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Cet article était initialement prévu comme un bilan d’étape du mouvement contre la réforme des retraites, et puis la crise sanitaire du coronavirus est survenue. On a beaucoup entendu que la pandémie allait jouer comme un événement, au sens de ce « quelque chose » qui introduit une « rupture d’intelligibilité » en traçant la frontière entre un avant et un après, en réorganisant la signification de pratiques ou de situations percutées par lui[1].

A l’heure où sont écrites ces lignes, il est encore impossible de savoir ce que les pratiques du confinement et de la « guerre » sanitaire, qui bien souvent revêtent une claire dimension de classe, changeront de la perception des politiques néolibérales, de la politique du gouvernement et de l’utilité du mouvement syndical. Sans se bercer d’illusions sur une soudaine prise de conscience antilibérale de la part des artisans de ces politiques destructrices, on peut au moins espérer que cette situation extraordinaire aide à faire évoluer les représentations du côté du mouvement social.

Dans cette optique, il est possible d’avancer que la pandémie a permis de mettre en lumière un enjeu que le mouvement des retraites, et celui des Gilets jaunes l’année précédente, avaient déjà soulevé, chacun à leur manière : celui de la reproduction sociale. Cette notion désigne l’ensemble des processus et des relations sociales qui rendent possible la reproduction du système capitaliste, c’est-à-dire non seulement des relations sociales capitalistes mais aussi de la vie elle-même. Elle est au cœur de la théorie de la reproduction sociale, qui se présente comme une relecture et un approfondissement de l’analyse marxiste de la valeur-travail à la lumière des travaux des féministes matérialistes[2].

En soulignant l’interdépendance des sphères de la production (de la valeur) et de la reproduction (de la force de travail), la théorie de la reproduction sociale critique les analyses qui réduisent le travail sous le capitalisme à la forme du rapport salarial, et défend une conception élargie la classe laborieuse comme

« quiconque dans la classe productive ayant au cours de sa vie participé à la totalité de la reproduction de la société – indépendamment du fait que ce travail ait été rémunéré par le capital ou fourni gratuitement »[3].

Appréhender la séquence de conflictualité précédant la pandémie à travers cette grille d’analyse permet d’identifier des relations de complémentarité et d’interdépendance, là où d’autres voient des relations de concurrence ou de substitution entre mouvements sociaux. C’est aussi un moyen de poser un cadre stratégique dessinant un changement de paradigme pour l’action syndicale.

 

De l’opposition entre mouvements citoyens et syndicaux aux différentes facettes de la lutte des classes

Dans un essai publié l’an dernier, le politiste Laurent Jeanpierre analysait la révolte des Gilets jaunes comme un révélateur de la crise des formes protestataires issues du fordisme[4]. L’antienne de la fin des syndicats n’est pas nouvelle. À la suite des travaux d’Alain Touraine, qui datent de la fin des années 1960, on nous dit depuis cinquante ans que le syndicalisme n’a pas d’avenir, qu’il ne se maintiendrait que par un simple effet d’inertie institutionnelle.

Le moins qu’on puisse dire est que le mouvement de l’hiver 2019-2020 contre la réforme des retraites invite à nuancer ce propos. Les acteurs et les modes d’action issus de la société industrielle, à savoir les syndicats et la grève, ont encore de beaux restes. Certes, le syndicalisme n’a plus ce caractère incontournable qui était le sien à l’époque des dites trente glorieuses. Mais ce qui s’est effondré, surtout dans les années 1980, c’est le syndicalisme tel qu’il existait dans cette configuration d’action collective particulière qu’on appelait le « mouvement ouvrier » : un syndicalisme ouvrier puissant, implanté dans des sites industriels encore nombreux et massifs, en relation étroite avec les partis de gauche et en premier lieu un Parti communiste plus ou moins à l’écoute, des intellectuels et d’autres associations satellites…

Cette configuration a disparu, ce qui explique que le rôle du syndicalisme dans la transformation sociale n’aille plus de soi. Mais les syndicats sont toujours là. Si le taux de syndicalisation est rapidement passé de 25%, au milieu des années 1970, à 10% à la fin de la décennie suivante, il s’est stabilisé à ce niveau depuis. Malgré cet affaiblissement, le syndicalisme reste un des premiers vecteurs d’engagement et de politisation, particulièrement dans les classes populaires, et les syndicats restent un opérateur majeur de la conflictualité sociale[5]. Depuis novembre-décembre 1995, de grands mouvements sociaux nous le rappellent régulièrement en France. Mais on le voit aussi dans le reste de l’Europe et du monde. Même aux Etats-Unis, on s’interroge depuis quelques années sur le retour de la grève et des syndicats…

Insister sur la centralité persistante du syndicalisme dans la conflictualité contemporaine n’implique pas pour autant d’être indifférent à l’émergence de nouvelles formes de protestation, à l’image des Gilets jaunes, ou de Nuit debout deux ans plus tôt. D’un point de vue macrosocial, ces mouvements se déploient dans le sillage des révoltes citoyennes et des mouvements d’occupation comme les Indignés, Occupy Wall Street, des mouvements « contre l’austérité et pour la démocratie » eux-mêmes héritiers indirects du mouvement altermondialiste[6].

À une échelle plus large encore, on a parfois inscrit tous ces mouvements – et d’autres comme les luttes anti-extractivistes et le mouvement pour la justice climatique, les grèves dans l’Enseignement supérieur et la Recherche… – dans un cadre d’interprétation « polanyien »[7], au sens où ils expriment un même refus de la marchandisation du monde, depuis la remarchandisation du travail et des monnaies jusqu’à la marchandisation accrue des connaissances et de la nature[8]. Cette lecture est objectivement juste, mais elle se situe à un tel niveau de généralité qu’elle s’avère politiquement peu opérante.

Elle peut même s’avérer contre-productive lorsqu’elle conduit par exemple à résumer l’enjeu des luttes sociales à un affrontement entre « peuple » et « élites », ou à ériger le consommateur en nouveau sujet politique. Il peut y avoir un air de famille entre ces mouvements, des cibles, des imaginaires ou des modes d’action analogues, mais aussi d’importantes différences. Il suffit de comparer les assemblées sans fin de Nuit debout, les barricades des Gilets jaunes sur les Champs-Élysées et la manifestation syndicale ritualisée République-Bastille-Nation. Pour comprendre quelles relations entretiennent ces différentes formes protestataires dans la dynamique concrète des processus politiques, l’analyse gagne dès lors à être plus ancrée empiriquement.

En se concentrant sur la séquence de protestation quasi-continue qu’a connue la France depuis 2016, on peut retenir deux idées au sujet de la relation entre les syndicats et ces autres mouvements sociaux parfois qualifiés de « citoyens ».

Premièrement, si la conflictualité reste marquée par la mobilisation syndicale, la nouveauté de la période récente, ce qui fait que 2016-2019 n’est pas 2009-2010[9], c’est que les syndicats ne déterminent plus seuls le rythme des mouvements. On l’a bien vu en 2016 avec une dynamique protestataire dont le rythme, s’il était souvent fixé par l’intersyndicale nationale, fut à plusieurs reprises défini par d’autres acteurs, depuis la pétition en ligne qui lança le mouvement jusqu’aux rendez-vous donnés par Nuit debout.

D’une autre manière, les Gilets jaunes ont montré qu’un mouvement social de longue haleine pouvait s’organiser sans aucune infrastructure préalable de mobilisation nationale, ce qui pour cette raison a interpelé fortement les syndicats. Il y a des raisons d’ordre sociotechnique à cette situation nouvelle, car internet, les smartphones et les réseaux sociaux facilitent la circulation de l’information, relativisent l’importance des appareils de mobilisation traditionnels et subvertissent les formes instituées de représentation. Mais si la polyphonie a été si forte, c’est aussi parce que des groupes faiblement représentés par les organisations syndicales ont pu s’affirmer grâce à ces outils[10].

En cela, et c’est la deuxième idée, des phénomènes comme les Gilets jaunes et Nuit debout apparaissent comme des révélateurs des limites de la représentation syndicale. Si l’on opère un basculement analytique, en s’intéressant non plus à la façon dont ces mobilisations sont cadrées (c’est-à-dire quelles identités collectives elles mobilisent et quelles cibles elles visent) mais aux forces sociales qu’elles engagent, alors l’entremêlement des mobilisations « jeunes », « citoyennes » et « syndicales » auquel on a assisté depuis 2016 peut être réinterprété comme l’expression de différentes fractions du monde du travail résistant différemment aux politiques néolibérales[11].

Le mouvement de 2016 contre la loi Travail fut au départ un mouvement de jeunes, étudiants et lycéens. Mais les mobilisations de la jeunesse, si elles sont avant tout perçues au prisme des luttes scolaires, sont aussi des luttes de jeunes travailleur·ses, non seulement parce que le salariat de la jeunesse en formation est devenu une réalité massive, mais aussi parce que les jeunes, à travers les stages, le service civique ou les contrats aidés, sont les principaux destinataires de politiques de mise au travail gratuit ou dégradé. Ce constat éclaire une situation de division du travail syndical de représentation qui fait que les intérêts des jeunes travailleur·ses ont à ce jour davantage été pris en charge par les organisations de jeunesse ou les mouvements de précaires que par les syndicats de salariés[12].

De même, les rassemblements de Nuit debout place de la République se caractérisaient par une surreprésentation de trentenaires travaillant dans les secteurs de la culture, de l’éducation, du journalisme et des associations[13]. Ces individus, souvent politisés sans être syndiqués, ont en commun d’avoir suivi des études longues et d’avoir expérimenté le chômage et la dégradation des conditions de travail, d’où leur inclination à se distinguer des organisations syndicales traditionnelles et la recherche de tactiques allant au-delà des formes ritualisées de manifestation et des pratiques délégataires traditionnelles, ce qui déboucha par exemple sur l’innovation tactique des « cortèges de tête ».

Beaucoup de traits de la révolte des Gilets jaunes tendent à confirmer l’intérêt d’analyser la séquence de conflictualité en termes d’interactions entre différentes fractions mobilisées du monde du travail et les organisations pouvant potentiellement prétendre parler en leur nom. Les études menées sur le mouvement, par questionnaire sur les ronds-points et dans les manifestations[14] ou par l’intermédiaire des réseaux sociaux[15], soulignent une surreprésentation des classes populaires et notamment de secteurs, habituellement peu mobilisés ou politisés, issus du monde périurbain, des petites entreprises, du salariat atomisé des services à la personne ou tout simplement éloignés de l’emploi[16]… autant de secteurs où la présence syndicale est résiduelle.

C’est cette distance au syndicalisme et à son répertoire d’action, parfois tout simplement impraticable (comment faire grève dans des petites entreprises ou dans des activités sans collectif de travail comme l’aide à domicile ?), qui a donné au mouvement son répertoire d’action original, avec notamment les occupations de ronds-points. Comme lors des révoltes urbaines de 2005, l’absence d’encadrement militant s’est aussi traduite, lors des manifestations, par une inclination à la protestation émeutière. Pour toutes ces raisons, le mouvement des Gilets jaunes a parfois été présenté comme un conflit du travail hors de la sphère du travail[17].

Le fait que ce mouvement ait porté sur le pouvoir d’achat plutôt que sur les salaires, en pointant le renchérissement du coût de l’essence et les injustices fiscales, a pu nourrir une certaine défiance de la part des organisations syndicales lui reprochant de ne pas s’en prendre suffisamment aux employeurs. Pourtant, si l’on suit le cadre d’analyse de la reproduction sociale, la dimension de classe d’une telle protestation ne fait pas de doute :

« Selon les périodes de l’histoire, la classe laborieuse peut ou non être en capacité de lutter pour des salaires plus élevés sur le lieu de la production. Les syndicats peuvent être inexistants ou bien faibles et corrompus. Pour autant, quand la composition du panier de biens évolue (baisse ou hausse en qualité et en quantité des biens sociaux), les membres de la classe sont parfaitement conscient·es de tels changements dans leur vie ; ces conflits peuvent émerger hors du lieu de production, ils n’en reflètent pas moins les besoins essentiels de la classe.

En d’autres termes, quand la lutte pour l’élévation des salaires n’est pas possible, différents types de luttes autour du circuit de la reproduction sociale peuvent émerger. Est-ce dès lors si surprenant qu’à l’ère du néolibéralisme, quand les syndicats qui agissent sur les lieux de travail (pour les salaires) sont faibles ou inexistants sur une grande partie de la planète, on assiste à un essor des mouvements sociaux autour d’enjeux concernant les conditions de vie […] ? »[18]

Parce qu’ils diffèrent dans leurs pratiques et leur vocabulaire, mais aussi parce qu’ils sont révélateurs des carences et de l’affaiblissement de la capacité représentative des syndicats, ces mouvements « citoyens » ont été considérés avec suspicion par les organisations syndicales, surtout du côté du pôle le plus institutionnalisé. Quand une mobilisation sociale éclate, le champ de la représentation politique[19] est en effet déstabilisé par l’émergence de nouveaux acteurs et de nouvelles arènes qui entrent en concurrence avec les groupes et les espaces de négociation institutionnalisés.

Mais concurrencer ne veut pas dire remplacer. Les étudiant·e·s mobilisé·e·s et les activistes de Nuit debout ne cherchaient pas à se substituer aux syndicats. Si leurs modes d’action les différenciaient, ils considéraient la mobilisation syndicale comme indispensable au succès de leur lutte commune. Cette relation d’interdépendance fut symbolisée par l’assemblée tenue le 27 avril 2016 place de la République, en préparation du 1er mai. À cette date, Nuit debout organisa place de la République une assemblée générale massive où des dirigeants syndicaux, comme le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, furent invités à partager leurs réflexions sur le mouvement en cours. Cet échange démontra l’importance stratégique que les occupants accordaient à la mobilisation syndicale et le fait qu’ils se considéraient bien comme partie prenante d’un mouvement d’ensemble, quand bien même ses objectifs, « contre la loi Travail et son monde », pouvaient varier dans ses ambitions.

De même, en dépit du fait que les Gilets jaunes ont débuté leur mouvement très à distance des syndicats, on a pu assister à un lent et prudent rapprochement entre eux. La défiance à l’égard des syndicats, très vive sur les ronds-points au début du mouvement, a eu tendance à s’estomper au fil des rencontres localisées[20].

À l’opposée, avec la grève des cheminots du printemps 2018 et le conflit sur les retraites de 2019-2020, on a renoué avec le noyau dur de la puissance syndicale, les transports publics étant un secteur où le taux de syndicalisation et la conflictualité gréviste restent parmi les plus élevés. Pour autant le rôle des Gilets jaunes a sans doute été décisif pour surmonter les défaites syndicales successives de la loi Travail, des ordonnances Pénicaud et du changement de statut de la SNCF. J’ai souligné ailleurs que, paradoxalement, les Gilets jaunes qui n’ont jamais recouru à la grève pouvaient bien avoir contribué à en restaurer l’actualité, en faisant la démonstration qu’il était encore possible d’ébranler le pouvoir et de le contraindre à des concessions[21]. On a donc plutôt affaire à un rapport complexe d’interdépendance où se combinent concurrence et complémentarité entre le syndicalisme et les formes émergentes de protestation.

 

L’interdépendance stratégique des mouvements sociaux

Le mouvement de l’hiver 2019-2020 contre la réforme des retraites restera dans les annales comme un des conflits sociaux les plus longs que notre pays ait connu. L’originalité du mouvement ressort en outre de sa capacité à condenser vingt-cinq ans de luttes sociales. Il a combiné la grève reconductible dans les transports telle qu’on l’avait connue en 1995, les actions coups de poing des assemblées générales interprofessionnelles dont la pratique s’est diffusée tout au long des années 2000, et un rejet viscéral du pouvoir inspiré de Nuit debout et des Gilets jaunes, tout en élargissant le socle social de ce rejet par l’entrée en lutte de catégories peu enclines à la protestation comme les avocats.

Un conflit social parmi les plus longs et les plus diversifiés socialement de notre histoire récente, mais sans doute pas parmi les plus massifs, tant en termes de manifestant·es que de grévistes. Le traitement répressif des protestations de rue, qui s’est considérablement durci depuis la proclamation de l’état d’urgence suite aux attentats de Paris et Saint-Denis, en 2015, a eu pour effet de rendre l’action manifestante bien plus coûteuse.

Quant à la conflictualité gréviste, la statistique des journées individuelles non travaillées (JINT) atteste de son effondrement sur le temps long. En 1976, on dénombrait 4 000 JINT pour 1 000 salariés du secteur marchand. Dans les années 1980, la conflictualité se situait autour de 1 000 JINT à l’année. Dans les années 1990, elle plafonne à 500, sauf en 1995 (800). Et depuis les années 2000, la baisse est encore plus nette puisqu’on est rarement au-dessus de 100 journées de grèves dans l’année pour 1 000 salariés. L’étiage est à 60 en 2012, l’année la plus conflictuelle étant 2010, qui correspond au précédent mouvement contre la réforme des retraites (318). On ne dispose évidemment pas encore des chiffres de 2019-2020, mais même le mouvement de 2016 contre la loi Travail était resté relativement modeste en termes de grèves, avec 131 JINT pour 1 000 salariés[22].

Malgré la puissance du mouvement et malgré les efforts militants engagés à différents niveaux, la généralisation de la grève ne s’est pas faite. C’est un constat qu’on peut interpréter de deux manières. D’un point de vue syndical, comme un problème de ressources et d’implantation. D’un point de vue de classe, comme un problème de discordance des temps et des formes protestataires.

On peut d’abord éclairer l’échec du mouvement à se généraliser en énumérant tous les facteurs structurels qui font obstacle à l’entrée en grève des salarié·e·s : le recul de l’implantation des syndicats et la réduction de leurs moyens d’action, le poids du chômage et de la précarité, la déstructuration des collectifs de travail, la répression de la protestation et l’encadrement juridique croissant de la grève… C’est un passage obligé pour se garder de toute lecture fantasmée de la situation. Je ne reviens pas sur le détail de tous ces facteurs, Sophie Béroud et Jean-Marie Pernot le font très bien dans un article récent[23]. Étienne Pénissat qui étudie la conflictualité au travail à partir des données quantitatives de la DARES va dans le même sens en montrant que ce mode d’action tend à être réservé aux fractions les plus stables du salariat, celles qui disposent encore de conditions d’emploi relativement préservées et où le pouvoir syndical reste reconnu[24]. Des fractions que les politiques néolibérales de « flexibilisation » du travail réduisent chaque jour davantage, comme l’a symbolisé, dans un des bastions de ce monde du travail résistant, la fin du statut des cheminots.

Mais pour renouer avec ce que j’avançais plus haut, on peut aussi abandonner le prisme organisationnel du syndicalisme et se situer à un niveau plus large, de classe, en avançant l’hypothèse que si l’extension n’a pas eu lieu à l’hiver 2019-2020, si en particulier le secteur privé n’a pas suivi, c’est aussi parce qu’il s’était déjà largement mobilisé au cours de l’hiver précédent, sous la forme des Gilets jaunes. Tenir ensemble ces deux hypothèses me semble important pour éviter l’écueil d’une lecture excessivement fataliste de la période (du style : vu l’état du syndicalisme dans le privé, c’est plié, on n’y arrivera jamais) ou bien de s’en tenir à des réponses purement volontaristes (si c’est un problème d’implantation, il faut donc se donner les moyens de renforcer la présence syndicale). Je reste persuadé de la nécessité d’un travail militant de syndicalisation qui, pour de multiples raisons, n’a jamais été au sommet des priorités syndicales en France (sauf à la CFDT)[25]. Mais c’est une réponse insuffisante si elle n’est pas articulée à une appréciation politique de la situation et insérée dans une stratégie plus large.

Ici il peut être intéressant de revenir sur le bilan des Gilets jaunes car, mis en relation avec le mouvement de l’hiver suivant contre la réforme des retraites, il met en lumière d’autres formes d’interdépendance. On a dit que la révolte des Gilets jaunes avait réussi à arracher au gouvernement des concessions que les syndicats de salariés n’avaient pu obtenir depuis longtemps. Les Gilets jaunes réussirent à entamer la légitimité du pouvoir et à focaliser l’attention sur des enjeux, tels la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et le crédit impôt compétitivité emploi (CICE), que les syndicats dénonçaient jusqu’alors sans succès. Surtout, ils ont réussi à faire reculer le gouvernement en le contraignant notamment à renoncer à l’élévation des taxes sur le carburant et de la Contribution sociale généralisée pour les retraités. Ils l’ont même conduit à reconnaître le bien-fondé des augmentations de salaire, incitant certains employeurs comme Total à annoncer une prime exceptionnelle de fin d’année aux salariés.

Mais si l’on met de côté la prime, qui fut précisément laissée au bon vouloir des employeurs, toutes les mesures prises pour rendre du pouvoir d’achat aux plus modestes – estimées à environ 17 milliards d’euros – l’ont été sans « renchérir le coût du travail », c’est-à-dire sans faire payer davantage le capital. Elles ont été supportées par les finances publiques via des réductions d’impôts et de nouvelles exonérations de cotisations sociales, sans revenir sur les mesures en faveur de la classe dominante (ISF, CICE). Et elles ont eu pour contrecoup de grever le budget de la Sécurité sociale, puisqu’à la rentrée 2018 le gouvernement avait décidé que toute nouvelle exonération de cotisation sociale ne serait plus compensée intégralement par l’État, règle à laquelle il s’était tenu jusqu’alors ; ce qui sera utilisé l’année suivante pour justifier la nouvelle réforme des retraites.

Les Gilets jaunes ont donc avant tout contraint le pouvoir à reconnaître le bien-fondé de leur contestation, ce qui n’est pas rien, mais les concessions arrachées de haute lutte n’ont aucunement remis en question sa logique néolibérale. Nous ne sommes plus dans une période où la pression des mouvements sociaux s’exercerait sur et au sein d’un État arbitre de la confrontation des intérêts du capital et du travail, où le principal enjeu serait distributif. La logique même de l’État néolibéral consiste dans la sanctuarisation des intérêts du capital.

On le voit encore dans la façon dont le gouvernement gère la crise sanitaire : les appels au confinement ne s’appliquent qu’à celles et ceux qui peuvent télétravailler, tandis que les autres doivent continuer de risquer leur vie au nom du « civisme économique », faute de protections adéquates et même quand leur activité n’est pas essentielle. La valorisation du capital est posée comme un enjeu au moins aussi important que la santé publique, car « les limites que rencontre le capitalisme pour sauver la reproduction sont toujours les mêmes : ce sont celles de la production »[26].

Dans ces conditions, l’action de mouvements sociaux faisant pression « de l’extérieur » sur l’État, que ce soit sous la forme éruptive des Gilets jaunes ou sous la forme institutionnalisée d’acteurs syndicaux réduits à n’intervenir que sur le sous-système des relations professionnelles, passe à côté de l’enjeu essentiel qu’est l’intervention politique contre l’intrication des intérêts des élites politiques, administratives et financières qui fonde l’État néolibéral.

C’est aussi pour cette raison qu’il est essentiel de réfléchir à des formes de convergence durable entre le syndicalisme et des mouvements tels que les Gilets jaunes. Ce qui implique avant tout que le syndicalisme se donne les moyens d’étendre son périmètre de représentation à toutes ces fractions du monde du travail qu’il ne représente pas actuellement. L’enjeu est de reconstruire un intérêt de classe commun, pour éviter que le pouvoir puisse jouer l’intérêt des un·es contre celui des autres et afin de faire sauter ce verrou structurel qui fait que la redistribution ne s’opère plus entre le capital et le travail mais au sein-même de la classe laborieuse.

Cet enjeu sera d’autant plus important au sortir de la pandémie du coronavirus. Beaucoup croient aujourd’hui que la crise sanitaire a enfin démontré la nocivité des thèses néolibérales. Mais le problème est que le néolibéralisme n’est pas une option que les gouvernants décideraient de choisir, c’est une rationalité de gouvernement qui structure leurs décisions en délimitant la gamme des options possibles. Sans affrontement social et politique pour imposer une rationalité alternative, les remèdes qui nous seront proposés risquent de ne faire qu’aggraver le mal.

 

Des pratiques féministes de la grève au syndicalisme comme parti du Travail

Comment avancer vers la reconstruction de cet intérêt (de classe) commun ? La question des pratiques de la grève peut être un bon moyen de poser ce débat stratégique. Tout au long des années 2000, les controverses au sein du mouvement social et syndical ont souvent tourné autour de ce constat : les réformes néolibérales se succèdent, les syndicats se mobilisent, mais ils échouent à les contrer et s’ils échouent c’est parce que leurs dirigeants n’appellent pas à la grève générale.

De manière plus ou moins consciente ou explicite, cette controverse est sous-tendue par le schéma stratégique de la grève générale révolutionnaire. Dans ce modèle, qu’il soit d’inspiration syndicaliste-révolutionnaire (Sorel) ou bolchévique (Lénine), la grève générale constitue le point de concentration et de basculement de la lutte des classes. La généralisation de la grève est conçue comme le moment d’un dénouement, en tant qu’elle est le seul moyen de faire plier l’État et qu’elle donne à voir par la même occasion l’existence d’un pouvoir alternatif à celui-ci. La grève générale est l’instrument d’affirmation de la dualité de pouvoir censé provoquer une crise d’effondrement de l’État.

Ce modèle stratégique a depuis longtemps été critiqué, par Gramsci ou Poulantzas notamment, pour son inadaptation aux conditions du capitalisme occidental. J’ai rappelé plus haut à quel point les facteurs structurels, socio-économiques et juridiques, constituaient les vraies raisons de l’impossible généralisation de la grève, bien plus que le manque d’audace politique. Mais à défaut d’être une stratégie de transformation sociale gagnante, l’actualité de ce schéma hors du temps tient au fait qu’il est devenu, depuis plusieurs décennies, la principale tactique de construction des sectes révolutionnaires autour du triptyque « appel-à-la-grève-générale/dénonciation-des-directions-traîtres/regroupement-des-fractions-radicalisées-autour-des-militants-résolus ».

Le fait que cette représentation de la grève générale soit avant tout un mythe souffre donc assez peu la contestation, un mythe au sens archaïque de l’expression d’un rapport magique au réel. Mais cette notion de mythe peut aussi nous donner l’occasion de faire rebondir le débat plutôt que de le clore. On peut en effet retenir des thèses de Sorel l’idée du « mythe mobilisateur », d’une idée qui nourrit l’imaginaire et stimule l’action collective. C’est à mon sens ce qu’a mis en lumière le mouvement des retraites, à travers le rôle spécifique qu’ont joué certains secteurs dans le mouvement.

Je pense d’une part aux précaires qui ont été en pointe du mouvement dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), non seulement contre la réforme des retraites mais aussi contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils et elles ont été les plus investi·es dans la construction de la grève, notamment autour du rendez-vous du 5 mars (« l’Université et la recherche s’arrêtent »), parce que cette grève leur permettait de rendre visible leur travail, largement dénié alors qu’il est devenu un rouage essentiel de l’Université néolibérale[27]. Cette démarche a été également incarnée par la décision d’un certain nombre de revues académiques en sciences humaines et sociales de se déclarer « en grève », quoique de façon moins évidente.

Le point commun entre ces initiatives, c’est une logique de réappropriation de la grève inspirée des féministes, comme un moyen de rendre visible le travail invisible, qu’il soit fourni gratuitement dans le cas de la chaîne de production des connaissances scientifiques que symbolisent les revues, ou bien dégradé et sous-payé dans le cas des vacataires d’enseignement.

Et c’est justement le mouvement féministe qui a été le deuxième secteur à jouer un rôle particulier dans le mouvement. Les cortèges et interventions politiques des femmes y ont été particulièrement repérés, à l’image des chorégraphies construites autour du personnage hybride de Rosie la riveteuse/ménagère. Cette visibilité des féministes dans le mouvement tenait en partie à la conjonction des planètes, avec un 8 mars qui s’inscrivait dans le calendrier des mobilisations, mais il a résulté aussi d’un traitement féministe du dossier des retraites lui-même.

Le thème des pensions est un angle privilégié pour appréhender le travail dans une perspective plus large de reproduction sociale, notamment parce que le calcul des droits à la retraite pose directement la question de l’articulation entre les temps du travail salarié et les temps du travail non productif de valeur économique mais indispensable à la reproduction sociale, comme la maternité et tout le travail domestique. À ce titre, la mobilisation féministe contre la réforme des retraites a non seulement permis de poser le problème des inégalités entre hommes et femmes devant le montant des pensions distribuées, mais aussi de rendre visible la source de cette inégalité qu’est la division sexuelle du travail assignant les femmes aux tâches domestiques et les éloignant de l’idéal de la carrière professionnelle ascendante, continue et complète. Ce travail a été rendu possible par le renouvellement d’un féminisme autonome, plus sensible aux thèses matérialistes, dans le sillage de la grève internationale des femmes, et par la pénétration de plus en plus nette des préoccupations féministes dans le mouvement syndical.

Les grèves féministes, tout comme les grèves des revues et des précaires de l’ESR, témoignent d’une inflexion dans la pratique de la grève. Si la grève est l’arrêt de travail, cette inflexion vient du fait que ces mouvements mettent l’accent sur le travail davantage que sur son arrêt, en utilisant la grève comme un moyen de rendre visible par son absence une présence qui auparavant allait de soi, celle d’un travail naturellement dû, qu’il relève de tâches socialement assignées comme féminines ou des efforts particuliers qui sont attendus des jeunes entrant sur le marché du travail scientifique[28]. La grève dans cette perspective n’est pas tant envisagée comme un moyen de contraindre un adversaire que comme une façon de changer le regard des groupes et des personnes mobilisées sur elles-mêmes et, au-delà, sur leur rôle dans la société : une interpellation plutôt qu’une solution[29].

Au premier abord, cette pratique « réflexive » de la grève pourrait sembler inoffensive d’un point de vue revendicatif. L’expérience montre plutôt que les différentes pratiques de la grève se combinent et s’influencent mutuellement. D’abord parce que les grèves des travailleur·ses invisibles, qui sont généralement des grèves du travail reproductif, ont des effets sociaux et économiques, même si ces effets ne sont pas aussi directs et massifs que ceux des grèves dans les secteurs productifs. Ensuite parce que l’imaginaire de la grève que partagent ces pratiques participe à la fois de la revalorisation symbolique de ce mode d’action et d’une réflexion sur les conditions du recours à la grève dans un contexte d’économies de services, en rupture avec une conception strictement ouvrière et masculine de la grève.

Surtout, l’importance acquise par cette pratique féministe de la grève, dans un contexte où la fragmentation du monde du travail rend le recours à ce mode d’action de plus en plus difficile, est une invitation faite aux organisations syndicales à repenser le paradigme du travail. Elle attire l’attention sur tout le travail nécessaire à la reproduction sociale, au-delà du seul travail formel et conventionnel. Face à la logique destructrice du Capital, elle nous montre que l’enjeu est de reconquérir la capacité du Travail à poser souverainement, démocratiquement ce qui a de la valeur[30].

Repenser le syndicalisme comme un « parti du Travail », non pas au sens des organisations politiques modernes centrées sur la collecte des suffrages mais d’un mouvement social représentant les intérêts généraux de la classe laborieuse (du « parti des communistes » tel que le concevait Marx dans le Manifeste), permettrait d’articuler stratégiquement deux objectifs.

D’une part, des tâches très concrètes de redéploiement syndical, orientées par la nécessité de prendre en charge les intérêts du monde du travail dans toute sa diversité, pas des seuls ouvriers ou de celles et ceux qui bénéficient encore de la plénitude du statut salarial, mais aussi des salarié·es des petites entreprises et des activités sous-traitantes, des précaires, des faux-indépendants et de toutes celles et ceux qui sont contraint·es à des formes de travail gratuit.

D’autre part, une légitimité renouvelée à intervenir dans le champ politique : alors que les institutions du « dialogue social » tendent à limiter la vocation représentative des syndicats au travail en tant qu’il est subordonné à un employeur, partir du travail se reconnaissant comme tel, plutôt que du travail valorisé par le marché capitaliste, permet en effet de fonder la légitimité des syndicats à agir au-delà de l’espace confiné des relations professionnelles pour nouer, à égalité, des alliances avec d’autres forces sociales et politiques. L’enjeu est non seulement de nouer des coalitions d’ordre stratégique avec les mouvements féministe et écologiste, mais aussi de poser la question de la combinaison politique qui permettrait d’en finir avec l’État néolibéral.

 

Cet article figure dans le n°45 de la revue papier de Contretemps.

Illustration : Le mythe de Sisyphe, par Titien, 1548-1549. Crédits : Visible au Musée national du Prado.

 

Notes

[1] Alban Bensa et Eric Fassin, « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain [En ligne], n°38, 2002. URL : http://terrain.revues.org/1888

[2] Tithy Bhattacharya (dir.), Social Reproduction Theory : Remapping Class, Recentering Oppression, Londres, Pluto Press, 2017.

[3] Tithy Bhattacharya, « How Not to Skip Class: Social Reproduction of Labor and the Global Working Class », in Social Reproduction Theory, op. cit., p. 89 (je traduis). Pour une introduction à cette approche féministe élargie du travail, voir Maud Simonet, Travail gratuit : la nouvelle exploitation ?, Paris, Textuel, 2018.

[4] Laurent Jeanpierre, In Girum : Les leçons politiques des ronds-points, Paris, La Découverte, 2019.

[5] Pour une introduction à l’analyse du syndicalisme, voir Baptiste Giraud, Karel Yon et Sophie Béroud, Sociologie politique du syndicalisme, Paris, Armand Colin, 2018.

[6] Cristina Flesher Fominaya, « European anti-austerity and pro-democracy protests in the wake of the global financial crisis », Social Movement Studies, n°16/1, 2017.

[7] Du nom de Karl Polanyi, auteur de La Grande transformation (1944), qui a mis en lumière l’avènement des sociétés marchandes et souligné dans ce processus le rôle des « marchandises fictives » que sont le travail, la monnaie et la terre.

[8] Voir la postface de Michael Burawoy à son ouvrage Produire le consentement, Paris, la ville brûle, 2015.

[9] Karel Yon, « Un bilan entre victoire et échecs. Évolutions de l’action syndicale », Contretemps, n°9, 2011 ; Sophie Béroud et Karel Yon, « Face à la crise, la mobilisation sociale et ses limites. Une analyse des contradictions syndicales », Modern & Contemporary France, n°20/2, 2012.

[10] Il faudrait ajouter à ce constat le fait que ces outils ont aussi permis à des courants dissidents à l’intérieur du mouvement syndical de gagner en visibilité. Sur ce point, je renvoie à ma discussion du thème du « retour de la base » dans l’entretien donné à Révolution permanente (en ligne, URL : https://www.revolutionpermanente.fr/Karel-Yon-sociologue-Les-greves-et-la-contestation-syndicale-se-font-de-plus-en-plus-politiques). Le point important ici est que ce processus contribue également à fragiliser la légitimité des « états-majors syndicaux » en renforçant leur interdépendance avec d’autres acteurs.

[11] Je m’inspire ici de la perspective suggérée par David Bailey et al., Beyond Defeat and Austerity: Disrupting (the Critical Political Economy of) Neoliberal Europe, Londres/New York, Routledge, 2017.

[12] Sophie Béroud, Camille Dupuy, Marcus Kahmann, Karel Yon, « La difficile prise en charge par les syndicats français de la cause des “jeunes travailleurs” », Revue de l’IRES, n°99, 2019.

[13] Collectif, « Déclassement sectoriel et rassemblement public. Éléments de sociographie de Nuit Debout place de la République », Revue française de science politique, n°67, 2017.

[14] Collectif, « Enquêter in situ par questionnaire sur une mobilisation. Une étude sur les Gilets jaunes », Revue française de science politique, n°69, 2019.

[15] Collectif Quantité critique, Fracturations idéologiques au sein du mouvement des Gilets jaunes, Fondation Rosa Luxemburg, Bruxelles, 2019.

[16] Voir le rôle des chômeurs, des retraités et des personnes autrement stigmatisées comme « cas sociaux », cf. Raphaël Challier, « Rencontres aux ronds-points. La mobilisation des gilets jaunes dans un bourg rural de Lorraine », La Vie des idées, 2019.

[17] G. Gourgues, M. Quijoux, « Syndicalisme et Gilets jaunes », La Vie des idées, 2018 ; « Le mouvement des “gilets jaunes” est avant tout une demande de revalorisation du travail », entretien avec Yann Le Lann, Le Monde, 24 déc. 2018.

[18] Tithy Bhattacharya, « How Not to Skip Class: Social Reproduction of Labor and the Global Working Class », in Social Reproduction Theory, op. cit., p. 86 (je traduis).

[19] Dans le sens que lui donne Bourdieu d’espace au sein duquel les syndicats sont en concurrence avec d’autres acteurs collectifs (comme les partis politiques et les associations) pour définir la représentation légitime du monde social et des groupes qui le constituent (cf. Pierre Bourdieu, « La représentation politique », in Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2011, p. 213-258).

[20] Collectif, « Enquêter in situ par questionnaire sur une mobilisation… », art. cit.

[21] Entretien à Révolution permanente déjà cité.

[22] Cf. Cécile Higounenc, « Les grèves en 2017. Une intensité moindre après le pic de conflictualité de 2016 », Dares résultats, n°59, décembre 2019.

[23] « La grève, malgré tous les obstacles… », Le Monde diplomatique, mars 2020.

[24] « Les pratiques de la citoyenneté industrielle dans le secteur privé en France : une tentative de cartographie à partir de l’enquête statistique REPONSE », communication au congrès de l’Association française de science politique, 2017.

[25] Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays, notamment aux États-Unis où la fonction d’organizer est davantage reconnue. Sur une tentative d’importer en France la pratique de l’organizing, je renvoie à l’ouvrage à paraître en 2020 de Marielle Benchehboune (Balayons les abus ! Expérience lyonnaise d’organisation syndicale dans le nettoyage, Paris, Syllepse) et à ma postface dans ce même livre (« Notes pour accompagner la réception de l’organizing en France »).

[26] Aurore Koechlin, « Crise du Covid-19 : donner la priorité à la production sur la reproduction », Contretemps (en ligne), 18 mars 2020. URL : https://www.contretemps.eu/greve-universite-precaires/

[27] À ce sujet, voir le texte d’Anna Brik et Andréas Albert, « Les universitaires, des travailleur.euse.s comme les autres ? Au sujet de la grève à l’université », Contretemps (en ligne), 5 fév. 2020. URL : https://www.contretemps.eu/greve-universite-precaires/

[28] En formulant l’enjeu ainsi, on comprend bien qu’il est commun à la plupart des jeunes travailleuses et travailleurs.

[29] Sur l’idée de la grève comme interpellation et vecteur de subjectivation politique, voir Veronica Gago, « #WeStrike: Notes toward a Political Theory of the Feminist Strike », The South Atlantic Quarterly, n°117, 2018, p. 660-669.

[30] Bernard Friot, Vaincre Macron, Paris, La Dispute, 2017.

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