Le Marx intempestif de Daniel Bensaïd. Au-delà de la coupure et de l’ontologie

« Because something is happening here / But you don’t know what it is / Do you, Mister Jones? » (Bob Dylan – Ballad of a Thin Man, in Highway 61 Revisited, 1965)

Quel est le testament de Daniel Bensaïd, si tôt disparu au début 2010 ? Comme toujours, l’intelligibilité d’un événement ne vient qu’après coup… Nul besoin de présenter Bensaïd : intellectuel marxiste, d’orientation trotskyste, son militantisme était indissociable de ses activités universitaires. Ce n’était pas n’importe quelle université, mais Paris VIII Vincennes (puis Saint-Denis), la novatrice, issue des révoltes et de l’ébullition de Mai 68. Les ouvriers y côtoyaient les étudiants, dans un échange qui unifiait la sagesse pratique et le geste réflexif – chez les premiers comme les seconds. Sa solide formation normalienne à Saint-Cloud et puis à Nanterre avait assuré à Bensaïd une érudition qui allait de Charles Péguy à Walter Benjamin, de Lénine à Nietzsche, en passant bien évidemment par Proust – et le vieux Maure. Il n’est pas exagéré de déclarer que pour Bensaïd revisiter la théorie revenait à relire Marx à la lumière du temps présent et de ses urgences, rendues théoriquement lisibles et face auxquelles il fallait politiquement s’organiser.

Néanmoins, même si ces quelques lignes sont justes et même si le legs de Bensaïd est évidemment beaucoup plus vaste qu’une telle brève énumération, la question de savoir quelles voies il a ouvertes reste à élucider. En se solidarisant avec la conception derridienne des « marxismes » (Derrida, 1993, p. 20), au pluriel, les rapports entretenus par Bensaïd avec les pensées de gauche sont controversés, et ce concernant à la fois son engagement et sa production théorique. Humble, il se définissait parfois comme un « passeur ».

Il en découle une série de questions : est-ce que la critique du sujet législateur et du mécanisme le place aux côtés de Foucault et de la « désirabilité » de la Révolution ? Son éloge du temps inattendu, du kairos, le ramène-t-il au voisinage de Deleuze ? La politique profane qui rompt avec la distance métaphysique peut-elle se rapprocher de la conception badiousienne de l’événement et sa multiplicité sans unité ? Que penser, par ailleurs, de sa lecture de Louis Althusser : est-il un ennemi à écarter ou un penseur de la rupture au sein d’une conjoncture ?

 

La dispute

Songeons, par exemple, à l’intervention de Slavoj Žižek lors du colloque « Puissances du Communisme », qui eut lieu juste après la disparition de Bensaïd. Dans son intervention, le philosophe slovène reprend Bensaïd qui, selon lui, aurait dit que l’avenir de la gauche dépendrait de l’appropriation des signes. En ce sens, entamait Žižek, l’ouvrage le plus important de Bensaïd serait son Jeanne d’Arc de guerre lasse (1991) en tant que Jeanne d’Arc serait une figure de la Révolution. Pour sa part, Michael Löwy a estimé, dans un numéro spécial de la revue Lignes consacré en 2010 à Daniel Bensaïd, que Le Pari mélancolique (1997) était sa contribution la plus importante, dans la mesure où l’idée pascalienne du recommencement nécessaire se faisait présente dans les voies révolutionnaires. En outre, le fait qu’Alain Badiou, ce « compagnon lointain », ait récemment publié un opuscule intitulé Le Réveil de l’histoire (2011) ne laisse pas non plus d’étonner. Il ne faut pas oublier la participation aux pages du Contre Althusser (1974), aussi bien que la portée de l’article rédigé lors du décès du caïman1 et la critique plus récente dans Résistances. Essai de Taupologie Générale (2001). Sa contribution à l’abécédaire pour le catalogue de l’exposition sur les quarante ans de Paris VIII n’est pas plus éclairante. Dans l’entrée « R » comme résistance (2010), le toulousain cite Mariategui et la lutte contre la vie et la mort, aussi bien que Bartleby de Melville, tant commenté par Deleuze et Negri – « I would prefer not to ». Simple histoire d’appropriation ou plutôt histoire des appropriations ?

Ces « moments », pour parler en termes dialectiques, ou simplement ces nuances, composent l’inventivité rouge de Bensaïd. Son souci le plus grand était, si j’ose dire, d’anticiper des pronostics, toujours conditionnels, de la vie exposée aux démarches de la société capitaliste – voilà sa « méthode ». C’est pourquoi lui et toute une génération d’intellectuels de gauche se sont emparés de Walter Benjamin, dont la maxime méthodologique du « détour » leur fournissait une référence autre que le caïman de la rue d’Ulm. « La méthode est un chemin indirect, elle est détour » (Benjamin, 1984, p. 50), au lieu, comme l’a soutenu le dernier Althusser, de la pluie et de sa déviation comme caractère déterminé de la matière vis-à-vis du néant (celle-ci se rend effective lors même de sa chute, sa nécessaire déviation). Une telle opposition se prête à marquer les différences entre le « virtuel » et le « possible », c’est-à-dire entre la pure rupture (ou un phénomène d’immédiateté subjective) et un rapport contingent entre continuité et nouveauté2.

Cette manière « détournée », c’était la façon « bensaïdienne » de faire de la théorie. Une telle non systématicité n’est pas de l’éclectisme. Bien au contraire, un peu comme le « collectionneur », personnage benjaminien par excellence, Bensaïd se concentrait à réparer ce qui était endommagé ; dans ce processus, chaque morceau renaît sous un nouveau jour, déplacé par le présent. On pourrait même nommer ce geste une « ouverture » philosophique, au-delà des passions identitaires d’appartenance académique, partidaire ou autres, car il y en a bien plus qu’on ne l’imagine. Ceci explique la cohabitation, dans le travail de Bensaïd, entre Debord et Arendt, ou entre Balibar et Kracauer. Finalement, sa « fidélité », comme le dirait Badiou (ou simplement une approche lacanienne), est restée aux côtés du commun.

 

Hypothèse de lecture : pour une intempestivité au sein des marxismes

Il s’agit ici d’introduire une polémique entre deux versants du marxisme, à savoir les productions respectives de Louis Althusser et de Georg Lukács3. Nous avons déjà posé différents éléments de cet enjeu par rapport au penseur français. En ce qui concerne le penseur hongrois, les développements issus de son Ontologie donnent l’impression d’une méconnaissance des spécificités de chaque texte marxien. Autrement dit, on a l’impression qu’il n’y a que le travail qui reste opératoire (seul le principe du travail « y travaille » – pour ainsi dire), ce qui revient à dire que l’idée de coupure a été ignorée. Il en découle que l’action politique est reconduite à la nécessité historique, ce qui est distinct d’un processus tendu de différenciation au sein d’une conjoncture.

Cependant, rien de cela ne signifie que Lukács soit un « chien crevé », comme l’éloge de Marx à Hegel dans Le Capital. Car finalement on lui doit au minimum le concept de réification. Après sa fertilisation par ledit « marxisme occidental », ce concept a été repris plus récemment par Axel Honneth comme oubli de la condition de reconnaissance intersubjective. Bensaïd lui-même y a fait appel lors d’un livre posthume, Le spectacle, stade ultime du fétichisme de la marchandise (2011). L’aliénation fonctionne comme horizon de la séparation entre ce qu’on peut et ce qu’on réalise.

Quoi qu’il en soit, notre but n’est pas la récupération d’une « histoire des idées marxistes » ; c’est pourquoi nous proposons une troisième clé de lecture : Marx, l’intempestif. Curieusement, on ne retrouve aucun développement conceptuel consacré à Nietzsche chez Bensaïd. On dirait qu’il s’agit d’une « cause absente », pertinente au nom d’une non-égalité du temps par rapport à lui-même4. Toutefois, la rupture y a un « nom » : celui de Walter Benjamin. Ainsi, nous nous proposons d’en circonscrire les principaux arguments. Nous soutenons que Marx l’intempestif (1995) est le chef-d’œuvre de Daniel Bensaïd. L’idée de rupture qui guette l’ennui était déjà présente dans ses écrits : en filigrane dans son travail antérieur autour de Walter Benjamin (1990) et ensuite dans les derniers textes.

Daniel Bensaïd recueille dans ce livre trois critiques majeures de la pensée de Marx, à savoir le mécanisme historique, la sociologie empirique classificatoire et, enfin, le positivisme de la science économique. Sa proposition est ainsi celle d’une philosophie de l’histoire qui rejette la spéculation, et vient au jour sur le mode d’une « déconstruction déclarée de l’histoire universelle » ; c’est pourquoi il s’agit d’une « histoire profane », d’un « devenir incertain, déterminé tant par la lutte que par la nécessité ». Les Grundrisse et Le Capital organisent une « nouvelle écriture » de l’histoire, où la conception du temps répond à des rapports sociaux qui s’expriment dans des cycles, des rotations, des crises, des rythmes et des « contretemps ». C’est la raison pour laquelle « l’ancienne philosophie de l’histoire s’éteint d’un côté dans la critique du fétichisme marchand, et, de l’autre, dans la subversion politique de l’ordre établi ».

« Contre la rationalité positive, qui range et classe, qui inventorie et répertorie, qui apaise et pacifie », la pensée d’inspiration marxienne « dégage la dynamique du conflit social et rend intelligible la fantasmagorie marchande ». En ce sens, le rapport de classe unifie et relie les antagonismes divers sans pour autant les confondre – tout en les déterminant. Si, une fois mises en rapports, des forces différentes peuvent devenir quelque chose d’autre que ne le laisse entrevoir leur simple face à face, un processus réel d’universalisation est possible et les classes cessent alors d’être un objet de classification pour exprimer le devenir historique. De cette façon la contingence est désormais rendue nécessaire. Tel est le « scandale » dialectique. Finalement, d’après le troisième point développé par Bensaïd, Marx se réclame de la « science allemande » et de la science de son époque (comme l’évolution et la thermodynamique), à un moment où les irrégularités du capital l’emmènent sur des terrains inconnus, voire vers les systèmes, les tendances et l’information. C’est pourquoi il a pu aborder les « logiques non-linéaires » ou les « nécessités conditionnées », ce que Gramsci appelle une « nouvelle immanence »5.

Bensaïd privilégie Benjamin et Gramsci, des « outsiders ». Leurs tragédies personnelles les ont rendus capables d’entendre les balbutiements de la nouvelle approche vers une autre réalité. La critique benjaminienne de l’abstraction temporelle – « l’image dialectique » faisant exploser le continuum de l’histoire des vainqueurs – et l’expérience de la défaite chez Gramsci contribuent à l’élaboration de la politique en tant que stratégie (l’hégémonie, où l’erreur appartient à la décision et où la lutte politique peut s’universaliser) (Bensaïd, 1999 [1995], p. 12-15). On comprend donc la formulation de Gramsci6 :

En réalité on ne peut prévoir « scientifiquement » que la lutte, mais non les moments concrets de celle-ci, qui ne peuvent pas ne pas résulter de forces opposées en continuel mouvement, non réductibles jamais à des quantités fixes, puisqu’en elles la quantité devient continuellement qualité (Gramsci, 1978, cahier n° 11, p. 202).

Ce genre d’initiative sépare la pensée de Marx de la « petite musique » positiviste ou encore des « odes au progrès ». De toute façon, dès le surgissement du marxisme au XIXe siècle, il était question d’une insensibilité envers « l’art du contretemps » : « profondément ancré dans son présent, elle [la pensée de Marx] l’excède et le subsume en direction du passé et du futur ». Bref, ce que Marx explore est un « anachronisme rythmé » qui « déconstruit la temporalité physique pour reconstruire une temporalité sociale » (Bensaïd, 1999 [1995], p. 15, 136, 7). Dans une œuvre de la prodigieuse production de 1995, La discordance des temps, Bensaïd parle d’un « privilège » du présent, qui serait plus politique qu’à proprement parler historique : « C’est pourquoi il n’est plus d’histoire concevable qui ne soit en même temps mise en doute méthodique de ses récits et de ses croyances, qui ne soit aussi, de quelque manière, philosophie de l’histoire » (Bensaïd, 1995, p. 270).

Que dire de l’avenir de la Révolution après les débâcles du XXe siècle ? Bensaïd s’interroge sur les rapports entre nécessité et contingence, toujours à l’aide de Benjamin. La troisième des « Thèses sur le concept d’histoire » porte sur la figure du « chroniqueur » : ce genre d’historien « narre les événements sans jamais vouloir distinguer les petits des grands », car il est animé par la conviction que ce qui s’est passé historiquement n’est pas perdu. Cela n’est vrai que pour une « humanité rédimée », dont le passé « est devenu intégralement citable ». Chaque instant vécu lui sert donc de « citation à l’ordre du jour » – et ce jour n’est rien d’autre que le « Jugement dernier » (Benjamin, 2000, p. 429).

L’achèvement de l’histoire n’apparaît que comme une « hypothèse limite ». Il en découle que la nécessité reste « indéfiniment en suspension » car intégralement soumise à la contingence, « de même que le progrès demeure sous réserve permanente d’inventaire ». Dans ce « jour improbable », la nécessité, une catégorie du passé, se manifeste en tant que possibilité advenue, ne pouvant donc être abolie. La réalité, catégorie du présent, associe et départage la nécessité et la possibilité, car la possibilité n’est qu’une nécessité en puissance, qui relève donc du futur (Bensaïd, 1999 [1995], p. 398). Marx tenta de dire le lieu pratique de la théorie ; on chasse les erreurs plutôt que l’on atteint la vérité. De la contemplation des principes de l’histoire, le mouvement est passé à la critique de l’effectivité.

 

L’alliance des écarts

Bensaïd ne cachait pas ses réticences envers un « impératif catégorique de résistance » ou encore envers le « formalisme de la fidélité à l’événement » (Bensaïd, 2008, p. 171). Nous sommes d’avis que le dialogue entre le marxisme et les tendances critiques contemporaines ne peut qu’enrichir les puissances transformatrices de notre temps. De plus, un tel exercice s’inscrit dans la tradition des « autocritiques ». Ceci dit, l’intempestivité s’avère un nouvel outil pour la pensée devenue monde telle que postulée par les marxismes. Si le « tout est possible » reste vide, les processus de détermination demandent un exercice d’écoute renouvelé.

Les « sujets révolutionnaires », ou plutôt leurs émergences, se donnent sur des bases nouvelles, car on a vu une intégration des travailleurs au système des besoins, ce qui les désengage de la négation de la société. La référence de Bensaïd, tant dans ses tout derniers cours en 2009 que dans l’opuscule posthume, est ici Herbert Marcuse. Les exclus de la consommation et des services publics ne sont pas exemptés des contradictions de la vie sociale. Bien au contraire, ils en sont le produit. Le changement est repéré au dehors du processus démocratique, avec les « parias » et « outsiders » ; leur position immédiate est déjà révolutionnaire (Marcuse, 1968, p. 280-281).

Selon Deleuze, la figure ou le « personnage conceptuel » du révolutionnaire est nomade. Il évolue dans l’ « écart » des différentes règles qui engendrent une société. Ces règles sont toutes en vigueur en même temps, dans les domaines les plus variés : le droit, la religion, la politique, l’économie, l’amour, le travail, la famille, la mort, la reconnaissance et ainsi de suite. La « conquête de la nature » obéit, en revanche, à une autre vitesse, dont l’objet est autant concret que ne l’est sa maîtrise. C’est pourquoi la loi se distingue de tout son poids – la loi, ou détermination économique, qui n’est pas qu’une loi parmi les autres, ce que Deleuze ne dit pas explicitement. Cela se fonde sur l’idée que la production de la réalité matérielle est plus volatile que les longues durées des systèmes symboliques.

Pour éviter toute réduction à un principe originaire, que ce soit le sujet historique ou le nomade deleuzien, nous suivrons la piste selon laquelle le politique peut apparaître dans cet enjambement de rythmes ressenti par Deleuze, ce vide qui permet d’autres mouvances – chez Bensaïd, le militantisme (en termes de temps, de durée subjective) ; ou encore les occupations, les sit-in’s (en matière d’espace, de peuplement d’un site). Alors,

c’est ce déséquilibre qui rend les révolutions possibles ; non pas du tout que les révolutions soient déterminées par la progression technique, mais elles sont rendues possibles par cet écart entre les deux séries, qui exige des réaménagements de la totalité économique et politique en fonction des parties de progrès technique (Deleuze, 1997, p. 64)7.

Qui plus est, la globalisation en cours ne procède pas de la technologie, mais de la contre-réforme libérale, des défaites sociales, de la faillite des régimes populistes et de la désintégration du socialisme (Bensaïd, 2008, p. 247).

Au contraire du technocrate et du dictateur, « le révolutionnaire vit dans l’écart qui sépare la progression technique et la totalité sociale, y inscrivant son rêve de révolution permanente », poursuit Deleuze. Ce sont donc ses propres conditions de vie qui permettent une action différente : « Or ce rêve est par lui-même action, réalité, menace effective sur tout ordre établi, et rend possible ce dont il rêve » (Deleuze, 1997, p. 64). On pourrait dire que cet écart concerne avant tout non pas la « multiplicité de règles » en rapport avec l’unicité technique, mais ce que la technique promet sous la forme de l’idéologie et du règlement marchand des activités humaines8 : l’autre nom de ce phénomène est l’utopie déterminée, qui sait que l’abondance peut être partagée, mais que cette abondance doit être produite et conduite autrement. Pour parler avec Marx, c’est le capital qui fait que « chaque progrès économique soit une calamité sociale » (Marx, 1977, p. 65).

Walter Benjamin propose, lui, une politique visant à gagner du terrain grâce à la « hache aiguisée de la raison, (…) sans regarder ni à droite ni à gauche, pour ne pas devenir la proie de l’horreur qui, du fond de la forêt vierge, cherche à vous séduire » (Benjamin, 1993, p. 473). Pas besoin de brevet pour y participer. Les « guérillas de l’esprit » se font à l’arme blanche (Bensaïd, 2008, p. 352) – au nom non pas de la connaissance du fait, mais de celle du « projet », qui oriente (Bensaïd, 1990, p. 171).

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Gustavo Chataignier, ancien étudiant de Daniel Bensaïd, enseigne à la PUC-Rio (Pontificale Université Catholique de Rio de Janeiro), où il co-anime le NuFFC-UFRJ, groupe de recherches sur la philosophie française contemporaine. Il est aussi chercheur associé au Laboratoire des Logiques Contemporaines de la Philosophie, du Département de Philosophie de l’Université de Paris 8. L’auteur tient à remercier vivement Sameh Dellaï pour son aide.

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références

références
1 « La mort d’Althusser », paru dans Rouge (1990) et disponible en ligne. L’accent a été mis sur la séparation entre science et politique.
2 Cela en termes, si jamais cela s’avère plausible, strictement épistémologiques, dont l’amplitude politique est le « réel » du nom théorique. Le « courant souterrain » du matérialisme, développé même avant Marx, se déchire entre « l’aléatoire de la rencontre et la nécessité de la révolution ». La rencontre veut percer la « réalité de l’histoire », mais également ses aspects politique et pratique. Ce qui revient à dire que ces sphères se décident « dans la lutte » : nous avons affaire à une pensée de la pratique dont l’enjeu est de « penser la pratique à travers une pensée » (Althusser, 1994, pp. 559, 565-566, 547, 560-561). Le rapport entre l’histoire et la politique est bien là ; la conjoncture et la rencontre sont articulées par la lutte. Cependant, Bensaïd regrette qu’Althusser ne soit pas allé jusqu’au bout pour affirmer le primat de la politique sur l’histoire, à l’instar de Benjamin (1993, p. 405). On consultera avec profit le texte de D. Bensaïd « Louis Althusser et le mystère de la rencontre » ; il s’agit en fait d’un chapitre de Résistances. Essai de Taupologie Générale (2001, p. 95-142).
3 Nous profitons de cette note, même si sa taille est dérisoire par rapport à la complexité du thème évoqué, pour éclairer notre point de vue. Il ne saurait s’agir dans le cadre de cet effort de réflexion d’arriver à une « vérité » quelconque des lectures et interprétations créés et reformulées par D. Bensaïd au cours de sa vie et de sa carrière. Ce travail, nécessaire, restera la tâche soit des historiens soit, à un tout autre niveau, de ses proches. Le point décisif du présent texte est ailleurs : l’ « innovation » de Bensaïd, si on nous permet le mot, consiste en une lecture qui ne se laisse pas réduire ni au « classicisme » lukácsien ni au « modernisme » althussérien (après les « fondations », le XXe siècle aurait été marqué par ces deux lectures de Marx – totalité et coupure). Sa méthode de « décomposition-composition », s’il faut lui donner un nom, repose sur une mise en marche des concepts marxiens à partir des problèmes posés par le présent – d’où le titre nietzschéen de son chef d’œuvre, Marx l’intempestif. Éminemment de l’ordre de la construction et de la production, cette approche explose la ligne droite du progrès au profit des constellations. Un tel mouvement de configuration d’une situation a lieu grâce soit à un événement présent, soit à un choc, une rencontre. Dans la Généalogie de la morale, Nietzsche n’hésitait pas à mentionner le jugement selon lequel l’histoire d’une chose n’est que l’histoire des appropriations qu’elle a subies (2008, p. 152-153). Cela exige, bien évidemment, la justification de la démarche théorique adoptée. Bref, on est loin d’une visée biographique.
4 Walter Benjamin utilise la Deuxième considération inactuelle de Nietzsche comme épigraphe de la douzième de ses « Thèses sur le concept d’histoire » : « Certes, nous avons besoin de l’histoire, mais nous en avons besoin autrement que le flâneur raffiné des jardins du savoir, même si celui-ci regarde de haut nos misères et nos manques prosaïques et sans grâce ». Bref, poursuit-il, « nous ne voulons servir l’histoire que dans la mesure où elle sert la vie ». La critique du mécanicisme se complète dans l’action présente : « agir contre le temps, donc sur le temps, et, espérons-le, au bénéfice d’un temps à venir » (Nietzsche, 2007, p. 91, 157, 134-135, 123-124 et 94).
5 Pour Gramsci, la formalisation des « lois tendancielles », dont le sens est « historiciste » et « non spéculatif », a permis à la philosophie de la praxis de découvrir une « nouvelle immanence » qui lui est propre (Gramsci, 1978, cahier n° 10, p. 52-53).
6 Pour le philosophe italien, la « recherche de lois » positives, « régulières et constantes » n’est rien d’autre qu’une position « puérile et naïve » visant à rendre compte du « problème pratique de la prévisibilité des événements historiques ». La quête de « causes essentielles » fut renversée par les Thèses sur Feuerbach – puisque l’apparition d’une nouvelle réalité, qui occasionne « un étrange renversement de perspectives », ne saurait se laisser réduire d’une façon si « simpliste » où l’histoire est entendue comme un ensemble de processus naturels. Seule l’« action » permet de départager les prévisions (toujours partielles) à même de créer des effets politiques, postule Gramsci : « On ‘prévoit’ réellement dans la mesure où l’on agit, dans la mesure où l’on applique un effort volontaire et donc où l’on contribue concrètement à créer le résultat ‘prévu’. La prévision se révèle par conséquent non comme un acte scientifique de connaissance, mais comme l’expression abstraite de l’effort que l’on fait, la façon pratique de créer une volonté collective ».
7 Mettre son temps en concept pose encore la question stratégique : faire la carte des nouvelles expériences technologiques et de communication ne renferme pas le concept sur soi-même. Bien au contraire, cela ne fait que jeter la lumière sur les champs continuellement à politiser et tendanciellement marchandisés. Deleuze fait d’ailleurs référence à Trotsky, à la « révolution permanente ».
8 L’usage de la technique et ses effets étant toujours déjá médiatisés – ce qui exorcise, encore une fois, tout fétichisme.