A lire : l’introduction de « En finir avec l’Europe » (coordonné par Cédric Durand)

Cédric Durand (dir.), En finir avec l’Europe, Paris, La Fabrique, 2013, 160 pages, 15 euros.

 

Introduction : qu’est-ce que l’Europe ?

Jamais l’Europe n’aura été aussi présente dans le débat public. Depuis 2009, pas un mois ne passe sans que le spectacle mélodramatique des déchirements et réconciliations entre gouvernements et institutions de l’Union ne connaisse de nouveaux rebondissements. Tandis que la région s’enfonce dans la récession et la désespérance sociale, partisans et adversaires de l’austérité s’affrontent, faisant de cette querelle macroéconomique la question principale. Paradoxalement, au-delà des péripéties institutionnelles et du constat de l’enlisement économique, le problème de savoir ce qu’il advient de l’Europe et de ses peuples demeure terriblement obscur. L’objet Europe est certes difficile à saisir, protéiforme et instable, mais cela rend d’autant plus nécessaire d’ouvrir la boîte noire. Ce livre propose ainsi de faire un pas de côté par rapport au torrent des événements pour comprendre la crise et expliciter ses enjeux.

Les textes réunis engagent de front une discussion devenue inévitable sur le projet européen dans sa globalité. Sociologue, économiste, anthropologue ou politiste, chacun des auteurs intervient pour en éclairer un aspect jusqu’alors sous-jacent mais rendu saillant par l’onde de choc de la première grande crise capitaliste du xxie siècle :  l’indigence de l’européisme (Kouvelakis p. 49), les marchés dressés contre les peuples (Streeck, p. 59), la monnaie unique comme aporie (Lapavitsas, p.?71), la montée d’un césarisme bureaucratique (Durand et Keucheyan, p.?89), la persistance d’une menace néonazie et son instrumentalisation en Grèce contre les mouvements populaires (Dalakoglou, p.?115). Cette vue d’ensemble fait apparaître un projet de classe dont la violence structurelle est décuplée par sa fragilité. Pour l’Europe en crise, tituber sur ses deux jambes, c’est accélérer un processus d’intégration sans légitimité démocratique et radicaliser l’agenda des réformes néolibérales. Autrement dit, asphyxier la délibération démocratique pour mieux livrer les sociétés européennes au processus d’accumulation du capital.

Le constat est abrupt. Il appelle des enseignements. C’est dans ce cadre qu’il s’agit d’en finir avec l’Europe. En finir avec l’Europe comme une évidence, comme une ligne d’horizon de la controverse politique. Au premier chef, l’Union européenne est en cause. Mais cela questionne aussi l’a priori de l’« autre Europe » comme seule option stratégique immédiatement opérante pour les gauches sociales et politiques. Car si les nations ne sauraient être un refuge, l’Europe néolibérale se révèle être un piège dont il reste à se défaire.

Engager une telle discussion exige, en préambule, de défricher à minima la question trompeusement simple de savoir ce qu’est l’Europe. Cette question a de multiples facettes. Dans le tableau d’économie politique proposé ici, elle peut se comprendre de la manière suivante : quels sont les forces et les principes qui, depuis l’après-guerre jusqu’à la crise de l’euro, portent et animent ce processus politico-institutionnel inédit ?

 

Les Etats-Unis, accoucheurs de l’Europe

Selon l’histoire officielle, la construction européenne trouve son origine dans l’action déterminée et bienveillante des « pères de l’Europe », au premier rang desquels Jean Monnet[i]. Sans « l’énergie et la motivation » de ces « dirigeants visionnaires », mus pas le même idéal d’« une Europe pacifique, unie et prospère », l’« espace de paix et de stabilité que nous tenons pour acquis n’aurait pas pu voir le jour[ii] ». Ce récit héroïque s’enracine dans le traumatisme des deux conflits mondiaux qui ont dévasté le continent. Si la pacification de l’Europe est à l’évidence une préoccupation importante, l’intégration européenne n’est issue d’aucun enracinement populaire ; l’amitié entre les pères fondateurs est célébrée comme le symbole d’une fraternisation des peuples qui n’a jamais eu lieu. L’impulsion donnée après-guerre au processus d’intégration européen provient de la mobilisation d’une toute petite élite transnationale dont le projet n’a réussi que parce qu’il convergeait avec la stratégie du gouvernement des États-Unis visant à poser, en Europe, les premiers jalons de la construction d’un capitalisme global.

Dès les années 1920, il y a une prise de conscience que la fragmentation de l’espace politique européen tend à transformer les rivalités économiques en conflits géopolitiques. C’est la thèse développée par l’instigateur du mouvement paneuropéen, le comte Coudenhove-Kalergi en 1923 « L’Europe, dans son morcellement politique et économique, peut-elle assurer la paix et son indépendance face aux puissances mondiales qui sont en pleine croissance ? Ou bien sera-t-elle contrainte, pour sauver son existence, de s’organiser en fédération d’États ? Poser la question, c’est y répondre[iii]. »L’union douanière est alors considérée comme l’élément clé d’une unification qui doit prévenir le retour de guerres internes au continent et conjurer le déclin. Cependant, en dépit de la Seconde Guerre mondiale, ce projet ne va pas être choisi en propre par les classes dirigeantes européennes. Ce sont les pressions conjuguées de l’URSS et d’un mouvement ouvrier en plein essor qui conduisent les États-Unis à imposer l’agenda de l’intégration européenne. L’objectif est double : arrimer solidement l’Allemagne fédérale au camp occidental et forcer la réorganisation de bourgeoisies nationales fortement décrédibilisées par leur collaboration avec le régime nazi[iv].

En 1949, l’Américain Paul Hoffmann, administrateur de l’Economic Cooperation Administration (ECA) chargée de la répartition des fonds fournis par le plan Marshall, exige des Européens de s’engager au plus vite sur la voie de l’intégration économique. « La substance d’une telle intégration devrait être la formation d’un marché unique dans lequel les restrictions quantitatives aux mouvements des biens, les barrières monétaires aux flux de paiements et, finalement, tous les droits de douane devraient être éliminés de manière permanente ».Pour connaître la prospérité des États-Unis, l’Europe doit opérer une restructuration du capital grâce à un changement des échelles de production : « La création d’une aire permanente de libre-échange comprenant 270 millions de consommateurs aurait de multiples conséquences bénéfiques. Cela accélérerait le développement d’industries à grande échelle et à bas coûts. Cela favoriserait l’utilisation efficace de toutes les ressources et rendrait plus difficile l’étouffement d’une saine concurrence[v]. » La plupart des arguments économiques qui vont être plaidés en faveur de l’unification européenne sont déjà présents.

C’est à l’instigation des États-Unis que l’Union européenne des paiements est mise en place afin de contrecarrer la pénurie de dollars qui freine le développement du commerce intra-européen. Surtout, par le biais de Jean Monnet, les États-Unis soutiennent activement la déclaration Schumann du 9 mai 1950 qui lance la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), première institution supranationale européenne. Dotée d’une haute autorité disposant de compétences antitrust, la CECA agit en suivant le modèle de la Federal Trade Commission c’est-à-dire, d’une part, en interdisant la constitution de cartels et en empêchant des firmes d’établir une position dominante et, d’autre part, en favorisant les opérations de fusions et acquisitions qui permettent de diminuer les coûts de production grâce à la réalisation d’économies d’échelle.

L’alternative entre, d’un côté, les nations qui engendrent les guerres et, de l’autre, l’Europe qui représente la paix[vi] est un raccourci qui masque un pan essentiel des origines du processus d’intégration. L’intervention directe des États-Unis dans le geste inaugural européen participe de l’affirmation d’un nouveau type d’empire. Celui-ci n’a pas besoin de conquêtes territoriales, il n’a pas peur d’aider à l’émergence de rivaux industriels car son objectif est de promouvoir le libre-échange et il sait que cela passe par la construction d’États et de puissances économiques fortes[vii]. Pour mener à bien ce projet à long terme de construction d’un capitalisme global, les dirigeants des États-Unis comme les hauts fonctionnaires modernisateurs en Europe agissent dans le cadre d’une autonomie relative par rapport aux intérêts capitalistes domestiques. C’est ce qui permet de comprendre, par exemple, pourquoi Jean Monnet et son équipe tiennent soigneusement à l’écart des discussions sur la CECA les industriels de la sidérurgie qu’ils savent très hostiles à toute autorité supranationale risquant de s’opposer aux ententes privées[viii]. Cette autonomie relative de l’État vis-à-vis du capital ne correspond certainement pas à une déconnexion entre l’État et les classes capitalistes ; elle renvoie à la capacité de l’État à dépasser le point de vue partiel et à court terme des différents secteurs du capital afin de favoriser le développement du système dans son ensemble[ix].

 

Fusion ou désarticulation : quelle économie politique de l’intégration européenne ?

La soumission des États européens au projet étasunien est loin d’être complète. Dès que la pénurie de dollars s’estompe, les dirigeants industriels, financiers et politiques qui continuent à définir leurs stratégies d’abord en termes nationaux abandonnent l’Union de paiement, puis rejettent le projet de Communauté européenne de défense qui aurait précipité un basculement vers une Europe fédérale[x]. Expliquer les à-coups et la résilience du processus d’intégration européenne depuis le début des années 1950 constitue ainsi un problème théorique ardu. Les théories dominantes dans le champ des relations internationales ne sont guère satisfaisantes[xi]. Celles qui mettent l’accent sur des déséquilibres institutionnels générant un processus cumulatif d’intégration relèvent d’une logique néofonctionnaliste selon laquelle chaque crise européenne produit les conditions qui précipitent l’avancée suivante. Elles sont au mieux descriptives. Celles qui font des intérêts des États le moteur des accords européens s’inscrivent dans une approche de choix rationnel, ce qui ne permet pas de rendre compte des dynamiques économiques. De plus, la réduction opérée sur les entités étatiques occulte les conflits qui traversent et dépassent les États-nations.

Dans la tradition de l’économie politique, les deux interprétations les plus marquantes ont été formulées au tournant des années 1960 et 1970 par Ernest Mandel et Nicos Poulantzas. Elles partent toutes les deux d’une analyse internationale du capitalisme. Selon l’approche mandelienne, la domination du capital étatsunien contraint les classes capitalistes nationales des États européens à se réorganiser sous peine d’être éliminées. Comme l’espace de l’État-nation est trop restreint pour permettre de bénéficier des avantages que procurent les économies d’échelle, la recomposition de la propriété des grandes firmes capitalistes a lieu au niveau continental. Cette amalgamation pousse alors à un processus de supranationalisation de certaines des fonctions de l’État. Ainsi, « la croissance de l’interpénétration du capital au sein du marché commun et l’apparition de grandes unités industrielles et bancaires qui ne sont pas principalement la propriété d’une classe capitaliste nationale représentent l’infrastructure matérielle de l’émergence d’organes supranationaux de pouvoir étatique. Plus la croissance de l’interpénétration du capital est importante, plus forte est la pression en faveur du transfert de certains pouvoirs des États nationaux des six pays au marché commun[xii]. »

Selon Mandel, la reproduction élargie du capital et la rivalité avec les États-Unis devraient donc générer la formation d’un bloc sociopolitique européen. Poulantzas rejette violemment cette interprétation, accusant Mandel de « rejoindre la propagande bourgeoise actuelle sur “l’Europe unie” [xiii]». Le désaccord se construit sur les questions étroitement imbriquées de l’impérialisme et de l’État. Pour Poulantzas, la simple distinction entre, d’un côté, compétition interimpérialiste et, de l’autre, polarisation centre-périphérie ne convient plus à la période. Il pointe « l’établissement d’une nouvelle ligne de démarcation entre les États-Unis et les autres métropoles de l’impérialisme, et en particulier l’Europe. La structure de domination et de dépendance de la chaîne impérialiste organise des rapports inégaux, y compris entre les formations sociales du centre[xiv]. »

La nouvelle ligne de démarcation implique qu’il n’y a pas mécaniquement de contradiction entre bourgeoisie nationale et capital étasunien et donc, a fortiori, pas de rivalité automatique entre l’Europe et les États-Unis. La dépendance vis-à-vis des États-Unis désarticule les capitaux autochtones dans les diverses économies européennes ; les procès de travail que ces capitaux organisent intègrent des éléments du capital étasunien au niveau des moyens de production (machineries, technologie, intrants), des formes d’organisation du travail et à travers les rapports de concurrence et de sous-traitance. Les conditions politiques et idéologiques de l’impérialisme américain sont de ce fait consubstantielles aux sociétés européennes. Cela implique que « la forme actuellement dominante des contradictions n’est pas entre le “capital international” et le “capital national” ou entre les bourgeoisies impérialistes saisies comme des entités juxtaposées[xv] ». Du fait de l’imbrication du capital étasunien et de la désarticulation du capital domestique, il ne peut pas y avoir d’opposition frontale et systématique entre les deux.

Le second point de désaccord porte sur le fait que, selon Poulantzas, il n’y a pas nécessairement de correspondance entre formes d’organisation du capital et forme de l’État : « l’État n’est pas le simple outil ou instrument, manipulable à volonté, des classes dominantes. Toute étape d’internationalisation du capital provoquant automatiquement une “supranationalisation” des États. L’État, appareil de cohésion, d’unité d’une formation et de reproduction de ses rapports sociaux, concentre et résume les contradictions de classe de l’ensemble de la formation sociale, en consacrant et en légitimant les intérêts des classes et fractions dominantes face aux autres classes de cette formation, tout en assumant des contradictions de classe mondiales. Ainsi, le problème qui nous occupe ne se réduit pas à une contradiction simple, de facture mécaniste, entre la base (internationalisation de la production) et une enveloppe superstructurelle (l’État national) qui ne lui “correspondrait” plus[xvi]. » En bref, une nouvelle échelle de l’organisation de l’activité économique capitaliste n’implique pas qu’un appareil politique se forme mécaniquement à ce même niveau.

L’analyse que propose Poulantzas éclaire les processus économiques et politiques profonds associés à l’internationalisation du capital, elle ne permet cependant pas de comprendre la logique spécifique à l’intégration européenne. Un problème pour lequel Mandel, en revanche, propose une hypothèse simple et puissante : la rivalité interimpérialiste vis-à-vis des États-Unis pousse à l’amalgamation européenne de capitaux nationaux ; une réorganisation économique auquel répond alors un réagencement du politique.

En dépit de leurs désaccords, ces deux auteurs se rejoignent pour souligner les difficultés que comporte la situation du point de vue des stratégies révolutionnaires. Mandel ne fétichise pas l’échelon européen. Il anticipe le fait qu’il n’y aura pas, sur le court et moyen terme, de parallélisme complet du développement économique, social et politique des pays européens. Les différences historiques entre les structures sociales et les mouvements ouvriers se traduisent par des rapports de forces entre classes qui sont variables selon les pays, ce qui entraîne des possibilités différenciées de conquête du pouvoir par les classes ouvrières. Mandel insiste alors sur le fait que l’internationalisme ne consiste pas à attendre que les conditions soient mûres pour la prise du pouvoir dans les différents pays au même moment : « les socialistes doivent continuer à travailler au renversement du capitalisme dans leur propre pays au sein du marché commun, aussi longtemps que cela reste objectivement possible[xvii] ». Cependant, lorsque le processus aura atteint le point « où les travailleurs des six pays feront effectivement face à une nouvelle classe “européenne” d’employeurs, l’entièreté de la lutte pour le socialisme devra se hisser à cette nouvelle dimension internationale ». Mais d’avertir : « on ne doit pas sous-estimer les difficultés considérables sur la voie de la lutte pratique, coordonnée internationalement, face au pouvoir du capital[xviii] ».

L’internationalisation des processus productifs au sein des chaînes globales de marchandises s’est considérablement approfondie au cours des dernières décennies. Mais dès les années 1970, les difficultés qui en résultent étaient déjà perçues par Poulantzas: « Alors que les luttes des masses populaires se déroulent plus que jamais sur un fond mondial déterminant les conjonctures concrètes, et que l’instauration de rapports de production mondiaux et la socialisation du travail renforcent objectivement la solidarité internationale des travailleurs, c’est la forme nationale qui prévaut dans leur lutte[xix].» Plusieurs facteurs contribuent à ce paradoxe : les spécificités concrètes de chaque formation sociale, les particularités des formes d’organisation des classes ouvrières, le nationalisme de la petite bourgeoisie et de la paysannerie qui découle de leurs rapports singuliers à l’État, le rôle des catégories sociales des appareils d’État dont les positions découlent directement de l’État national… Il en tire la conclusion politique suivante : « il ne saurait y avoir, dans ce processus révolutionnaire ininterrompu, d’étape propre de libération “nationale” ou de “démocratie nouvelle” fondée sur des formes d’alliance avec une “bourgeoisie nationale” contre l’impérialisme étranger et ses “agents” ». En effet, la dépendance du capital national vis-à-vis du capital étasunien est telle que « la rupture de la chaîne impérialiste dans un de ses maillons devient terriblement difficile », elle ne peut s’effectuer « qu’en s’attaquant, entre autres, directement au procès de travail même et aux formes de division sociale du travail dans le procès de production[xx] ».

Du point de vue de l’analyse de la construction européenne, ce que l’on appelle aujourd’hui la mondialisation et les problèmes stratégico-politiques qui en découlent, la controverse entre ces deux auteurs n’a pas pris une ride. Ils laissent cependant étrangement de côté une intuition pénétrante de Lénine selon laquelle « les États-Unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires[xxi] ». De quoi s’agit-il ? On retrouve l’idée qu’une telle construction s’inscrirait dans une logique de compétition géopolitique visant à « contenir le développement plus rapide de l’Amérique » et à « protéger en commun les colonies accaparées contre le Japon et l’Amérique ». Mais il ajoute un autre motif, le « but d’étouffer en commun le socialisme en Europe ». Avec le recul, l’hypothèse d’une nature contre-révolutionnaire du processus d’intégration européenne apparaît extrêmement féconde.

Une contre-révolution d’avance

Pour Jan-Werner Müller, « la mise à distance des pressions populaires et, plus généralement, une profonde défiance envers la souveraineté populaire, sous-tend non seulement les débuts de l’intégration européenne, mais la reconstruction politique de l’Europe occidentale après 1945 en général. […] Les élites européennes à la fin des années 1940 et dans les années 1950 ont opté consciemment pour une conception restrictive de la démocratie – et l’UE, depuis son origine, fonctionne sur cette base[xxii]. » L’expérience du nazisme, la guerre froide, les théories sur le totalitarisme ainsi que la domination d’une démocratie chrétienne rétive à l’idée de souveraineté populaire constituent autant de facteurs qui contribuent à la mise en place d’institutions limitatives de la démocratie.

Cette mise à distance des pressions populaires participe d’un contexte général, mais elle prend une forme plus manifeste et radicale lorsqu’elle s’actualise dans le processus d’intégration européenne. En effet, le changement d’échelle spatiale de l’organisation politico-économique n’est pas un phénomène neutre ; la construction du niveau supranational est au contraire un moyen de renforcer les libertés dont bénéficie le capital.

Pour Friedrich Hayek, qui est sans doute le penseur néolibéral le plus marquant du xxe siècle,le principal atout d’une fédération est qu’elle tend à désarmer la capacité de la puissance publique à mener une politique économique. Comme il l’écrit, non sans ironie, « si le prix que nous devons payer pour un gouvernement démocratique international est une restriction du pouvoir et de l’étendue du gouvernement, ce n’est certainement pas un prix trop élevé[xxiii]». Quelles sont les conséquences attendues de la levée de toutes les entraves à la circulation des biens, des personnes et des capitaux, et de l’intégration monétaire ?

D’abord, les États nationaux sont privés de la possibilité de mener des politiques industrielles car elles impliquent des distorsions de concurrence. Ils ne peuvent pas davantage réglementer efficacement la qualité des produits, les conditions de travail ou même la fiscalité car la libre concurrence rend ces instruments inopérants. Les organisations syndicales ou professionnelles ne sont pas plus en mesure d’imposer efficacement des protections particulières. Enfin, par définition, une politique monétaire commune ne peut fluctuer au gré des intérêts d’un État particulier. Ne doit-on cependant pas craindre – dans la perspective de Hayek – la réaffirmation de ces instruments de politique économique au niveau fédéral ? Aucunement, et ce pour les raisons suivantes : d’abord, le principe même d’une politique industrielle devient caduc dès lors que la taille du marché est telle que les principaux compétiteurs en lice sont dans l’union ; surtout, obtenir une protection ou un soutien pour un secteur en particulier devient extrêmement difficile car, dans un vaste marché, il n’existe pas de liens de solidarité suffisants. (« Est-il probable que le paysan français accepte de payer plus cher ses engrais pour aider l’industrie chimique britannique[xxiv]? ») Plus fondamentalement encore, les différences de niveau de développement sont un obstacle à toute interférence vis-à-vis du marché. En effet, les interventions requises ne sont pas les mêmes selon le niveau atteint et la solution qui s’impose pour ne pas privilégier explicitement tel ou tel est donc de ne rien faire.

Au final, dès lors que les principales libertés économiques sont établies au niveau fédéral « il fait peu de doute que la réglementation de l’activité économique sera beaucoup plus restreinte pour le gouvernement central d’une fédération que pour les gouvernements d’États nationaux. Et, comme le pouvoir des États compris dans la fédération sera lui même encore plus limité, l’essentiel de l’ingérence dans la vie économique à laquelle nous avons été habitués deviendra dans son ensemble impossible à mettre en œuvre[xxv] ».

Le pouvoir fédéral consiste principalement à empêcher les législateurs des différentes entités d’entraver le fonctionnement du libre marché : « cela signifie que la fédération devra posséder le pouvoir négatif d’empêcher les États individuels d’interférer avec l’activité économique, bien qu’elle n’ait pas le pouvoir positif d’agir à leur place. » Plus fondamentalement encore, une fois que les fondements d’une économie capitaliste sont en place, la possibilité que des peuples aux cultures et aux histoires différentes acceptent que se constitue directement au niveau fédéral un pouvoir capable d’organiser la production et la consommation selon un plan ne semble pas davantage probable. Et « comme, au sein d’une fédération, ces pouvoirs ne peuvent être laissés aux États-nations, il apparaît donc qu’une fédération signifie qu’aucun des deux niveaux de gouvernement ne pourra disposer des moyens d’une planification socialiste de la vie économique[xxvi]. » La forme fédéraliste est, pour Hayek, explicitement un moyen de protéger l’ordre capitaliste de la menace socialiste.

Si l’histoire de l’intégration européenne ne saurait se résumer à cette intégration négative à la Hayek, elle en constitue cependant une inspiration essentielle. Avant même le tournant global vers le néolibéralisme entamé dans les années 1970, la supériorité d’un ordre social fondé sur le principe de libre concurrence apparaît comme un principe fondateur du projet européen. Le traité de Rome de 1957 assigne ainsi comme objectif « l’établissement d’un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun » (première partie, art. 3)[xxvii]. Les acteurs de l’époque sont parfaitement conscients de l’importance de ce qui se joue alors. Certains s’en félicitent à l’instar de Hans von der Groeben, un des rédacteurs du traité pour l’Allemagne, qui affirme que « si l’on rassemble les objectifs fixés dans ce traité et les instruments donnés sous forme de règles et d’institutions […], il apparaît que toutes les caractéristiques essentielles d’un système d’économie de marché sont réunies[xxviii] ». D’autres s’en désolent, comme Pierre Mendès-France qui dénonce une logique libérale selon laquelle « la concurrence pure et simple règle tous les problèmes ». Il pointe le risque de nivellement par le bas en matière sociale et fiscale et met en garde contre « l’abdication d’une démocratie » qui peut prendre la forme de la soumission « à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique ; car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement “une politique”, au sens le plus large du mot, nationale et internationale[xxix] ».

La mise en œuvre effective des dispositions envisagées prendra plusieurs décennies. Les obstacles dressés par les gouvernements aux tentatives d’établir une politique de la concurrence commune sont nombreux. Longtemps, le refus d’entériner la primauté du droit communautaire international sur le droit national freine l’affirmation des principes du traité. De plus, des politiques sectorielles dans les domaines agricoles, des transports et de l’énergie atomique sont décidées et des dérogations aux principes généraux sont listées. Cependant, sur le plan idéologique, le Rubicon est franchi : taille des marchés pour bénéficier d’économies d’échelle, meilleure allocation des ressources, aiguillon de la concurrence. L’ensemble des arguments justifiant la constitution d’un vaste marché fondé sur le principe de la concurrence non-faussée, tels qu’ils furent évoqués une décennie plus tôt par le représentant étasunien Hoffmann, sont acceptés. Comme le notent Denord et Schwartz, « le traité confère aux idées néolibérales la pérennité qui fait bien souvent défaut aux gouvernements[xxx]». Sur les principes qui sont alors établis, une jurisprudence en matière de concurrence s’étoffe progressivement  et est élaboré l’Acte unique de 1986, permettant dans les années 1980 et 1990 la création d’un grand marché intérieur.

Le processus d’intégration européenne est fondamentalement marqué par l’expérience de l’entre-deux guerres et la persistance d’un problème central pour la bourgeoisie : contrer « l’intrusion des masses dans la relation capitaliste[xxxi] ». Dans ce nouveau contexte, l’idée d’économie sociale de marché[xxxii] va jouer un rôle central pour penser l’endiguement des pressions démocratiques. Popularisée dès 1946 par Alfred Müller-Armack – un économiste ordolibéral[xxxiii] qui participa activement pour l’Allemagne aux négociations européennes – elle figure dans le traité de Lisbonne comme un des objectifs principaux de l’Union européenne[xxxiv]. Cette notion d’économie sociale de marché doit en partie son succès aux équivoques qu’engendre le terme « social » et qu’il convient de lever. Dans la pensée de Müller-Armack, la référence au social renvoie, d’une part, au caractère construit politiquement de l’économie de marché contre une vision libérale classique du marché comme ordre naturel et, d’autre part, aux bénéfices que la société est censée retirer d’un système de concurrence non-faussée. L’économie sociale de marché est donc clairement opposée à la logique de l’État social[xxxv]. Elle situe la source de la prospérité pour tous dans le fonctionnement du marché et souhaite limiter autant que possible l’intervention publique en matière de redistribution du revenu et de sécurisation des conditions d’existence. Comme l’explique Michel Foucault, dans ce projet« la forme fondamentale de la politique sociale, ça ne doit pas être quelque chose qui viendrait contrebattre la politique économique et la compenser ; la politique sociale ne devrait pas être d’autant plus généreuse que la croissance économique est plus grande. C’est la croissance économique qui, à elle seule, devrait permettre à tous les individus d’atteindre un niveau de revenus qui leur permettrait ces assurances individuelles, cet accès à la propriété privée, cette capitalisation individuelle ou familiale, avec lesquels ils pourraient éponger les risques[xxxvi]. »

Le projet anthropologique porté par ce courant a pour principe fondamental la centralité de la concurrence comme mode de relation interindividuelle. L’ordre social qui s’affirme à travers la notion d’économie sociale de marché s’opposedonc de front au marxisme en niant les antagonismes de classe. Foucault montre également qu’un tel projet, outre le rejet du socialisme et de la politique sociale, se fonde sur la neutralisation de la politique économique d’inspiration keynésienne. L’action publique consiste en une politique de société qui doit permettre à chacun de prendre place dans l’ordre concurrentiel : le gouvernement doit « intervenir sur cette société pour que les mécanismes concurrentiels, à chaque instant et en chaque point de l’épaisseur sociale, puissent jouer le rôle de régulateur ». En ce sens, ce que ce projet implique « ce n’est pas un gouvernement économique, c’est un gouvernement de société[xxxvii]».

L’élévation de la concurrence comme norme supérieure dans la doctrine ordolibérale répond à la fois à un souci économique d’efficacité et à une exigence morale de liberté. Elle se réalise grâce à une hiérarchie institutionnelle dans laquelle la régulation du marché – c’est-à-dire une concurrence libre et non-faussée – doit être garantie par des autorités extradémocratiques. Le processus d’intégration européenne participe – à l’instar d’autres dispositifs tels que les cours constitutionnelles – de la mise en œuvre de ce projet politique. Il ne reprend pas à son compte les concessions en termes de droits sociaux consentis aux travailleurs dans le contexte du plein emploi de l’après-guerre, mais, au contraire, il joue un rôle de contrepoids à ces avancées dans la socialisation de l’économie en fondant des lieux de prise de décision qui échappent à l’influence populaire. Le gouvernement technocratique par des règles et des autorités indépendantes met ainsi à l’abri de la décision politique discrétionnaire de larges pans de la politique économique.

L’intégration européenne se présente ainsi comme l’affirmation d’un pouvoir de classe :« la garantie “nationale” des droits de propriété privés est conservée grâce à l’Europe qui protège la loi du marché de masses enrégimentées au niveau national[xxxviii] ». La bourgeoisie européenne accepte la démocratie de masse ; mais, plutôt que d’avoir recours à l’État policier pour entraver son irruption dans l’organisation de l’économie, comme l’avait anticipé Rosa Luxemburg, elle s’efforce de contenir la menace via des barrières institutionnelles qui constituent la substance du processus d’intégration européenne : « la création de la communauté européenne se lit alors comme une “contre-révolution préventive” contre les majorités démocratiques, c’est-à-dire les classes ouvrières européennes[xxxix] ».

Dans cette perspective, la guerre civile européenne de 1914-1945 analysée par Enzo Traverso est la matrice de l’Europe contemporaine[xl]. La crise profonde traversée alors par la démocratie libérale met en péril les fondements politico-juridiques du capitalisme ; elle devient le point de référence négatif à partir duquel se construit l’architecture institutionnelle d’après-guerre. L’échelon européen, en raison de son caractère supranational, échappe en partie aux rapports de forces sociaux qui s’expriment dans le cadre des États-nations ; il constitue une terre vierge fertilisée dès l’origine par des réseaux politico-économiques transnationaux acquis aux idées néolibérales. Conformément à la logique mise en évidence par Hayek, la montée en puissance de l’échelon fédéral facilite le renforcement des principes du libre marché au détriment des interventions de la puissance publique. La construction européenne se présente comme une expérience inédite de construction politique visant à contrer préventivement les coups que pourraient porter à l’ordre capitaliste les mouvements sociaux et politiques.

 

La fabrique d’une monnaie mondiale

À la suite du traité de Maastricht signé le 7 février 1992, la création de l’euro comme monnaie unique constitue une avancée qualitative majeure qui s’inscrit dans la continuité du projet esquissé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les jalons ont été posés dans les années 1970 puis 1980 avec, notamment, le choix du pouvoir socialiste en France de rester dans le cadre du système monétaire européen. Le prix à payer est alors une priorité donnée à la lutte contre l’inflation qui se traduit par un renforcement de la rigueur budgétaire et une poursuite de la hausse du chômage. Lucide, François Mitterrand aurait alors déclaré, « je suis partagé entre deux ambitions : celle de la construction de l’Europe et celle de la justice sociale. Le SME (Système monétaire européen) est nécessaire pour réussir la première, et limite ma liberté pour la seconde[xli]. »

Le dilemme est définitivement tranché lorsque la décision d’aller vers la monnaie unique est prise. Le projet élaboré à travers le rapport Delors de 1989, et formalisé dans le cadre du traité de Maastricht, s’inscrit dans la lignée de l’ordolibéralisme. Dans l’un de ses premiers discours en tant que président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi rend ainsi hommage à Ludwig Erhard, le Premier ministre de l’économie de la RFA qui joua un rôle décisif dans la mise en œuvre des idées ordolibérales au lendemain de la guerre. L’héritage invoqué comprend le principe de l’indépendance de la banque centrale et la conviction que « l’économie sociale de marché ne peut être pensée sans une politique conséquente de stabilité des prix[xlii] ».

Cette nouvelle étape de l’unification européenne permet de sortir la politique monétaire du champ de la délibération démocratique. La liberté de circulation des capitaux justifiée par l’hypothèse d’efficience des marchés financiers et la lutte contre l’inflation portée par un syncrétisme monétariste acquièrent par le biais des traités une valeur constitutionnelle. En outre, la complexité des processus économiques qui redistribuent les coûts et les avantages parmi la population est censée limiter les velléités de contestation: « la probabilité que des groupes au sein de l’Europe identifient l’UEM comme la source de leurs difficultés économiques ou qu’ils se mobilisent directement contre celle-ci pour obtenir réparation est très faible[xliii] ». Cette dépolitisation espérée des questions financières et monétaires est cruciale. En effet, sans taux de change, ni budget européen substantiel et avec une politique monétaire uniforme, le travail reste la seule variable par laquelle les économies nationales peuvent ajuster leurs dynamiques différenciées et absorber les chocs[xliv]. Cette logique est pleinement anticipée par le rapport Delors qui indique que, dans le cadre de l’union monétaire, « la flexibilité salariale et la mobilité du travail sont nécessaires pour éliminer les différences de compétitivité entre les pays et régions de la communauté[xlv] ».

Le saut en avant vers la monnaie unique ne se résume cependant pas à cette logique d’affermissement de la domination de classe. Le partage par plusieurs pays d’une seule et même monnaie et une banque centrale indépendante focalisée sur la stabilité des prix posent de nouvelles questions. Les arguments de la théorie économique dominante ne tranchent pas de manière claire en faveur de la monnaie unique. Pourtant, la plupart des grands partis politiques d’Europe continentale, de même que les grandes organisations patronales, étaient favorables à la création de l’euro. Cet apparent paradoxe s’explique par les avantages espérés du contrôle d’une monnaie mondiale dans le cadre de la compétition entre les capitaux et les États à l’échelle internationale. Le passage à la monnaie unique va ainsi être un facteur d’accélération de l’européanisation du capital et de son internationalisation extra-européenne au moment où la finance affirme son hégémonie.

 

Les avantages incertains de l’union monétaire

L’UEM était censée accentuer les bénéfices attendus du marché unique : meilleure allocation des ressources, économies d’échelle et stimulation concurrentielle devaient désormais jouer à plein, grâce à la disparition des incertitudes liées aux fluctuations des taux de change et à la suppression des coûts de transactions afférents. La liberté de circulation des capitaux devenue complète devait accroître la liquidité de marchés financiers présumés efficients et ainsi favoriser l’investissement et faciliter l’essor des industries nouvelles grâce à une diminution du coût du capital[xlvi]. In fine, la monnaie unique devait apporter une croissance plus rapide, une augmentation de l’emploi, une hausse de la profitabilité et, à terme, des salaires plus élevés.

Ce raisonnement qui emporte l’adhésion des cénacles européens et des milieux d’affaires est loin de faire l’unanimité parmi les économistes. La théorie standard des zones monétaires optimales de Robert Mundell prévoit que les gains qui découlent de la participation à une même zone monétaire sont conditionnels : les pays doivent avoir des structures économiques proches pour que les chocs économiques qu’ils affrontent soient fortement corrélés, les marchés du travail doivent être flexibles pour absorber les chocs asymétriques et, enfin, leur intégration commerciale doit être suffisamment importante pour que la diminution des coûts de transactions représente un avantage significatif[xlvii]. Au début des années 1990, de nombreux économistes considèrent que ces conditions ne sont pas réunies. C’était d’ailleurs la conclusion à laquelle était parvenue la Commission européenne dans les années 1970. Elle considérait alors que seul un budget commun permettant d’opérer des transferts fiscaux pouvait rendre la monnaie unique viable[xlviii].

Au début des années 1990, de violentes vagues de spéculation secouent les marchés des changes du fait de la liberté de circulation des capitaux, ce qui donne une nouvelle raison d’être à l’adoption d’une monnaie unique : soustraire les pays à ces attaques. L’union monétaire apparaît alors comme une conséquence logique de l’intégration des marchés de capitaux. Peu après, une variante de la théorie des zones monétaires optimales vient justifier a posteriori le choix de la monnaie unique en mettant en avant l’endogénéité des critères d’optimalité[xlix]. L’idée est la suivante : la décision de mettre en place une union monétaire a un caractère autoréalisateur. Les économies vont s’adapter à cette nouvelle donne de manière à remplir les conditions d’optimalité du fait de l’activation d’une série de mécanismes : l’union monétaire va accroître l’intégration commerciale et donc les bénéfices de la monnaie unique, l’intégration financière va faciliter la mise en place de systèmes d’assurance contre les chocs asymétriques, et les marchés du travail seront contraints à se flexibiliser.

Ce bricolage optimiste à partir de la théorie des zones monétaires optimales sera balayé par la crise. Mais dès les années 2000, le doute s’insinue. Des travaux pointent le fait que l’afflux de ressources financières dans les régions périphériques, qui découle de la disparition du risque de change, peut conduire à des niveaux d’endettements et des déficits commerciaux potentiellement déstabilisateurs[l]. Le mécanisme pervers clé est identifié : les flux de capitaux massifs – nourris par les différentiels de taux d’inflation et l’idée que les risques liés aux opérations financières internationales ont disparu avec la création de l’euro – vont nourrir des déséquilibres insoutenables et dramatiquement aggraver les écarts de compétitivité au sein de la zone[li]. En ce sens, la crise de l’euro est l’œuvre de l’euro lui-même ; loin de créer des critères d’optimalité, ce que la monnaie unique crée de manière endogène ce sont les conditions même de sa déstabilisation.

 

Une tentative de projection mondiale

Depuis sa création, la monnaie unique n’a pas tenu ses promesses en termes de croissance ; la zone est l’une des moins dynamiques du globe. La crise a aussi démontré que l’euro n’avait en rien endigué la spéculation, l’ayant simplement déplacée du marché des changes à celui des dettes publiques[lii]. L’attachement à la monnaie unique renvoie donc à d’autres explications. La volonté, déjà évoquée, de renforcer l’assise d’un pouvoir de classe est bien évidemment présente. L’autre facteur important correspond à une tentative pour le capital européen d’améliorer sa position sur la scène mondiale de l’accumulation[liii]. Sur le marché mondial – cet espace particulier où le capital privé international rencontre le système interétatique – l’euro ambitionne de constituer un « langage commun pour les capitaux et les États[liv] » au bénéfice des entités européennes, ce qui pose, inévitablement, la question de la concurrence vis-à-vis du dollar[lv].

Une telle tentative de construire ce que Marx appelle une « monnaie mondiale[lvi] » est inédite. Il ne s’agit pas de la mue d’une monnaie domestique déjà existante, liée à la force de son État ou de son économie, mais d’une création ex nihilo à travers l’union monétaire de différents pays. Pour y parvenir, l’euro doit devenir un moyen de réserve considéré comme sûr et un moyen de paiement largement accepté ; il doit également être reconnu comme une unité de compte fiable pour la fixation des prix et des contrats. Contrairement au dollar dont l’acceptabilité s’appuie sur des arrangements institutionnels et contractuels déjà en place ainsi que sur une puissance politique et militaire unique, l’euro doit construire sa crédibilité. La taille du marché domestique est certes un point d’appui considérable, mais la fragmentation politique de la zone constitue une fragilité intrinsèque qu’il s’agit de compenser par une stabilité monétaire irréprochable. C’est une des raisons clés de l’obsession anti-inflationniste de la BCE et de sa vigilance sur l’évolution de l’usage international de l’euro[lvii].

La fonction de moyen de paiement qui permet de régler le solde des balances internationales est un attribut essentiel de la monnaie mondiale. Le pouvoir monétaire associé au contrôle sur la monnaie mondiale – le « privilège exorbitant de l’Amérique » dénoncé par de Gaulle – en découle. Il se mesure en termes de degré d’autonomie de la politique macroéconomique nationale au sein du système monétaire mondial, c’est-à-dire, essentiellement, dans la capacité plus ou moins grande d’une économie à échapper aux coûts d’ajustement qui résultent des déséquilibres de la balance des paiements.

L’UEM est ainsi censée accroître le pouvoir monétaire des pays membres, d’une part en diminuant la vulnérabilité externe aux fluctuations de change et, d’autre part, en améliorant la capacité des États à financer leurs déséquilibres commerciaux grâce à la profondeur d’un grand marché financier unifié[lviii]. Ce renforcement attendu du pouvoir monétaire doit générer des bénéfices additionnels en accroissant l’autorité de l’Europe sur la scène économique et financière mondiale. Le rapport Delors avance ainsi que « la mise en place de l’UEM donnerait à la communauté un plus grand poids dans les négociations internationales[lix] », notamment en matière commerciale, monétaire et en ce qui concerne la gestion macroéconomique de l’économie mondiale.

Mais une monnaie mondiale procure également des avantages plus directs qui expliquent l’attachement des grandes firmes financières et non-financières européennes à l’euro[lx]. Le fait que l’euro soit largement accepté dans les transactions internationales est un élément qui a facilité l’expansion des banques européennes et a favorisé les acquisitions à l’étranger des firmes industrielles. Les coûts financiers des opérations internationales (change, assurance, crédit…) s’en trouvent en effet significativement diminués. Traduction de ce nouvel avantage, la part des investissements européens dans le stock mondial d’investissements directs étrangers (IDE) s’est fortement accrue, passant de 42,6% en 1999 à 55 % en 2008, tandis que celle des États-Unis se réduisait de 39,3 % à 18, 9 %[lxi]. Les opérations intra-européennes jouent un grand rôle dans cet essor puisque environ 70% du stock des IDE européens sont des investissements internes à l’UE[lxii]. Mais le regain d’influence des firmes européennes apparaît également à travers de nouvelles alliances entre conseils d’administration dans le cœur nord-atlantique du capitalisme globalisé. Alors qu’au début des années 1990 les principaux liens font apparaître des regroupements autour des grandes firmes américaines, en 2005 on observe l’existence d’un véritable cœur transatlantique dans lequel de grandes firmes allemandes, et secondairement françaises et suisses, sont connectées aux grandes firmes étasuniennes[lxiii]. Il y a là un signe que si l’européanisation des firmes est une composante essentielle de l’internationalisation, elle n’en est cependant pas le tout[lxiv].

 

L’amalgamation sous hégémonie financière

Parler de capital européen pose des problèmes empiriques et théoriques particulièrement ardus. Y a-t-il, comme l’envisageait Mandel, une amalgamation des capitaux nationaux au niveau de la propriété des firmes ? Quid de la position subordonnée des différents capitaux nationaux en Europe au capital étasunien qu’envisageait Poulantzas ? Traiter de ces questions dépasse très largement le cadre de ce texte. Néanmoins il est possible de donner quelques indications en distinguant deux éléments : d’une part, la propriété du capital et, d’autre part, les firmes, les actifs qu’elles contrôlent et les régularités sociopolitiques nationales dans lesquelles elles opèrent, c’est-à-dire l’ensemble des dispositifs techniques et institutionnels qui organisent la valorisation du capital.

Concernant la propriété du capital, l’UEM a accéléré des transformations majeures des structures de propriété et de gouvernance des grandes entreprises, qui caractérisent le renforcement de l’emprise de la finance[lxv]. De l’après-guerre aux années 1970, les managers jouent un rôle dominant dans la structure de gouvernance des grandes firmes et maximisent leur pouvoir en réinvestissant les profits ; à partir des années 1980 s’opère une transformation progressive qui voit la montée en puissance du pouvoir des actionnaires et l’alignement du comportement des managers sur les revenus qu’ils leur distribuent. Cette évolution se traduit par une augmentation des profits distribués sous forme d’intérêts, de dividendes et de rachats d’action. Partie des États-Unis et de Grande-Bretagne, la norme de création de valeur pour les actionnaires se généralise dans le monde développé, à des rythmes inégaux selon les pays et les secteurs, au fur et à mesure que l’intégration des marchés financiers se fait plus organique.

Cette transformation en Europe est concomitante d’un bouleversement des structures actionnariales. En France, le tournant se situe dans la seconde moitié des années 1990[lxvi]. Les privatisations de 1986, 1993, puis de la période 1997-2001 privent la puissance publique de son pouvoir stratégique de pilotage sur pratiquement toutes les grandes entreprises. Le pouvoir politique a initialement cherché à maintenir un lien en s’assurant d’un contrôle français sur les privatisés, par le biais de participations croisées entre les grandes firmes. Mais dès le milieu des années 1990, les noyaux d’actionnaires se délitent sous la triple pression de l’évolution de la réglementation européenne qui met en œuvre le principe de liberté de circulation des capitaux, des actionnaires étrangers et individuels qui exigent d’être en mesure de contrôler les dirigeants des firmes et, enfin, d’une concurrence accrue qui pousse à l’internationalisation des stratégies des entreprises. D’autant que le marché unique et l’UEM imposent aux firmes d’accélérer le mouvement de consolidation européen. À cette fin, les banques et les firmes financières souhaitent se délester de leurs participations non stratégiques et être libres de procéder à des augmentations de capital pour financer leur expansion. On passe ainsi d’une situation où les grandes entreprises étaient contrôlées par un cœur financier dominé par les six principales sociétés de banque et d’assurance françaises, à une situation où la structure de l’actionnariat devient beaucoup plus dispersée et internationalisée avec, en particulier, un rôle important pour les investisseurs institutionnels (fonds de pensions, hedge funds, compagnies d’assurance et, dans la seconde moitié des années 2000, les fonds souverains).

En Allemagne, le basculement a lieu un tout petit peu plus tardivement, mais la logique est en grande partie similaire[lxvii]. La situation de départ était celle d’une structure actionnariale contrôlée par les banques. Celles-ci disposaient de blocs de contrôle dans les grandes sociétés et détenaient une part importante des voix dans les assemblées générales grâce aux procurations des petits actionnaires. Elles jouaient un rôle de chevalier blanc vis-à-vis des tentatives de prise de contrôle inamicales visant les firmes industrielles et étaient également liées entre elles par des participations croisées et des administrateurs qui garantissaient la stabilité de la structure de propriété. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les changements dans la réglementation européenne et la construction de stratégies globales provoquent une rupture de modèle. Le moment clé est la décision prise en 2000 par le gouvernement Schröder d’exonérer les plus-values réalisées lors de cessions de participations capitalistiques détenues depuis au moins un an (contre un taux d’environ 50 % jusque-là). Cette réforme permet aux grandes firmes allemandes, Deutsche Bank en tête, de se défaire de leurs participations pour financer leurs projets d’expansion. Les ventes auxquelles elles procèdent et une fiscalité plus avantageuse favorisent en parallèle l’arrivée de nouveaux investisseurs internationaux.

Déconcentration de la propriété et internationalisation du capital des grandes firmes sont deux phénomènes clairement établis qui témoignent d’une transformation remarquable des structures capitalistes dans ces deux pays[lxviii]. La même tendance à l’internationalisation s’observe à l’échelle de l’UE[lxix]. Comme pour les IDE, le phénomène est cependant principalement intra-européen. Les bourses européennes, prises dans leur ensemble, sont à hauteur de 80 % contrôlées par des capitaux européens. Si dans les années 1990 et 2000 l’entrée des investisseurs étasuniens est un phénomène important, la poursuite de la montée en puissance des investisseurs étrangers et des fonds collectifs est essentiellement le fait de la croissance de fonds européens et d’une diversification de leurs investissements depuis leur espace national vers l’espace européen. Ainsi, en 2008, les fonds collectifs possèdent la moitié ou plus de la capitalisation dans la plupart des pays et les gestionnaires de portefeuille étasuniens demeurent partout minoritaires parmi ce type d’acteurs. En bref, l’européanisation du capital se produit en réaction à l’entrée de fonds collectifs étasuniens et se manifeste notamment par la l’essor de fonds collectifs européens sur le continent[lxx].

L’amalgamation européenne de la propriété envisagée par Mandel a donc finalement eu lieu mais selon des modalités que personne n’imaginait trois décennies plus tôt. Un élément décisif concerne le fait que la libéralisation de la circulation des capitaux qui a accompagné l’UEM ne se limite pas aux transactions à l’intérieur de l’Europe, mais concerne également les opérations vis-à-vis du reste du monde. Les États-Unis ont pesé de tout leur poids pour cela[lxxi]. De cette manière, L’UEM est la forme que prend l’insertion de l’Europe dans le projet étasunien de capitalisme global tel que décrit par Panitch et Gindins. L’entrée en lice des fonds d’investissement étasuniens sur le continent dans la seconde moitié des années 1990 en est la traduction. La désarticulation des structures de propriété nationales et la pression de ces actionnaires activistes produit une amalgamation intra-européenne dans les années 2000 qui imite les formes de propriété dominantes dans le monde anglo-saxon. Le changement d’échelle de la propriété du capital européen est donc l’occasion d’une transformation qualitative qui livre l’appareil productif européen aux marchés financiers. Bien davantage qu’une opposition aux États-Unis, l’UEM est donc un moment clé de la financiarisation de l’Europe : accroissement du poids des investisseurs institutionnels, éclatement des actionnariats et uniformisation des exigences de rendement participent de l’affirmation de la finance en tant que dispositif institutionnel mondialisé qui centralise le pouvoir du capital face au travail.

 

La fragilité d’une Europe inégale

La nationalité de la propriété est une question qui perd en importance au moment même où le privilège impérial qu’offre la création de l’euro renforce la position de l’Europe en tant qu’espace de valorisation du capital. Mais ce n’est pas un espace homogène. L’UEM a intensifié les dynamiques de développement inégal au point de réintroduire une logique de type semi-coloniale dans la région, qui est devenue manifeste avec la crise. Cette polarisation procède de la réorganisation des firmes et des flux financiers ; elle se traduit par une vulnérabilité macroéconomique différenciée des économies nationales et, en particulier, par l’affirmation progressive de l’Allemagne comme nouvel hégémon.

En arrière plan du gonflement des excédents commerciaux et des profits allemands dans la décennie 2000, il y a une captation à deux niveaux du travail libéré par la chute des régimes socialistes. Sur le plan interne, la réunification a eu dans un premier temps un coût économique tout à fait considérable, mais elle a également mis à disposition des firmes des millions de travailleurs. La pression de l’armée de réserve liée à cette abondance de travail, une réforme du marché réduisant drastiquement les droits des chômeurs, le délitement des conventions collectives et un syndicalisme majoritairement acquis au principe de cogestion sont à l’origine d’une stagnation des salaires sur près de 15 ans, avec une baisse marquée dans le secteur des services. Cette offensive de classe contre les travailleurs allemands a contribué à accroître la profitabilité des firmes et à améliorer la compétitivité des exportations allemandes au prix de la hausse très rapide du nombre de travailleurs pauvres[lxxii]. Sur le plan externe, un des aspects les plus spectaculaires a été l’absorption de la périphérie est-européenne dans les chaînes globales de marchandises. La quasi-totalité de l’activité industrielle dans ces pays est désormais dominée par les multinationales, en particulier allemandes, qui ont trouvé à proximité immédiate de leur base industrielle une main d’œuvre à bas coût[lxxiii].

Si la domination du capital allemand à l’Est prend la forme de l’intégration de cette région dans les chaînes industrielles, il n’en est rien au Sud de l’Europe. Dans cette région, au contraire, au cours des années 2000, la demande est fortement soutenue par l’abondance de crédit à bon marché qui résulte de la mise en place de l’euro et nourrit une hausse des salaires tirée par le dynamisme des activités non-échangeables (services aux particuliers, immobilier…). Durant le boom, l’illusion de rattrapage s’accompagne d’une perte de compétitivité et d’un affaiblissement de l’appareil industriel. Elle a aussi pour contrepartie l’accumulation de créances par les institutions financières allemandes et françaises[lxxiv].

Ce que la crise de l’euro a révélé, c’est une structuration strictement hiérarchisée des économies. Dans les économies de l’Est, dont le système financier est entièrement dominé par les banques allemandes, françaises et autrichiennes, les dettes sont en grande partie libellées en euro. La chute de leur monnaie du fait du rapatriement des capitaux par les investisseurs au plus fort de la crise financière de l’automne 2008 entraîne donc immédiatement une crise typique de pays en développement : extrêmement violente mais néanmoins en partie absorbée, dans un certain nombre de cas, par un ajustement du taux de change. La périphérie Sud, en revanche, n’a eu à subir ce choc que lorsque les investisseurs ont réalisé qu’une dette allemande en euros n’offrait pas les mêmes garanties qu’une dette grecque en euros. La transformation des déséquilibres des balances de paiement en crise des dettes publiques a alors rendu visible une distribution extrêmement inégale du pouvoir monétaire au sein de la zone.

L’orthodoxie monétaire de la BCE, focalisée exclusivement sur la stabilité des prix, est associée implicitement à une politique biaisée en faveur d’une appréciation de l’euro. Une telle orientation a été favorable au développement des forces productives dans les économies dont la compétitivité à l’export dépend davantage de la qualité que du prix des biens et, surtout, qui étaient parvenues à réprimer les salaires, ce qui a été spectaculairement le cas en Allemagne et dans un certain nombre d’autres économies du Nord comme les Pays-Bas[lxxv]. En revanche, les économies qui ajustaient principalement leur compétitivité par des dévaluations récurrentes depuis des décennies, comme c’était le cas dans la périphérie sud de l’Europe mais aussi dans une certaine mesure en France, ont vu leur balance commerciale se dégrader. Pour les plus faibles d’entre elles, la crise de la zone euro a révélé brutalement les implications de la dégradation de leur position relative : les dettes accumulées se payent politiquement ; la raison impériale suit le mécontentement des créanciers.

Une partie des dirigeants allemands – autour de la Bundesbank notamment – étaient initialement rétifs à l’idée de monnaie unique, conscients des problèmes économiques et politiques de long terme que cela risquait d’engendrer. Les règles imposées en échange de leur ralliement ont favorisé les entreprises du pays, permettant de générer des excédents commerciaux qui placent aujourd’hui le gouvernement en position de force. Le tandem constitué jusqu’alors avec la France s’est fortement déséquilibré et, en l’absence d’une souveraineté démocratique européenne, l’Allemagne se retrouve au centre du jeu[lxxvi]. Exercer le pouvoir n’a cependant rien d’aisé pour le nouvel hégémon. Comme on l’observe avec les programmes d’ajustement de la troïka (commission européenne, BCE, FMI), obtenir un maximum du remboursement des dettes accumulées implique non seulement de faire subir aux populations une vague de dépossession massive mais également de violer la souveraineté des pays concernées. La vague de mobilisation qui y répond est sans précédent depuis les années 1970 dans la région. C’est d’abord une résistance de classe, socio-économique. Mais, de manière sous-jacente, ces luttes ont également une dimension anticoloniale qui découle d’une polarisation centre-périphérie au sein même de la zone euro.

Cette double contradiction mine de l’intérieur la monnaie unique et menace de fracturer une Europe sans légitimité. L’absence d’unification politique est ainsi à la fois la cause et le symptôme de l’impasse dans laquelle se trouve une construction supranationale conçue pour protéger le capital de l’intervention démocratique des peuples. Les résistances sociales et l’instabilité gouvernementale qui s’étendent et s’approfondissent viennent rappeler ce qu’il en coûte en temps de crise. La pression qui monte des couches subalternes signale un désir collectif grandissant pour une alternative.

 


[i]
             Dès les années 1950 et 1960, des associations de pairs comme la fondation Jean Monnet et la fondation Robert Schumann ainsi que des organisations politiques telles que le Mouvement européen et les partis de la démocratie chrétienne ont travaillé à établir cette histoire, soulignant la noblesse de la cause et construisant de manière rétrospective la cohérence de l’entreprise des « pères de l’Europe ». La tradition historiographique qui s’établit alors a notamment pour effet de masquer le rôle des fondations américaines ou encore de la fondation Alfred Toepfer, personnage controversé pour son rôle dans l’Allemagne nazie. Voir notamment Antonin Cohen « Le “père de l’Europe” », Actes de la recherche en sciences sociales, 1/2007 (n° 166-167), pp. 14-29 et Cornelia Constantin, « “Great friends” : Creating legacies, networks and policies that perpetuate the memory of the father of Europe », International Politics, vol. 48, n° 1, 2011, pp. 112-128.

[ii]           Site Internet de l’Union européenne, http://europa.eu/about-eu/eu-history/founding-fathers/index_fr.htm

[iii]          Franck Théry, « Construire l’Europe dans les années vingt. L’action de l’Union paneuropéenne sur la scène franco-allemande, 1924-1932 », EURYOPA, études 7-1998, Institut européen de l’université de Genève, disponible en ligne : www.unige.ch/ieug/publications/euryopa/thery.pdf

[iv]         Jean-Christophe Defraigne, De l’intégration nationale à l’intégration continentale. Analyse de la dynamique supranationale d’intégration européenne des origines à nos jours, L’Harmattan, Paris, 2004, pp. 147-166. Guglielmo Carchedi, For another Europe. A class analysis of European integration, Verso, London & New-York, 2001. Pour une mise en perspective historique et synthétique de l’intégration européenne voir Christakis Georgiou, « The Euro Crisis and the Future of European Integration », International Socialism, Oct., 14 2010. http://www.isj.org.uk/?id=682

[v]          « Discours de Paul Hoffmann lors de la 75e réunion du Conseil de l’OECE (31 octobre 1949) », Centre Virtuel de la Connaissance sur l’Europe: http://www.cvce.eu/viewer/-/content/840d9b55-4d17-4c33-8b09-7ea547b85b40/fr

[vi]         Jusqu’à aujourd’hui, l’autorité de l’argument est systématiquement invoquée pour disqualifier les critiques. À l’occasion du débat sur le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), par exemple, la responsable des affaires économiques au Parti socialiste écrivait ainsi : « L’euro n’a pas été inventé pour des raisons économiques. Il a été mis en place pour que des peuples perdent l’habitude de s’entretuer. Notre priorité est donc simple : faire que les dix-sept membres de la zone euro y restent et reprendre la marche de l’intégration », Karine Berger, « Il faut voter le traité budgétaire européen », Le Monde, 20 septembre 2012.

[vii]         Leo Panitch and Samuel Gindins, The Making of Global Capitalism, Verso, London & New-York, 2012. Voir en particulier le chapitre 3 : « Planning the New American Empire ».

[viii]        Jean-Christophe Defraigne, op.cit., pp. 165-166.

[ix]              Léo Panitch et Samuel Gindins s’inscrivent dans la tradition gramscienne lorsqu’ils l’expliquent de la manière  suivante : « Les capitalistes sont moins à même de voir la forêt derrière les arbres que les hauts fonctionnaires et les politiciens dont les responsabilités sont d’un ordre différent que de faire du profit. Mais ce que ces États peuvent faire de manière autonome, ou en réponse aux pressions venues de la société, est en dernière instance limité par le fait qu’ils dépendent du succès de l’accumulation du capital. C’est d’abord en ce sens que leur autonomie est seulement relative. ». The Making of Global Capitalism, op. cit., p. 4.

[x]          Jean-Christophe Defraigne, op.cit., pp. 167-169. « La Communauté européenne de défense a été rejetée par les parlementaires français ». Sur la bataille au sein de la bourgeoisie française entre pro et anti-intégrationnistes voir Craig Parsons, A Certain Idea of Europe, Cornell University Press, 2006.

[xi]         Pour une présentation critique voir Perry Anderson, Le nouveau vieux monde. Sur le destin d’un auxiliaire de l’ordre américain, Agone, Marseille, 2011. Magnus Ryner montre que les courants académiques dominants ont opté pour une approche instrumentale de la construction européenne selon laquelle toute prétention scientifique générale est abandonnée au profit d’une logique de production de connaissance orientée par un objectif prédéterminé : l’avancée de l’intégration. Ils posent un clivage simpliste distinguant, d’un côté, une option rationnelle qui maximise le bien être économique des agents en passant au-dessus des nations et, d’un autre côté, des réactions nationalistes de type émotivo-affectives qu’il s’agit de débloquer. Cette littérature s’enracine dans une idéologie modernisatrice qui prend le plus souvent les États-Unis comme modèle et s’appuie en économie sur la synthèse néoclassique, « Financial Crisis, Orthodoxy and the Production of Knowledge about the EU », Millenium, vol. 40, n° 3., 2012, pp. 651-653.

[xii]         Ernest Mandel, « International Capitalism and “Supra-Nationality” », Socialist Register, 4, 1967, p. 31. https://jps.library.utoronto.ca/index.php/srv/article/download/5368/2268

[xiii]        Nicos Poulantzas, « L’internationalisation des rapports capitalistes et l’État-Nation », Les Temps Modernes, n° 319, février 1973, p. 1489. Souligné par l’auteur.

[xiv]        Ibid., p. 1465.

[xv]        Ibid., p. 1487.

[xvi]        Ibid., p. 1491.

[xvii]       Ernest Mandel, op. cit., p. 38.

[xviii]      Ernest Mandel, op. cit., p. 39.

[xix]        Nicos Poulantzas, op. cit., p. 1491.

[xx]        Nicos Poulantzas, op. cit., p. 1500.

[xxi]        Lénine, « Du mot d’ordre des États-Unis d’Europe », Social-Démocrate, n° 44, 23 août 1915, Œuvres – T. XXI (août 1914 – décembre 1915) http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1915/08/vil19150823.htm

[xxii]       Jan-Werner Müller, « Beyond Militant Democracy », New Left Review, n° 73, 2012 http://newleftreview.org/II/73/jan-werner-muller-beyond-militant-democracy

[xxiii]      Hayek, F., « The Economic Conditions of Interstate Federalism » (1939), in Individualism and Economic Order, University of Chicago Press, Chicago, 1948, p. 271.

[xxiv]      Ibid., p. 262.

[xxv]       Ibid., p. 265

[xxvi]      Ibid., p. 266.

[xxvii]     Les travaux de Hayek ont été une des sources d’influence du traité de Rome via le pôle libéral du Mouvement européen. Voir François Denord et Antoine Schwartz, « L’économie (très) politique du traité de Rome », Politix, n°89, 2010, pp. 35-56. Néanmoins, pour un auteur de tradition autrichienne, John Gillingham, l’intégration européenne reste nettement en deçà de la radicalité du modèle désiré, voir Perry Anderson, op. cit., p. 130.

[xxviii]     Cité par Denord et Schwartz, op.cit.

[xxix]      Discours de Pierre Mendès France sur les risques du marché commun à l’Assemblée nationale, Paris, 18 janvier 1957. Centre Virtuel de la Connaissance sur l’Europe : http://www.cvce.eu/obj/discours_de_pierre_mendes_france_sur_les_risques_du_marche_commun_paris_18_janvier_1957-fr-c81bfdc2-20a9-4eaa-82ec-c2117fa1f3c2.html

[xxx]       Denord et Schwartz, op. cit., p. 55.

[xxxi]      Bonefeld, W. (2002) « European integration : the market, the political and class », Capital & Class, 26(77), p. 125.

[xxxii]     Sur cette notion et le rôle de la pensée ordolibérale dans la construction européenne voir Pierre Dardot et Christian Laval, La nouvelle raison du monde, La Découverte, Paris, 2009. Chapitres 7 et 11. Sur l’ordolibéralisme voir Foucault, Naissance de la biopolitique, p. 150. Pour une présentation plus générale de l’ordolibéralisme allemand et des controverses que suscite son interprétation voir Serge Audier, Néolibéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, Paris, Grasset, 2012, en particulier pp. 401-424.

[xxxiii]     L’ordolibéralisme est un des courants théoriques du néolibéralisme qui est apparu en Allemagne dans les années 1930.

[xxxiv]    Le concept est d’abord intégré à la doctrine des démocrates-chrétiens allemands en 1949 puis, une décennie plus tard, adoptée par les sociaux-démocrates au congrès de Bad-Godesberg. En France, la conquête va prendre près d’un demi-siècle. Dans sa déclaration de principes adoptée en juin 2008, le parti socialiste s’affirme partisan d’« une économie sociale et écologique de marché », en même temps qu’il abandonne toute référence révolutionnaire…

[xxxv]     Sur la notion d’État social voir Christophe Ramaux, L’État social. Pour sortir du chaos néolibéral, Paris, Mille et une nuits, 2012.

[xxxvi]    Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Paris, Gallimard-Seuil, 2006, p. 150.

[xxxvii]    Ibid., p. 151.

[xxxviii]   Bonefeld, op. cit., p. 132.

[xxxix]    Ibid, p. 130. Le concept de « pre-emptive counter-revolution » est emprunté à J. Agnoli.

[xl]         Enzo Traverso, A feu et à sang. De la guerre civile européenne 1914-1945, Paris, Stock, 2007.

[xli]         François Mitterrand, le samedi 19 février 1983, cité in Jacques Attali,  Verbatim, tome 1, Fayard, Paris, 1996.

[xlii]        Speech by Mario Draghi, President of the ECB, « The euro, monetary policy and the design of a fiscal compact », Ludwig Erhard Lecture, Berlin, 15 December 2011. http://www.ecb.int/press/key/date/2011/html/sp111215.en.html

[xliii]       Erick Jones, The politics of Economic and Monetary Union, 2002, p. 12. Cité par M. Ryner, « Financial Crisis, Orthodoxy and Heterodoxy… », op. cit., p. 660. Il faut noter que la Suède est un des rares pays à avoir eu un débat public approfondi sur les coûts et les avantages de l’euro, ce qui l’a conduit à ne pas adopter la monnaie unique. Robert Boyer, « Overcoming the institutional mismatch of the Eurozone », séminaire du CEPN-AMPK, 16 novembre 2012, pp. 25-27. http://www.univ-paris13.fr/cepn/IMG/pdf/texte_cepn_ampk_301112.pdf

[xliv]       Substituer à l’ajustement par les taux de change un ajustement par les prix, les salaires et l’emploi est extrêmement lent et très coûteux en termes de perte de croissance et de chômage. Voir par exemple Vincent Duwicquet, Jacques Mazier et Jamel Saadaoui, « Désajustements de change, fédéralisme budgétaire et redistribution : comment s’ajuster en union monétaire », Revue de l’OFCE, 127, 2013, pp. 57-96. Voir également, Odile Chagny, Michel Husson et Frédéric Lerais, « Les salaires aux racines de la crise de la zone euro ? », La Revue de l’IRES, 73, 2013, pp. 69-98. Stockhammer et Sotiropoulos ont évalué que pour rééquilibrer les balances commerciales de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de l’Irlande et de la Grèce en suivant une stratégie de dévaluation interne, les PIB devraient être réduits en moyenne de 23 % à 47 % par rapport à leur niveau de 2007. Engelbert Stockhammer and Dimitris Sotiropoulos, 2012, « The costs of rebalancing the Euro area », Post Keynesian Economics Study Group (PKSG) working paper, PKWP1206, 38 p. http://www.postkeynesian.net/downloads/wpaper/PKWP1206.pdf

[xlv]        The Delors Report (Report on economic and monetary union in the European Community), presented April, 17, 1989. Disponible en ligne sur Archive of European Integration (AEI), University of Pittsburgh : http://aei.pitt.edu/1007/1/monetary_delors.pdf

[xlvi]       Ces arguments sont développés dans les rapports Cecchini, Padoa Schioppa et Sapir commandités par la Commission européenne pour préparer le marché unique, la monnaie unique puis l’agenda de Lisbonne. Pour une présentation régulationniste de la trajectoire de l’euro et de l’inadéquation institutionnelle de la zone voir Robert Boyer, « Overcoming the institutional mismatch of the Eurozone », op.cit.

[xlvii]      Pour une synthèse des débats théoriques sur la zone euro comme zone monétaire optimale voir Paul de Grauwe, « What Have we learnt about Monetary Integration since the Maastricht Treaty? », Journal of Common Market Studies, vol 44, n° 4, pp. 711–730, November 2006.

[xlviii]      MacDougall Report, « Report of the Study Group on the Role of Public Finance in European Integration », Volume I, Brussels: European Commission, 1977. http://ec.europa.eu/economy_finance/emu_history/documentation/chapter8/19770401en73macdougallrepvol1.pdf

[xlix]       Jeffrey A. Frankel, Andrew K. Rose, « The Endogeneity of the Optimum Currency Area Criteria », NBER Working Paper, n° 5700, Issued in August 1996 http://www.nber.org/papers/w5700

[l]           Ces travaux émanent notamment d’économistes de la BCE, mais ils restent marginaux dans le mainstream. De plus, ces études n’expliquent pas pourquoi les marchés financiers censément efficients opèrent une allocation du capital inadéquate, c’est-à-dire principalement orientée vers la consommation et l’immobilier plutôt que vers l’investissement dans les nouvelles technologies qui était attendu. Pour une rapide présentation de ces travaux voir Magnus Ryner, « Financial Crisis, Orthodoxy and the Production of Knowledge about the EU », op. cit. p. 657-658. Dans une perspective post-keynésienne, Engelbert Stockhammer a également mis en garde contre les effets déstabilisateurs de ces déséquilibres commerciaux avant l’éclatement de la crise européenne : Engelbert Stockhammer, « Some Stylized Facts on the Finance-Dominated Accumulation Regime », Political Economy Research Institute Working Papers, wp142, University of Massachusetts at Amherst, 2007. http://www.peri.umass.edu/fileadmin/pdf/working_papers/working_papers_101-150/WP142.pdf

[li]          De nombreuses publications ont décrit les mécanismes à l’œuvre depuis l’éclatement de la zone euro. On peut notamment se référer à l’ouvrage coordonné par Costas Lapavitsas à partir du travail collectif effectué dans le cadre du réseau Research on Money and Finance (http://www.researchonmoneyandfinance.org/) Crisis in the Eurozone, Verso, New-York and London, 2012. Voir également Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Paris, Michalon, 2012.

[lii]          Voir notamment les travaux de Jacques Sapir, « Pour l’euro, l’heure du bilan a sonné. Quinze leçons et six conclusions », 18 juin 2012. http://halshs.archives-ouvertes.fr/FMSH-WP/halshs-00710375 ; « Mythes et préjugés entourant la création et l’existence de la monnaie unique », note de synthèse, Centre d’études des modes d’industrialisation (CEMI), EHESS, 14 septembre 2012, http://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2012/09/Mythes-Euro.pdf

[liii]         Le caractère impérialiste de l’UE ne se limite pas à la question monétaire. Notamment dans les domaines commerciaux et militaires, la construction européenne a une dimension impérialiste en partie complémentaire des impérialismes nationaux. Voir par exemple Guglielmo Carchedi, For Another Europe. A Class Analysis of European Economic Integration, London and New-York, Verso, 2001, pp. 114-117 ; Claude Serfati, « L’impérialisme et la place de l’UE dans le dispositif économique et géopolitique mondial », colloque Penser l’émancipation, 27 octobre 2012, UNIL, Lausanne. http://www.youtube.com/watch?v=7LE7_EngVEw

[liv]         Sur l’euro comme monnaie mondiale voir Costas Lapavistas, « The eurozone crisis through the prism of world money » in Martin Wolfson and Gerald A. Epstein, The handbook of the political economy of financial crises, Oxford University Press, USA, 2013.

[lv]         La possibilité que l’euro surpasse le dollar en tant que principale monnaie de réserve internationale a été envisagée, ainsi que les difficultés qui en résulteraient pour le financement du déficit commercial étasunien. Menzie Chinn and Jeffrey Frankel « Will the Euro Eventually Surpass the Dollar as Leading International Reserve Currency? », NBER Working Paper No. 11510, Issued in August 2005, http://www.nber.org/papers/w11510 Voir également Kathleen McNamara, 2008, « A Rivalry in the Making ? The Euro and International Monetary Power », Review of International Political Economy, 15:3.

[lvi]         Karl Marx, Le Capital, Livre I, Paris, PUF, coll. « Quadridge », 2009, pp.160-164.

[lvii]        La BCE publie chaque année un rapport qui fait le point sur le poids de la monnaie unique dans les réserves de change (environ 25 % contre 62 % pour le dollar), le poids du stock de dette libellé en euro (environ 26% contre 50 % pour le dollar) ou le poids de l’euro dans les opérations de change (40 % impliquent la monnaie unique contre 90 % pour le dollar), mais aussi le rôle de l’euro comme monnaie parallèle hors de la zone. Pour 2011, le rapport montre qu’en dépit de la crise, il y a une forte résilience dans l’utilisation internationale de l’euro. Voir ECB, The international role of the Euro, 2012, http://www.ecb.int/pub/pdf/other/euro-international-role201207en.pdf

[lviii]       David M. Andrews (éd), International Monetary Power, Cornell University Press, Ithaca, 2006. Pour une brève présentation dans le contexte de la zone euro voir Mattias Vermeiren, « Monetary power and the EMU : macroeconomic adjustment and autonomy in the Eurozone », Review of International Studies, November 2012, pp. 1-33.

[lix]         The Delors Report (Report on economic and monetary union in the European Community), op. cit. p. 25

[lx]         Lapavitsas, op. cit

[lxi]         UNCTAD, FDI statistics, 2012, http://unctadstat.unctad.org/ReportFolders/reportFolders.aspx?sRF_ActivePath=P,5,27&sRF_Expanded=,P,5,27

[lxii]        Eurostat, « European Union foreign direct investment yearbook », 2008, p. 89 http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-BK-08-001/EN/KS-BK-08-001-EN.PDF Voir également: http://epp.eurostat.ec.europa.eu/statistics_explained/index.php/Foreign_direct_investment_statistics#EU-27_FDI_stocks_with_moderate_growth_in_2010

[lxiii]       Kees Van der Pijl, Otto Holman and Or Raviv, « The resurgence of German capital in Europe : EU integration and the restructuring of Atlantic networks of interlocking directorates after 1991 », Review of International Political Economy, vol. 18, n°3, 2011, pp. 384-408.

[lxiv]       Michel Dietsch, Edouard Mathieu et Moustanshire Chopra, « Mondialisation et recomposition du capital des entreprises européennes », Commissariat Général au Plan, Paris, décembre 2003. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/docfra/rapport_telechargement/var/storage/rapports-publics/044000028/0000.pdf

[lxv]        Sur ce mouvement de mondialisation financière voir François Chesnais (Éd.), La finance mondialisée. Racines sociales et politiques, configuration, conséquences, Paris, La Découverte, 2004.

[lxvi]       Voir notamment François Morin et Éric Rigamonti, « Évolution et structure de l’actionnariat en France », Revue française de gestion, n° 141, 2002/5, pp. 155-181 et Benjamin Coriat, « L’installation de la finance en France », Revue de la régulation, n° 3/4, 2008, http://regulation.revues.org/6743

[lxvii]      Christopher Lantenois, « La dissolution du cœur de la Deutschland AG », Revue d’Économie financière, n°104, 2011.

[lxviii]      Entre 1999 et 2007, la part des trois premiers actionnaires dans le capital des firmes du CAC 40 passe de 42,6 % à 24, 9 % et, pour les firmes allemandes du Dax 30, de 33 % à 17,5 %. Sur la même période, la part des investisseurs étrangers dans les cinq premiers actionnaires passe respectivement de 16 % à 49,5 % et de 7,7 % à 61,3 %. Voir Christopher Lantenois et Benjamin Coriat, « Investisseurs institutionnels non-résidents, corporate governance et stratégies d’entreprise », Revue d’économie industrielle [En ligne], 134 | 2e trimestre 2011, http://rei.revues.org/4994

[lxix]       La part du total des titres détenus par les investisseurs étrangers sur les bourses européennes passe, en moyenne, de 35 % à 41 % entre 1999 et 2007. Federation of European Securities Exchanges (FESE) and Economics and Statistics Committee (ESC), Share Ownership Structure in Europe, December 2008, p. 12, http://www.fese.be/_lib/files/Share_Ownership_Survey_2007_Final.pdf

[lxx]        Tristan Auvray et Caroline Granier « La crise financière en Europe : vers une convergence des modèles de détention actionnariale ? », chapitre 5, in Dupuy C. and Lavigne S. (dir.), Les géographies de la finance mondialisée, La Documentation française, Paris, 2009, pp. 79-95.

[lxxi]       Benjamin Coriat, « L’installation de la finance en France », Revue de la régulation [En ligne], 3/4 | 2e semestre/Autumn 2008, http://regulation.revues.org/6743

[lxxii]      ILO, Global Employment Trends 2012. Preventing a deeper jobs crisis, Genève, p. 46. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@dgreports/@dcomm/@publ/documents/publication/wcms_171571.pdf Voir également cet article qui pointe le fait qu’en l’absence de salaire minimum, les salaires horaires peuvent être extrêmement faibles, jusqu’à 55 cents de l’heure. http://www.reuters.com/article/2012/02/08/us-germany-jobs-idUSTRE8170P120120208

[lxxiii]      Sur l’expansion à l’Est des firmes multinationales voir Bohle, D. (2006). « Neoliberal hegemony, transnational capital and the terms of the EU’s eastward expansion » in Capital and Class, 30(1), 57-86 ; Bohle, D. and Greskovits, B. (2007). « Neoliberalism, embedded neoliberalism and neocorporatism: Towards transnational capitalism in Central-Eastern Europe », West European Politics, 30(3), 443–466 ; Nölke, A. and Vliegenthart, A. (2009). « Enlarging the Varieties of Capitalism: The Emergence of Dependent Market Economies in East Central Europe », World Politics, 61(04), 670.

[lxxiv]     François Chesnais, Les dettes illégitimes : quand les banques font main basse sur les politiques publiques, Paris, Liber, 2011.

[lxxv]      Mattias Vermeiren, « Monetary power and the EMU : macroeconomic adjustment and autonomy in the Eurozone », op. cit.

[lxxvi]     Birgit Mahnkopf, « The Euro crisis: German politics of blame and austerity – a neoliberal nightmare », International Critical Thought, 2 (4), 2012, p. 472-485.