Prendre aux pauvres pour donner aux riches. Extrait du dernier livre des Pinçon-Charlot

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Le Président des ultra-riches, Paris, Zones, 2019.

Le mépris de classe d’Emmanuel Macron, le jeune homme qui se prend pour la Dame de fer, est assumé : à la limite, les gens du peuple « ne sont rien » – pire, ils ne représentent que des coûts et des charges. Renversant l’adage de Robin des Bois, sa politique prend aux pauvres pour donner aux riches.

 

Suppressions d’emplois aidés et business de la pauvreté

Parmi les premières annonces marquantes du quinquennat, une baisse d’un milliard d’euros pour les crédits alloués aux contrats aidés, soit l’équivalent d’une suppression de près de 120 000 emplois de ce type en 2018. Ce dispositif, justifiait la ministre du Travail Muriel Pénicaud, est « extrêmement coûteux pour la nation ». Il l’est bien moins que le CICE si on rapporte la dépense au nombre d’emplois créés[1]… Ces contrats précaires et mal payés étant principalement utilisés par des associations, des établissements publics et des collectivités, cette coupe sombre a entraîné un vaste plan social dans les secteurs non marchands de la culture, de l’aide aux personnes, du caritatif ou du sport.

Mais cette mesure n’est pas seulement motivée par un impératif d’économie budgétaire : « Pour comprendre jusqu’au bout de quoi il retourne, indiquent les sociologues Pierre Bitoun et Laure Ferrand, il ne faut pas céder au piège de l’argumentaire gouvernemental. Et s’intéresser aussi à ce qu’il laisse de côté, à savoir les besoins sociaux auxquels répondent, tant bien que mal, et à bas coût, les emplois aidés. […] Comment va-t‑on, à l’avenir, répondre à tous ces besoins qui, ne serait-ce que pour des raisons démographiques, iront crescendo ? Nous pensons que c’est ici, justement, qu’intervient un autre acronyme, né dans les cerveaux de la finance mondiale : les SIB, pour social impact bonds ou “bons à impact social”. » L’idée de ce dispositif néolibéral mis en place en Grande-Bretagne est de confier à la finance privée le soin « d’avancer pour le compte du secteur public (État, collectivités territoriales) les fonds nécessaires à des actions sociales menées par des associations »[2], soumises donc à un contrôle privé dont les opérateurs raflent au passage des intérêts pouvant aller jusqu’à 13 % par an.

En Macronie, l’action sociale devient un nouveau marché à conquérir. « Il faut revoir la formation des travailleurs sociaux et adopter une gouvernance nouvelle », a ainsi déclaré Agnès Buzyn, ministre de la Santé et des Solidarités. En janvier 2018, le gouvernement a annoncé le lancement du label « French Impact », avec un coup de pouce de 1 milliard d’euros sur cinq ans, qui augure d’un mouvement accéléré de marchandisation financière du social. Ce copier-coller de la French Tech pour le social a été impulsé par la mission relative à l’innovation sociale au service de la lutte contre les exclusions du marché du travail, conduite depuis septembre 2017 par l’entrepreneur social Jean-Marc Borello, par ailleurs membre du comité exécutif de LRM.

Le groupe SOS, ou quand l’action sociale devient un business

Jean-Marc Borello, ancien éducateur spécialisé reconverti dans les affaires est un proche d’Emmanuel Macron. S’il a assuré des séances de media training pour des députés de La République en marche (dont deux, Aurélien Taché et Pacôme Rupin, ont été ses collaborateurs dans le privé), il est surtout connu en tant que fondateur et président du directoire du groupe SOS. Ce petit empire, fort de 18 000 salariés répartis dans cinq cents établissements pour un chiffre d’affaires de 948 millions d’euros en 2018, est en tête du palmarès des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Quand le social devient un business, les appétits s’aiguisent : certains dirigeants du groupe auraient ainsi pu bénéficier, à des fins personnelles, du patrimoine immobilier du groupe SOS qui s’élève à 500 millions d’euros, via Alterna, une filiale à statut coopératif. « C’est ainsi qu’un bel immeuble en pierre de taille, au cœur de Paris, destiné initialement à du logement très social, s’est retrouvé pour moitié la propriété d’Éric Teboul, alors gérant d’Alterna[3]. »

La vente de biens immobiliers permet de transférer de l’argent à des entités du groupe à statut commercial, telle que la société d’événementiel Event It. Or ce patrimoine immobilier provient d’abondantes subventions et exemptions fiscales des associations qui intègrent le groupe SOS[4]. Les associations retenues pour intégrer le groupe doivent en effet apporter leur patrimoine immobilier dans la corbeille de mariage. Le patrimoine de SOS se diversifie avec des hôpitaux et des biens de luxe comme le Pavillon Élysée, un lieu de réception très huppé au bas des Champs-Élysées. La richesse de cette entreprise dite sociale et solidaire provient également de la réduction du coût du travail avec le recours au statut d’autoentrepreneur ou une gestion déshumanisée de la main-d’œuvre avec pour seuls contacts les courriels et une plateforme numérique.

Le groupe SOS continue de remporter d’importants appels d’offres. Il s’est par exemple vu confier, en septembre 2018, la mise en place de « centres de déradicalisation » à Paris et à Marseille.

Le tour de passe-passe des APL

L’aide personnalisée au logement (APL) versée par l’État a été réduite de 1,7 milliard d’euros, ce qui concerne plus de 6 millions de familles par définition modestes. Dans le même temps, le gouvernement a demandé aux offices HLM de diminuer d’à peu près autant les loyers de ces familles. Résultat : les bailleurs sociaux se retrouvent privés de 1,5 milliard d’euros de recettes par an. Ceci alors même que le secteur privé, qui consomme plus de la moitié des 18,5 milliards d’euros d’allocations logement, est entièrement épargné[5].

Amputés de ces recettes, les bailleurs sociaux risquent de se désengager de la construction de nouveaux logements. À moins qu’ils ne choisissent des locataires moins modestes n’ayant pas droit à l’APL, afin de ne pas avoir à réduire les montants des loyers.

À cela vient s’ajouter une politique de vente des logements sociaux. Le gouvernement a évoqué la possibilité de mettre sur le marché 40 000 logements par an, soit près de 1 % du parc existant (contre 8 000 logements vendus en 2017)[6]. La révision du droit au maintien dans les lieux des locataires HLM dont les ressources dépassent les plafonds réglementaires finira de sceller le sort financier des 711 organismes HLM de France. Il s’agit d’affaiblir ces organismes afin de les forcer à se concentrer en quelques grosses structures déconnectées des collectivités locales pour pouvoir ouvrir à plus ou moins court terme leur capital aux investisseurs privés.

En s’attaquant aux aides personnalisées au logement, en incitant à la vente des logements sociaux, en réduisant les aides consacrées à la construction, Emmanuel Macron confirme sa politique de président des riches.

 

Ponction de la CSG pour les retraités

Au 1er janvier 2018, les retraites ont été affectées par une hausse de 1,7 point de CSG au-dessus de 1 200 euros mensuels.

La réponse d’Emmanuel Macron à une vieille dame qui l’interpelle derrière une barrière de sécurité à Tours, en mars 2018, est stupéfiante. Elle lui dit : « On a travaillé toute notre vie, et vous nous pompez. » Il lui répond : « On ne vous a pas pompés, on a baissé de 30 % les cotisations salariales pour que les gens qui travaillent puissent payer vos retraites. Je vous demande un petit effort pour m’aider à relancer l’économie. » Comment a-t‑il osé dire cela après tous les cadeaux qu’il a accordés aux plus riches ?

Mais il est vrai que les pauvres étant des millions, les détrousser peut contribuer à enrichir les quelque 640 000 personnes appartenant au 1 % des Français les plus riches[7].

Christophe Barbier, l’« éditocrate » de L’Express, s’est fendu d’une analyse censée mieux éclairer la stratégie du président sur ce point. Question du présentateur, le 27 août 2018, sur BFM TV : « Des retraités en colère, est-ce que ça peut être dangereux pour Macron ? » Réponse : « À long terme je ne crois pas. Pour plusieurs raisons. D’ici la fin du quinquennat il y aura peutêtre l’occasion de donner un petit peu aux retraités. […] Ensuite, […] sans tomber dans le cynisme, il y a beaucoup des plus âgés de ce pays qui ne seront plus électeurs en 2022, parce qu’ils seront morts. Et voilà ! » Sans tomber dans le cynisme, donc. Toutefois, la colère des « gilets jaunes » a fait reculer Emmanuel Macron, qui a annoncé le 10 décembre 2018 que la hausse de la CSG ne concernerait au final que les retraités touchant plus de 2 000 euros.

Comparaison entre les méfaits d’Emmanuel Macron, président banquier, et l’action d’Ambroise Croizat, ministre ouvrier, durant la première année de leur mandat[8]

« Le ministre ouvrier, dans un pays ruiné par la guerre et l’Occupation :

– Création du régime général de la Sécurité sociale

– Création de comités d’entreprise

– Nationalisation de Renault et d’EDF

– Nationalisation de la Banque de France et des grandes compagnies d’assurances

– Création du statut de la fonction publique

– Création du régime étudiant de Sécurité sociale

– A PRIS AUX RICHES POUR DONNER AUX PAUVRES

 

Le président banquier de la cinquième puissance du monde :

– Diminution des cotisations sociales et de lits hospitaliers

– A supprimé les CHSCT

– Veut privatiser la SNCF

– Promulgue le secret des affaires

– A supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune

– Veut supprimer 120 000 fonctionnaires

– A détruit le code du travail

– A supprimé le régime étudiant de Sécurité sociale et veut augmenter les droits d’inscription

– PREND AUX PAUVRES POUR DONNER AUX RICHES »

La casse du droit du travail, saisons 2

Le mouvement de casse du code du travail, déjà bien entamé avec la loi El Khomri – un texte qui avait en réalité largement été élaboré à l’époque par Macron et son équipe à Bercy –, s’est poursuivi dès la rentrée 2017 avec les ordonnances dites de la « loi travail XXL ».

Les tendances régressives antérieures y étaient prolongées pour le pire, avec de nouvelles mesures facilitant les licenciements, dont la généralisation du « CDI de chantier », un contrat que l’employeur peut rayer d’un trait de plume du jour au lendemain, l’encouragement des « ruptures conventionnelles collectives », le plafonnement des indemnités pour un licenciement abusif ou la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui jouaient un important rôle de contre-pouvoir pour la protection de la santé et de la vie des salariés, etc.

Une imposture économique

Le postulat paradoxal de cette destruction en règle du droit du travail, c’est que la fluidification des licenciements va doper l’embauche. Qu’en pense la science économique dominante ? Interrogée précisément, elle peine à répondre, ainsi que s’en amuse Frédéric Lordon : « Certains se souviennent peut-être de cette stupéfiante émission de C dans l’air du 26 juin où la présentatrice lit benoîtement une question d’internaute : “Y a-t‑il des exemples de dérégulation du droit du travail ayant permis de réduire le chômage et la précarité des salariés ?” Grand silence frisé, tout le monde se regarde. Et puis Raymond Soubie, dans un demi-borborygme : “Euh non…” Le 21 septembre, au 7‑9 de France Inter, la science économique en majesté avec Philippe Aghion. Question : “Y a-t‑il un lien prouvé et démontré entre la facilité à licencier et la facilité à embaucher ?” Réponse aux avirons : “Je pense qu’il y a eu des études, je ne peux pas vous dire quelle étude, mais enfin c’est prouvé, c’est établi.” La science donc, un peu bafouillante, mais la science : il doit y avoir “une étude” quelque part, mais on ne sait plus où on l’a mise, ni même si elle existe, peu importe en vérité : “C’est prouvé.” Ah mais flûte, voilà qu’on a retrouvé une “étude”, du Conseil d’analyse économique, dont Aghion fut membre de 2006 à 2012, et qui dit ceci : “Il n’y a pas de corrélation démontrée entre le niveau de protection de l’emploi et le chômage[9].” »

C’est Muriel Pénicaud, nouvelle ministre du Travail, qui a porté publiquement ces ordonnances. Nous l’avons déjà croisée à propos de l’affaire de la visite de Macron à Las Vegas qu’elle a supervisée en qualité de VRP de la start-up nation. Mais elle a d’autres casseroles à son arc.

Comme l’a révélé Le Canard enchaîné du 20 décembre 2017, avant même de devenir ministre du Travail, la dirigeante de Business France semblait déjà fâchée avec le code du travail. Lors d’un contrôle effectué alors qu’elle était à la tête de cette agence publique, pas moins de 671 infractions au code du travail ont ainsi été constatées entre juillet 2016 et mai 2017. « Les inspecteurs, détaille l’hebdomadaire, ont relevé 557 dépassements du plafond d’heures quotidiennes pour 92 salariés […]. Au cours des 200 jours sur lesquels a porté le contrôle, 15 salariés ont crevé le plafond à 55 reprises[10]. » Ces infractions sont passibles d’une amende totale de 600 000 euros.

Après un passage en début de carrière par le cabinet de Martine Aubry, Muriel Pénicaud avait été recrutée en 1993 par Danone, où, à la suite d’une parenthèse de six ans chez Dassault Systèmes, elle était revenue en 2008, décrochant par l’entremise de Franck Riboud le poste envié de directrice générale des ressources humaines. C’est là que cette fille de conseiller financier révèle ses talents de boursicoteuse. En une seule journée, le 30 avril 2013, elle empoche une plus-value de 1,13 million d’euros sur ses stock-options en spéculant sur la hausse du titre à la suite de l’annonce de 900 suppressions d’emplois par le groupe[11]. Un profil idéal pour passer le casting de ministre du Travail d’Emmanuel Macron.

De même, le parcours du rapporteur de la loi d’habilitation aux ordonnances sur le travail à l’Assemblée, Laurent Pietraszewski, est fort instructif. Avant de devenir député LREM, ce membre de la « société civile » a fait carrière en tant que responsable des ressources humaines dans le groupe Auchan, propriété de la famille Mulliez. « Un conflit social a marqué ses débuts, se souvient L’Humanité. En 2002, alors responsable des ressources humaines de l’hypermarché de Béthune (Pas-de-Calais), une salariée syndiquée CFDT est mise à pied à titre conservatoire par la direction, pour une “erreur de commande de 80 centimes d’euro et un pain au chocolat cramé donné à une personne”, se rappelle Guy Palatine, délégué syndical central CFDT. “Une décision violente et démesurée, même en admettant que la faute a été commise, ce qui n’a jamais été prouvé”, développe-t‑il, avant d’ajouter : “C’est parti loin, ma collègue avait été convoquée au commissariat et placée en garde à vue12.” »

Laurent Pietraszewski se dit aujourd’hui « persuadé que l’entreprise est un bien commun, pas un lieu d’opposition et de rapport de forces13 ». Il n’empêche : le 8 janvier 2018, le groupe Mulliez annonçait son intention d’utiliser le nouveau dispositif de ruptures conventionnelles collectives, instauré par les ordonnances Macron, pour supprimer deux cent huit postes dans l’une de ses filiales, Pimkie. Face à la résistance des syndicats, le 10 janvier, la direction renonçait aux ruptures conventionnelles collectives tout en maintenant le plan de restructuration. La ministre du Travail a approuvé ce plan de destruction créatrice : « On ne peut pas garder les métiers du passé. »

L’usine Ford à Blanquefort : un champ de bataille de la guerre de classe

La fermeture, à l’horizon 2019, de l’entreprise Ford en Gironde où les ouvriers fabriquent des boîtes de vitesses, est emblématique de la violence des riches. La fermeture a été justifiée parce qu’il n’y avait plus « aucune opportunité de production », les neuf cent dix salariés étant en quelque sorte considérés comme de simples outils de travail que l’on cesse d’entretenir lorsque leur usage est devenu inutile. Ceci alors même que la multinationale américaine a réalisé 6,37 milliards d’euros de bénéfices en 2017. Le cynisme est encore patent vis-à-vis des aides publiques : le site Rue89 Bordeaux a calculé que depuis son implantation en 1972, Ford a encaissé 120 millions d’euros d’aides publiques. Un protocole garantissant 1 000 emplois pendant cinq ans a été signé en 2013 entre Ford et les pouvoirs publics. Alors que ce protocole arrivait à échéance en mai 2018, les responsables de Ford, trop pressés, ont annoncé dès février sa fermeture définitive en 2019.

Ford a aussitôt proposé de mettre en place une cellule psychologique pour accompagner les salariés désespérés par leur avenir de futurs chômeurs. La culpabilisation des salariés fait partie de la panoplie guerrière. « Si vous ne travaillez pas jusqu’à la fermeture de l’usine, leur a-t-on dit en somme, vous serez les seuls responsables du fait qu’aucun repreneur ne se sera manifesté ! » Cet accompagnement permet également d’individualiser les problèmes des uns et des autres et de diviser les personnels et les syndicats.

À Bordeaux, les uns naissent cours Arnozan avec des titres de propriété dans la bouche (entreprises, terres viticoles, forêts, valeurs mobilières…), tandis que les autres naissent à Blanquefort avec leur seule force de travail. Cet arbitraire doit être masqué afin que la violence du système capitaliste apparaisse naturelle, comme allant de soi et ne pouvant être contestée. Car les capitalistes n’ont qu’une seule peur, celle de la solidarité des travailleurs avec la conscience juste et fondée d’être les véritables sources d’une production de richesses à laquelle ils ont laissé leur vie et leur santé.

Casse des services publics

Autre recours aux ordonnances, cette fois pour la SNCF. Sans avoir été annoncée dans le programme du candidat, cette contre-réforme fut menée tambour battant, au printemps 2018, pour prendre de vitesse les syndicats. Ainsi procède la guerre de mouvement menée par ce pouvoir néolibéral.

Un rapport remis le 15 février 2018 au Premier ministre par Jean-Cyril Spinetta, énarque, ancien P-DG d’Air France ayant mené la restructuration de l’ancienne entreprise publique face aux syndicats de pilotes, annonçait la couleur : il recommandait de démanteler la SNCF et de mettre fin au statut de cheminot en vue de l’ouverture à la concurrence.

En conséquence de ce « big bang » de la rentabilité, comprenait-on, les petites lignes allaient, à terme, être condamnées à fermer. Écrit en novlangue technocratique, cela donnait : « Le réseau comme les dessertes s’étendent souvent au-delà du domaine de pertinence du transport ferroviaire, alors qu’ils peinent à répondre efficacement aux besoins dans les zones denses[12]. »

La libéralisation des chemins de fer accentuera les fractures territoriales entre des villes desservies par les TGV et des zones périurbaines et rurales qui n’auront qu’à se rabattre sur les cars « Macron » mis en place lorsqu’il était ministre de l’Économie.

Un autre enjeu important concerne le statut de la fonction publique. En attaquant bille en tête les cheminots, l’un des secteurs les plus organisés et les plus combatifs, le gouvernement entendait, par sa victoire, dégager la voie pour d’autres remises en cause des services publics et d’autres coups de bambou sur leurs agents.

Édouard Philippe et Gérald Darmanin ont d’ores et déjà annoncé leur volonté d’étendre « largement » le recours aux contractuels et de mettre en place un vaste plan de départs volontaires pour les fonctionnaires, se conformant en cela aux promesses de campagne d’Emmanuel Macron : supprimer à terme 120 000 postes de fonctionnaires (50 000 postes dans la fonction publique d’État et 70 000 dans les collectivités).

Mathias Vicherat, camarade de classe d’Emmanuel Macron

On l’a beaucoup vu à la télévision pendant les grèves des cheminots : Mathias Vicherat, compagnon de la journaliste Marie Drucker et un temps directeur général adjoint de la SNCF, assurait alors la com’ de l’entreprise et le service après vente de la réforme face aux critiques des syndicats.

Ce partisan de la libéralisation du ferroviaire, recruté en 2017 par le P-DG Guillaume Pepy, n’est autre que l’un des anciens camarades d’Emmanuel Macron à l’ENA, membre comme lui de la fameuse promotion Senghor. Il a raconté dans la presse quelques souvenirs de leur vie estudiantine à Strasbourg, une période qui a scellé leur amitié au point d’être invité par la suite au mariage avec Brigitte : « Emmanuel est le roi du karaoké. Il a une connaissance encyclopédique de la chanson française. Et il n’est pas le dernier à déconner[13]. » « Avec Manu, on faisait la bringue ensemble. […] Il connaissait par coeur Stone et Charden, Gérard Lenorman aussi[14]. »

Gérard Lenorman ? Mais quelle chanson avait plus précisément les faveurs de « Manu » ? Les paris sont ouverts, mais nous penchons pour Si j’étais président (1980) dont vous retrouverez facilement les paroles en ligne…

Notes

[1] 12 853 euros pour un emploi aidé alors que, pour le CICE, il faut compter entre 287 000 euros et 574 000 euros pour un emploi créé ou sauvegardé sur la base des chiffres du comité de suivi pour les années 2013‑2014, à savoir entre 50 000 et 100 000 emplois créés ou sauvegardés ; voir Jean-Michel Dumay, « Haro sur les contrats aidés ! », Manière de voir, n° 156, décembre 2017-janvier 2018 ; Lionel Venturini, « 300 000 à 600 000 euros par emploi aidé, le gâchis du CICE », L’Humanité, 30 septembre 2016.

[2] Interview réalisée par Alexandre Fache, « Contrats aidés. “Et dans leurs larmes, coulera l’appétit sans limites du capital” », L’Humanité, mardi 5 décembre, 2017 ; voir également Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Les Prédateurs au pouvoir. Main basse sur notre avenir, op. cit., p. 56‑60.

[3] Isabelle Rey-Lefebvre, « Groupe SOS : un trésor immobilier évalué à 500 millions d’euros », Le Monde, 6 décembre 2018.

[4] Idem.

[5] Isabelle Rey-Lefebvre, « Budget du logement : la (maigre) concession du gouvernement aux HLM », Le Monde, 3 novembre 2017.

[6] Isabelle Rey-Lefebvre, « HLM : les bailleurs sociaux vont vendre, sous la contrainte, une partie de leur parc », Le Monde, 9 octobre 2018.

[7] Selon les statistiques de l’Insee sur « les revenus et le patrimoine des ménages » en 2016, 9 millions de Français dont 3 millions d’enfants sont concernés par le seuil de pauvreté qui caractérise les personnes qui vivent avec 60 % du revenu médian (1 692 euros en 2015), soit 1 015 euros par mois.

[8] Ambroise Croizat, ouvrier communiste, fut député puis ministre du Travail à la Libération. Entre 1945 et 1947, il met en place le système de protection sociale en France. Ce comparatif est extrait d’un tract qui nous a été offert par des militants de la CGT du Val-de- Marne lors d’une des grandes manifestations contre les ordonnances d’Emmanuel Macron sur le code du travail.

[9] Frédéric Lordon, « Le service de la classe », Les blogs du « Diplo », 3 octobre 2017.

[10] Le Canard enchaîné, 20 décembre 2017.

[11] Sébastien Crépel, « Stocks-options. La ministre du Travail touche le pactole sur le dos des emplois », L’Humanité, jeudi 27 juillet 2017.

[12] Cité par Marie Astier dans « Le rapport Spinetta conseille de fermer les petites lignes de chemin de fer », Reporterre, 15 février 2018.

[13] Paris Match, 11 mai 2017.

[14] Libération, 8 mai 2017.