La Réunion, territoire oublié de la République française ? Chroniques d’une impasse de développement territorial

Le 1er décembre dernier, après plus de quatre jours de visite à l’île de la Réunion dans un contexte social et politique tendu, Annick Girardin, ministre des Outre-mer, repartait sans avoir réussi à convaincre le mouvement des « gilets jaunes ». Malgré une série d’annonces censées apaiser les tensions locales et répondre aux attentes de la population, la situation réunionnaise soulève encore aujourd’hui de nombreuses interrogations. Elle devrait notamment nous interpeller sur le rapport historique, économique et politique qu’entretient la métropole vis-à-vis des Outre-mer.

Prenant acte des difficultés socio-économiques que rencontre l’île de la Réunion et les autres territoires d’Outre-mer Emmanuel Macron a reçu le 1er février dernier des élus et représentants de ces territoires à l’Elysée dans le cadre du « grand débat national ». Si cette rencontre entre le chef de l’Etat et les élus aura permis de mettre en lumière certaines problématiques récurrentes de ces territoires (dépendance, chômage, précarité, inégalités…), elle aura aussi démontré la posture encore aujourd’hui paternaliste voir condescendante de l’Etat vis-à-vis de l’Outre-mer. Se sentant mis en difficulté notamment sur le sujet du chlordécone[1], le chef de l’Etat n’hésitera pas à qualifier les élus « d’enfants » et ira même jusqu’à confisquer les micros en fin de débat, décidant par la suite de répartir lui-même la parole. Certains élus outrés de la tournure et de la forme des débats quitteront même la salle, dénonçant une mascarade et l’instrumentalisation des Outre-mer à des fins politiques. Beaucoup attendent donc aujourd’hui que les discours laissent place aux actes.

Les contestations et revendications du mouvement des « gilets jaunes Réunion » interrogent aujourd’hui le monde politique à plus d’un titre. Le caractère longtemps autogéré de la dynamique, le refus de se structurer pour la plupart, ainsi que la pluralité des discours et des pratiques qui gravitent au sein de cette séquence politique, méritent que l’on s’y arrête. Tout autant que le caractère confus et les débordements en tout genre qui ont ponctué les premières semaines de mobilisation.

Prenant acte de ce contexte, en tant que jeunes réunionnais expatriés et sensibles aux questions politiques qui animent la vie de notre île, nous avons souhaité nous interroger sur ce que raconte aujourd’hui le mouvement des « gilets jaunes » du contexte politique, économique, écologique et social réunionnais. Qu’est-ce qui explique aujourd’hui qu’un mouvement d’une telle ampleur a surgi à la Réunion et quelle est sa singularité ? Pourquoi les annonces faites par le gouvernement et les élus locaux ne semblent toujours pas convaincre la population aujourd’hui ? La Réunion serait-elle dans une impasse de développement territorial héritée de son histoire coloniale et des politiques de développement engagées sur l’île au cours la seconde moitié du 20ème siècle ?

Il peut être aujourd’hui utile de revenir sur ces dernières semaines de mobilisations et tenter de saisir pourquoi cet événement surgit dans l’espace politique réunionnais et ce qui fait sa singularité. Cet article est une tentative d’analyse visant à mieux cerner les enjeux structurels de la situation réunionnaise contemporaine ainsi que ce mouvement des « gilets jaunes », au caractère diffus et protéiforme.

Nous donnerons en première partie des éléments de compréhension du contexte contemporain réunionnais, avant de revenir dans un second temps sur la séquence politique initiée par les « gilets jaunes » depuis plus de quatre mois maintenant.

 

La Réunion : entre dépendance, insoutenabilité durable et inégalités structurelles

 L’île de la Réunion est aujourd’hui une entité politique aux appartenances multiples, marquée par le sceau de l’insularité. A la fois région, département, collectivité d’Outre-mer, région ultrapériphérique de l’Union européenne, membre de la Commission océan Indien, il peut parfois être difficile d’y voir clair.

Cette apparente complexité de la gouvernance locale ne simplifie pas aujourd’hui la prise de recul et la construction d’un débat public bien informé et intelligible pour tous. Néanmoins, – et nous allons le voir – il est possible à travers quelques indicateurs de déchiffrer la situation réunionnaise et d’en dégager une vision synthétique.

Dépendance et insoutenabilité durable

Avant toute chose il convient de préciser que le caractère insulaire du territoire réunionnais institue aujourd’hui un certain nombre de problématiques qui sont spécifiquement inhérentes à ce type de territoires. Comme le souligne l’ONU, les territoires insulaires constituent des cas particuliers pour la mise en place des politiques de développement et sont dotés d’un certain nombre de spécificités récurrentes :

« Exiguïté, périphéricité, ressources naturelles limitées, vulnérabilité à des risques de différentes natures (politiques, économique, environnementaux), dépendance à l’extérieur (…)[2]».

La rapide énumération de ces spécificités suffit à résumer bon nombre d’enjeux du cadre sociétal contemporain réunionnais.

Dans les faits, la Réunion est aujourd’hui dans une situation de forte dépendance à l’extérieur, notamment vis-à-vis de sa métropole, la France. En 2017, le taux de couverture de l’île (à savoir le rapport entre la valeur des exportations et celle des importations) est de seulement 5,8%[3]. Entre 1946 et 2017 ce taux est passé de 98% à 5,8%[4] dénotant une perte progressive et quasi totale d’autonomie et d’autosuffisance aussi relative a-t-elle pu être parfois au cours de l’histoire de l’île. Comme nous le rappelle Nicolas Roinsard : « Jusque dans les années 1950 la dynamique des échanges commerciaux est strictement coloniale : le principal partenaire commercial est la métropole, tandis que le niveau des importations est conditionné par les possibilités financières issues des exportations. La balance commerciale est certes équilibrée mais la population réunionnaise souffre alors de graves pénuries. L’avènement de la société de consommation, largement médiatisée par les premiers fonctionnaires venus de la métropole et de ses trente-glorieuses, ne se réalise qu’au prix d’un accroissement massif des transferts publics et des importations en provenance de la métropole (biens de consommation, biens intermédiaires, matières premières, biens d’équipements etc.) »[5].

Ainsi, en 2017, la balance commerciale de l’île est totalement déficitaire avec 5,050 milliards d’euros d’importations contre 292 millions d’exportations[6]. La métropole demeure ainsi encore aujourd’hui son principal partenaire commercial (54% des importations de l’île et 33% des exportations[7]).

Le commerce intrarégional avec les pays membres de la COI (Madagascar, Mayotte, Maurice, Comores) ne représente quant à lui que 3 à 5%[8] du volume commercial total échangé aujourd’hui par ses pays membres, alors que son potentiel est bien plus important.

Cette perte d’autonomie, est en grande partie liée aux politiques de développement engagées pendant la seconde moitié du 20ème siècle sur l’île dans le cadre d’une mondialisation galopante, galvanisant une libéralisation progressive des marchés et une financiarisation accrue de l’économie. Pourtant, – et il apparaît important de le préciser – paradoxalement, entre 1993 et 2007 la part de la production marchande locale dans la consommation des ménages est passée de 70 à 80%[9], témoignant d’une volonté de se substituer à cette économie d’importations et de transferts. Cependant, cette stratégie de repli sur le marché local va très vite se montrer infructueuse et insuffisante pour assurer un financement endogène des investissements et des importations. Pour pallier ces insuffisances, les subventions à l’économie locale en provenance de la métropole vont ainsi augmenter de 226%[10] sur la même période. Mais se pose alors la question de savoir pourquoi cette part de la production marchande locale dans la consommation des ménages aurait atteint sa taille critique aujourd’hui. L’une des explications les plus plausibles réside dans la structuration contemporaine de l’économie réunionnaise.  En 2017, les « services marchands et non marchands » représentent à eux seuls plus de 70%[11] de la création de la valeur ajoutée dans l’économie locale. Entre les années 2000 et 2013 le secteur du commerce, de l’agriculture ou de la pêche sont quant à eux en recul, ce qui peut corroborer le constat d’une baisse de la production locale marchande et une autosuffisance aujourd’hui en berne.

Une autre explication – et non des moindres – réside dans la structuration de la production agricole locale. Ainsi, nous ne pouvons présenter le modèle économique réunionnais sans mentionner son principal poumon, à savoir la culture de la canne à sucre. En 2012, cette dernière occupe à elle seule 57%[12] de la surface agricole utile (sur une île où seulement 18% du territoire est « exploitable ») et représente près de 41,5%[13] de la valeur totale des exportations de l’île (80% en volume !).

Ainsi chaque année, ce sont plus de 210 000 tonnes de sucre qui sont déversées sur le marché, dont plus de 90% pour le seul marché européen, ce qui fait de la Réunion la première région productrice de sucre d’Europe ! Aujourd’hui la viabilité de ce secteur est corrélée à la Politique agricole commune (PAC) qui subventionne de façon considérable (via les fonds Posei et Feader) ce secteur. Selon Bruno Robert président du syndicat des jeunes agriculteurs à la Réunion, aujourd’hui « sans les aides, la filière canne réunionnaise n’existe plus »[14].

Ainsi, il est fort probable que ce modèle se délite progressivement car la levée des quotas sucriers (qui garantissaient un plafonnement de la production et de la vente de sucre en Europe) a été actée en octobre 2017 dans le cadre la nouvelle politique agricole commune engagée pour la période 2021-2027. La Réunion se retrouve donc aujourd’hui en concurrence directe avec la Thaïlande, le Brésil, ou encore le Mexique qui vient de signer un accord bilatéral de libre-échange avec l’Union européenne visant à faciliter ce type de commerce. Le sucre de betterave risquerait ainsi de bientôt remplacer le sucre de canne à l’échelle européenne en raison de l’avantage concurrentiel (coûts de production moins élevés dus à une main d’œuvre moins chère) de ces territoires dont la production est plus rentable.

Face à cette situation et ces mutations qui engagent l’avenir économique de l’île, la majorité des hommes et femmes politiques réunionnais-naises, se contentent aujourd’hui de plaider pour une pérennisation des subventions nationales ou européennes qui viendraient compenser ces pertes (-25 millions d’euros accordé par l’UE sur la nouvelle PAC, certes indispensables), mais se refuse de faire preuve d’inventivité pour le futur en matière de diversification des cultures agricoles locales.

Ainsi, cette quasi monoculture sucrière freine aujourd’hui le développement diversifié de cultures vivrières, d’autres modèles agricoles et demeure la principale raison pour laquelle la Réunion se retrouve encore deuxième département français le plus consommateur de pesticides par hectare en 2017[15]. Pendant ce temps-là, les visions alternatives de développement de filières ancestrales, d’agroforesterie et d’agroécologie, demeurent tout à fait marginalisées et quasi invisibilisées, inaudibles, dans l’espace public.

Et ce n’est pas tout. La problématique de la dépendance ne s’arrête pas là.  C’est aussi un véritable enjeu de dépendance énergétique qui se pose aujourd’hui : le mix énergétique réunionnais repose pour 86,1%[16] sur l’importation d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz, fuel etc…) avec une part de l’énergie renouvelable dans le mix énergétique global en stagnation voir même en recul depuis les années 2000[17]. Ainsi les discours locaux visant à vanter le « taux de pénétration des renouvelables » dans la production électrique doivent être fortement nuancés en l’état actuel de la structure du mix énergétique réunionnais. Difficile donc dans ce contexte d’accorder du crédit aux propos de l’actuel président de la Région Réunion qui met régulièrement en avant sa volonté de vouloir « atteindre les 100% d’énergies renouvelables d’ici à 2030 »[18].

La principale raison de ce recours massif aux énergies fossiles résulte du modèle de mobilité institué sur l’île à partir des années 1970-80, basé sur le tout voiture et soutenu par un milieu politico-économique local aux collusions certaines avec le lobby automobile. Aujourd’hui plus de 60%[19] des énergies fossiles importées sont destinées à alimenter le transport routier. Et la bagnole semble encore avoir de beaux jours devant elle : avec 23706 voitures particulières neuves vendues en 2016, les immatriculations ont progressé de 6,3 %, après une augmentation de 8,2 % en 2015[20].

Depuis plusieurs dizaines d’années le lobby automobile – extrêmement puissant sur l’île – entrave systématiquement toute tentative de réflexion ou de développement pour d’autres formes de mobilité. Un projet prometteur, qui comportait tout de même de nombreuses limites avait néanmoins failli voir le jour : le « tram-train ».  Il consistait à doter l’île d’une liaison de tramway électrique qui recouvrirait quasiment les ¾ du littoral de l’île (qui correspond à la plus grande concentration de la population). La majorité régionale de l’époque (issue majoritairement du Parti Communiste Réunionnais) a vu son plan totalement abandonné et les millions d’euros déjà engagés partis en fumée, au moment même où la nouvelle majorité issue de la droite réunionnaise venait de remporter les élections régionales de 2015.

Ainsi, alors que l’île souffre quotidiennement d’une congestion automobile démesurée, une des premières mesures du nouveau président de région a été d’abandonner le projet « tram-train » et de lancer un nouveau projet titanesque celui d’une « nouvelle route du littoral », projet de route la plus chère au monde, qui va créer une 2X3 voies de La Possession à l’entrée de Saint-Denis (soit à peine plus de 12km) en pleine mer, pour le coût exorbitant de 1.66 milliard d’euros (soit 133 millions d’euros le km tout de même)[21].

Tout ceci faisant fi de cette problématique de congestion, qui se matérialise désormais par des embouteillages quotidiens rapportant des temps de parcours de 10 minutes en conditions de circulations dites « normales » à plus de deux heures en heures de pointe. Ce phénomène est relativement nouveau sur l’île et n’a absolument pas été anticipé par les décideurs politiques locaux malgré les alertes lancées par certains acteurs de la communauté scientifique au cours des dernières années.

Cette « nouvelle route du littoral » n’apporte donc aujourd’hui absolument aucune solution à ces problématiques de congestion ou de dépendance au tout voiture et vient illustrer – au-delà des discours de façade portés par la Région sur le développement durable[22] dans ses plans de développement – le manque de considération des élites économiques et politiques locales pour les enjeux écologiques qui ne manquent pourtant pas sur l’île.

Dans ce contexte de dépendance politique, économique et énergétique qu’en est-il aujourd’hui de l’empreinte écologique réunionnaise, grande absente des débats publics ?

Selon l’ONG Global Footprint Network[23] qui calcule la biocapacité d’un territoire, à savoir, – de façon simplifiée – le rapport entre les ressources disponibles sur un territoire et la consommation finale de ce dernier, à l’échelle planétaire, nous avons bien dit planétaire, l’île de la Réunion se situe très exactement en troisième position des lieux les plus déficitaires du monde en termes écologiques avec à savoir 2820% de déficit[24] (quand il est de 20% pour la France). Pour simplifier, nous consommons à la Réunion 2820% plus que ce que nous pouvons réellement produire sur le territoire. En termes d’empreinte écologique par habitant c’est certes mieux mais irrémédiablement insoutenable (36ème place des territoires les plus consommateurs sur 188[25] ; 45ème pour la France). Si chaque habitant de la terre consommait comme un réunionnais moyen il faudrait aujourd’hui près de 3 planètes pour subvenir à nos besoins. Dans un monde aux ressources limitées, la perpétuation de ce modèle qui repose sur le dogme et le tropisme de la croissance nous fait lentement glisser vers une crise qui risque de rapidement nous dépasser.

Ainsi, les transferts élevés de capitaux en provenance de l’Union européenne et de la métropole afin d’alimenter l’économie locale (par l’importation de biens et de services) allié à la faible diversité agricole et énergétique de l’île traduit aujourd’hui une situation qui peut bien être qualifiée d’insoutenabilité durable[26] c’est-à-dire de la stabilité relative d’un système économique inefficace et écologiquement dévastateur. C’est pourquoi, en plus de sa dépendance c’est donc aussi la soutenabilité future du modèle réunionnais qui devraient être principalement interrogées aujourd’hui.

Selon Philippe Holstein, la raréfaction des ressources fossiles dans les années à venir devrait amener à des situations de pénuries où les prix de l’énergie risquent d’exploser si aucune alternative n’est trouvée. Comment faire alors avec un taux de dépendance aussi élevé aux énergies fossiles ? Rappelons qu’en 2008 et 2012 l’augmentation des prix du pétrole avait déjà conduit à deux mouvements majeurs des transporteurs locaux qui demandaient la prise en charge publique de cette hausse. Aujourd’hui, – et nous le verrons dans la seconde partie de l’article – l’augmentation du prix des carburants a constitué l’un des éléments constitutifs et centraux de la séquence politique des « gilets jaunes locaux ».  Laisser cette question de côté semble donc politiquement et socialement périlleux.

A l’heure actuelle, ces données n’ont aucune visibilité, ni aucune audience dans le milieu politique et médiatique local. Preuve s’il en faut, les résultats des écologistes aux dernières élections (tout scrutins confondus). Ces derniers (essentiellement représenté par Europe Ecologie les verts) n’ont jamais remporté la moindre élection, leurs scores dépassant rarement et péniblement les 5%. Même leur site internet semble à l’arrêt, le dernier programme qu’ils proposent datant de 2010 et leur dernière publication de 2015[27]. Interrogé par le journal de l’île, Yvette Duchemann, figure historique du mouvement écologiste à la Réunion, répondra à la question : est-il difficile de parler d’écologie à la Réunion ? par : « J’ai eu 300 voix aux législatives »[28]. Et d’ajouter : « Vous connaissez comment fonctionne la politique à La Réunion… Et vous connaissez les chiffres du chômage… C’est compliqué de lutter contre des candidats soutenus par des gros appareils municipaux. Moi, je n’ai pas de réseau. Je ne peux rien promettre à personne. C’est difficile. »[29]. Le mouvement écologiste local semble donc être à la peine aujourd’hui, incapable de faire face au microcosme politique institué sur l’île et à ses ententes.

Pourtant, les problématiques de dépendance et de soutenabilité structureront les enjeux futurs du territoire réunionnais. Pourquoi ce silence assourdissant sur ces questions au niveau local ? A quand une réelle prise en considération de ces problématiques dans l’espace public réunionnais ? Il apparaît assez évident que ce ne sont pas des mesures palliatives et de court-terme qui nous permettrons d’avancer sur ces questions de dépendance et d’insoutenabilité.

Certains pourraient arguer ici que la multiplication des politiques publiques de développement durable portées conjointement par l’Union Européenne, la France, la Région et le Département Réunion témoignent tant de la sensibilité que de la prise en considération par le milieu politique de ces enjeux. Mais en 2014, un projet de thèse en géographie conduit par Ulrich Maillot[30] sur le développement durable sur l’île démontrait clairement qu’au-delà des discours et des apparences, l’intégration des politiques publiques de développement durable sur le territoire était complexe et demeurait clairement insuffisante que ce soit au niveau politique, économique ou social. La nécessité d’engager une réflexion publique sur ces enjeux semble donc aujourd’hui inévitable et surtout indispensable.

Néanmoins, ce ne sont pas ses arguments qui ont réveillé la Réunion mais bien d’autres plus directement liés à la question des taxes, de la pauvreté, du chômage et du pouvoir d’achat notamment. Comment se posent aujourd’hui les enjeux de pauvreté et d’inégalités sur l’île ? Pourquoi sont-ils devenus les détonateurs d’un mouvement social historiquement sans précédent dans ce département ?

Inégalités structurelles et pauvreté persistante

« La compréhension de la société réunionnaise d’aujourd’hui doit toujours prendre en compte un certain nombre d’aspects qui se rapportent à l’histoire de sa constitution et à sa structure sociale. (…) Un point qui marque [cette société] se rapporte à la violence de son histoire, avec les stratifications sociales de la société de plantation et/ou d’habitation et leurs continuités à travers les positions d’autorité et de domination dans les structures sociales actuelles ; ces aspects historiques devant être conjugués avec l’évolution sociale et économique consécutive à la départementalisation et engendrant de nouvelles formes de précarisation » (Ghasarian, 2008b, p.13).[31]

L’histoire de la Réunion est structurellement et intimement liée à la question des inégalités. Que ce soit à travers son passé esclavagiste ou par les multiples tentatives de « rattrapage » du niveau de développement engagées tout au long de la seconde moitié du 20ème siècle par sa métropole, la question des inégalités traverse l’histoire réunionnaise et se joue à plusieurs niveaux (niveau interne et externe). Le mouvement des « gilets jaunes » est un nouveau marqueur de cette histoire et en serait aujourd’hui l’un des avatars les plus tangibles.

Nous ne pourrons traiter ici en profondeur de la question de l’histoire de la stratification socio-raciale de l’île et ses implications toujours actuelles dans la société réunionnaise, mais pour plus d’informations à ce sujet nous renvoyons à l’article de Nicolas Roinsard cité plus haut. L’objectif sera ici de dégager une vision globale des enjeux d’inégalités et de pauvreté sur l’île.

La problématique contemporaine des inégalités n’est ni nouvelle ni invisibilisée à la Réunion. Un récent article du Journal de l’île daté du 11 février dernier présentait un panorama des inégalités économiques de l’île et titrait en gros caractères : « 10% des plus riches possèdent la moitié de la Réunion »[32].  La Une parle d’elle-même.

De plus, lors de la dernière campagne présidentielle, tous les candidats en visite sur l’île ou interrogés à Paris par un média local (Antenne Réunion) instrumentalisent la situation réunionnaise et dénoncent la pauvreté, le chômage, les inégalités entre la France et les Outre-mer. Chacun y allant de son réquisitoire, ses remèdes et éléments de langages en tout genre sans jamais poser la question de façon transversale ou en explicitant clairement les limites et potentialités effectives du modèle économique et écologique réunionnais que nous avons pu rapidement présenter. Alors candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron dira dans son programme vouloir « libérer les énergies et les possibilités de développement »[33] afin de « moderniser l’économie réunionnaise »[34] et « réconcilier croissance et écologie »[35]. Tout un programme ! Pour ce faire pourtant, il promet une action déterminée dès le début de son quinquennat sur les enjeux suivants : « emploi, formation des professeurs, éducation, illettrisme, chômage des jeunes, sécurité »[36]. Pour celui qui disait vouloir réconcilier croissance et écologie… De la poudre de perlinpinpin diraient certains !  Interrogé par la journaliste sur les termes qui selon lui définiraient la Réunion le candidat voit une île « entreprenante, apaisée, vibrante »[37]. C’est réussi !

Sur le terrain c’est en effet plus compliqué. En 2017, 40 %[38] des réunionnais vivent en dessous du seuil de pauvreté métropolitain, soit plus de 330 000 personnes sur un territoire qui compte 865.000 habitants. Le taux de pauvreté demeure ainsi trois fois plus élevé à la Réunion qu’en France métropolitaine où il est de 14 %[39]. Le manque d’emplois et de revenus d’activité qui en découlent en sont la première cause. En effet, seuls 45 %[40] des 15-64 ans disposent d’un emploi, soit 19% de moins qu’en métropole. Chez les 15-24 ans c’est bien pire avec un taux de chômage de 56,2%[41]  mesuré en 2014 laissant ainsi cette frange de la population aux marges de la société réunionnaise et en proie à un avenir incertain.

En ce qui concerne les inégalités économiques, les 10 % les plus démunis ont un niveau de vie plafond de 585 euros mensuels par unité de consommation contre 875 euros en métropole[42]. À l’opposé, les 10 % les plus favorisés disposent d’un niveau de vie plancher proche de leurs homologues métropolitains. Mesurées par l’indice de Gini, les inégalités de revenus sont ainsi 30 % plus élevées à La Réunion[43]. Après Paris, La Réunion est le deuxième département français le plus inégalitaire, juste devant les Hauts-de-Seine[44]. Ainsi, les 20 % des réunionnais les plus modestes ne disposent que de 7 % de la masse des revenus disponibles, tandis que les 20 % les plus riches s’en partagent 42%[45]. Ajoutez à cela un coût de la vie en moyenne 7,1%[46] plus cher à la Réunion, il est alors aisé de comprendre le caractère explosif de la situation sociale réunionnaise et la grogne des « gilets jaunes » sur les questions d’inégalités ou encore de pouvoir d’achat.

De plus, selon un récent rapport de l’INSEE[47] datant d’octobre 2018, plus de la moitié des réunionnais vivraient aujourd’hui dans un quartier désigné comme précaire. Ces quartiers concentrent un certain nombre de problématiques récurrentes : un taux de chômage élevé, un grand nombre de logements sociaux et des populations qui dépendent fortement des prestations sociales. Ces populations les plus vulnérables et exposées à la précarité seraient aujourd’hui les héritières directes de la stratification socio-raciale héritée de l’histoire de l’île. Selon Nicolas Roinsard : « De la société traditionnelle et coloniale à la société moderne et démocratique, on observe en effet une inertie relative dans la distribution et la hiérarchisation des groupes sociaux et culturels, inertie particulièrement visible aux deux extrémités de l’échelle sociale et qui pèse tout son poids sur les espaces et les possibilités de mobilité sociale »[48].

De fait, la mise en perspective de la problématique des inégalités dans la société contemporaine réunionnaise ne peut se faire aujourd’hui sans la prise en compte des spécificités historiques de ce territoire, débats qui occupent aujourd’hui peu de place dans l’espace public local.

Pour résumer, la situation réunionnaise se caractérise aujourd’hui par un problème structurel de dépendance, d’inégalités et de pauvreté, mais aussi et surtout, elle est traversée par des enjeux de soutenabilité économique et écologique qui ne peuvent plus être oblitérés ou invisibilisés. Alors que plus une société est inégalitaire moins elle prend les bonnes décisions en matière environnementale[49], laisser ce débat de côté serait bien périlleux et reviendrait à laisser les générations de futurs réunionnais-ses dans une situation bien plus explosive que celle que nous connaissons aujourd’hui.

 

Irruption et revendications du mouvement des « gilets jaunes » à la Réunion 

Dans ce contexte comment surgit le mouvement des « gilets jaunes » à la Réunion ? Quelles sont leurs revendications et quelles réponses sont aujourd’hui apportées par les pouvoirs publics ? Des propositions alternatives sont-elles formulées au sein du mouvement ?

A la Réunion comme en métropole, le mouvement des « gilets jaunes » se structure autour de la hausse des taxes sur les carburants. Néanmoins, la différence majeure qu’il semble y avoir entre les mouvement réunionnais et métropolitain consiste moins dans les modes d’actions employés que dans le contexte socio-économique et historique dans lequel s’inscrivent ces luttes. Ce type de mobilisation n’est pas « en soi » une première sur l’île. En 2008 et 2012 les transporteurs se mobilisaient déjà contre la hausse des prix du pétrole. Cette fois, c’est la population qui entre en action, bien décidée à se faire entendre.

Le 17 novembre 2018 marque le début du mouvement sur l’île. S’engage ainsi une première séquence de mobilisation qui va durer onze jours jusqu’à l’arrivée de la ministre des Outre-mer Annick Girardin.  (Pour plus de précision sur la chronologie des événements, voir le lien en bas de page)[50].

Les premiers jours de mobilisation vont être ponctués de blocages et d’affrontements plus ou moins violents sur l’ensemble du territoire. Dès le troisième jour de mobilisation, l’île est totalement paralysée : « Une trentaine de barrages sont en place. Les écoles, administrations, commerces et stations-service sont fermés. Des axes stratégiques et économiques de l’île sont bloqués par les « gilets jaunes », tels que le rond-point de l’aéroport de Gillot, et la SRPP (Société Réunionnaise de Produits Pétroliers). « Le seul moyen de nous faire entendre, est de bloquer ce poumon économique de l’île », disent des manifestants. La préfecture déclenche le plan ORSEC hydrocarbures pour permettre l’approvisionnement de véhicules prioritaires »[51].

La sphère des élus politiques locaux semble quant à elle hermétique et désemparée face à un mouvement qui lui échappe. Une figure de la gauche politique et syndicale locale nous confiera « la seule réponse des élus a été d’envoyer des employés communaux sur les barrages « déguisés en ‘gilets jaunes’ » pour tenter d’appréhender la situation. « Ils étaient totalement dépassés et n’avaient absolument rien vu venir ».

Sans partis, sans syndicats, sans représentants, le fait de ne pas pouvoir mettre un/des visages sur ce mouvement déroute singulièrement les logiciels politiciens courants. Mais ils ne sont pas les seuls à être déroutés ; la société réunionnaise elle-même fait face à une montée des violences, à certaines situations de pillages cristallisant les symptômes du déclassement social et de l’invisibilisation persistante d’une frange de la population.  La question de fond étant : que représentent les quelques violences que l’on a pu observer durant ces deux semaines à la Réunion comparées à la violence structurelle que subit aujourd’hui les franges les moins aisées des populations réunionnaises et métropolitaines ? S’enchaîne une séquence médiatique, où Le Monde, France 2 et bien d’autres médias nationaux, mettent en avant le caractère violent des manifestants et les violences perpétrées sur l’île. « Violences, pillage, racket… La Réunion s’embrase dans le sillon des Gilets jaunes »[52], titre le Parisien, « Gilets jaunes » : à La Réunion, le mouvement débordé par des « cagoules noires »[53], ose Le Monde. Loin de vouloir banaliser ces scènes de violence, nous pointons toutefois une consternation à remarquer l’intérêt soudain suscité par la situation sociale de l’île, aussitôt retombée une fois les scènes de « violence » stoppées, notamment par l’envoi de centaines de militaires et gardes mobilises sur l’île. Depuis, plus aucune une de journal télé ne parlera de l’île de la Réunion, considérant les mobilisations sociales et blocages pacifistes pas assez intéressants pour susciter l’intérêt national. Durant cette phase « violente » nous compilerons une succession de témoignages contradictoires nous arrivant de la part de proches sur l’île. « ça fait du bien, curieusement on retrouve l’envie de sortir et d’aller à la rencontre des gens, sur les ronds-points, les barrages, … », « on a l’impression que le temps s’est arrêté, tout le monde sort par ses propres moyens, à pied, à vélo, c’est comme si on redécouvrait le plaisir de se balader dans son quartier », « Faire passer ces scènes de violence pour des scènes de pillage est profondément malhonnête , regardez la première cible prise par les manifestants : un Mc Donald’s qui brûle, on ne parle pas de pillage, ni de vols, on parle d’un symbole du capitalisme, destructeur de la culture et de l’emploi traditionnel à la Réunion qui part en fumée, franchement autour de moi j’entends que des gens dire qu’ils ont raison ».

Par la suite et assez rapidement un ensemble de revendications prioritaires vont prendre forme : retrait de la taxe sur les carburants, rétablissement de l’ISF, lutte contre la vie chère, transparence sur la formation des prix à la Réunion, refus des oligopoles et monopoles sur l’île (d’ailleurs quelqu’un a-t-il entendu les élites économiques locales s’exprimer si ce n’est pour appeler à un « retour au travail » ? On lance ici un avis de recherche), revalorisation des retraites, lutte contre le chômage chez les jeunes et bien d’autres.

On peut voir les revendications et les appels à l’action à travers :

La déclaration issue de la première coordination régionale des « gilets jaunes » locaux

Ou l’un des tracts diffusés sur de nombreux barrages sur l’île

Ou d’autres propositions déposées par les « gilets jaunes » locaux[54] [55]

Les premières réponses apportées par le gouvernement vont se distinguer par un autoritarisme zélé qui se renforcera tout au long du mouvement que ce soit à la Réunion ou en métropole.

L’ONU demande d’ailleurs aujourd’hui l’ouverture d’une enquête sur « l’usage excessif de la force lors des manifestations »[56] en France. Ainsi, au soir du quatrième jour de mobilisation, le préfet ordonnera la mise en œuvre d’un couvre-feu (inédit dans l’histoire de l’île), stratégie qui n’aura pour objectif pour le pouvoir que de faire usage du monopole de la violence légitime afin de contenir un mouvement qui commence à inquiéter par son ampleur, sa détermination et son caractère insaisissable. Deux jours plus tard – la situation ne s’améliorant guère – E. Macron s’adressera d’ailleurs aux réunionnais à travers un tweet empreint d’un despotisme patent : « Ce qui se passe depuis samedi à La Réunion est grave. Nous avons mis les moyens et allons continuer à les mettre : nos militaires seront mobilisés dès demain pour rétablir l’ordre public. Nous serons intraitables car on ne peut pas accepter les scènes que nous avons vues »[57], tandis que la ministre des Outre-mer elle : « va se rendre sur place dans quelques jours dans un esprit de dialogue »[58]. Confusion politique bonjour !

C’est donc dans ce contexte qu’Annick Girardin, ministre des Outre-mer, va passer trois jours sur l’île du 25 novembre au 1er décembre 2018. Trois jours à marteler que le gouvernement a entendu les revendications des réunionnais, que des plans d’aides allaient être déployés, des fonds débloqués. A l’heure où cet article est écrit, mis à part ressortir de leur chapeau un bouclier contre la vie chère et une consultation citoyenne (sans rire) – entre autres mesures déjà annoncées[59] – et promettre ici et là des miettes, le gouvernement brille pour l’instant par son manque de vision de long terme et agace encore et toujours à en croire les débats quotidiens du « baromètre la kour » Freedom, radio la plus écoutée sur l’île.

Cette réaction d’urgence et ces mesures exceptionnelles ficelées en catastrophe viennent aujourd’hui exemplifier le manque de cohérence d’un gouvernement et d’un milieu politique local incapable d’apporter des solutions tangibles sur le long terme à la population réunionnaise. Incapable aussi de poser les termes réels, factuels du débat, d’imaginer la Réunion de demain, d’imaginer de nouvelles formes politiques plus autonomes au sein de la société, faisant confiance à une intelligence collective bien trop souvent bafouée par le système représentatif actuel.

A la Réunion, le mouvement des « gilets jaunes » se pose donc avant tout comme un mouvement contestataire qui souhaite dénoncer la paupérisation, l’anomie et les inégalités qui se perpétuent depuis trop longtemps sur le territoire, mais pas seulement. Au-delà de la dimension contestataire des premiers jours une réelle volonté de proposer et de faire des alternatives apparaît.

Ce qui singularise ce mouvement par rapport à d’autres mouvements qui l’ont précédé c’est l’irruption dans le monde politique de propositions et pratiques alternatives qui cherchent un devenir dans l’espace social réunionnais. Il a été possible de voir ici et ailleurs notamment sur le rond-point des Azalées[60] au Tampon fleurir des « Place du peuple » où s’expérimentent des initiatives visant à connecter le tissu associatif local, à mettre en relation producteurs et consommateurs sans intermédiaire lors de ventes en plein-air[61]. Des plateformes de revendications sont créées, des assemblées publiques s’organisent. La volonté d’une démocratie plus directe, d’un monde plus égalitaire prend forme dans le quotidien des luttes des « gilets jaunes » locaux. Au plus fort du mouvement et encore aujourd’hui chacun partage ses compétences, des cours en plein air sont dispensés, des arbres sont plantés, des revendications liées à la mise en place de circuit court sont mises sur la table, déssi toute baraz do moun i craz maloya ![62]

Une participante de la première heure nous dira « on a tenté de faire la jonction entre culturel, artistique, économique, politique, agriculture… ce n’était pas facile, mais en tout cas, ni ma grand-mère, ni ma mère, n’avaient connu pareille tentative dans l’histoire des mouvements sociaux sur l’île. ».

Aujourd’hui sur le rond-point des Azalées c’est une véritable « fortification de la place » à laquelle nous assistons, nous confie une proche du mouvement. Selon cette dernière les modes et registres d’actions utilisés s’inspirent en partie des ZAD et visent à réinventer collectivement les modes de productions et de consommations sur l’île. S’y retrouve un public assez hétérogène : étudiants, commerçants, chômeurs, gramoun (personne âgée en créole), artistes etc… qui contribuent chacun à leur façon à faire vivre ce lieu dans une quotidienneté qui tend à s’instaurer. Cela n’étant pas du goût de tout le monde, ils ont aussi eu droit à des critiques émanant tant de certains « gilets jaunes » (pour qui les blocages constituent la seule façon de faire bouger les choses) que d’autres personnes politisées, se faisant ainsi taxer « d’utopistes » et de « souillons » (une personne sale en créole), certains les appelant même à aller se trouver un emploi. C’est vrai qu’il n’y a qu’à traverser la rue…

Malgré des fluctuations dans la mobilisation, le mouvement persiste et continue à s’inventer aujourd’hui à la Réunion à l’heure où de nouveaux blocages sont à recenser.

Ainsi, le mouvement des « gilets jaunes » à la Réunion fait irruption dans le champ politique local comme un événement perturbateur et propositionnel. Loin de vouloir l’essentialiser il a été possible de voir que ce mouvement s’appuie sur un ensemble de revendications légitimes produites par un système politique et économique profondément inégalitaire. Néanmoins, au-delà des problématiques d’inégalités et de pauvreté sur l’île subsistent des enjeux écologiques de dépendance et de soutenabilité qui ne pourront être traités que si la société réunionnaise – et ce à tous les niveaux – est prête à faire son autocritique et à se départir de ses habitudes consuméristes que certains remettent d’ores et déjà en question.

***

La création d’une société réunionnaise plus juste est semée d’embûches et se pose comme un défi collectif à relever. Par collectif nous entendons une constellation d’individus prêts à articuler remise en cause des pratiques individuelles consuméristes et polluantes et remise en cause d’un système politique clientéliste déconnecté des nécessités de la majorité de la population. Les « gilets jaunes » ont aujourd’hui ouvert une fenêtre sur l’imaginaire et le futur de de la Réunion. Reste à savoir quel devenir va se donner ce mouvement, quelles passions il mobilisera, quels désirs il soulèvera, jusqu’où il ira et comment. La remise en question du modèle économique et politique ira-t-elle jusqu’à interroger la place de la voiture dans le modèle des transports réunionnais, ainsi que nos modes de consommation ? Arriveront-ils à mettre la question écologique en lien avec celle des inégalités ?

Ne nous méprenons pas, au-delà des discours, des postures politiques et idéologiques c’est l’avenir et la stabilité du modèle systémique réunionnais qui est en jeu. Ainsi, nous ne pouvons plus nous contenter d’annoncer la fin du vieux monde politique et économique local. Réinventons-le, collectivement. Réunionnais-naises, le devenir de la Réunion nous appartient. Saisissons-le !

 

 

Notes

[1] Pour plus d’informations à ce sujet : https://la1ere.francetvinfo.fr/il-ne-faut-pas-dire-que-chlordecone-est-cancerigene-scientifiques-repondent-emmanuel-macron-676195.html

[2] François Taglioni (dir.) Insularité et développement durable, , IRD, 2011.

[3] IEDOM, Tableau de bord des Outre-mer, 2018, p. 15.

[4] Nicolas Roinsard, “Soixante ans de départementalisation à La Réunion : une sociologie des mutations de l’organisation sociale et de la structure de classe en contexte postcolonial”, revue Asylon(s), n°11, mai 2013, Dossier “ Quel colonialisme dans la France d’outre-mer ?” , p. 5.

[5] Idem.

[6] IEDOM, Tableau de bord des Outre-mer, 2018, p. 15.

[7] INSEE, Tableau économique de la Réunion, 2014.

[8] Site COI : http://www.commissionoceanindien.org/archives/economy.ioconline.org/fr/echange-et-commerce.html

[9] Philippe Holstein, La soutenabilité des économies insulaires coloniales et post-coloniales, le cas de l’île de la Réunion, thèse IEP/OFCE, 2014, p. 625.

[10] Ibid.

[11] IEDOM, La Réunion 2016, Edition 2017, p. 33.

[12] Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de La Réunion, Présentation générale de l’agriculture à la Réunion, 2012.

[13] Ibid.

[14] RFI, A la Réunion la canne à sucre se cherche un nouveau souffle, 28 juillet 2018.

[15] Générations futures, Glyph’Awards, 2017.

[16] Observatoire énergie Réunion, Bilan énergétique de la Réunion 2017, Édition 2018.

[17] Ibid.

[18] https://www.lemoniteur.fr/article/didier-robert-president-de-la-region-la-reunion-je-parie-sur-l-evolution-de-la-technique.2012529

[19] Observatoire énergie Réunion, Bilan énergétique de la Réunion 2017, Édition 2018.

[20] IEDOM, La Réunion 2016, Édition 2017, p.95

[21] https://www.alternatives-economiques.fr/route-divise-reunionnais/00088296

[22] Région Réunion, Pacte de croissance territorial 2014-2020, 2014

[23] Données Global footprint network

[24] Global Footprint Network, Biocapacity, 2018.

[25] Global Footprint Network, Biocapacity, 2018.

[26] Philippe Holstein, op. cit., p 19.

[27] https://lareunion.eelv.fr/

[28] Le Journal de l’île, 2 septembre 2018.

[29] Idem.

[30] Ulrich Maillot, La perception du développement durable à la Réunion : entre discours et réalité, politiques publiques et perceptions d’acteurs, Université de la Réunion, 2014.

[31] Christian Ghasarian cité par Roinsard Nicolas, Soixante ans de départementalisation à La Réunion art. cit., p.1.

[32] Le Journal de l’île, n° 22640, 11 février 2019.

[33] INSEE, Tableau économique de la Réunion, 2014.

[34] Emmanuel Macron, Programme à l’élection présidentielle de 2017, 2017.

[35] Ibid.

[36] Ibid.

[37] Interview E. Macron, La Réunion compte sur vous, Antenne Réunion, 2017.

[38] IEDOM, La Réunion 2016, Edition 2017, p. 17.

[39] INSEE, Tableau économique de la Réunion, 2014 pp. 70-71.

[40] Ibid.

[41] Ibid.

[42] Ibid.

[43] Ibid.

[44] INSEE, Tableau économique de la Réunion, 2014 pp. 70-71

[45] Ibid.

[46] Ibid.

[47] INSEE flash, n°38, octobre 2018.

[48] Nicolas Roinsard, Soixante ans de départementalisation à La Réunion, art. cit., p. 2.

[49] Eloi Laurent, Ecologie et inégalités, Revue de l’OFCE, 2009.

[50] https://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/retour-onze-jour-crise-sociale-reunion-chronologie-655901.html

[51] https://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/retour-onze-jour-crise-sociale-reunion-chronologie-655901.html

[52] http://www.leparisien.fr/faits-divers/violences-pillage-racket-la-reunion-s-embrase-dans-le-sillon-des-gilets-jaunes-20-11-2018-7947405.php

[53] https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/11/21/gilets-jaunes-la-reunion-toujours-paralysee-et-ebranlee-par-des-violences_5386611_3224.html

[54] https://www.zinfos974.com/Gilets-jaunes-Enfin-une-premiere-liste-de-revendications-constructives_a134096.html

[55] https://www.mesopinions.com/petition/politique/proposition-motion-commune-gilets-jaunes-reunion/53851

[56] https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-l-onu-reclame-une-enquete-sur-l-usage-excessif-de-la-force-lors-des-manifestations_3220453.html

[57] Tweet d’Emmanuel Macron, 21 novembre 2018.

[58] https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-apres-les-violences-a-la-reunion-je-vais-me-rendre-sur-place-avec-un-esprit-de-dialogue-annonce-annick-girardin_3047069.html

[59] https://la1ere.francetvinfo.fr/fact-checking-annonces-domaine-social-annick-girardin-reunion-sont-elles-nouvelles-657089.html

[60] Page facebook des « gilets jaunes » du rond-point des Azalées.

[61] https://www.arte.tv/fr/videos/086707-000-A/la-reunion-fin-des-importations-apres-les-gilets-jaunes/

[62] « Sur tous les barrages les gens jouent du maloya (musique traditionnelle de la Réunion) »