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Les auteurs?es vous invitent à un échange autour du livre le Jeudi 23 Janvier, au Lieu-dit. A cette occasion, nous republions un texte paru dans le n°16 de la revue Contretemps.

 

Echange autour du livre Sanofi – Big Pharma, l’urgence de la maîtrise sociale, Danielle Montel, Daniel Vergnaud, Danielle Sanchez, Thierry Bodin, Paris, Syllepse, 2013, 142 p., 8

Avec Annick LACOUR, Kabir?Admadi MARMAR

Ami-e-s et militant?e-s sont attendu-e-s :

Jeudi 23 janvier, à partir de 18h
« Le lieu?dit »
6 Rue du Sorbier, Paris 20e
métro Ménilmontant

Dîner sur place possible

 

 

Sanofi et l’industrie de la santé, entre finance et bien commun

Collectif de militants de SANOFI et de l’OMOS : Robert Bonnet, Thierry Bodin, Bernard Dubois, Danielle Montel, Daniel Vergnaud

 

Le dirigeant, l’actionnaire et le salarié…

Sanofi, première entreprise nationale du médicament et du vaccin, est à présent le numéro 1 du CAC 40.1

Un exploit qui consacre les performances économiques et boursières de cette multinationale du médicament. En 2009, le bénéfice de Sanofi se montait à8,9 milliards d’euros, à 9,2 milliards d’euros en 2010, et à 8 milliards 795 millions d’euros en 2011.

Les dividendes versés aux actionnaires se sont élevés à 3,5 milliards d’euros en 2011.

Côté rubrique économie, Sanofi se porte donc à merveille. Pourtant Sanofi défraie la rubrique sociale : les salariés sont fortement mobilisés pour contester la stratégie du groupe.

En effet, en juillet 2012, les dirigeants du groupe ont annoncé un plan d’économies de 2 milliards d’euros, ce qui devrait permettre de porter la part des dividendes versés aux actionnaires de 40 % à 50 % des bénéfices. Cette restructuration fait suite à un précédent plan d’économies, déjà de 2 milliards d’euros, décidé en 2009 pour 2013, en fait réalisé dès 2011 avec des conséquences drastiques.

Après la fermeture programmée en décembre 2013 du centre de production de médicaments de Romainville (Seine-Saint-Denis) et l’arrêt de la production pharmaceutique de Neuville-sur-Saône (Rhône), le centre de recherches de Toulouse (Haute-Garonne) est à son tour menacé, ainsi que l’ensemble des activités de recherches de Montpellier (Hérault). Par ailleurs, la direction a décidé l’arrêt de production de plusieurs vaccins indispensables, comme celui de la rougeole, avec des conséquences majeures pour la santé publique, ainsi que pour les salariés avec plusieurs centaines de postes supprimés.

Pour augmenter les bénéfices et les dividendes, il faut savoir faire par ailleurs des économies.

 

° Dans l’Hexagone, les suppressions d’emplois sont continues : fermetures de sites, délocalisations, menaces permanentes sur l’emploi, dans les sièges sociaux et les sites administratifs, dans la recherche, la production chimique ou pharmaceutique, la distribution et la visite médicale…

En tenant compte des absorptions des sociétés Genzyme et Mérial, ce sont 4000 emplois qui ont été supprimés depuis 2008, sans oublier que les emplois précaires occupent une place importante (13,5 % de l’effectif total). Deux mille emplois supplémentaires sont concernés par le nouveau plan qui implique, dans 49 sites en France, toute la chaîne du médicament et du vaccin, de la recherche à la production, jusqu’à la distribution, en passant par les fonctions support.

 

° D’importantes suppressions d’emplois ont également lieu à l’échelle de l’Europe. En recherche, plusieurs sites sont fermés (Hongrie, Pays-Bas, Italie, Espagne, Grande Bretagne…) ou restructurés (Allemagne), avec des centaines de suppressions d’emplois. En Slovaquie, vente prévue de Holohvec avec 800 salariés (dont les salaires sont d’environ 400 € !). En Angleterre, fermeture prévue de Fawdon. En Hongrie, objectif de licencier 28 visiteurs médicaux. En Pologne, projet de licencier 70 visiteurs médicaux sur 150. En Roumanie, suppression de 10 emplois en rhumatologie. En Espagne, réduction des emplois de vente par « 100 départs volontaires » de visiteurs médicaux. En Allemagne, après la suppression de 333 postes, projet de restructuration des fonctions centrales. En Belgique, en 5 ans on est passé de 550 visiteurs médicaux à 160 avec recours à des prestataires. En Tchéquie, mise en concurrence avec la Roumanie pour Zentiva.

 

° Partout sont sacrifiés savoirs, connaissances, perspectives d’avenir…

Après la cession en 2011 du site de Porcheville (Yvelines), la recherche est à nouveau particulièrement attaquée par l’actuel plan d’économies. Les investissements en recherches sont de plus en plus réduits :le nombre de projets de recherche Sanofi est passé de 401 à 250 ; le rapport entre recherches/développement et chiffre d’affaires qui était de 16,6% en 2008 est passé à 14,4% en 2010, et est prévu à 12,3% pour 2015.

Pourtant les dirigeants de l’industrie pharmaceutique reconnaissent que les médicaments issus des recherches en France sont le plus souvent produits dans des sites de l’Hexagone. S’ils ne sont pas trouvés en France, ils ne sont jamais produits dans notre pays.

 

Le médicament, une marchandise comme une autre ?

Le patient, un client parmi d’autres ?

Puisqu’il s’agit de médicaments et de vaccins, ravivons quelques souvenirs.

 

De nombreuses « affaires »

L’affaire du Mediator a mis en évidence jusqu’où des intérêts privés étaient capables d’aller : cacher des données scientifiques connues et faire prescrire un médicament dangereux. Le Mediator a été ordonné abusivement comme coupe-faim. Les coupe-faim comme l’Isomeride ont été retirés du marché il y a quinze ans à cause des mêmes problèmes de toxicité cardiaque. Dans le même temps, consécutivement, les ventes de Mediator ont bondi… Sans état d’âme Servier a encaissé l’argent.

Ce n’est pas la seule ni la première « affaire » qui met en évidence la cupidité des actionnaires et dirigeants de l’industrie pharmaceutique. En 1995, ce fut l’affaire de l’équivalent américain de l’Isomeride dont Servier avait vendu la licence à Wyeth (aujourd’hui Pfizer). En 2001, l’affaire de l’anticholestérol de Bayer vendu en France par Bayer et Fournier. La cérivastatine a dû être précipitamment retirée du marché après quelques années de commercialisation, parce qu’elle provoquait davantage d’effets secondaires graves que les autres produits de la même famille (fonte brutale des muscles, y compris cardiaque…). En 2004, ce furent les « coxibs », des anti-inflammatoires censés ne pas faire tort à l’estomac. Le produit de Merck, le Vioxx, dut être retiré du marché du fait de problèmes cardiovasculaires. Celui de Searle Monsanto (aujourd’hui Pfizer), le Celebrex, a vu son débouché réduit pour les mêmes raisons. On découvrit ensuite que des essais cliniques avaient été manipulés en faveur du produit. En France, certaines présentations trompeuses en faveur de Celebrex durent être interdites par les autorités.

Récemment l’affaire des « glitazones », médicaments contre le diabète, a défrayé la chronique. Avandia, vendu par le laboratoire anglais GSK, pose des problèmes cardiovasculaires, et Actos, vendu par le Japonais Takeda, est fortement soupçonné de provoquer des cancers de la vessie. Ces deux laboratoires se sont pourtant arc-boutés pour maintenir leur produit sur le marché.

D’autres affaires encore :les autorités américaines n’ont pas jugé convaincant le dossier soumis par Sanofi concernant l’anti-obésité Acomplia. Le groupe Sanofi s’acharne également pour défendre le Multac… Un anti-douleur, le Di-antalvic, a été retiré du marché suisse en 2003, et des marchés anglais et suédois en 2005 (risque d’accoutumance, de surdosage, de toxicité, de chûtes et de fractures…). En France, seulement en 2011. Suite à cet arrêt, d’autres médicaments antidouleurs, à base de tramadol, en particulier Topalgic ou Ixprim (Sanofi), ont vu leurs ventes augmenter de 30 % en un an. Or, les milieux médicaux estiment que le tramadol a un rapport bénéfice/risques au moins aussi défavorable, sinon plus, et de nouveaux effets secondaires préoccupants…

Ajoutons, en 2010, l’affaire du H1N1…Après la gestion calamiteuse du problème de la « pandémie » de grippe H1N1, qui n’a pas eu lieu, il est apparu clairement que les pouvoirs publics avaient cédé à la pression du lobbying des fabricants de vaccins. De nombreuses personnes se sont fait vacciner sur la base d’un risque volontairement exagéré. Les industriels ont pu engranger de copieux bénéfices…

En 2010, suite à un problème industriel à Francfort, le groupe Sanofi a dû stopper la production de l’insuline d’action rapide Apidra, qui complète l’insuline d’action lente Lantus. Les stocks d’Apidra étaient largement insuffisants et un back-up (deuxième site de production) n’était pas prévu. Dans les usines du groupe et chez les fournisseurs la situation est très tendue, et la moindre difficulté a un impact immédiat dont sont victimes médecins et patients.

Des ventes illégales de médicaments ont été mises à jour :« En juillet 2012, GlaxoSmithKline a dû verser 3 milliards de dollars pour mettre fin à des poursuites intentées aux États-Unis qui portaient sur des faits s’étant déroulés entre 2000 et 2008. Chris Viehbacher, PDG de Sanofi depuis 2008, est directement incriminé pour avoir poussé à la vente d’Advair, présenté comme pouvant traiter toutes les formes d’asthmes, alors que l’Agence du médicament n’avait autorisé le produit que pour les formes les plus sévères.

 

Des malades sacrifiés

Genzyme (devenue filiale de Sanofi) produisait, sous le nom de Campath, un médicament (alemtuzumab) efficace pour une maladie peu fréquente, la leucémie lymphoïde chronique. Il fut découvert que la molécule d’alemtuzumab était efficace dans le traitement de la sclérose en plaque (SEP), pour un coût quatre à cinq fois moins élevé que les autres médicaments actuellement sur le marché.

En 2011, le géant Sanofi-Aventis lança alors une OPA pour racheter (plus de 20 milliards de dollars) la propriété de cette fabuleuse molécule. Les « humanistes » qui dirigent Sanofi décidèrent d’utiliser la ruse du maquignon andalou : convertir un vieux cheval en bel étalon en lui donnant un coup de teinture. Dans le cas présent, en retirant Campath du marché pour le ressortir avec un dosage différent sous le nom de Lemtrada, accompagné d‘une nouvelle indication thérapeutique. Bien entendu, le retrait du Campath permit aussi à Sanofi d’ajuster le prix du Lemtrada pour le rapprocher de celui de ses concurrents dans le traitement de la SEP (4 à 5 fois plus !). Le traitement de la leucémie avec Campath n’avait rapporté que 76 millions de dollars en 2011, alors que le Lemtrada avec sa nouvelle indication (et son nouveau prix) pourrait en rapporter 400 en 2018. Cela vaut-il qu’on prive les leucémiques de leur traitement ?

 

L’industrie pharmaceutique : quelles finalités ?

La question du brevet…

Privatiser les connaissances, et notamment les connaissances thérapeutiques, par le brevetage soulève depuis quelques années de virulents débats, en France, en Europe et dans le monde. Les actionnaires et dirigeants de l’industrie pharmaceutiques défendent le brevet qui leur garantit profits et pouvoirs. Le brevet est ainsi un moyen de blocage des innovations et des connaissances utilisé dans la guerre entre les groupes et comme frein à l’accès des pays pauvres aux soins (pour rappel : 36 industriels se sont unis pour empêcher l’accès libre des populations pauvres aux anti-viraux).

 

Des campagnes médiatiques mensongères

Lorsqu’on parle de la santé, on est en doit d’exiger rigueur et sérieux. Or, des campagnes publicitairesdétournent vers « l’automédication » les richesses issues du travail et les finalités de cette industrie. Ainsi des médicaments sont déremboursés parce que leur efficacité n’est pas prouvée. Mais à la télévision ces mêmes produits sont présentés plusieurs fois par jour dans des espaces publicitaires attractifs, où est vantée leur efficacité thérapeutique.

Des campagnes de presse orchestrées et financées par l’entreprise, largement reprises dans les journaux (Le Monde, la Tribune, les Échos, l’Expansion, Challenges…), calomnient les chercheurs et absolvent les prédateurs. Comment les salariés ne seraient-ils pas indignés face aux mensonges de dirigeants qui, en contrepartie de rémunérations monstrueuses, travaillent à détruire un patrimoine issu du travail, et ne se privent pas de les insulter : « La recherche en France ne rapporte rien », « les chercheurs ne trouvent plus rien », répètent-ils, après avoir stoppé des domaines de recherches, fermé des pôles d’excellence, tué des projets en cours et détruits des centres de recherche, cassé des équipes, découragé et désespéré de nombreux scientifiques, pressuré puis jeté de jeunes diplômés… Il convient de rappeler que ce groupe Sanofi est issu de nombreuses fusions : notamment Synthélabo, Roussel-Uclaf, Marion, Rhône-Poulenc, Rorer… Et, malgré des restructurations mutilantes, le potentiel scientifique et industriel reste important. Médicaments et vaccins sont issus du travail intellectuel et physique d’hommes, d’équipes, qui ont découvert, développé, puis produit, et qui distribuent… L’œuvre commune, le catalogue en témoigne, est considérable.

 

Médicaments et vaccins issus du travail des équipes de Sanofi

 

Médicaments :

Amorel, anandron, aprovel, aspegyc, biprofenid, claforan, clopidogrel, coltramyl, cortancyl, corvasal, decontractyl, doliprane, dectancyl, diamox, gardenal, héparine choay, idarac, lantus, lanzor, lasilix, lovenox, maalox, nivaquine, profenid, plavix, rulid, rhinatiol, rythmodan, solupred, stilnox, surgestone, taxotère, telfast, urbanyl…

 

Vaccins :

Antirabique, hépatite B, hépatite A, coqueluche, tétanos-diphtérie-polio, méningite à méningocoque, polio type 1, grippe H5N1, grippe H1N1 etc

 

 

Pour les dirigeants et les actionnaires : une bonne santé financière

Quelques données :

° Versé à l’État : l’impôt sur les sociétés (pourcentage par rapport aux bénéfices) : 2010 : 27,8 % ; 2011 : 27 % (l’impôt sur les sociétés est en France de 34,4 %).

° Reçu de l’État : le crédit impôt recherches : 2008 : 26 millions € ; 2010 : 100 millions € ; 2011 : 130 millions €.

° Exemples de privilèges des actionnaires et des dirigeants :

 

Pour I. Landau

conseil d’administration

Ex de Retraite chapeau

et de Jetons présence

2008

2 176 908 €

50 000 €

2009

2 193 300 €

62 500 €

2010

2 269 931 €

57 500 €

2011

2 298 224

52 500 €

Plus de 121,2 millions € ont été provisionnés pour payer les retraites chapeaux des dirigeants quelle que soit la situation financière future de l’entreprise.

 

° Les rétributions des dirigeants sont exorbitantes : revenu annuel de Chris Viehbacher, dirigeant de Sanofi : en 2010 : 6 106 366 € ; en 2011 : 7 134 787 €, soit 19 500 € par jour !

Depuis 2010, Chris Viehbacher est également président du conseil d’administration de la PhRMA, le syndicat professionnel des entreprises pharmaceutiques aux États-Unis. Il opère une transformation du groupe vers les médicaments en vente libre, une R&D récupérant, et déviant, pour pas cher les travaux de la recherche publique.

° Les dividendes des actionnaires : ces derniersont l’assurance d’une augmentation continue de leurs dividendes : 3,5 milliards € en 2011, soit + 6 % par rapport à l’année précédente.

 

Des choix stratégiques coûteux pour l’entreprise, la population et le pays

° Les restructurations, qui visent à casser, représentent un gâchis énorme : elles ont coûté en 2008, 585 millions €, en 2009, 1 080 millions €, en 2010, 1 372 millions €.

Ainsi les richesses nées du travail des salariés constituant la chaîne du médicament sont détournées pour nourrir de faux besoins juteux qu’ils créent artificiellement… La direction de Sanofi réduit ses investissements et ses projets de recherches thérapeutiques, mais se lance… dans une boisson beauté avec Coca-Cola ! Beautific Oenobiol est essentiellement constitué d’eau, de jus de fruits et de mystérieux « ingrédients actifs pour maximiser un objectif beauté ciblé ». Quant au « Lactacyd Youth Reviving », Lactacyd White Intimate, il s’agit d’unnouveau produit Sanofi… pour le blanchiment de la peau, notamment des parties intimes féminines. On touche le fond !

Dans leur quête effrénée du succès financier, les businessmen de la pharmacie ne semblent plus connaître aucune limite. Ils sont prêts à détruire l’innovation, le travail, l’éthique, les compétences, l’avenir…

 

Le lobbying pharma, dont Sanofi, s’organise en France et dans le monde

En France, avec le LEEM (syndicat patronal des entreprises du médicament), les entreprises du médicament fixent leursobjectifs (suite à une expertise en 2010 de AECPartners-F. Sarkozy et de l’étude du cabinet Berger 2012) : accroître la part des profits des actionnaires (40 % en 2012, 50 % en 2013) ; multiplier les aides publiques ; négocier des prix élevés pour les médicaments princeps ; limiter et sélectionner les recherches ; raccourcir les processus de lancement ; réviser les statuts des chercheurs ; disposer des fichiers de la Sécurité sociale et des bases de données épidémiologiques ; rationaliser pour accroître la rentabilité ; développer des partenariats public-privé au service du privé ; développer la concurrence aux dépens des coopérations ; accroître les médicaments en vente libre ; flexibiliser l’emploi ; intégrer les salariés aux valeurs du marché, etc…

Dans le monde, avec le lobbying pharma monde, dix grandes sociétés biopharmaceutiques ont annoncé la création d’une organisation pour se partager les marchés solvables dans le monde : Abbott, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Eli Lilly and Company, GlaxoSmithKline, Johnson & Johnson, Pfizer, Roche et Sanofi.Ilsont lancé (« TransCelerate ») la plus grande initiative du genre jamais menée.

 

Face à la spirale destructive, le NON des salariés

Le refus de la restructuration purement financière

Le 3 octobre 2012, avec l’ensemble de leurs organisations syndicales, des salariés venant de toute la France, calicots mêlés, banderoles intersyndicales croisées, ont porté à travers les rues de Paris des colères, des valeurs, des exigences, des mots d’ordre citoyens. Leur lutte porte l’immédiat et l’avenir, le singulier et la solidarité, l’avancée des connaissances, le progrès, la sécurité, la santé.

L’immédiat et l’avenir :les salariés veulent tout à la fois conserver leurs moyens d’existence et refuser le meurtre social d’une industrie nécessaire à la société, au progrès.

Le singulier et la solidarité :chacun d’eux lutte pour garder son emploi, son métier, sa qualification, des compétences dont la société a besoin, et pour maintenir et développer des emplois pour tous, notamment pour les jeunes.

L’avancée des connaissances pour le progrès et la sécurité: ensemble, ils défendent une industrie de la santé aujourd’hui dévoyée parce qu’enfermée dans le carcan capitaliste. Ils sont attachés à sa finalité, sa raison d’être : une industrie chaque jour davantage au service de la santé publique, disposant des moyens de soigner à l’échelle du monde et dans des conditions éthiques.

Ils ont conscience que chaque maillon de la chaîne du médicament et des vaccins est nécessaire au bon fonctionnement et à l’efficacité de l’ensemble. Ils le vérifient quotidiennement. Dans ce groupe, la fermeture du centre de recherches de Romainville (1 832 salariés) et la cession du site de Porcheville (159 salariés) ont déjà suffisamment nui à l’innovation thérapeutique. Leur volonté commune : défendre tous les atouts, maintenir le centre de recherche de Toulouse dans le groupe et les activités de recherche de Montpellier, préserver les capacités de production. Leur lutte dénonce les visées mercantiles des choix patronaux : les marchés porteurs financièrement, les maladies rentables, les populations solvables, l’accaparement des subventions publiques…

 

Le médicament : non une marchandise, un bien public

En matière de santé, les besoins crient, s’époumonent, en France, dans le monde. Mais le « réalisme économique » les renvoie à leur insolvabilité. Et la santé est livrée aux trafics, à la spéculation, aux copies frelatées.

 

Le marché du faux médicament au Sénégal est estimé à plus de 12 milliards FCFA par an, a déclaré à Dakar, le 12 novembre 2012, Aboubacry Sarr, Président du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal.
Il s’exprimait lors de la cérémonie officielle de lancement de la semaine de sensibilisation (11 au 18 novembre 2012) sur le danger des médicaments « de la rue » et le marché illicite des médicaments initié par le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal.
Selon Sarr, 30 % des médicaments en circulation dans les pays en voie de développement sont falsifiés, et 50 % des médicaments disponibles dans certains pays sont concernés.
« Plus de 200 000 personnes meurent chaque année parce qu’elles ont eu le malheur de prendre de bonne foi un faux médicament contre le paludisme, une maladie endémique au Sénégal et dans la plupart des Etats africains. 50 % des médicaments achetés sur le net sont faux », a notamment dit M Sarr.
Face à ce tableau « inacceptable et complexe », qui provoque de lourdes pertes en vies humaines et impose un lourd tribut aux économies nationales, Sarr a appelé à dénoncer « ces vendeurs de la mort et fossoyeurs de l’économie nationale ».
Le ministre sénégalais de la santé et de l’action sociale, Pr Awa Marie Coll Seck, a noté qu’il importe d’asseoir un programme de sensibilisation et d’information pour un changement de comportement des populations mais également des trafiquants et autres receleurs.(…source
Seneweb.com)

 

° Les besoins sont immenses. C’est la première fois depuis 1975 que l’on note en 2010 un recul des dépenses de santé, elles ont diminué de 0,6 % dans la plupart des pays de l’Union Européenne. L’OCDE (Organisme de Coopération et de Développement Économiques, qui comprend 34 pays) observe que chaque pays étudié a réduit ses dépenses de santé dans l’objectif de limiter le déficit budgétaire.

L’UNICEF (Fond des Nations Unies pour l’Enfance) a noté dans son rapport sur « La situation des enfants dans le monde en 2012 » : « Près de huit millions d’enfants sont décédés en 2010 avant leur cinquième anniversaire, en grande partie des suites d’une pneumonie, de la diarrhée ou de complications lors de l’accouchement. Des études montrent que les enfants des implantations urbaines sauvages sont particulièrement exposés à ces dangers. »

Selon l’UNICEF, la vaccination a eu des effets importants sur l’amélioration de la santé dans le monde durant les 20 dernières années. Cependant, chaque année, 2 millions d’enfants décèdent de maladies qui auraient pu être prévenues par des vaccins peu onéreux. Les programmes de vaccination permettent en outre d’autres interventions telles que la distribution de compléments nutritifs, les traitements contre les maladies véhiculées par les moustiques. C’est l’addition de ces interventions qui est particulièrement efficace.

En 2004, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publiait un rapport qui indique comment la recherche et l’innovation pharmaceutiques pourraient permettre de mieux répondre aux besoins sanitaires, et ainsi mieux faire face aux maladies émergentes en Europe et dans le monde. Le rapport recense les maladies pour lesquelles il n’existe aucun traitement, les maladies pour lesquelles les traitements sont inadaptés et/ou ne sont pas mis à la disposition des malades. Il met en évidence les lacunes et les solutions possibles. Il répertorie 17 maladies prioritaires.

  • Des maladies qui n’ont pas de traitement (maladies neurologiques, cancers, maladies infectieuses, microbiennes, virales ou parasitaires…), ou qui nécessitent une amélioration des traitements existants. Ou qui répondent à l’apparition de nouvelles souches pathogènes résistantes (tuberculose…).

  • Des maladies nécessitant de meilleures formes médicamenteuses (galéniques) : maladies cardiovasculaires (prévention secondaire), diabète, hémorragie du post-partum, infection par le VIH/SIDA chez l’enfant, dépression chez les personnes âgées et les adolescents.

  • Des maladies pour lesquelles il n’existe pas de marqueurs biologiques : maladie d’Alzheimer, arthrose.

  • Des maladies nécessitant des travaux de recherche fondamentale et appliquée : cancer, accident vasculaire cérébral.

  • Des maladies dont la prévention est particulièrement efficace : pneumopathie chronique obstructive, y compris le sevrage tabagique.

Beaucoup de ces maladies, les maladies rares, et plus généralement celles touchant les populations insolvables, n’intéressent pas les actionnaires.

° Les réponses sont inexistantes. Les firmes, bien qu’elles bénéficient de crédits impôts recherches et des atouts de la recherche publique, délaissent les recherches dans de nombreux domaines qu’elles considèrent trop coûteux et incertains. Régulièrement des ONG au rayonnement mondial lancent des appels au secours en direction de l’opinion publique. Des vies sont en cause. Ce n’est pas seulement la recherche qui fait défaut, mais aussi le fait que les prix intègrent une marge bénéficiaire énorme. Ainsi Sanofi a été condamné pour avoir vendu à l’Algérie des principes actifs à des prix prohibitifs.

Les brevets assurent aux firmes des monopoles. Ils leur garantissent ainsi des prix qui empêchent les populations pauvres ou dépourvues de système de santé d’avoir accès aux soins. Ce problème est aujourd’hui posé mondialement. Il a éclaté au procès de Pretoria le 19 avril 2001, les plus grands laboratoires ont dû renoncer aux poursuites qu’ils avaient engagées contre l’Afrique du Sud qui voulait appliquer les licences obligatoires. Depuis, les grands groupes pharmaceutiques occidentaux se trouvent de plus en plus sous la pression des pays émergents qui veulent leur faire réduire leurs tarifs ou céder leurs brevets.

 ° La question des génériques

La santé est un souci de chacun, des familles, au sein desquelles les armoires à pharmacie tiennent une place importante. Dans le processus de santé, le médecin est un maillon essentiel, professionnel de santé, prescripteur du médicament. Aujourd’hui sa liberté est entravée. Pour des raisons purement comptables il se voit contraint d’ordonner un générique lorsqu’il existe. D’où une méfiance croissante des patients.

La législation affirme exiger que l’on doit retrouver dans l’organisme du patient, suite à l’absorption d’un générique ou du médicament princeps, une quantité de principe actif similaire. Toutefois elle tolère qu’un générique puisse être mis sur le marché avec une différence de – 20 % à + 25 % .

Différents paramètres peuvent varier : la pureté des principes actifs, les excipients, les formes orales… Et pourtant les génériques ne sont pas soumis aux mêmes études et contrôles que les médicaments princeps (pharmacologiques, toxicologiques et cliniques) sous prétexte que ces études ont eu lieu pour l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du médicament princeps initial. Des génériqueurs sont basés en Chine, en Inde ou dans les pays de l’Est. Des problèmes de qualité et fiabilité sont souvent posés notamment concernant les matières premières et leur suivi. Pour certains médicaments princeps, la multiplication des génériques entraîne des gâchis, des confusions chez les malades, transforme les pharmaciens en épiciers et le médicament en marchandise.

La question des médicaments génériques conduit à affronter celle des prix des médicaments. En France, ceux des génériques dépend du médicament princeps. A l’origine il doit être inférieur au prix du médicament princeps de 30 à 50 %. Dans les faits, actuellement, il est de plus en plus fréquent que des génériques soient vendus à prix identique voire plus élevé (comme si c’était une marchandise, la loi du marché et de la concurrence officie !). Pour le médicament princeps, le CEPS (Comité économique des produits de santé) négocie avec les industriels les autorisations de prix remboursés par la Sécurité sociale à partir des données économiques fournies par… les industriels.

De quelle façon ces faits sont-ils pris en compte ? Dans un grand groupe pharmaceutique, une étude menée sur 10 ans démontre que la productivité industrielle a été multipliée par 2 avec un même effectif sans retombée sur les prix. Cela du fait de l’accroissement annuel du dividende de leurs actionnaires (objectif prioritaire des industriels de santé) et de la manipulation des investissements en recherches (ils intègrent dans leurs coûts de revient les sommes que leur aurait rapporté le budget nécessaire aux travaux de recherche si les sommes avaient été placées en bourse !). Aux États-Unis le bilan des génériques (qui représentent 50 % du total) montre que loin de faire baisser les dépenses de santé les prix des médicaments princeps et génériques sont nettement plus élevés que dans l’OCDE. Le lancement des produits s’effectue dans les pays qui sont en mesure de fixer librement les prix à l’entrée sur le marché (comme en Allemagne ou aux États-Unis), ou de négocier des prix relativement élevés (comme en Suisse).

L’objectif permanent des dirigeants de l’industrie pharmaceutique et de Sanofi est de saisir toutes les opportunités de croissance profitable pour les actionnaires. Ambitieux programme bien éloigné de l’accès aux soins pour tous ! Fusions, acquisitions, plans de suppressions d’emplois, restructurations touchent toutes les activités de la chaîne du médicament… Pour la recherche cela va de la quasi disparition de celle-ci en interne, au profit de « l’achat de la molécule miracle » à fort potentiel de profit auprès d’une Biotech ou d’une start up, à la mainmise sur la recherche publique au travers de la loi sur l’autonomie des universités.

Face à l’interpellation de besoins considérables, le médicament exige l’excellence. Or, existent le personnel hautement qualifié, ainsi que les outils de recherche et de production.

 

Le médicament bien public et pouvoir des actionnaires

Objectif premier de Sanofi. Sanofi ouvre des débouchés dans le monde et ferme des centres de recherche et de production en France et en Europe. Il signe un accord avec Coca-Cola pour produire une boisson : à défaut de pouvoir se soigner, les gens continueront à se désaltérer. Ce faisant, Sanofi, Servier and Co… ont montré que la recherche, les médicaments, la santé étaient entièrement subordonnés au profit des actionnaires, et qu’en sacrifiant des chercheurs, des contrôles, en falsifiant ou en camouflant des effets secondaires terribles pour les patients (considérés par eux comme des dégâts collatéraux ?), ils avaient perdu toute légitimité.

Il en est de même dans le monde. Si des différences considérables existent dans l’accès aux soins et aux médicaments, nous sommes confrontés à des questions de même nature : dégradation de la couverture sociale, pillage des fonds publics par les multinationales de l’industrie pharmaceutique, profits éhontés sur le dos des populations du monde par la pratique des prix, refus de développer les recherches pour les maladies rares ou pour éradiquer des pandémies qui touchent les populations les plus pauvres, distribution de médicaments prioritairement dans les pays où les prix sont les plus élevés, trafics de médicaments périmés comme en Afrique ( les «  pharmacies par terre » )…

 

Quelles pistes pour se libérer de ces contraintes ?

Face à la logique dévastatrice de la dictature du profit sur toute la chaîne du médicament et sur la société, l’alternative est de passer à l’offensive pour porter une autre logique de développement. Une logique qui s’appuie sur les besoins, les atouts humains, scientifiques, technologiques, déontologiques dont sont porteurs les différents acteurs de la santé. Une logique économe en coût du capital. C’est la logique même de la rentabilité qu’il faut remettre en cause au nom d’un progrès de civilisation.

Travailleurs, citoyens, usagers, peuples du monde, tous ont intérêt à conquérir le pouvoir de décider à la place des actionnaires. Le souhaitable commence à s’exprimer comme on l’a vu dans les luttes actuelles.

Sanofi et toutes les grandes firmes multinationales, ce sont aussi des salariés dans de nombreux pays, des peuples qui subissent leurs diktats (prix, absence de recherche utile). Réalité qui invite à construire des réseaux de résistances et d’alternative. Hier, les chercheurs de Romainville proposaient le projet Néréis, une alternative à la destruction programmée du centre de recherches. Plus récemment, à Porcheville, les salariés ont eux aussi proposé une alternative pour utiliser leurs compétences dans l’activité de développement du médicament.

C’est aussi ce qui s’est exprimé à Toulouse et Montpellier dans les mots d’ordre : « Sanofi nuit gravement à la santé de ses patients  », « Sanofi tue sa recherche en France. Et le patient, il devient quoi ? », «  La finance doit rester un moyen utile à l’ensemble et non pas une finalité détournée par une minorité ». Et : «  Innovons, licencions les patrons !».

D’autres luttes, en Inde aujourd’hui, hier en Afrique du Sud, au Brésil, en Thaïlande, expriment le droit d’avoir accès aux molécules efficaces et à meilleur prix. Les groupes industriels locaux refusent de payer des royalties aux firmes.

En s’appuyant sur l’exigence d’accès aux soins et aux médicaments qui s’exprime de façon grandissante dans le monde, il est possible de dégager quelques axes de lutte en rupture avec la domination du profit, de créer des réseaux de résistance et d’alternatives, en France, avec d’autres forces sociales dans le monde, comme avec la Fédération des travailleurs africains en France (FETAF) pour l’Afrique.

 

Quelques axes de luttes

° Au même titre que la reconnaissance salariale de la qualification, affirmer le droit au sens dans le travail. Porter haut l’exigence de travailler pour répondre aux besoins sociaux et non pour répondre aux appétits féroces des actionnaires. Développer les coopérations entre chercheurs et avec les autres services, en France et dans le monde. Revaloriser la place du travail, c’est considérer que les salariés ne doivent non seulement plus être assujettis mais être considérés comme des « sachants » qui doivent pouvoir décider.

° Déprivatiser les connaissances, les mettre au service de l’amélioration thérapeutique et de l’accès aux médicaments pour tous. La volonté exprimée par les grands laboratoires pour limiter les risques, de réduire les coûts fixes, flexibiliser davantage, accéder à de nouvelles compétences, est de transférer au public les «  coûts de la recherche », développer ce qu’ils appellent l’open innovation.

° Affirmer le refus de breveter tout ce qui touche à la vie. Les firmes pharmaceutiques en demandant des financements publics, des crédits d’impôts, en assujettissant la recherche publique à ses finalités financières, reconnaissent de facto que tout le champ du médicament est partie intégrante du domaine public.

Déprivatiser les connaissances, c’est aussi les dégager d’un type de rationalité scientifique très déterministe, à savoir une cause égale un effet : un récepteur, une molécule, un gène, une action. Cette façon de faire a permis des avancées réelles dans le champ scientifique et dans les thérapies, et elle convenait au capital car elle permettait de cibler les recherches dans tel ou tel domaine. Mais ce type de rationalité a atteint ses limites. Aujourd’hui on sait qu’un récepteur peut accepter plusieurs molécules, une molécule peut agir sur plusieurs récepteurs, idem pour les gènes.

La biologie est une science plus complexe qu’il semblait. Mieux la connaître aura pour résultat des traitements plus efficaces avec moins d’effets toxiques non souhaités. Cela veut dire aussi qu’il y a besoin de recherche fondamentale sur le vivant, qu’il y a besoin que de nombreuses disciplines scientifiques se rencontrent, coopèrent.

° Démarchandiser le médicament

Tout d’abord il y a une exigence de transparence quant à la fixation des prix. Ceux-ci sont exorbitants. Ce n’est pas à la communauté de financer les dividendes. Si la recherche, le prix, la commercialisation sont dictés par le taux de profit, les besoins ne seront pas satisfaits, des populations n’y auront pas accès, des produits inutiles, voire dangereux, seront distribués. Comme l’école, la chaîne de la santé qui inclut le médicament doit être considérée comme service public et accessible à tous.

° Avancer vers une Sécurité sociale pour tous en France et mondialisée

Toute la chaîne de la santé est soumise à la dictature du profit. La Sécurité sociale instituée en 1945 n’a pas été réellement acceptée par le capitalisme. Qu’une partie des richesses créées lui échappe et finance la solidarité sociale (santé, retraites, famille) lui est insupportable. Par tous les bouts il a perverti le système pour en tirer des sources de profit et casser l’idée de solidarité : prix des médicaments, assurances privées, déremboursement… Aujourd’hui une directive européenne prévoit tout simplement de permettre au privé de concurrencer les systèmes publics ou sociaux mis en place dans les pays de l’Union européenne.

Déjà le coût d’accès aux soins et aux médicaments a dissuadé une partie de la population d’y avoir recours. Il faut au contraire aller vers le remboursement à 100 % des médicaments, puisque de deux choses l’une : ou ils sont inutiles pour la santé et il faut les retirer de la distribution, ou ils sont utiles et ils doivent être pris en charge. Avec raison la santé est considérée au même titre que l’éducation, l’information, les activités sportives et culturelles, comme un bien commun pour d’humanité, une avancée de civilisation, qui pour cette raison ne doit pas être soumise à la loi du profit. Il s’agit donc de reconquérir la Sécurité sociale aujourd’hui menacée et d’en faire un des pilotes essentiels pour favoriser l’accès à la santé pour tous. Ce qui implique la maîtrise par les salariés et la population de cette grande conquête sociale et la transformation de son mode de gestion et de financement.

De la même façon, ne faut-il pas mettre à l’ordre du jour, en relation avec les forces sociales qui dans le monde se battent pour l’accès à la santé, l’exigence d’aller vers une Sécurité sociale mondialisée ?

° Construire un cordon sanitaire, une véritable pharmacovigilance, afin que les médicaments produits et distribués aient démontré leur efficacité et leur absence d’effets nocifs connus.

Cela implique de travailler en continu à l’amélioration des procédés, et aux pistes nouvelles, au fur et à mesure de l’acquisition des connaissances en chimie et en biotechnologie. Cela implique aussi de travailler en réseau avec les visiteurs médicaux, dont le rôle doit être revu, avec les médecins, les centres de santé, les officines qui doivent retrouver un rôle de service public, les centres de recherche publics…Toute entreprise de production, de distribution prise en défaut devrait être mise sous tutelle. Tous ces axes, et ils ne sont pas limitatifs, participent à une conquête, à une maîtrise sociale, collective de la filière médicament/santé par les chercheurs, les différents acteurs de la santé, les institutions publiques, les élus…

Contester le pouvoir des actionnaires, ce n’est donc pas seulement une question de répartition de richesses, mais bien une remise en cause des rapports destructeurs que ceux-ci font peser sur l’entreprise, les salariés, les hommes et la planète, qui implique de vraies ruptures avec les contraintes de la rentabilité.

Ces processus d’appropriation posent la question de la propriété, de la forme d’organisation sociale nécessaire à son efficacité.

La nationalisation comme en 1981 ? Cette expérience vécue avec raison comme n’ayant absolument rien changé du point de vue des finalités de l’entreprise comme des critères de gestion, peu nombreux sont ceux qui veulent la renouveler. Avec raison. Ce n’est pas une étatisation mais une vraie maîtrise publique par la société qui est à l’ordre du jour.

Un pôle de la santé publique ? Certains le pensent. D’autres ne souhaitent pas voir la constitution d’un pôle public qui socialiserait les pertes, qui existerait à côté des firmes privées abandonnant leurs recherches pour ne rester que sur les marchés porteurs d’accroissement des dividendes. Et dans ces instances publiques, quelle place et quel pouvoir des salariés, des acteurs de la santé ? Le débat n’est pas clos.

 

Le « qui décide ? » est essentiel, à tous les niveaux

Quand une entreprise est menacée de fermeture, de délocalisation, on voit ces derniers temps grandir les réponses en termes d’instauration d’une scoop des salariés. Exemples récents : Fralib, Total… Si bien qu’émerge désormais la revendication d’imposer un droit de préemption des salariés sur toute menace de fermeture. Cette même question pointe sous d’autres formes à Florange.

Mais pourquoi ce droit s’exercerait-il seulement pour les entreprises en « difficulté », donc là où c’est le plus difficile à réaliser, et pas sur les entreprises les mieux portantes ? A fortiori quand ces entreprises, comme Sanofi, sont victimes de l’avidité insatiable des actionnaires, qui a pour conséquence de les détourner d’une finalité sociale, alors qu’en outre elles bénéficient de fonds publics et pillent la Sécurité sociale. Si pour investir, développer la recherche, il faut de l’argent public et que les profits servent à distribuer toujours plus de dividendes, alors c’est ce modèle de développement qui a fait son temps, avec lequel il faut rompre.

La politique du médicament en France, pour qu’elle soit au service de la santé publique, appelle l’intervention, la maîtrise et le contrôle par tous les acteurs, la mise en œuvre d’autres critères de gestion porteurs d’un nouveau type de développement dans l’entreprise comme dans la société.

Démarche autogestionnaire ouverte à la société, dont il s’agit moins de préciser les caractères, les formes que cela pourrait prendre — le niveau des exigences et l’évolution des rapports des forces sociales et politiques n’étant pas prédictibles —, que de s’inscrire à titre individuel et collectif dans cette visée, chaque jour, dans chaque acte.

 

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1 Voir Le Monde du samedi 10 novembre 2012 : « Sanofi devient le nouveau champion de la Bourse de Paris. Le laboratoire pharmaceutique détrône Total, qui dominait le classement depuis 2008. »