Luttes en cours des salarié-e-s contre les plans sociaux et fermetures : à la recherche d’une stratégie commune

Evelyne Perrin, économiste « enragée », membre du Conseil scientifique d’ATTAC, du mouvement des chômeurs et précaires et de SUD, revient dans cette contribution sur les actions récentes des salarié-e-s en lutte contre les fermetures, les délocalisations et les licenciements collectifs. Quel avenir et quelle stratégie se dessinent pour ces mouvements ? 

 

Un moment décisif pour la convergence des luttes

En cette moitié de février 2013, se dessine enfin et se renforce de jour en jour une coordination entre les salariés en lutte contre les fermetures, délocalisations et licenciements  collectifs qui s’abattent à un rythme dément sur nos entreprises. J’ai suivi les luttes dans l’industrie depuis 2009, où j’ai fait un tour de France des entreprises en lutte et recueilli les analyses de leurs leaders syndicaux, dans une chronique, « Haute tension », disponible depuis juin 2010 sur Google1. J’ai ainsi participé à la plupart des manifestations appelées au niveau national pour sauver notre industrie, depuis septembre 2009, et plus récemment à  celles des salariés de PSA, à Aulnay au printemps 2012, à Paris devant l’Elysée en septembre, lau meeting lancé par les Licencielles, SUD-Etudiant et la CGT Sanofi à Sciences Po le 24 janvier , et à la manifestation du 29 janvier devant le Ministère du Travail …

Ces licenciements et  fermetures brutales frappent des entreprises que le candidat socialiste à l’élection présidentielle était allé voir en février 2012 pour leur promettre de les sauver. Il en résulte une déception et une colère qui frisent aujourd’hui la rage, de la part des salariés qui voient détruire sans réaction gouvernementale des pans entiers de notre appareil productif, déjà lourdement mis à mal par les plans sociaux antérieurs. Ainsi, lors de la manifestation d’un millier de salariés des sites européens d’Arcelor-Mittal le 7 février à Strasbourg, durement réprimée avec blessés graves, c’est à la fois l’envie d’en découdre et la détermination à ne pas lâcher qui se sont exprimées :  « Ils nous enfument. Avant, on avait les sans-culottes, maintenant, on a les « sans-couilles »…[…] Les gens doivent sortir dans la rue, avancer la tête haute, le poing levé. La France est mise à sac par des patrons qui magouillent avec la finance, et on a un gouvernement de gauche qui cautionne…On ne peut pas se laisser faire. Ils veulent nous faire crever. On ne se laissera pas crever ! »

Ce sentiment de trahison se double d’une colère légitime devant les affabulations des rapports d’anciens patrons auto-proclamés experts, comme Gallois, affirmant la non rentabilité de notre industrie, et qui concluent, suivis en cela par le gouvernement, à la nécessité de fermer des entreprises le plus souvent rentables et innovantes, mais dont on a savamment organisé les déficits.

Nombre de nos économistes dont les « Economistes atterrés », mais aussi Gabriel Colletis, auteur en 2012 de « L’urgence industrielle », ou Yves Lichtenberger dans son récent article du Monde du 28 janvier, attestent de la possibilité et de la nécessite de sauver ce qui reste de notre industrie et des services qui lui sont liés, à condition de se doter d’une réelle politique industrielle, et de prendre des mesures énergiques, supposant un minimum de courage politique, dont semble démunis nos actuels dirigeants. Or, c’est ce que font par exemple les Allemands, dont les lander rachètent leurs sidérurgie et acieries, les Américains, les Chinois, qui appliquent des taxes pour se protéger de l’entrée sans  contrainte de produits importés, et qui investissent massivement dans la recherche.

Ces mesures, on les connaît. Ce sont :

En effet, vu la résignation de la population, le désespoir des salariés le dos au mur, la capitulation du gouvernement qui se dit socialiste devant les intérêts et les arguments fallacieux des patronats et de la finance internationale, seuls les salariés peuvent encore agir pour arrêter l’hécatombe…Mais avec le soutien de toute la population, citoyens, élus des territoires concernés, jeunes que l’on prive d’avenir en France, TOUS… car nous sommes TOUS CONCERNES ! Pour arriver à stopper cette hémorragie, il nous faudra aussi sortir des formes classiques, traditionnelles de revendications générales du type « Non aux licenciements », certes légitimes, mais dont on a vu les limites lors des précédents combats, dont beaucoup ont été perdus…

Il est temps en effet d’imposer des solutions concrètes, telles que le vote immédiat de réelles mesures comme le droit de préemption des salariés sur les entreprises qui ferment – et non un prétendu « droit de préférence des salariés, sans effet obligatoire, que prépare le cabinet d’Arnaud Montebourg ! –, telles aussi que le soutien immédiat à des solutions de reconversion ou reprise au cas par cas, le tout soutenu par une offensive globale à la fois des salariés concernés, des citoyens et de leurs élus.

L’on commence enfin, depuis la mi-janvier et l’appel des Licencielles, grâce à la grève reconductible massive depuis le 16 janvier de 400 salariés de PSA Aulnay, au meeting des étudiants de Sciences Po avec les salariés en lutte du 24 janvier, à la manifestation unitaire du 29 janvier devant le Ministère du Travail, et au Rassemblement prévu avec les Goodyear devant le siège de l’entreprise à Rueil-malmaison le 12 février, à voir émerger une convergence des luttes, qui se renforce très vite …

Deux écueils l’attendent : la relative apathie de la population, et la répression-criminalisation du mouvement social par les forces de maintien du système, ministère de l’Intérieur, patronat et hiérarchies syndicales.

 

Un soutien populaire à construire

Il  reste en effet à mener un gros travail de sensibilisation et de mobilisation de la population, de façon unitaire, inter-syndicale et indépendamment des appartenances politiques, un peu à l’exemple de la mobilisation populaire contre le Traité Constitutionnel Européen en 2004, ou contre la réforme des retraites en 2010 (dont l’échec doit être analysé pour en tirer des leçons, tant des éléments du scénario risquent de se reproduire…). Or, la tâche est loin d’être gagnée : pour preuve, le peu d’intérêt manifesté par exemple dans le métro parisien lors d’une diffusion de l’Appel à soutien des salariés de PSA en grève le jour de leur rassemblement devant le Ministère du travail …

De même, si la solidarité financière se manifeste pour les grévistes de l’usine PSA d’Aulnay, émanant surtout des mairies communistes du 93 (la ville du Tremblay-en-France, par exemple), et si dans de nombreux conflits antérieurs en France le soutien des élus territoriaux a été essentiel, ceux-ci allant souvent jusqu’à racheter les terrains et locaux des usines – comme pour les Fralib à Gémenos – , il reste à mobiliser plus largement les  élus locaux des sites des entreprises appelées à fermer pour qu’ils montent au créneau. Une piste à explorer serait d’organiser des référendums populaires locaux (à l’instar de celui lancé contre la privatisation de la Poste, mais en allant jusqu’au bout cette fois…) avant de fermer toute entreprise dans laquelle ont été investis des fonds publics de soutien à la recherche, à l’innovation, des crédits d’impôts, car ces entreprises sont devenues de fait des biens publics, des biens communs, appartenant à la nation.

 

Monter des contre-projets de reprise et reconversion

D’un conflit à l’autre, une question court, sous-jacente, rarement posée en tant que telle, mais omniprésente dans l’inconscient collectif : et si les salariés reprenaient l’outil de production ? Il faut poser la question de la propriété des entreprises, si l’on veut apporter une réponse à la désindustrialisation, aux restructurations-délocalisations et aux fermetures d’entreprises, qui se jouent maintenant au niveau des firmes et des capitaux mondiaux, et échappent de plus en plus aux logiques nationales. Pourquoi un tel projet s’avère-t-il si peu présent dans les logiciels syndicaux et politiques ? Est-ce parce qu’il apparaît comme une utopie inaccessible, du fait de l’internationalisation des entreprises, et que même là où il est tenté, il s’avère difficile à mettre en œuvre ?

Or, des entreprises qui ont accumulé les aides publiques par milliards ne sont-elles pas de fait des propriétés collectives, dont la gestion devrait être confiée aux salariés et aux citoyens ? Selon une étude réalisée en 2006 par les inspections des ministères des Finances et des Affaires sociales, les aides aux entreprises versées par le gouvernement ont représenté en 2005 pas moins de 65 milliards, soit 4 % du PIB, un peu plus que le budget de l’Education Nationale, et le même ordre de grandeur que le total des dépenses hospitalières. C’est considérable : après de tels subsides publics, ces entreprises ne sont-elles pas de fait des biens publics ?

Tout au long des luttes de ces dernières années, des salariés ont bâti des propositions et des projets alternatifs de reconversion ou ont envisagé, parfois tenté, la reprise de contrôle sur la production. En Bretagne, les salariés de Chaffoteaux et Maury, usine qui a fermé, auraient pu vendre directement des chauffe-eau solaires très innovants là encore, tout comme les Philips auraient pu vendre directement des téléviseurs, ou les Goodyear des pneus…. Quant aux projets de reconversion bâtis par des salariés, on en trouve plusieurs exemples : A la raffinerie Total de Dunkerque, avec SUD, les salariés, menacés de fermeture durant l’hiver 2009-2010, avaient mis au point un projet de reconversion écologique consistant à traiter l’amiante par haute température et la transformer en boules inertes pouvant servir de matériaux de construction. Ce contre-projet co-signé par des écologistes permettait un maintien de l’usine pendant cinq ans. Il a été purement et simplement passé à la trappe par le gouvernement Sarkozy de l’époque, et la raffinerie a fermé. De même lorsque l’usine chimique BASF d’Elbeuf fut menacée de fermeture il y a quelques années, les syndicalistes SUD-Chimie avaient mis au point, avec Médecins sans Frontières, un projet de reconversion dans des médicaments de haute nécessité pour le Tiers-Monde. Ce projet, mis de côté provisoirement avec la levée de la menace, pourrait être réactualisé.

Chez Bosch à Vénissieux, usine de 500 salariés menacée de fermeture il y a deux ans, le comité d’entreprise avec la CFDT a confié l’étude de solutions alternatives au Cabinet d’experts Syndex, et obtenu de la direction allemande du groupe, certes avec des suppressions d’emplois, une reconversion partielle dans la production de panneaux solaires, devenant le second lieu de production de ce type pour le groupe allemand1.

Une lutte acharnée est menée depuis plus de deux ans par les salariés de l’usine Fralib, de fabrication de thés et tisanes de l’Elephant à Gémenos. Dans cette entreprise qui appartient au groupe Unilever, les salariés, à l’initiative notamment de la CGT et avec un soutien important de la population et des élus locaux, ont élaboré un plan de reconversion de la production vers des tisanes issues de plantes locale. Leur lutte acharnée et largement soutenue est un exemple probant que les salariés peuvent être acteurs de leur propre reconversion. Chez le transporteur maritime SeaFrance, filiale de la SNCF, la CFDT a obtenu une reprise de l’entreprise en SCOP  par une partie des salariés, avec la venue d’Eurotunnel dans le projet. Mais il subsiste des difficultés et incertitudes sur l’avenir du fait de la faible part du marché laissé à cette SCOP .

Toute reprise de production par les salariés exige donc de leur part de recréer des débouchés bien souvent locaux, alternatifs et solidaires, comme ce peut être le cas des collectivités locales, de services publics, de réseaux militants. C’est l’un des enseignements que l’on tire des exemples de reprises d’entreprises en Argentine comme Zanon, entreprise de carrelage ayant trouvé des débouchés auprès des services publics et collectivités locales, par exemple. Enfin, dès lors que l’on se situe sur le marché normal et donc international, les concurrents étrangers offrent le plus souvent des salaires plus bas et de moindres contraintes sociales et environnementales que dans des pays comme la France.

Les exemples nous viennent de l’étranger : La reprise en autogestion par ses salariés, le 4 février 2012, de l’hôpital de Kilkis dans une Grèce saignée à blanc par les plans d’austérité imposés par la troïka secoue l’imaginaire par une déclaration d’une grande beauté, replaçant l’expérience dans une perspective de transformation globale du système capitaliste et de sortie de la domination de la finance : « Nous reconnaissons que les problèmes actuels et durables du Système national de santé et des organisations apparentées ne peuvent pas être résolus par des revendications spécifiques et isolées, car ces problèmes sont le résultat d’une lutte plus générale contre la politique antipopulaire du gouvernement et du néolibéralisme globalisé. […]Le seul moyen d’y parvenir est la remise en cause, par l’action, non seulement de la légitimité politique, mais aussi de la légalité de l’arbitraire autoritaire et antipopulaire d’une hiérarchie qui se dirige à grande vitesse vers le totalitarisme. » Plus récemment, le 15 février 2013 à Thessalonique , une usine de carreaux de faïence et matériaux de construction s’est vue réouverte en coopérative autogérée après une longue grève.

C’est au Venezuela et en Argentine lors de la crise financière de 2004 que ce phénomène des récupérations d’entreprises a pris récemment le plus d’ampleur, avec 300 000 créations de coopératives dans le premier cas, qui comptent 1 à 1,5 million de travailleurs, notamment dans l’agriculture, la pêche, l’artisanat. Au Brésil, le projet coopératif est porté essentiellement par le mouvement des sans-terre depuis 25 ans, et 1,5 million de personnes au moins y sont engagées. Mais on connaît moins les coopératives d’Emilie Romagne (8100 petites coopératives employant  60 000 personnes), du Lazio (Rome) et du Trentin (au nord-est de l’Italie), une région de forte tradition coopérative, et qui connaît un chômage très bas (4%). Cela devrait susciter la réflexion.

Marx lui-même n’écrivait-il pas, en septembre 1864, dans son Adresse inaugurale de l’Association Internationale des Travailleurs, « Il y avait en réserve une victoire bien plus grande de l’économie politique du travail sur l’économie politique de la propriété. Nous voulons parler du mouvement coopératif, et, spécialement, des manufactures coopératives érigées par les forces spontanées de quelques mains hardies. La valeur de ces grandes expériences ne saurait être surfaite. Ce n’est pas par des arguments, mais par des actions, que les travailleurs ont prouvé que la production […] peut être exercée sans l’existence de la classe des maîtres employant celle des manœuvres ; que les moyens du travail, pour porter fruit, n’ont pas besoin d’être monopolisés ni d’être détournés en moyens de domination et d’exploitation contre le travailleur ; et que le travail salarié, tout aussi bien que le travail des esclaves, que le travail des serfs, n’est qu’une forme transitoire et inférieure qui est destinée à disparaître devant le travail associé. »

Aujourd’hui, à contrario des arguments financiaro-capitalistes, les multinationales ferment ou délocalisent à qui mieux mieux des entreprises rentables et innovantes, non pas pour des raisons industrielles (même si l’innovation et une reconversion écologique restent  des nécessités), mais parce qu’elles privilégient la recherche de rentabilité financière purement à court terme. Il en est ainsi de SANOFI, qui ferme progressivement tous ses laboratoires de recherche pour acheter des brevets, stratégie suicidaire à long terme, des acieries ARCELOR-MITTAL de Florange, les plus rentables d’Europe selon les experts indépendants, comme le montre Edouard Martin dans sa Lettre à François Hollande du 28 décembre. De plus, s’y ajoutent bien souvent des intérêts spéculatifs immédiats, comme c’est le cas actuellement de PSA Aulnay (terrain à fort rendement spéculatif pour investissement immobilier) ou de Virgin Champs Elysées. Quant à la crise de l’industrie automobile en France, on ne peut la nier, mais elle résulte en partie du manque d’investissements dans de nouvelles productions, et elle est inconnue d’autres constructeurs européens, notamment allemands.

Un rachat public –  nationalisation ou socialisation provisoire ou définitive – des entreprises et leur reconversion écologique, restent la solution majeure dans nombre de cas.  Ceci se fait avec l’appui et le rachat ou l’investissement de régions, de départements ou de collectivités locales. Des exemples étrangers nous en montrent la voie. Certes cela serait grandement favorisé si  les parlementaires de gauche, élus sur des promesses non tenues, parvenaient enfin à voter d’urgence les lois annoncées durant la campagne pour l’élection présidentielle : droit de préemption des salariés sur les entreprises qui ferment, interdiction des licenciements boursiers et spéculatifs, et obligation d’expertises contradictoires et de mise à l’étude de contre-projets de reconversion, en lieu et place des fermetures.

Il reste à bâtir avec les salariés – eux-mêmes experts en la matière –  et avec l’aide d’économistes engagés, comme les « économistes atterrés » maintenant organisés au niveau européen (European Progressive Economist Network), des contre-projets industriels écologiquement soutenables, et socialement utiles, entreprise par entreprise, ou au niveau de la branche. On pourra aussi s’appuyer sur les milieux de l’économie sociale et solidaire. Ceci suppose bien évidemment un renforcement considérable des pouvoirs des comités d’entreprise et des comités centraux, qui doivent disposer d’un droit de réexamen et de contre-expertise avant toute décision de fermeture.

Cela suppose aussi de lutter efficacement, au niveau européen, contre la concurrence déloyale et le « dumping social » de pays étrangers ou de compagnies qui ne respectent pas les normes nationales, soit sociales (SMIC, temps de travail, CDI…), soit environnementales. C’est le cas de l’automobile, des usines de pneumatiques, d’Air France, concurrencé par les compagnies « low cost » subventionnées par des crédits européens. On ne pourra en effet, sauf à tomber au niveau esclavagiste des conditions de travail en Chine, résister à cette concurrence sans la réintroduction de mesures protectionnistes, comme le font déjà USA et Chine ou Japon…

 

Criminalisation du mouvement social

Le second écueil réside dans la tentative évidente et coordonnée de criminalisation des leaders syndicaux trop radicaux  de la part du patronat, du gouvernement social-démocrate, et de  centrales syndicales. Selon la brève de l’AFP du 4 février 2013 reprise par Le Figaro sous le titre « Radicalisation: les entreprises surveillées » :

Les services de renseignement de la police ont reçu récemment comme instruction de suivre « au plus près » les entreprises en difficulté afin d’anticiper une éventuelle « radicalisation » de mouvements sociaux, selon une note de service. « Dans un contexte économique dégradé qui touche l’ensemble des territoires, il est important de suivre au plus près la situation des entreprises et filières fragilisées, ou susceptibles de le devenir », explique cette note du directeur central de la sécurité publique (DCSP), qui fixe les objectifs prioritaires de la sous-direction d’information générale (SDIG, ex-RG).

Ce document, daté du 30 janvier et transmis aux différents directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP), souligne la nécessité « d’anticiper » les mobilisations, ainsi que « les risques d’incidents » ou d’éventuelles « menaces sur l’outil de production en cas de radicalisation d’un conflit ». Depuis plusieurs mois, le contexte social s’est détérioré en France, avec plusieurs annonces de suppressions de postes dans différents secteurs (PSA, Renault, Petroplus…).

Les services de renseignement, selon des sources policières, craignent une « radicalisation » de salariés de ces entreprises en difficulté, qui pourrait notamment apparaître lors d’une manifestation le 12 février à Paris. Des réunions ont eu lieu à cet égard, notamment à la préfecture de police de Paris (PP), et ce mouvement, « s’il est confirmé », est « suivi de très près », selon les sources. La note « insiste » notamment sur la « nécessité de préserver et renforcer au besoin le potentiel d’analyse et de couverture des territoires dans ce domaine ». » Quant à la répression policière, il suffit pour en mesurer la violence d’évoquer la perte d’un œil d’un jeune sidérurgiste d’Arcelor Liège lors de la manifestation conjointe de salariés d’Arcelor à Strasbourg le 7 février, du fait d’un tir délibéré au visage de flashball de la part de la police française…

Enfin, les directions syndicales, ouvertement pour la CFDT, plus discrètement pour la CGT, ne sont pas en reste. Les syndicalistes CFDT du comité de liaison SANOFI, jugés un peu trop remuants, sont ainsi convoqués par la fédération CFDT pour entretien avant radiation, pour avoir distribué le tract d’appel unitaire à la manifestation du 29 janvier qui écornait la CFDT au sujet de l’accord national interprofessionnel qu’elle a signé avec la CFTC et la CGC le 11 janvier et qui représente un recul sans précédent des droits des travailleurs…

La question qui se pose est donc de permettre au mouvement social en cours de construction de se protéger des excès de répression  et de s’élargir y compris au niveau européen. Il faut pour cela saisir les comités d’entreprise européens ou internationaux des entreprises concernées, faire appel à soutien aux salariés de ces entreprises à l’étranger pour monter des coordinations transfrontières, se coordonner avec les grands syndicats des autres pays européens et avec la CES (Confédération Européenne des Syndicats). Il importe bien entendu de faire de ce mouvement, qui a déjà gagné la Belgique lors de la manifestation commune d’Arcelor à Strasbourg, une étape clé de la construction tant souhaitée et si difficile du mouvement social européen pour élaborer des stratégies de lutte européennes ou internationales, en s’appuyant sur la dynamique européenne de l’Inter-Summit. On pourra aussi  se saisir du Forum Social mondial de Tunis les 26-30 mars.

Mais une véritable contre-offensive judiciaire est à mener en saisissant et en alertant de ces tentatives de criminalisation saisir les think tanks, les organismes et ONG, les instances de recours européennes et internationales, comme l’O.I.T et la Cour de Justice européenne, et en s’appuyant sur la Convention européenne des droits de l’Homme et le Pacte des droits économiques et sociaux de l’ONU.

 

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références

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1 Ndlr : voir notamment son article, publié dans nos colonnes, « Reprendre du pouvoir sur la production ».