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Le pape, l’ancien secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon, Madonna et bien d’autres sont d’accord : nous sommes tous dans le même bateau en ce qui concerne la « crise du coronavirus ». Mais comme le dit le proverbe, certains rament tandis que d’autres dirigent le bateau. Cet article examine les politiques allemandes pendant la crise du point de vue de leur impact sur les différentes classes sociales.

Le 27 février 2020, le gouvernement allemand a mis en place un comité de gestion de crise et a commencé à prendre des mesures pour contenir la pandémie. Peu de temps après, une série de politiques économiques et fiscales ont été mises en place, destinées à compenser les effets économiques causés par la réduction imposée de l’emploi salarié. Ces politiques sont analysées ici comme un simple instantané, car les politiques menées pendant cette crise sont en constante évolution et reposent sur les relations de pouvoir toujours changeantes entre les classes sociales et les fractions de classe. Les politiques de crise sont à la fois une dynamique et le résultat de la lutte des classes.

Je me concentre ici sur une analyse des mesures décidées par le gouvernement allemand et les fractions de la coalition au pouvoir, en commençant par les décisions du Comité de coalition du 8 mars 2020 [Koalitionsausschuss der Großen Koalition, dite «GroKo»]. Le Comité de coalition est composé de la chancelière Angela Merkel, des chefs de partis, des chefs des fractions parlementaires et des secrétaires généraux des partis au pouvoir, de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), de l’Union chrétienne-sociale (CSU) de Bavière et du Parti social-démocrate (SPD). Ce comité est devenu l’organe de gouvernement décisif par lequel les conflits entre les partis au pouvoir sont réglés et des compromis sont trouvés. Je ne tiens pas compte des différentes mesures prises et politiques menées par les divers Länder, ni des dimensions internationales de la politique du gouvernement fédéral, y compris sa politique à l’égard de l’Union européenne.

À qui profitent exactement les « paquets d’aide » décidés par le gouvernement? Qui aide-t-il et qui repart les mains vides? On peut distinguer cinq classes sociales dans la société allemande: la classe capitaliste, la bourgeoisie moyenne, la petite bourgeoisie, la classe moyenne salariée et la classe ouvrière[1].

 

La classe capitaliste

Ce sont les personnes qui, du fait qu’ils détiennent le capital, c’est-à-dire des moyens de production, sont capables de vivre de l’appropriation du travail d’autres personnes sans avoir à travailler elles-mêmes. Cela inclut ceux qui commandent les relations sociales capitalistes et qui ont l’autorité d’exercer directement le pouvoir qui résulte de la propriété du capital, les cadres supérieurs des entreprises. La première et la plus importante mesure que le gouvernement allemand a prise en faveur de la classe capitaliste a été similaire à celle de la crise de 2008-2009, à savoir l’extension généreuse de l’offre de travail à temps partiel. Cela a permis aux capitalistes d’ajuster leurs besoins en main-d’œuvre en fonction de la dynamique de la crise. Ils sont aptes ainsi à suspendre les contrats de travail réguliers et à réduire les coûts sans avoir à licencier les travailleurs. Ils peuvent réduire le temps de travail comme ils le souhaitent et mettre en congé une partie ou la totalité des travailleurs. Par rapport au recours aux licenciements, le temps court présente l’avantage que les capitalistes peuvent réengager immédiatement leurs travailleurs [qualifiés] lorsque la situation se retourne. Au cours de la crise financière et économique de 2008-2009, la politique de chômage partiel a permis d’éviter autant que possible les licenciements massifs et de lier les travailleurs ayant des compétences spécifiques aux entreprises, permettant ainsi une reprise rapide de la production après la crise.

L’État allemand couvre une partie des salaires des travailleurs en chômage partiel, ce qui permet aux capitalistes de transférer en partie ou totalement leurs coûts de main-d’œuvre à l’État, c’est-à-dire aux fonds de l’assurance chômage ou – si celle-ci est épuisée – au contribuable. Par rapport à la dernière crise financière et économique, le recours au chômage partiel a été une fois de plus facilité. Il suffit désormais que 10% des travailleurs d’une entreprise soient touchés par une diminution d’horaire de travail (et non plus un tiers de la main-d’œuvre, comme auparavant). Cette fois-ci, l’État dispense également les entreprises de verser leur part au système d’assurance sociale. Contrairement à ce qui se passait auparavant, le chômage partiel peut désormais être utilisé pour les travailleurs intérimaires ou contractuels.

La classe capitaliste profite également des crédits et des garanties de l’État mis en place par le gouvernement. Tout d’abord, trois nouveaux programmes de crédit ont été instaurés par l’intermédiaire de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW – Institut de crédit pour la reconstruction), qui appartient à l’État, afin d’aider les entreprises ayant des difficultés à remplir leurs obligations pendant la crise.

Premièrement, un programme de crédit pour les entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 500 millions d’euros et qui existent depuis plus de cinq ans peut recevoir des crédits allant jusqu’à 1 milliard d’euros à des taux d’intérêt préférentiels ; deuxièmement, un programme de crédit pour les jeunes entreprises qui peuvent profiter des mêmes conditions favorables ; troisièmement, un autre programme spécial dans lequel le KfW participe à un consortium de financement (de nombreuses grandes banques fournissant collectivement des fonds) qui offre des crédits à partir d’au moins 25 millions d’euros.

En tant que banque de développement appartenant à l’État, le KfW peut, en principe, émettre des crédits illimités, puisqu’il peut être refinancé et ses engagements sont garantis par l’État allemand, tant qu’il (l’État) reste solvable. Pour le programme spécial ayant trait à la crise du coronavirus, le KfW a initialement estimé qu’entre 50 et 100 milliards d’euros seront fournis.

Aucun examen n’est nécessaire pour l’octroi de crédits jusqu’à 3 millions d’euros ; pour les montants jusqu’à 10 millions, une procédure d’examen simplifiée est requise. Néanmoins, les entreprises doivent démontrer que leurs difficultés financières trouvent leur origine dans la crise du coronavirus, qu’elles étaient solvables au début de l’année et que le crédit émis sera suffisant pour les financer jusqu’à la fin de l’année. Les crédits accordés dans le cadre des deux premiers programmes ont une durée de cinq ans ; pendant la première année, aucun remboursement n’est prévu ; au cours de chacune des quatre années suivantes, 25% du crédit doit être remboursé. Le financement du consortium peut durer jusqu’à six ans. Ce programme de crédit d’État présente un énorme inconvénient : les entreprises ne peuvent pas demander directement le crédit auprès du KfW, mais uniquement auprès de la banque ou de la filiale avec laquelle elles sont en relation. L’octroi d’un crédit par le KfW nécessite la participation des banques locales ou d’affaires des entreprises. Le KfW assume 80% du passif des grandes entreprises, 90% du passif des petites entreprises et le reste est pris en charge par les banques locales respectives.

Le crédit de l’État dépend donc également de la volonté des banques commerciales de fournir des crédits. Or, c’est précisément pendant une crise que la volonté des banques d’accorder des crédits diminue, car de nombreux prêts s’avèrent « non performants », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être remboursés parce que de nombreuses entreprises deviennent insolvables pendant la crise malgré l’octroi de crédits. Même les grandes entreprises ayant de meilleures notations financières devront payer des intérêts plus élevés sur les marchés des capitaux.

Les spreads sur les obligations d’entreprises ont doublé, c’est-à-dire la différence d’intérêt que le gouvernement fédéral paie sur les obligations émises sur les marchés des capitaux – plus faible que pour les entreprises – en raison de sa meilleure capacité de remboursement. Le marché des obligations plus risquées à taux d’intérêt élevé s’est pratiquement évaporé, ce qui rend d’autant plus importants les programmes de crédit pour les capitalistes.

Du 23 mars, jour de la mise en place des programmes, au 2 avril, 3200 demandes de crédit auprès du KfW ont été soumises, pour un volume total de 11 milliards d’euros. Quelques 2700 demandes pour un volume total de 960 millions d’euros ont déjà été approuvées au cours de cette période. Il n’est pas clair si les demandes ont été traitées dans l’ordre où elles sont arrivées ou quels critères ont été utilisés pour les approuver ou les rejeter. Le nombre de demandes de crédit rejetées par les banques qui n’ont pas été transmises au KfW est inconnu.

Entre-temps, il est clair qu’en dépit de l’aide de l’État, un resserrement du crédit s’est développé parce que les banques privées réduisent massivement l’émission de crédits. Ce resserrement du crédit touche avant tout les petites et moyennes entreprises. En réaction à cela, le 6 avril, le gouvernement a élaboré un autre programme pour le KfW, dans lequel le gouvernement fédéral assumera 100% des engagements. Ce programme est conçu pour les entreprises de plus de dix salariés, ne nécessite aucune évaluation des risques et a une durée de vie de dix ans. Le montant maximum du crédit accordé doit être équivalent à trois mois de leurs chiffres d’affaires en 2019. Les entreprises comptant jusqu’à 50 travailleurs peuvent recevoir jusqu’à 500 000 euros ; les entreprises de plus de 50 travailleurs reçoivent jusqu’à 800 000 euros. Le volume total des engagements pris par le KfW dans le cadre du programme s’élèvera à 300 milliards d’euros.

Il est évident que quelques grandes entreprises profitent de la part du lion de l’argent du KfW, tandis que la masse des petites et moyennes entreprises se voit attribuer une part plus faible du volume de crédit. Sur les 443 demandes de crédit présentées jusqu’au 25 mars, pour un volume total de 7,4 milliards d’euros, 7,2 milliards d’euros ont été alloués à 11 demandes seulement, tandis que les 432 demandes restantes n’ont reçu ensemble que 220 millions d’euros. Seule, la société Daimler AG négocie actuellement avec de nombreuses banques une ligne de crédit de 10 milliards d’euros. En mai, le gouvernement allemand a décidé de subventionner la compagnie aérienne Lufthansa, en difficulté, à hauteur de 9 milliards d’euros. Trois milliards d’euros sont versés par le biais d’un crédit du KfW. Ces exemples montrent clairement que les crédits et les garanties que l’État mobilise sont effectivement gigantesques par rapport aux autres dépenses de l’État, et pourtant, par rapport au crédit requis par les grandes entreprises privées, ils paraissent petits et pourraient être rapidement épuisés.

Le « Fonds de stabilisation économique » (WSF) du gouvernement, destiné exclusivement aux grandes entreprises, s’élève à 600 milliards d’euros et devrait durer jusqu’à la fin 2021. Sur ce montant, 400 milliards d’euros sont des garanties de prêts visant à faciliter le financement des grandes entreprises sur les marchés des capitaux pour des prêts d’une durée maximale de cinq ans. La part du lion de ce programme est destinée à contrecarrer la tendance des grandes entreprises à devoir payer des intérêts plus élevés pendant la crise pour leur refinancement sur les marchés des capitaux. Cent milliards d’euros supplémentaires sont versés au KfW pour soutenir son propre refinancement. Les 100 milliards d’euros restants sont réservés à la participation directe de l’État dans les entreprises qui ont rencontré des difficultés financières.

Toutefois, comme lors de la crise financière précédente, l’État a choisi d’être un « investisseur silencieux » et de renoncer sciemment à tout rôle dans la gestion des entreprises concernées. L’achat d’actions assorties de droits de vote est toutefois possible. En contrepartie, les entreprises doivent accepter certaines conditions pour l’utilisation des fonds, telles que la limitation des salaires des dirigeants et le versement de dividendes. L’exemple de la Lufthansa est significatif à cet égard. Comme je l’ai déjà dit, l’État subventionne la compagnie aérienne à hauteur de 9 milliards d’euros, mais n’a utilisé que 300 millions d’euros pour acheter 20% des actions de la compagnie. De plus, le gouvernement a déclaré qu’il n’interviendrait pas dans les affaires de Lufthansa – contrairement au gouvernement français qui veut au moins réaliser certains objectifs dits écologiques tout en subventionnant Air France.

La décision d’accorder une aide en capital aux entreprises est prise par le ministère de l’Economie et de l’Energie, en consultation avec le ministère des Finances. Pour bénéficier des fonds du WSF, les entreprises doivent avoir rempli au moins deux des trois critères suivants au cours des deux exercices précédant le 1er janvier 2020 : premièrement, le total des actifs doit être supérieur à 43 millions d’euros ; deuxièmement, le chiffre d’affaires doit être supérieur à 50 millions d’euros ; troisièmement, les entreprises doivent avoir une moyenne de plus de 249 employé·e·s au cours de l’année. Les petites entreprises en phase de démarrage peuvent bénéficier de cette aide si, à un moment donné, elles ont pu lever au moins 50 millions d’euros de capitaux auprès d’investisseurs privés.

Le 1er avril 2020, le gouvernement a lancé un programme supplémentaire de soutien aux start-up et les fonds pour les financer à hauteur de 2 milliards d’euros. Aux mesures déjà mentionnées s’ajoutent désormais des allégements fiscaux sous forme de reports de l’impôt sur le revenu et sur les sociétés. Le gouvernement ne se contente pas de soutenir financièrement les entreprises, mais il a également modifié temporairement les règles du jeu basées sur le marché. Pour les entreprises menacées de faillite, le gouvernement suspend temporairement l’obligation de déposer une demande d’insolvabilité jusqu’au 30 septembre 2020. En temps normal, l’absence de déclaration d’insolvabilité serait un acte criminel, mais pour le moment, elle est autorisée. En outre, le droit d’un créancier d’engager une procédure d’insolvabilité a été limité jusqu’au 30 septembre 2020. Cette disposition peut être prolongée jusqu’au 31 mars 2021 par décret.

En outre, la possibilité temporaire de tenir des réunions d’actionnaires en ligne a été créée. De cette manière, les conseils d’administration et les principaux actionnaires, entre autres, peuvent éviter des actions dramatiques qui ont parfois été utilisées dans le passé par certains actionnaires ou d’autres critiques des sociétés pour intervenir dans les assemblées. Le principal journal conservateur allemand, la Frankfurter Allgemeine Zeitung, a appelé à maintenir ces nouvelles règles et à ne jamais revenir au statu quo ante.

 

La moyenne bourgeoisie

Cette classe comprend les entrepreneurs qui, bien qu’ils exploitent des salarié·e·s, le font à une échelle trop petite pour pouvoir accumuler un capital suffisant et sont donc obligés de travailler eux-mêmes dans leur entreprise. Le nombre de salariés ou l’importance du capital nécessaire pour passer de la bourgeoisie moyenne à la classe capitaliste ne peut, en général, être précisé et varie d’un secteur à l’autre. En général, on peut dire que le programme que le gouvernement fédéral dirige vers les entreprises de plus de dix employés profite surtout à la classe capitaliste, tandis que le programme destiné aux entreprises de un à dix employés s’adresse davantage à la bourgeoisie moyenne.

D’un point de vue analytique de classe, ce n’est pas une coïncidence si certains des programmes du gouvernement s’adressent aux entreprises comptant jusqu’à dix employés et d’autres programmes aux entreprises de plus de dix employés. Tout comme la classe capitaliste, la bourgeoisie moyenne peut demander la mise en place du chômage partiel. Elle peut également profiter officiellement des programmes de crédit du KfW, l’État assumant 90% des responsabilités. Mais dans la pratique, elle doit d’abord échouer à obtenir un financement auprès de banques privées. Contrairement à la classe capitaliste, la bourgeoisie moyenne ne peut pas profiter du programme de crédit lancé le 6 avril, qui prévoit la prise en charge de 100% des dettes par l’État.

En mars 2020, le gouvernement fédéral a décidé d’accorder des subventions d’un montant total de 50 milliards d’euros aux petits entrepreneurs employant jusqu’à dix personnes (équivalent temps plein). Les entreprises comptant jusqu’à cinq employés ont pu bénéficier d’un paiement unique pouvant aller jusqu’à 9000 euros pendant trois mois; les entreprises de six à dix employés ont pu bénéficier d’un paiement unique pouvant aller jusqu’à 15 000 euros pendant trois mois. Ces subventions n’étaient pas spécifiquement destinées au revenu personnel de l’entrepreneur mais à permettre le paiement des frais de fonctionnement courants tels que le loyer des locaux de l’entreprise, le crédit et les leasings.

Les subventions ont été versées sur la base des informations fournies par le demandeur sans autre contrôle. Les fausses informations fournies par le demandeur sont toutefois considérées comme une infraction pénale (fraude aux subventions). Les autorités locales responsables des paiements ont annoncé, en partie, la mise en œuvre de contrôles aléatoires concernant les fausses informations ou l’utilisation inappropriée des fonds, et les subventions doivent être imposables. À condition que le propriétaire réduise le loyer d’au moins 20%, les subventions non utilisées peuvent également être utilisées pendant deux mois supplémentaires si nécessaire. Les gouvernements des États ont également lancé des programmes d’aide supplémentaires dont les montants diffèrent. La mesure dans laquelle les subventions de l’État fédéral et des Länder peuvent couvrir les frais fixes des entreprises appartenant à la bourgeoisie moyenne dépend principalement du niveau des frais eux-mêmes, qui varient énormément d’un secteur à l’autre et d’un endroit à l’autre. On peut supposer que pour de nombreuses entreprises, les subventions ne suffiront pas longtemps.

Pour leurs frais personnels, les petits entrepreneurs peuvent, voire doivent, le cas échéant, demander une aide sociale. La coalition gouvernementale estime que cela pourrait toucher jusqu’à 300 000 des quelque 1,6 million de propriétaires de petites entreprises employant de un à dix salariés. C’est pourquoi l’accès à l’aide sociale a été facilité. La vérification des ressources n’est plus exigée du bénéficiaire pour les nouvelles demandes faites entre le 1er mars et le 30 juin 2020 pour les six premiers mois. Les frais réels de logement sont reconnus et inclus dans l’aide sociale pour la même période (et non plus seulement une partie des frais comme c’est le cas habituellement). Lors d’une demande de supplément pour enfant, seul le dernier mois de revenu est déterminant, et non les six derniers mois de revenu habituels.

Le 22 avril, le Comité de coalition a décidé d’accorder un nouvel allégement fiscal aux petites et moyennes entreprises. Entre autres mesures, il a réduit la taxe sur la valeur ajoutée pour les entreprises de restauration de 19% à 7% du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021. Cette mesure profitera aux fractions de la bourgeoisie moyenne et de la classe capitaliste qui sont actives ou ont investi dans le secteur de la restauration.

 

La petite bourgeoisie

Cette classe comprend les travailleurs « solitaires » ou indépendants, qui n’ont pas de salariés et qui, par conséquent, n’exploitent pas le travail salarié, mais vivent exclusivement de leur propre travail. Une partie de ces indépendants ne sont cependant que pseudo-indépendants, car ils ne possèdent pas de moyens de production et sont dépendants d’un entrepreneur ou d’un client, ce qui les désigne davantage comme des salariés que comme de la petite bourgeoisie. La petite bourgeoisie a pu obtenir un paiement unique pouvant aller jusqu’à 9000 euros pour trois mois pour ses dépenses professionnelles. Ce paiement ne devait expressément pas être utilisé pour couvrir les coûts personnels. La petite bourgeoisie peut également bénéficier d’un accès facilité à l’aide sociale. Les mêmes règles que celles mentionnées ci-dessus s’appliquent à la moyenne bourgeoisie. Le gouvernement fédéral estime qu’environ 700 000 des quelque 1,9 million de travailleurs indépendants pourraient être obligés de demander une aide sociale pour couvrir leurs frais de subsistance. Les travailleurs indépendants peuvent également demander que leurs contributions à la sécurité sociale ou aux programmes d’assurance sociale des artistes soient temporairement réduites ou reportées.

 

La classe moyenne salariée

Cette classe comprend, d’une part, tous les salariés qui ne sont pas exploités par les rapports sociaux propres au capital, surtout les employés du secteur public ainsi que les travailleurs du secteur non marchand ou des ménages privés. D’autre part, la classe moyenne salariée comprend également les salariés qui occupent des postes de direction au sein des entreprises et qui exercent l’autorité que leur confèrent les capitalistes sur les travailleurs, c’est-à-dire les contremaîtres, les techniciens et ingénieurs de surveillance, ainsi que les cadres moyens des entreprises.

Certaines catégories de la classe moyenne salariée ont été touchées de manière très différente par la crise. Alors que, par exemple, les employé·e·s du secteur public ont pour l’instant un emploi sûr et ne sont pas touchés par les réductions de salaire, par contre des centaines de milliers de travailleurs employés par des entreprises privées – qui sont des migrant·e·s et soumis souvent à des accords de travail informels ou temporaires et font la navette entre l’Allemagne et leur pays d’origine – sont fortement touchés par la fermeture des frontières et les mesures de confinement de différents pays. C’est surtout le cas dans le secteur des soins aux personnes âgées à domicile. La perte de revenus touche également la partie de la classe moyenne salariée qui travaillait dans des entreprises privées et qui est maintenant confrontée au chômage partiel, voire au chômage.

Pour ces salarié·e·s, contrairement aux travailleurs indépendants, il n’y a pas d’aide financière supplémentaire de l’État pendant la crise, si ce n’est un accès plus facile à l’allocation de chômage partiel. La perte potentielle de salaire due à la garde d’enfants de moins de 12 ans peut être partiellement compensée si le travailleur s’y associe, c’est-à-dire s’il paie les frais et demande ensuite le remboursement auprès de l’agence publique locale compétente. En outre, les baux de location ne peuvent pas être liquidés pour les travailleurs salariés et indépendants, et les services de base tels que l’électricité, le gaz et les télécommunications ne peuvent pas être refusés si les paiements sont temporairement en retard. Ces règlements ne sont toutefois en vigueur que jusqu’au 30 juin 2020.

 

La classe ouvrière

C’est la classe des salarié·e·s exploité·e·s dans le cadre des rapports sociaux capitalistes et qui ne sont pas en position d’autorité au sein d’une entreprise. La classe ouvrière est massivement touchée par la perte de revenus due au chômage partiel et à l’augmentation du chômage. À l’exception des travailleurs indépendants, il n’existe pas d’aide publique supplémentaire autre que le recours plus facile aux allocations pour le chômage partiel. Toutefois, celle-ci n’est également disponible que pour les personnes qui font partie du système d’assurance chômage obligatoire sur la base duquel les prestations de chômage partiel sont versées.

Les travailleurs dits « marginaux », les mini-employé·e·s, sont exclus du régime de chômage partiel. Les ménages avec enfants peuvent, au mieux, bénéficier d’un accès encore plus important aux allocations familiales, jusqu’à 185 euros par mois et par enfant, à condition que leur revenu brut soit supérieur à 900 euros par mois pour les couples ou à 600 euros pour les parents isolés.

La classe ouvrière bénéficie peu de l’accès facilité à l’aide sociale, mesure plutôt destinée à la petite et moyenne bourgeoisie. Les travailleurs qui se retrouvent aujourd’hui au chômage ont droit à la première phase des allocations de chômage, qui durent jusqu’à 24 mois de chômage, selon la durée de l’emploi précédent et l’âge des travailleurs. Les allocations de chômage pendant cette première phase s’élèvent à 60% du salaire net antérieur (67% pour les travailleurs ayant des enfants). Après cette étape, les chômeurs peuvent recevoir une petite somme fixe, une sorte d’aide sociale qui n’est pas liée au salaire antérieur. Actuellement, cette « allocation de chômage II » s’élève à 432 € par mois pour une personne seule, plus une allocation de logement pour couvrir au moins une partie du loyer. Le partenaire d’un travailleur dans le même ménage et ses enfants reçoivent des montants encore plus faibles. Les travailleurs qui étaient déjà au chômage avant la crise actuelle et qui bénéficient de l’aide sociale sont soumis à une vérification continue de type répressif. Au mieux, ceux dont les revenus ont tellement baissé sous le régime du chômage partiel qu’ils doivent le compléter par une aide sociale peuvent maintenant profiter du nouvel accès plus facile à ce régime.

Le 22 avril, le Comité de coalition a adopté une série de décisions qui améliorent légèrement la sécurité des revenus des salariés. L’allocation de chômage partiel, qui s’élevait auparavant à 60% du salaire net (ou 67% pour les ménages avec enfants), sera portée à 70% du salaire net (ou 77% pour les ménages avec enfants) jusqu’au 31 décembre 2020 pour toute personne qui effectue un chômage partiel pendant plus de trois mois, et à 80% (ou 87% pour les ménages avec enfants) à partir du septième mois. Le gouvernement fédéral a donc, dans une certaine mesure, répondu à une demande des syndicats et de Die Linke. La nécessité de cette mesure est également due à l’importance du secteur des bas salaires dans l’économie allemande. Pour les travailleurs à bas salaires, l’allocation de chômage partiel ne suffit pas à assurer la subsistance de base.

Les chômeurs dont le droit aux allocations de chômage prendrait fin entre le 1er mai et le 31 décembre 2020 peuvent désormais percevoir des allocations de chômage pendant trois mois de plus. Le gouvernement fédéral met également 150 millions d’euros à la disposition des écoles pour permettre l’acquisition d’équipements informatiques pour l’enseignement numérique pour les élèves dans le besoin.

Normalement, les revenus provenant d’un emploi secondaire sont décomptés de l’allocation de chômage partiel, c’est-à-dire qu’ils en sont déduits. Le gouvernement fédéral avait déjà décidé en mars de suspendre temporairement cette réglementation pour les employés des « secteurs d’importance systémique » du 1er avril au 31 octobre 2020. Il s’agit notamment du secteur de la santé et des soins, de l’industrie agricole et alimentaire et de l’approvisionnement en denrées alimentaires. Tant que la somme de l’indemnité de chômage partiel et du revenu d’un emploi secondaire ne dépasse pas le revenu net antérieur d’un emploi à temps plein, le revenu d’un emploi secondaire n’est pas déduit de l’indemnité de chômage partiel. Le 22 avril, le Comité de coalition a décidé de supprimer cette restriction aux « domaines systémiques pertinents » et d’améliorer les possibilités de revenus supplémentaires en cas de chômage partiel pour les employés de toutes les professions, du 1er mai au 31 décembre 2020.

 

Le paquet de relance économique de juin 2020

Le 3 juin 2020, le Comité de coalition a décidé d’un plan de relance économique qui comprend au total 57 mesures dans différents domaines politiques et représente un volume global de 130 milliards d’euros. Il n’est pas possible de le présenter et de l’analyser en détail ici. Toutefois, le caractère de classe de ce paquet ne diffère pas sensiblement des mesures précédentes. De nombreuses mesures visent principalement à stabiliser le chiffre d’affaires et les bénéfices des entreprises. Par conséquent, elles profitent principalement à la classe capitaliste.

La mesure la plus importante est probablement la réduction temporaire du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 19% à 16% et du taux réduit de la TVA de 7% à 5% du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2020[2]. Une réduction de la TVA avait été demandée par Michael Hüther, directeur de l’Institut der deutschen Wirtschaft (Institut de l’économie allemande – un institut de recherche économique proche des associations patronales), et par le parti libéral d’opposition FDP, entre autres. Elle a ensuite été introduite par le Parti chrétien-démocrate dans les négociations au sein du Comité de coalition. L’effet de répartition d’une hausse de la TVA est particulièrement régressif par rapport à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés. Elle s’accumule lors de l’achat de biens, c’est-à-dire que les revenus – individuels ou productifs – dépensés par la consommation sont taxés. Cependant, à mesure que le revenu des ménages augmente, la part du revenu consacrée à la consommation, et donc la part de la TVA dans le revenu des ménages, diminue. Les ménages pauvres paient la TVA de manière disproportionnée. Cependant, il est peu clairvoyant de croire qu’à l’inverse, une réduction de la TVA bénéficie automatiquement aux ménages pauvres en particulier, car cela supposerait que les entreprises répercutent la baisse de la TVA sur les consommateurs sous la forme d’une baisse des prix. Comme dans de nombreux secteurs s’imposent des oligopoles, c’est-à-dire que s’affirme une « concurrence monopolistique ». Dès lors, les entreprises disposent d’une marge de manœuvre considérable en matière de fixation des prix. Elles peuvent baisser les prix si elles s’attendent à ce que cela augmente la demande ou la part de marché et, en augmentant l’utilisation des capacités, à ce que cela se traduise également par un taux de profit plus élevé. Toutefois, si elles ne s’attendent pas à ce que la demande augmente de manière significative et si elles ne peuvent pas gagner de parts de marché en baissant les prix parce que leurs concurrents baisseraient alors également les prix, il peut être plus intéressant pour elles de ne pas baisser les prix et donc de réaliser immédiatement un bénéfice plus élevé par produit vendu. Ainsi, la baisse de la TVA augmente d’abord les bénéfices des entreprises et, comme la plupart des biens sont produits de manière capitaliste, surtout les revenus de la classe capitaliste. La TVA est un bon exemple de l’effet asymétrique de la politique de l’État : l’État capitaliste peut plus facilement influencer la distribution au détriment de la classe ouvrière en augmentant la TVA qu’en la diminuant pour soulager la classe ouvrière. Cet effet asymétrique de la politique de l’État est ancré dans la structure des rapports de production capitalistes.

Une deuxième mesure centrale du plan de relance qui bénéficie à la classe capitaliste est la promesse du gouvernement d’empêcher les cotisations de sécurité sociale de dépasser 40% des salaires bruts. Comme le chômage augmente pendant la crise, les dépenses de sécurité sociale augmentent alors que les recettes des assurances sociales diminuent. Le déficit de financement qui en résulte doit maintenant être comblé par des versements supplémentaires du budget de l’État afin que les entrepreneurs et les employés ne soient pas accablés par la hausse des cotisations de sécurité sociale. Cet allégement peut être financé dans un premier temps par un endettement public supplémentaire, mais à plus long terme, les recettes fiscales seront également exigées pour le paiement des intérêts et, si nécessaire, pour le remboursement. Comme les impôts sont payés dans une plus large mesure par les salarié·e·s, il s’agit d’une redistribution en faveur de la classe capitaliste par opposition au financement « partagé » du système de sécurité sociale.

Le plan de relance économique du 3 juin contient de nombreuses autres mesures d’allégement fiscal et d’amélioration des conditions d’amortissement des entreprises, ainsi que des subventions qui ne peuvent être énumérées ici en détail pour des raisons de place. Les familles avec enfants reçoivent un paiement unique de 300 euros par enfant, qui bénéficie aux ménages à faibles revenus car ce paiement unique est compensé par l’allégement fiscal spécifique pour les familles avec enfants, qui est plus pertinent pour les ménages à revenus plus élevés. En outre, les familles monoparentales bénéficieront d’un allégement fiscal supplémentaire pour les années 2020 et 2021.

 

Conclusions : de l’inacceptable au nécessaire

Les mesures prises par le gouvernement fédéral sont structurées de manière spécifique à chaque classe. La classe capitaliste peut s’attendre à plus de 600 milliards d’euros de soutien de l’État ainsi qu’à des crédits du KfW d’un montant potentiellement illimité et à des allégements fiscaux substantiels. La classe moyenne et la petite bourgeoisie reçoivent 50 milliards d’euros de l’État, tandis que la classe moyenne salariée et la classe ouvrière reçoivent très peu, en comparaison, des trains de mesures initiés par le gouvernement.

Il est certain que les programmes de l’État ne s’appliquent pas à une seule classe, mais à plusieurs classes simultanément. Par exemple, certains programmes de crédit du KfW profitent officiellement à la classe capitaliste ainsi qu’à la bourgeoisie moyenne. Les subventions uniques pour les coûts fixes jusqu’à 9000 euros sont potentiellement au bénéfice de la petite et de la moyenne bourgeoisie. L’allocation pour le chômage partiel, en principe, profite aussi bien aux membres de la classe ouvrière qu’à la classe moyenne salariée.

Ainsi, la politique de l’État contribue à la formation d’un bloc interclasses. Les différents intérêts de classe sont pris en compte et unifiés par les programmes de l’État, et l’hégémonie de la classe capitaliste s’articule à travers cette formation d’un bloc social assisté par l’État. C’est un aspect essentiel de sa règle. En cela, la sélectivité structurelle des appareils d’État joue naturellement un rôle important dans la mise en œuvre des intérêts de classe respectifs selon les différentes potentialités des positions de classe.

Les cadres supérieurs des grandes entreprises et les représentants des principales associations professionnelles ont généralement un accès direct au gouvernement et peuvent influencer directement son processus décisionnel. Les associations d’entreprises ont différents degrés d’influence; la Fédération de l’industrie allemande (BDI), par exemple, a plus de poids que les différentes associations de petites et moyennes entreprises, et au sein de la BDI, ce sont les intérêts des plus grandes entreprises qui dominent.

Les intérêts de la classe capitaliste et de la bourgeoisie moyenne sont réunis dans les associations des petites et moyennes entreprises. De la petite et de la moyenne bourgeoisie, différentes pétitions sont rapidement apparues qui demandaient une aide au revenu sous la forme d’une sorte de revenu de base temporaire. Les avantages et les subventions accordés aux petites et moyennes bourgeoisies ainsi que l’accès plus facile à l’aide sociale pour ces classes sont probablement le résultat de la pression publique exercée par ces classes.

Les intérêts économiques de la classe ouvrière sont, avant tout, représentés par les syndicats, qui, par exemple, ont critiqué, au moyen de notes politiques officielles et d’annonces dans les journaux, l’absence d’une nouvelle augmentation des allocations de courte durée. C’était également une revendication du parti de gauche (Die Linke). La critique semble avoir porté ses fruits, et l’Association des employés chrétiens-démocrates et le Parti social-démocrate (SPD) ont tous deux avancé des idées différentes pour augmenter les allocations de chômage partiel.

Les mesures prises par le gouvernement visent avant tout à prévenir l’effondrement du système de crédit et à atténuer les bouleversements sociaux de la crise, de sorte qu’une partie des revenus perdus soit remplacée par l’État et que les paiements puissent être temporairement reportés. L’aide publique au revenu est cependant très imparfaite. Alors que pour les classes moyennes (bourgeoisie moyenne, petite bourgeoisie, classe moyenne salariée), il existe probablement encore une épargne personnelle qui peut être utilisée maintenant, la classe ouvrière dispose de relativement peu d’épargne et souffre à cet égard directement de la perte de revenus.

Les mesures de l’État sont en partie contradictoires. Par exemple, l’assouplissement temporaire des règles en matière d’insolvabilité pourrait contrecarrer les efforts déployés, par le biais de garanties de l’État et de la participation au crédit du KfW, pour encourager les banques à continuer d’accorder des crédits aux entreprises. Les mesures prises par l’État ne feront, pour la plupart, que déplacer les problèmes à l’avenir, puisqu’à un moment donné, les paiements différés devront être récupérés et les crédits remboursés. Comme il n’est pas facile de compenser les pertes de production, une vague d’insolvabilité se profile à l’horizon.

Jusqu’à présent, la coalition au pouvoir a réussi à se présenter comme prête à prendre les mesures nécessaires dans l’intérêt du bien commun, après avoir soigneusement examiné les différents intérêts et lignes de conduite. La crise extrême et les mesures d’urgence ont renforcé pour leur part la figure discursive du « nous sommes tous dans le même bateau ». Cela crée une situation qui rend difficile de s’opposer aux mesures prises par le gouvernement sans risquer un manque de compréhension de la part du public. Néanmoins, il était erroné, à mon avis, que les députés du parti de gauche au Parlement aient introduit quelques amendements et résolutions supplémentaires au paquet de mesures du gouvernement, mais aient finalement voté pour le projet de loi du gouvernement le 25 mars, bien que de nombreux députés de Die Linke aient exprimé leurs préoccupations. Pendant ce temps, à la télévision, il semblait que l’Alternative für Deutschland (AfD), d’extrême droite, qui s’est abstenue, était la seule opposition.

D’un point de vue de gauche, il est inacceptable que les entreprises, grâce aux mesures de chômage partiel, soient soulagées de jusqu’à 100% de leurs coûts salariaux et de leurs charges sociales, alors que la classe ouvrière et, dans une certaine mesure, la classe moyenne salariée doivent accepter des pertes de revenus importantes dues au chômage partiel. Il est également erroné de financer de somptueux programmes de crédit pour les grandes entreprises qui ont réalisé des bénéfices colossaux au cours des dix dernières années et qui, dans certains cas, disposent de fonds de réserve s’élevant à des milliards d’euros. Pendant la crise, ces entreprises devraient avant tout utiliser leurs propres capitaux. Si l’État intervient pour sauver les entreprises, ce ne devrait être qu’en échange de droits de propriété correspondants. Le sauvetage des entreprises et la socialisation des pertes privées ne devraient avoir lieu que dans le cadre de politiques démocratiques et socio-écologiques.

La crise est également l’occasion d’entreprendre la restructuration socio-écologique de la production, déjà nécessaire. La production militaire devrait, par exemple, être arrêtée; la production automobile devrait être réduite de manière significative, en particulier la branche des SUV et des véhicules de luxe hautement destructeurs sur le plan écologique. La capacité de production libérée devrait être utilisée pour la fabrication de produits socialement utiles. La crise actuelle montre de façon dramatique que l’infrastructure sociale dans le domaine des soins de santé et des soins aux personnes âgées, entre autres, doit être considérablement développée et que beaucoup plus de force de travail doit être déployée dans ces secteurs, alors que nous pouvons effectivement réduire le travail dans les branches socialement et écologiquement nuisibles sans devoir renoncer à un niveau de vie élevé.

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Thomas Sablowski travaille à l’Institut d’analyse sociale critique de la Fondation Rosa Luxemburg. Il est également membre du comité de rédaction de la revue PROKLA et membre du conseil consultatif scientifique d’ATTAC Allemagne.

Cet article a été publié en deux épisodes dans la revue LuXemburg online, en avril 2020, complété en juin 2020 ; traduction par la rédaction d’A l’Encontre.

Notes

[1] Pour les concepts théoriques de classe, voir John Milios and George Economakis (2011). “The Middle Classes, Class Places, and Class Positions: A Critical Approach to Nicos Poulantzas’s Theory,” Rethinking Marxism, 23:2, 226-45.

[2] Le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée s’applique aux produits alimentaires, aux livres, aux journaux, aux transports publics locaux, aux billets de train, aux musées, aux concerts, etc.

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