes de restes de dépouilles mortelles ou d’âmes immortelles identifiables, elles n’en sont pas moins saturées d’un imaginaire spectral national[6].

Dans la revue Période[7], René Gallissot explique dans un entretien que l’époque du Front Populaire fut une période d’adhésions massives au PCF. La campagne d’adhésion fut essentiellement basée sur deux aspects : la lutte antifasciste ainsi qu’un fort patriotisme républicain (fortement lié à l’antifascisme d’ailleurs). Dans ce même entretien, Gallissot revient sur la manière dont le terme de « peuple » remplaça celui de « classe » chez les communistes français.

Bien évidemment ce « populisme » du PCF n’était pas sans conséquence sur l’attitude du parti vis-à-vis des luttes anticoloniales. Ainsi, la coalition vietnamienne entre stalinistes, trotskystes et gauchistes – La Lutte – avait placé nombre d’espoirs dans les politiques du Front Populaire concernant le colonialisme. Espérances vites déçues, face à la réalité de l’inefficacité du Front Populaire. Il est vrai que dans le rapport de forces au sein de celui-ci, la SFIO avait plus de poids que le PCF ; mais il n’en reste pas moins que la lutte anticoloniale disparut quasiment de la politique communiste en France.

Après la déclaration Laval-Staline (15 mai 1935) notamment, la défense nationale devint la problématique principale au sein du parti, ce qui signifiait que toute lutte contre le colonialisme français était interprétée comme un obstacle face à la lutte de la France contre le fascisme. L’anticolonialisme au sein du PCF n’était donc même plus le fait de quelques « spécialistes », mais vraiment d’une petite minorité. André Morel, par exemple, qui avait déjà joué un rôle important lors de la contre-propagande durant la guerre du Rif, s’était profondément intéressé aux mouvements paysans ainsi qu’à la publication d’écrits en arabe. Morel reste un exemple de militant défendant l’idée que les communistes devaient s’allier aux mouvements nationalistes des colonies afin de lutter à la fois contre le fascisme et le colonialisme. Mais il s’agissait là d’une figure extrêmement rare au sein du PCF des années 1930.

La période du Front Populaire fut cruciale dans le devenir national du communisme français – à l’époque ses militants commencèrent même à participer au défilé du 14 juillet avec un drapeau tricolore. C’est également la période de fondation du Parti Communiste Algérien (PCA), en réalité juste une pâle copie du parti français. Le lendemain du congrès fondateur du PCA, L’Humanité publia un article expliquant que ce congrès était remarquable de par sa composition, ajoutant que 62 délégués arabes étaient présents, pour 67 délégués français.

Dans son ouvrage Liauzu ne revient que très brièvement sur la période du Front Populaire, s’intéressant plutôt aux quelques tentatives d’imposer la question coloniale au sein du parti et ne s’intéresse pas tellement au lien du PCF à la nation française. Il ajoute cependant, et c’est un point extrêmement pertinent, que l’abandon de l’anticolonialisme communiste s’accompagnait d’une tentative d’organisation de mouvements « communautaires ». Si les indigènes ne s’allièrent pas tellement, dans l’hexagone, à l’extrême gauche non communiste, c’est principalement à cause du même désintérêt pour la question coloniale.

Liauzu note ainsi que, dans les années 1930, la question coloniale n’occupait qu’une « place restreinte dans Le Libertaire. Aucun des 86 titres de la Librairie de l’Union anarchiste communiste ne lui est consacré, aucun de ceux du catalogue de la Librairie d’Editions sociales non plus » (p. 59). S’il est vrai que l’antipatriotisme et l’antimilitarisme des libertaires différenciaient clairement ceux-ci des communistes, ils n’eurent que peu d’impact sur les militants de l’immigration. L’une des rares exceptions au sein de l’extrême gauche française était La Révolution prolétarienne (qui s’intéressait surtout à l’Afrique du Nord). Cependant, même si le clan « anationaliste » était sans doute le plus présent dans l’extrême gauche française, avec le Front Populaire, il est clair que c’est une partie de celle-ci qui devint l’un des pôles anti-impérialiste principaux en France.

L’ouvrage de Liauzu, bien que publié dans les années 1980, reste d’un intérêt essentiel dans l’analyse du rapport qu’a pu entretenir la gauche à la question coloniale. Il est notamment intéressant de noter que l’antifascisme français – qui eut clairement un rôle important dans la lutte contre le nazisme – eut pour conséquence un abandon quasi-total de toute lutte anticoloniale de la part des communistes. Liauzu écrit ainsi que :

L’antifascisme (…) par ses urgences et ses priorités politiques, impose les enjeux européens comme le tout auquel la partie – l’outre-mer – doit se soumettre. L’idéologie qui le cimente pose l’Europe en tutrice et modèle. (p. 225)

Cette question était d’ailleurs débattue chez les marxistes de l’époque. La grille de lecture de Trotsky par exemple fut tout autre. En 1938, il écrivait :

Admettons que dans une colonie française, l’Algérie, surgisse demain un soulèvement sous le drapeau de l’indépendance nationale et que le gouvernement italien, poussé par ses intérêts impérialistes, se dispose à envoyer des armes aux rebelles. Quelle devrait être en ce cas l’attitude des ouvriers italiens ? Je prends intentionnellement l’exemple d’un soulèvement contre un impérialisme démocratique et d’une intervention en faveur des rebelles de la part d’un impérialisme fasciste. Les ouvriers italiens doivent-ils s’opposer à l’envoi de bateaux chargés d’armes pour les Algériens ? Que quelque ultra-gauche ose répondre affirmativement à cette question ! Tout révolutionnaire, en commun avec les ouvriers italiens et les rebelles algériens, rejetterait avec indignation une telle réponse. Si même se déroulait alors dans l’Italie fasciste une grève générale des marins, en ce cas, les grévistes devraient faire une exception en faveur des navires qui vont apporter une aide aux esclaves coloniaux en rébellion ; sinon ils seraient de pitoyables trade-unionistes, et non des révolutionnaires prolétariens[8].

De la même manière, toujours en 1938, dans A History of Negro Revolt, C.L.R. James écrivait, à propos de la révolte d’esclaves de Saint-Domingue, qu’il importait peu de savoir si la France était une république ou une monarchie réactionnaire, si chacun des deux régimes entendait garder les esclaves enchaînés : « L’impérialisme reste l’impérialisme »[9].

Outre la question (importante) du rôle que joua l’antifascisme des communistes, l’enquête de Liauzu est pertinente à plus d’un titre, afin de mettre en lumière non seulement le fait que le prolétariat français ne fut que rarement mobilisé par les communistes sur la question coloniale, mais surtout que « l’échec » du PCF face au colonialisme a des racines plus profondes que sa défense de l’Union française d’après 1945.

Selon Jakob Moneta, après la Seconde Guerre Mondiale « il y avait une chance historique unique pour que la nécessité de la solidarité internationale si fréquemment proclamée par les communistes puisse gagner du terrain en faveur des exploités des colonies »[10]. Pourtant, le social-chauvinisme du PCF ne disparut pas avec la défaite de l’Allemagne nationale-socialiste ; dans sa réponse à Suret-Canale, Moneta ironise sur « l’internationalisme du parti communiste français » qui n’est pas prouvé par sa lutte contre le réarmement allemand (après avoir voté les crédits de guerre français).

Comme le montre bien Liauzu, le fait que nombre de dirigeants anticolonialistes qui menèrent leur pays à l’indépendance soient passés par les écoles du PCF, mais que dans le même temps, aucun pays ne s’est libéré sous l’égide d’un parti communiste national (sauf au Vietnam), est un fait criant. L’évolution « à gauche » de la France des années 1930 et la radicalisation des colonisés se sont faites parallèlement, mais n’ont jamais mené à une convergence anti-impérialiste pouvant déboucher sur un mouvement fort en France.

Notes

[1] Jacob Moneta, Le PCF et la question coloniale [1920 – 1965], Maspero, Paris, 1971, p. 20.

[2] Alfred Rosmer, Moscou sous Lénine I – 1920, Maspero, Paris, 1970, pp. 56 – 57.

[3] Léon Trotsky, « Résolution sur la question française », 2 Décembre 1922, archives internet marxistes, https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1922/12/lt19221202.htm

[4] Claude Liauzu, Histoire de l’anticolonialisme en France. Du XVIe siècle à nos jours, Pluriel, Paris, 2010.

[5] Sur Robert Louzon, lire cet excellent article : Ian Birchall, « La gauche française et le colonialisme : ’’Une honte’’ de Robert Louzon ».

[6] Benedict Anderson, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, La Découverte, Paris, 2002, p. 23.

[7] Entretien avec René Gallissot, « Génération algérienne », Période.

[8] Léon Trotsky, « Il faut apprendre à penser. Conseil amical à l’adresse de certains ultra-gauches », écrit le 20 Mai 1938, initialement publié dans le 10ème numéro de la revue Quatrième Internationale en juillet 1938, consultable à l’adresse suivante : https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/05/lt19380520.htm

[9] C.L.R. James, A History of Pan-African Revolt, PM Press, Oakland, p. 68.

[10] Jacob Moneta, op. cit., p. 300.

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