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En mars dernier, les travailleurs·ses d’Amazon en Italie ont organisé la première grève nationale de l’histoire de l’entreprise. L’entreprise de Jeff Bezos a longtemps eu recours à la sous-traitance, à l’embauche temporaire et à un dédale de contrats pour diviser sa main-d’œuvre, mais les travailleurs·ses syndiqué·es des entrepôts ont fait cause commune avec les chauffeurs-livreurs externalisés.

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Un an après le début d’une pandémie qui les a mis encore plus à l’épreuve, les travailleurs·ses d’Amazon ont organisé le 22 mars 2021 une grève de vingt-quatre heures dans toute l’Italie. À l’occasion de cette première grève nationale à Amazon, les travailleurs ont organisé des piquets de grève pour protester contre des rythmes de travail épuisants, une gestion despotique par algorithme et le manque de responsabilité de l’entreprise envers ses employés. Cette journée de grève a été particulièrement historique parce qu’elle a concerné tous les travailleurs de la logistique d’Amazon, des employés des entrepôts aux chauffeurs-livreurs.

Les grands centres de distribution (« fulfillment centers ») d’Amazon, où des milliers de marchandises sont stockées, préparées et emballées, constituaient un point central évident de la grève, mais celle-ci s’est étendue aux centres de tri de moyenne envergure (d’où les paquets sont expédiés) et aux petites stations de livraison du « dernier kilomètre ». Elle a également inclus les chauffeurs qui sont externalisés et ne sont pas reconnus comme des employés d’Amazon, même s’ils travaillent sous le contrôle direct de ses algorithmes.

Avec une participation de 75 %, la grève d’une journée a donc représenté un moment historique pour le mouvement syndical et pour Amazon. La lutte doit également s’étendre, y compris au niveau international, si l’on veut vraiment frapper les opérations logistiques d’Amazon et repousser les pratiques les plus abusives de l’entreprise.

Des travailleurs d’Amazon manifestent pour de meilleures conditions de travail devant un centre de distribution à Brandizzo, dans le Piémont, pendant la grève nationale. Selon les syndicats, 9 500 magasiniers et 15 000 chauffeurs ont participé à la grève dans tout le pays (Photo by Nicolò Campo/LightRocket via Getty Images).

 

L’appel à la grève

La grève a été déclenchée le 10 mars, après la rupture soudaine des négociations entre Amazon Italia et les fédérations du secteur logistique des confédérations syndicales CGIL, CISL et UIL. Après deux réunions en janvier, les syndicats se sont déclarés satisfaits qu’une discussion soit en cours. L’entreprise n’avait pourtant pris aucun engagement concret sur leurs demandes spécifiques, centrées sur une convention collective au niveau de l’entreprise sur les conditions de travail, la santé et la sécurité, l’intensité du travail, les horaires, les primes et les chèques-repas.

L’entreprise n’était pas en position de refuser tout dialogue. En Italie, les syndicats jouissent encore d’un pouvoir institutionnel relativement fort : le nombre total d’adhérents est parmi les plus élevés d’Europe et les syndicats ont toujours une influence sur l’élaboration des politiques. Conformément à sa stratégie classique, Amazon s’est efforcé de gagner du temps plutôt que de répondre aux demandes des syndicats. Malgré l’optimisme des syndicats qui pensaient pouvoir négocier des relations industrielles traditionnelles dans l’entreprise, le dialogue social s’est avéré être un dialogue de sourds.

Les négociations ont échoué lors d’une réunion où l’entreprise a refusé de reconnaître sa responsabilité sociale envers les chauffeurs sous-traitants. Elle a publié une déclaration insistant sur le fait que « pour les livraisons à ses clients, Amazon Logistics fait appel à des fournisseurs tiers. Par conséquent, nous pensons que les bons interlocuteurs sont les fournisseurs de services de livraison, ainsi que les associations professionnelles qui les représentent. » Les trois syndicats ont rendu l’entreprise responsable de la rupture des négociations et ont appelé à une grève nationale, impliquant non seulement les chauffeurs, mais aussi l’ensemble du réseau de distribution national.

Par le passé, les conditions de travail différentes selon les éléments de la chaîne logistique ainsi que les différents niveaux d’organisation syndicale avaient empêché l’organisation d’une telle grève nationale. La grève la plus ancienne avait eu lieu au centre de traitement des commandes de Piacenza, ouvert en 2011. Il a fallu cinq ans pour y syndiquer le premier groupe de travailleurs et en 2017 ce centre avait organisé la première grève d’Amazon en Italie. Le résultat a été la reconnaissance du syndicat par la direction et la reconnaissance d’une convention collective au niveau de l’usine prenant en compte le temps de travail et les équipes de nuit.

La stratégie des syndicats a depuis lors consisté à étendre cet accord à d’autres domaines, en particulier les primes, la santé et la sécurité ainsi que les droits à l’information. Mais l’entreprise a refusé de discuter sérieusement de ces questions et a seulement concédé un renouvellement annuel de l’accord sur les équipes de nuit en 2019 et 2021. Pour la direction d’Amazon, tant italienne qu’américaine, l’accord conclu à la suite de la première grève ne devait être qu’une exception. De plus, les syndicats ne semblaient pas vouloir ou pouvoir se mobiliser et le personnel du centre d’exécution n’exerçait pas exactement une pression irrésistible pour qu’ils le fassent.

 

Une grève, des conditions différentes

La période qui a suivi cette première grève a également vu les opérations italiennes d’Amazon se développer massivement grâce à un processus d’intégration verticale qui s’est étendu à tous les pays européens.

« Il est encore plus difficile d’être embauché comme chauffeur que de travailler dans un centre de traitement des commandes. Si Amazon planifie et surveille leur travail, elle ne les considère pas comme des employés et n’accepte aucune responsabilité à leur égard. »

En 2017, Amazon a ouvert deux nouveaux centres  italiens, à Vercelli (entre Turin et Milan) et à Rieti (près de Rome). En 2019, elle en a créé un autre dans la banlieue de Turin et, en 2020, trois autres à Rovigo (dans le nord-est), Pomezia et Colleferro (non loin de Rome). Elle a également créé des agences de livraison autonomes, avec vingt-cinq stations où les chauffeurs-livreurs chargent les commandes dans leurs camionnettes et commencent leur service. Cette fois, la syndicalisation n’a pas pris autant de temps qu’à Plaisance : la grève précédente avait accéléré les efforts de syndicalisation et Rieti et Turin ont été rapidement syndiqués. Les chauffeurs se sont également organisés, d’abord dans la région la plus riche du pays, la Lombardie, où la plupart d’entre eux travaillent, puis à Rome, à Gênes et en Toscane.

Représentés par la fédération de la  logistique des confédérations syndicales CGIL, CISL et UIL, les chauffeurs sont les derniers arrivés dans les effectifs d’Amazon. Jusqu’en 2015, année où Piacenza était le seul centre, la distribution avait plutôt été sous-traitée à de grandes entreprises de logistique comme UPS et SDA ou au service postal national. Mais à partir de 2016, l’entreprise a commencé à construire son propre réseau de milieu de gamme, avec de petites stations de livraison dans la banlieue de Milan, puis de Rome, pour recevoir les paquets préparés et envoyés depuis le centre Amazon (fulfillment center).

Les quelques dizaines de travailleurs qui travaillent dans chaque station de livraison sont employés par Amazon mais des chauffeurs sous-traitants collectent et livrent les marchandises aux clients.

Amazon Italia Logistica gère les grands hubs (centres d’exécution) et Amazon Italia Transport les stations de livraison. Les filiales logistiques d’Amazon emploient plus de 4 000 travailleurs auxquels s’ajoutent environ 10 000 intérimaires (selon les syndicats puisqu’aucun chiffre officiel n’est rendu public), embauchés et licenciés en fonction des pics d’activité saisonniers, ainsi qu’un nombre indéterminé de chauffeurs. Selon les données de Riccardo Chesta sur la Lombardie, il y a au moins 1 500 chauffeurs dans cette région (la Lombardie représente environ 20 % du marché du E-commerce en Italie). Aujourd’hui,. Le nombre exact de chauffeurs sous-traités par Amazon pour la livraison du « dernier kilomètre » est également difficile à évaluer, étant donné l’extrême fragmentation de cette main-d’œuvre (voir graphique).

Employés permanents des deux entreprises italiennes de logistique Amazon.

 Il est encore plus difficile d’être chauffeur que d’être employé dans un centre de traitement des commandes. Tous deux doivent faire face à des rythmes de travail exigeants, à un contrôle constant et à un manque total d’autonomie. Mais les conditions des chauffeurs sont particulièrement précaires : si Amazon planifie et contrôle leur travail (en déterminant leurs itinéraires, leurs charges de travail, leurs horaires et leurs évaluations), elle ne les considère pas comme des employés et n’accepte aucune responsabilité à leur égard.

Au bas de la chaîne de commandement, les chauffeurs doivent faire face à l’exploitation la plus intense et à la plus grande « flexibilité ». Les entreprises de livraison externalisées les engagent par milliers pendant la haute saison. Ces entreprises sont mises en concurrence par Amazon, pour livrer plus et plus vite, une pression qui s’exerce ensuite sur les chauffeurs.

La barre de la productivité est relevée à chaque saison de pointe, obligeant les travailleurs à en faire toujours plus pour satisfaire les exigences de la direction et le contrôle numérique. Après la haute saison, la nouvelle norme de productivité est maintenue, mais la moitié de la main-d’œuvre est licenciée et les autres doivent continuer à travailler à un rythme plus élevé. Selon les syndicats, « au cours des premières semaines de 2019, les chauffeurs d’Amazon livraient jusqu’à deux fois plus de colis par jour » que la moyenne du secteur.

Derrière ces charges de travail accrues se cache le fait que la part de marché d’Amazon a augmenté massivement sans que le nombre d’emplois stables n’augmente en conséquence. Or, cette situation suscite également des plaintes parmi les travailleurs, qui savent que leur travail difficile, consistant à se frayer un chemin dans le trafic des principales villes d’Italie, est sous-évalué. La pression intense qu’ils subissent explique pourquoi bon nombre des grèves qui ont vu le jour parmi les chauffeurs étaient spontanées. Au cours de ces actions, les travailleurs ont exigé la fin du harcèlement de la part de la direction, des augmentations incessantes de la productivité et du système dit de franchise, qui oblige les travailleurs à payer des pénalités à leurs employeurs pour les amendes de circulation ou les dommages causés à leurs camionnettes.

La première grève des chauffeurs à Milan en 2017 a été suivie par d’autres en 2018. En octobre 2018, une convention collective au niveau de la chaîne d’approvisionnement a été signée par les syndicats confédéraux et l’association professionnelle des entreprises de livraison externalisées, mais pas par Amazon elle-même. Cela n’a cependant pas satisfait les travailleurs qui ont organisé en janvier 2019 un autre débrayage, avec les syndicats confédéraux, dans toute la région de Lombardie. Cette grève a constitué une avancée importante : elle a impliqué une coordination à l’échelle de cette grande région, ce qui n’est pas une mince affaire parmi une main-d’œuvre individualisée et fragmentée, même si elle ne concernait encore que les chauffeurs et non le personnel des entrepôts.

 

L’état des syndicats

L’Italie n’est pas le seul pays où les travailleurs d’Amazon ont fait grève. L’Allemagne a été la première en 2013, suivie par la France en 2014, l’Italie en 2017 et l’Espagne en 2018. Ces grèves étaient essentiellement basées sur les sites. Compte tenu de la croissance rapide du réseau logistique d’Amazon, les syndicats n’ont pas été en mesure de suivre le rythme des nouvelles ouvertures et de syndiquer tous les sites.

Une exception partielle est la France où la législation du travail favorise les élections obligatoires sur le lieu de travail. Cela favorise une présence syndicale sur tous les sites ainsi qu’une négociation collective centralisée dans la filiale qui gère les centres de traitement des commandes, Amazon France Logistique. Cela a favorisé une mobilisation coordonnée pendant la pandémie, lorsque les syndicats ont appelé à une grève nationale dans tous les centres d’exécution. Cela ne s’est cependant pas étendu aux centres plus petits, ni aux chauffeurs, qui sont soit employés par la filiale distincte « Amazon France Transport » soit externalisés.

« Amazon est un puissant monopole qui cherche à bouleverser les règles du jeu, de la réglementation du travail aux lois antitrust et fiscales. La pandémie et la réorganisation de l’économie capitaliste qui a suivi, n’ont fait qu’accroître son pouvoir. »

De l’autre côté des Alpes, les syndicats confédéraux italiens ont été confrontés au même problème. La structure de l’entreprise est similaire, avec une filiale chargée des opérations logistiques (Amazon Italia Logistica) et une autre pour les stations de livraison (Amazon Italia Transport), ainsi qu’une galaxie de petites et moyennes entreprises de livraison externalisées. Les syndicats ont néanmoins été plus prévoyants ici dans leur stratégie d’organisation de l’ensemble de la main-d’œuvre. Ils ont compris que la livraison du dernier kilomètre était un point faible du réseau Amazon et le niveau où l’exploitation était la plus forte. Par conséquent, les syndicats, en particulier la fédération logistique de la CGIL, ont investi dans la syndicalisation des chauffeurs. Comme l’ont démontré les premiers débrayages spontanés en 2017, les chauffeurs n’ont pas eu à attendre le feu vert des syndicats pour passer à l’action.

Construire une stratégie commune pour tous les travailleurs de la logistique d’Amazon n’a guère été facile : la structure des syndicats confédéraux, rigidement divisée en fédérations au niveau de l’industrie rend difficile la coordination entre les conducteurs et le personnel des entrepôts. Le plus ancien centre d’exécution d’Amazon en Italie, situé à Piacenza, est par exemple couvert par la convention collective du secteur du commerce tandis que le reste de ses activités relève de la convention collective du secteur de la logistique et du transport. Cela signifie que les magasiniers, employés par la même filiale mais opérant sur des sites différents, sont représentés par deux fédérations syndicales différentes.

Cette division artificielle, fruit de la décision d’Amazon de signer deux conventions collectives différentes, reproduite par les structures sectorielles des syndicats, rend non seulement la coordination entre les travailleurs et les délégués syndicaux plus difficile mais encadre également leur réflexion. Certains ne considèrent pas cette coordination comme une priorité parce que « les travailleurs sous contrat de commerce n’ont pas les mêmes problèmes que leurs collègues sous contrat de logistique. »

 

L’organisation à la base

Les enjeux sont cependant élevés et, tôt ou tard, de tels obstacles devront être surmontés. Amazon est l’un des plus grands employeurs du monde et se trouve à l’avant-garde de la « révolution » numérique.  Amazon est un puissant monopole qui cherche à bouleverser les règles du jeu, de la réglementation du travail aux lois antitrust et fiscales. La pandémie et la réorganisation de l’économie capitaliste qui a suivi, n’ont fait qu’accroître son pouvoir.

Cette grève revêt pour ces raisons une importance politique indéniable. Mais l’importance du geste décisif des syndicats doit être comprise dans le cadre plus large de la dynamique des relations industrielles italiennes, notamment dans le secteur de la logistique.

Au cours des deux dernières décennies, les syndicats confédéraux italiens ont connu un processus d’institutionnalisation, suite à l’adoption du dialogue social et du corporatisme à partir des années 1990, qui a alimenté un processus d’intégration dans l’État italien. Les syndicats ont eu accès à l’élaboration des politiques mais ils ont en échange concédé une dévaluation des salaires et la fin des conflits industriels.

Cela a particulièrement nui à la capacité des syndicats à mobiliser la périphérie du marché du travail, notamment l’industrie logistique émergente. Il a également été plus difficile de résister à la déréglementation du marché du travail, aux réductions de salaires et au pouvoir discrétionnaire croissant de la direction. Les travailleurs du secteur de la logistique, en particulier les migrants, ont été isolés dans une chaîne fragmentée d’externalisation : les grandes entreprises de logistique sous-traitent le travail d’entrepôt à des coopératives dans des conditions déréglementées et souvent illégales. Ces coopératives font en particulier du chantage aux travailleurs migrants, dont le permis de séjour en Italie est lié à leur emploi, afin d’imposer des heures supplémentaires, des heures de travail non rémunérées et des règles despotiques.

Les syndicats confédéraux n’ont pris aucune initiative sérieuse sur ce front, notamment en raison des bonnes relations historiques entre le mouvement coopératif et les syndicats. Ce statu quo a été finalement perturbé par la formation des syndicats de base SI COBAS et ADL COBAS. À partir de 2011, ces syndicats indépendants, composés de militants de base et de travailleurs de la logistique, ont commencé à faire des vagues dans toute l’Italie et ont modifié l’équilibre des forces dans le secteur.

Les succès des COBAS[1] devaient beaucoup à leur structure syndicale flexible qui s’appuyait sur les liens préexistants avec les communautés de migrants et permettait aux travailleurs migrants d’assumer des rôles de direction. L’arme des sit-in et des blocages aux portes des entrepôts a également été déterminante. Cela permettait aux travailleurs de paralyser la circulation des marchandises. Cette pression a permis d’améliorer considérablement les conditions économiques et de travail et a entraîné une vague de revitalisation de l’organisation syndicale dans le secteur. Aujourd’hui, SI COBAS et ADL COBAS sont les syndicats les plus représentatifs dans certaines des plus importantes entreprises de messagerie et de courrier express d’Italie.

Cela a également entraîné une dure répression : piquets de grève attaqués par les hommes de main des employeurs ou par la police, lock-out des employeurs, licenciements pour des motifs politiques, accusations judiciaires, amendes et procès. La semaine dernière encore, les militants du SI COBAS de Piacenza ont été arrêtés après une grève difficile mais victorieuse contre FedEx-TNT.

Amazon est en fait le seul segment de la filière du colis où les COBAS n’ont pas réussi à établir une présence significative. Cela peut s’expliquer par la particularité de ses conditions d’emploi, le style des méthodes de RH et, surtout dans les centres d’exécution, la promesse relativement plus grande d’un emploi stable.

Cela contribue également à expliquer l’importance politique de la grève d’Amazon pour les syndicats confédéraux plus établis. Ce débrayage a été déclenché par un arrêt des négociations et les syndicats ont voulu montrer leur force à la multinationale. Fidèles à leur conception étroite du dialogue social, leur objectif est de forcer Amazon à revenir à la table des négociations, pour établir des relations industrielles « normales » qui existent dans d’autres secteurs.

La victoire est loin d’être certaine : la stratégie d’Amazon est d’éviter tout engagement sérieux, notamment en ce qui concerne les niveaux de salaire et le contrôle des travailleurs sur le processus de travail. De plus, la direction italienne d’Amazon n’a aucun pouvoir décisionnel effectif ni aucune légitimité pour signer un accord sans le consentement du siège d’Amazon à Seattle. L’entreprise a réussi à poursuivre cette stratégie avec succès jusqu’à présent et continuera à le faire jusqu’à ce que les syndicats et les travailleurs puissent réellement nuire au fonctionnement ordinaire des opérations logistiques et arrêter le flux de marchandises.

La grève du lundi 22 Mars est historique pour le mouvement ouvrier. Sa capacité à susciter un renouveau plus large des syndicats dépend néanmoins de la capacité des travailleurs à poursuivre la lutte et à l’étendre à d’autres secteurs comme les intérimaires, les opérateurs des centres d’appels d’Amazon et les travailleurs d’autres entreprises. Un premier signe positif a été l’action des chauffeurs UPS à Milan qui ont refusé de livrer les produits d’Amazon le jour de la grève. Une telle solidarité est fondamentale pour surmonter la division entre les différentes catégories de travailleurs au niveau national mais aussi pour coordonner les luttes des salariés au niveau transnational.

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Cet article est d’abord paru dans Jacobin

Francesco Massimo est membre de la rédaction de Jacobin Italia. Il est actuellement doctorant à Sciences Po Paris et a récemment contribué à l’ouvrage collectif The Cost of Free Shipping. Amazon in the Global Economy (Pluto Press, 2020). 

Traduit par Christian Dubucq. 

 

Notes

[1] Le terme COBAS vient de l’acronyme Co.ba.s, (Comitati di base della scuola), des comités autonomes formés à partir de 1986 par des salariés et militants syndicaux de l’Éducation nationale en désaccord avec les syndicats confédéraux (CGIL, CISL et UIL). Des comités analogues se sont ensuite formés dans l’industrie mécanique, dans transport ferroviaire et dans fonction publique. Le terme Cobas désigne aujourd’hui un ensemble d’organisations syndicales « de base », indépendantes les unes des autres mais qui ont en commun une attitude critique envers les confédérations traditionnelles jugées trop conciliatrices dans leur orientation syndicale. SI Cobas et ADL Cobas s’inscrivent dans cette histoire. Certains des militants les plus anciens sont issus de cette expérience, mais s’en démarquent par leur secteur d’implantation : non pas l’aristocratie ouvrière ou les fonctionnaires, mais les travailleurs immigrés et sous-qualifiés de la logistique (FM).

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