Une étude récente du Corporate Europe Observatory a démontré que 98% des 517 membres des 22 groupes consultatifs de la BCE sont des lobbyistes du secteur financier.
Trois traders[1] sont actuellement en procès pour avoir faussé l’indice Euribor qui définit les taux des prêts interbancaires – un des plus grands scandales financiers de ces dernières années. Il s’agit de membres du groupe consultatif chargé par la Banque centrale européenne (BCE) de donner un avis sur ce scandale.[2] Il n’est donc pas surprenant que neuf ans après le dévoilement de l’affaire Libor dans la presse (qui a également conduit au dévoilement du scandale Euribor), la BCE commence à peine d’envisager d’enlever des mains des banquiers le soin de calculer ce taux et d’en prendre le contrôle. Relevons que les banques condamnées à des amendes pour Euribor ont continué à être membres du « Money Markets Contract Group » : 7 sur 22 membres en 2013 et 4 sur 20 en 2017.
L’affaire Euribor n’est pas un incident isolé. Indépendante des parlements et des gouvernements, la BCE passe une partie importante de son temps – comme on le verra dans cet article – à consulter les représentants des banques et d’autres géants de la finance sur la meilleure façon de mener à bien son mandat. Mais en quoi consiste au juste son mandat ? A quoi s’emploient les cadres de la BCE aux frais des salariés européens dont les impôts servent, entre autre, à payer leurs fort confortables salaires ? Pour faire quoi et avec qui ?
La mission fondatrice de la BCE, le fait est bien connu, est de garantir la stabilité des prix. La fixation sur cet objectif a été telle que tout autre objectif, tel que la croissance, le plein emploi ou le progrès social a été vu comme potentiellement contradictoire avec la stabilité des prix et, pour cette raison, exclu d’office. Après la crise de 2008, pourtant, les compétences de la BCE ont été radicalement élargies et parfois de façon contestable du point de vue juridique. Pas question toutefois d’y inclure l’emploi ou le progrès social.
Tout au contraire, la BCE a entrepris de jouer un rôle important dans la mise en place et la surveillance des programmes d’austérité, de dérégulation et de privatisation dans plusieurs États-membres de la zone Euro.[3] Le documentaire de Aris Chatzistefanou « This Is Not A Coup » fournit un bon aperçu de la façon dont la BCE a utilisé à partir de 2010 son monopole – concédé durant la crise – d’approvisionnement en liquidité[4] des banques et des Etats en crise pour menacer une série des pays d’étranglement monétaire s’ils n’adoptaient pas la politique économique détaillée qu’elle demandait (citons l’Irlande, l’Italie et le Chypre). Elle a fini par mettre à exécution sa menace en Grèce en fermant complètement le robinet, ce qui a conduit à la fermeture des banques lors des jours qui ont précédé le référendum de juillet 2015.
En plus de la stabilité des prix et de l’imposition aux Etats des politiques économiques qui lui gréent la BCE se charge d’une troisième fonction, plus compliquée à saisir. Elle n’est pas nouvelle, mais depuis la crise de la zone euro elle a accueilli une dimension bien particulière: être le garant de la création monétaire privée. Contrairement à ce que, selon un sondage récent, croient les députés britanniques – à titre d’exemple – (et on peut raisonnablement penser qu’il n’en va guère autrement pour leurs collègues d’autres pays européens), la masse monétaire en circulation n’est depuis les années 1970 plus liée aux réserves d’or des banques centrales. Selon Mario Draghi lui-même, la plus grande partie de la masse monétaire en circulation aujourd’hui est créée par des prêts bancaires.[5] La Banque d’Angleterre a été la première autorité publique à reconnaître cette réalité – avec deux articles publiés en 2014– et la Bundesbank a fait pareil en 2017.
La crise a ralenti la création monétaire privée, car les banques ont commencé à se méfier de prêts accordés à des projets dont la capacité à dégager des profits satisfaisants apparaît comme douteuse. Le risque principal est donc devenu celui d’une désinflation excessive et non plus celui de la traditionnelle pression inflationniste. Pour y répondre, la BCE a introduit des mesures non-conventionnelles en égard à son mandat officiel qui n’est pas celui d’un « préteur en dernier ressort ».
Il s’agit d’un dispositif à plusieurs étages qui comprend notamment :
1.L’ Emergency Liquidity Assistance (ΕLA) mis en place à partir de 2008 pour soutenir les banques[6] en difficulté, d’abord en Belgique ou en Allemagne, ensuite en Grèce ou en Irlande.
2. Le Covered Bond Purchase Programme (CBPP), mis en place à partir de 2009 pour acheter des obligations sécurisées des banques.
3. Le Securities Market Programme (SMP) mis en place à partir 2010 pour l’achat à partir du marché secondaire des banques des obligations des États surendettés et des banques. A ce programme a succédé en 2012 les celui des Outright Monetary Transactions (OMT).
4. L’accordement à partir de 2011 de prêts à longue terme aux banques (LTRO)
5. L’Asset-Backed Securities Purchase programme (ABSPP) mis en place à partir de 2014 pour l’achat des actifs titrisés
6. Quand les mesures énumérées ci-dessus se sont révélées insuffisantes pour ramener l’inflation à un niveau qui ne serait pas trop inférieur à l’objectif des 2%, la BCE s’est engagée à acheter, dans le cadre de l’Assouplissement Quantitatif [Quantitative easing (QE)], les obligations de base des banques (ΑPP, 2015), puis des sociétés multinationales non-financières aussi (CSPP, 2016).
Au moyen de ces mesures, la BCE a essayé d’inciter le secteur privé à créer davantage de monnaie, parce que dans le système monétaire établi elle ne peut pas en créer que très marginalement elle-même.
Selon les croyances dominantes des ordo-libéraux, la monnaie est un instrument neutre servant à la « bonne régulation » du marché. Pour Marx c’était un « fétiche ». Une série d’ouvrages récents – issus de courants de pensée différents – est venue étoffer la compréhension de la monnaie comme une institution socio-politique centrale, et nullement neutre du point de vue de la lutte des classes[7]. Une analyse marxiste se doit de prendre compte les rapports de force entre classes sociales qui déterminent les configurations concrètes de la création monétaire à chaque moment historique : des liquidités peuvent être créées soit à des fins de spéculation financière soit pour créer de nouvelles infrastructures au profit du développement économique et social de l’ensemble de la population (routes et d’autres réseaux de transport ou de communication, écoles ou hôpitaux).
Les banques centrales actuelles – à commencer par la BCE comme l’ont montré les mesures prises entre 2010 à 2018[8] – garantissent la liquidité lors de moments de crise de confiance au sein de la finance dans le but de soutenir la relance de la profitabilité des grandes entreprises capitalistes. Elles soutiennent la création monétaire du secteur privé dans des conditions qui le favorisent directement en étant aux dépens du part des salariés dans les richesses produites.
Cette hypothèse est confirmée à la fois par la mise en place des programmes d’austérité, posés comme condition pour l’approvisionnement en liquidités, et par le lancement de la politique d’assouplissement monétaire (QE) dans le cadre de laquelle la BCE distribue chaque mois des dizaines des milliards d’euros à des banques et des multinationales au moyen du rachat de leurs obligations, tout cela au nom de l’objectif d’une inflation légèrement inférieur du 2%. Des ONG comme « QE for People » relèvent à juste titre qu’un résultat identique, si ce n’est supérieur, concernant le taux d’inflation aurait pu être obtenu en distribuant une allocation mensuelle de 175€ à tous les citoyens de la zone euro. D’autres scénarios alternatifs pourraient être envisagés mais c’est un choix de classe qui préside aux décisions de la BCE.
Le choix de classe s’exprime de façon très officielle dans la composition des 22 groupes de consultants chargés de conseiller la BCE ; 507 des 518 experts qu’y siègent représentent des grandes firmes financières. La totalité des 21 membres du « Bond Market Contact Group » qui a discuté du programme d’achat d’obligations du secteur privée par la BCE, sont issues des grandes banques et des gérants de portefeuilles d’actifs. C’est Goldman Sachs qui a lancé le débat lors de la première réunion de travail de ce groupe. Dans l’un des rares cas où la BCE a consulté des firmes non-financières, c’est Volkswagen et Ford qui ont participé à l’« Auto ABS working group » chargé de discuter des modalités de titrisation des crédits de l’automobile. Après avoir ainsi aidé ces deux firmes à construire leurs produits financiers, la BCE a commencé à en acheter.[9]
Ces exemples sont extraits d’un travail novateur mené par le Corporate Europe Observatory, qui s’est efforcé d’ouvrir la « boite noire » que sont les groupes consultatifs de la BCE. Cette étude vient de compléter le travail mené par cet observatoire sur le Groupe de 30, un lobby bancaire dont fait partie Mario Draghi qui a abouti à l’appel de la Médiatrice européenne à suspendre son adhésion.
Les fonctions que la BCE exerce de concert avec les grandes sociétés financières ne n’arrêtent toutefois pas là.
Depuis la mise en œuvre en 2014 de l’Union bancaire, la surveillance de la solvabilité des 120 plus grandes banques de la zone euro fait également partie des missions de la BCE. S’il y a risque de faillite, la BCE est chargée de donner un avis contraignant sur le mode de recapitalisation à suivre (rachat par une autre banque, contributions au sauvetage par les actionnaires et les grands dépositaires ou par les autorités publiques). La BCE est chargée en fait de trouver des moyens pour assurer la survie les banques, au nom de l’objectif, également assumé par la Commission européenne, de consolidation du marché bancaire européen. Mais ces moyens ne sauraient comporter la nationalisation-socialisation permanente des banques, un scénario exclu d’emblée. L’Union bancaire sert donc à garantir que les faillites des banques ne conduisent pas à un renforcement du secteur bancaire public, mais qu’elles soient au contraire utilisées pour consolider le secteur privé.
Or les deux tiers des membres des groupes consultatifs de la BCE (346 sur 517) sont issus des banques placées sous la surveillance de la BCE. Officiellement, aucun de ces groupes ne s’occupe de cette surveillance. Mais les décisions qui la concernent sont prises par les mêmes organes exécutifs qui font usage de l’« input » de ces groupes. Il n’y pas de murs efficaces qui séparent l’une de l’autre les activités de la BCE. Autrement dit, la domination des grandes banques (15 banques occupent 198 sièges) au sein de la structure consultative de la BCE ne peut pas ne pas entraîner des répercussions sur le mode de sauvetage des banques décidé par la BCE. Dans le cadre actuel, rien ne garantit que dans le processus de consolidation du marché bancaire qu’elle est chargée de piloter, la BCE ne favorise en réalité ses principaux fournisseurs extérieurs d’expertise.
Douze des 22 groupes consultatifs de la BCE travaillent dans le cadre du système T2S (TARGET2-Securities). Il s’agit d’une plate-forme unifiée à l’échelle européenne chargée du règlement contre paiement en euros des instruments financiers détenus par les dépositaires centraux de titres privés (CSDs). C’est un projet sur lequel travaille depuis 2008 l’ensemble de la communauté financière, sous la coordination de la BCE. Un projet d’importance puisqu’il est conçu comme le catalyseur de l’unification des marchés financiers au sein de l’UE. La question se pose toutefois de savoir si la BCE devrait consacrer une part aussi importante de ses ressources – ainsi que l’atteste la création de 12 groupes consultatifs– dans un projet qui ne concerne que l’industrie financière.
Assurer le bon fonctionnement des systèmes de paiement fait partie des missions de la BCE fixées par les traités européens. Toutefois, dans ce cas, il s’agit d’une mission qui dépasse cet objectif et qui, selon la BCE elle-même, vise à augmenter la compétitivité des CSDs et à réduire les coûts de transaction pour l’industrie financière. Il s’agit donc essentiellement d’une fonction que l’industrie financière pourrait assurer elle-même à travers un accord d’« autorégulation » servant son propre intérêt. S’étant toutefois révélée incapable de parvenir à un tel accord, la finance a mis à contribution les ressources – considérables – fournies par la BCE. Dans ce cas, on peut dire que les travailleurs et les contribuables ordinaires, dont les impôts servent à payer les salaires de la BCE, ont été utilisés pour fournir des services gratuits à l’industrie financière.
Au scandale Euribor, dont il a été question dans l’introduction de cet article, est venu s’ajouter celui de la manipulation des indices Forex qui servent à déterminer les taux sur le marché des changes. Dans le cadre de son objectif de stabilité financière, la BCE est tenue de se pencher et de prendre position sur de tels scandales. Dans l’affaire Forex, elle a participé à une initiative émanant des huit grandes banques centrales (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Japon, Singapour, Hong Kong) sous la coordination de la Banque des Règlements Internationaux.
Le groupe consultatif « Foreign Exchange Contact Group », composé de 23 banques, assurances et compagnies multinationales, a été le pilier de cette initiative. Or un tiers de ses membres sont issus des banques condamnées à des amendes pour avoir échanger des informations sur internet visant à annuler les ordres qui pourraient influencer les taux des changes dans un sens contraire à leurs intérêts.
Il n’est donc nullement surprenant que les banques centrales se sont bornées à publier un code de conduite de 75 pages, dont l’objectif est « la restauration de la confiance du public aux marchés des changes », qui n’interdit pas la pratique de l’annulation d’ordres mais appelle simplement les banques à fournir à leurs clients des explications quant aux raisons qui les amènent à recourir à ce procédé.
La composition des groupes consultatifs de la BCE fait que lorsque celle-ci enquête sur des scandales, c’est davantage dans le but de limiter les changements des pratiques qui pourraient en résulter que pour faire en sorte qu’ils ne reproduisent plus.
En guise de conclusion, on pourrait dire que les 3000 et quelque employés et cadres de la BCE passent une bonne partie de leur temps de travail à réfléchir, conjointement aux 507 conseillers attitrés représentants des grandes firmes financières, sur la façon dont il convient :
1) de soutenir les banques dans la création des liquidités pour qu’elles sortent indemnes des crises qu’elles créent elles-mêmes. Le terme de « stabilité financière » est compris de cette manière-là aussi bien par la BCE que par les autres institutions européennes.
2) de coordonner la création des services pour réduire les coûts de transaction entre entreprises financières.
3) de protéger le statu quo suite à l’éclatement de grands scandales financiers.
Les choix de la BCE consistant à imposer des mesures d’austérité, ainsi que ses décisions concernant la surveillance et le sauvetage des grandes banques ne sauraient être vus comme indépendants des intérêts que représentent ces groupes consultatifs.
Remplir ces fonctions, ainsi que d’autres, comme la gestion des réserves de la zone euro en devises étrangères et en or, semble avoir conduit une grande partie du personnel de la BCE aux limites du burnout. Le fait que la gestion de la BCE n’obéisse à aucun droit de travail et qu’elle soit libre de fixer ses propres « règles » en la matière contribue certainement à cette situation. Mais il y a peut-être une explication supplémentaire. Dans son ouvrage récent, Didier Georgakakis considère que le malaise ou en tout cas la non-identification de ces fonctionnaires aux politiques publiques émanant de leur institution figurent parmi les raisons de la crise qui couve au sein du personnel de la Commission européenne. On ne peut ainsi exclure que, de façon analogue, « servir les banques » – un objectif avoué par le Président sortant de l’Eurogroupe et compagnon de route de la BCE – ne soit pas un objectif qui puisse donner aux fonctionnaires de la BCE la motivation morale nécessaire pour mener à bien leur mission, et cela malgré les salaires élevés dont ils bénéficient. Les dirigeants de la BCE sont ainsi davantage enclins à chercher la solution dans le recours accru à une délégation de travail au secteur privé – à travers la multiplication groupes consultatifs – plutôt que de changer le contenu de leur politique ou accorder davantage de droits à leur personnel.
Si la BCE peut faire preuve d’une telle puissance incontrôlée, elle le doit tant au verrouillage institutionnel de sa mission qu’à l’autoritarisme interne qui régit son fonctionnement. Ainsi, l’institution francfortoise peut se permettre de rejeter la demande des députés européens selon laquelle ses 517 conseilleurs seraient tenu de s’enregistrent au moins en tant que représentants d’intérêts auprès l’UE. Elle peut également se permettre de refuser de transmettre certaines informations à la Cour des comptes européenne examinant la manière dont les banques ont été renflouées et peut se dispenser de publier l’avis juridique sur laquelle elle s’est basée pour couper les liquidités à la Grèce en 2015. Enfin, la BCE refuse de publier le volume des obligations qu’elle achète à chaque entreprise multinationale.
Un tel verrouillage rend peu crédibles les divers projets visant à la réforme de cette institution. Les appels à mener un débat politique sur les missions de la BCE à l’occasion du remplacement de son leadership en 2019, se heurtent sur la réalité d’un débat parlementaire limité aux caractéristiques personnels des individus proposés par les gouvernements.
L’absence des mécanismes élémentaires de contrôle démocratique est l’un des visages de la BCE. L’autre réside dans le lien organique entre ses instances dirigeantes et le monde de la finance. Celui-ci se traduit de façon ouverte et provocatrice aux yeux des citoyens ordinaires dans la composition de ses groupes consultatifs. La proximité avec la finance n’est pas non plus sans lien avec le fait que les cadres de la BCE appartiennent à la minorité sociale constituée de ces 10% de la population européenne dont les revenus lui permettent d’investir dans des produits financiers. En effet, le règlement du personnel de la BCE n’interdit pas les investissements financiers personnels.[10] Défendre les intérêts de la petite minorité des investisseurs financiers contre la grande masse des salariés est ainsi une fonction consciemment ou inconsciemment « naturelle » pour le personnel de l’institution.
A défaut de perspective de réforme venant de l’intérieur des institutions européennes, le droit démocratique de décider par référendum si tel ou tel peuple veut appartenir à la zone euro, et donc être placé sous le contrôle de la BCE, devrait en conséquence être revendiqué par celles et ceux qui rejettent son fonctionnement actuel. Au-delà, on doit s’interroger sur ce que peut être aujourd’hui une monnaie et une banque centrale démocratiques au service de la majorité sociale. Quelles que soient les des approches théoriques adoptées quant à l’origine économique ou extra-économique de la monnaie, il est impossible de ne pas remarquer sa transformation rapide au cours des dernières décennies en un mécanisme étatique central qui exprime et exerce la domination capitaliste ainsi qu’une hiérarchie impérialiste internationale, y compris intra-européenne. La monnaie et la banque centrale qui la gère sont devenues les centres névralgiques de pilotage des politiques sociales et économiques.
Un pouvoir public au service de la majorité sociale devrait s’emparer de la banque centrale de son territoire, la soumettre à un contrôle parlementaire effectif, et remplacer la fonction de consultation actuellement accaparée par la finance par celle fournie par les organisations représentant les salariés. Il s’agit également de lui garantir le monopole de la création monétaire en interdisant aux autres banques de créer de la monnaie à leur gré. Les banques ne doivent plus être autorisées à prêter davantage que ce qui est mis à leur disposition par les épargnants, leurs actionnaires ou leurs prêteurs. Dès lors, la banque centrale maîtrisera entièrement la création monétaire. Il deviendrait ainsi possible de poursuive des objectifs monétaires démocratiquement décidés sans avoir à passer par des procédures de contrôle des banques privées.
En Suisse, les signatures en vue de la tenue d’un référendum pour réclamer l’établissement du monopole public de la création monétaire sont déjà collectées et ce référendum aura lieu le 10 juin 2018. Mais une réflexion politique véritablement de gauche[11] est nécessaire pour définir les fonctions d’une banque centrale démocratique dans un cadre de l’organisation du crédit en tant que bien public.
[1] En novembre 2015, Joerg Vogt et Ardalan Gharagozlou de Deutsche Bank et Colin Bermingham de Barclays qui ont participé au « Money Market Contact Group » de la BCE en 2010 et 2011 ont été accusé par le Serious Fraud Office (SFO) britannique d’avoir manipulé Euribor https://uk.reuters.com/article/uk-euribor-sfo-ecb/traders-facing-euribor-charge-were-part-of-ecb-crisis-group-idUKKCN0T22CB20151113 Sur leur procès et les mandats d’arrêt européen voir : http://economia.icaew.com/en/news/may-2017/court-defers-trial-of-euribor-traders-until-january-2018
[2] Le “Money Market Contact Group” a été officiellement chargé à donner un avis sur le scandale Euribor en 2012 (réunion du 18 septembre sur les « money market benchmarks » https://www.ecb.europa.eu/paym/groups/pdf/mmcg/20120918/20120918_MMCG_meeting_agenda.pdf?5d3d86de7b1ac3053a1b33558f729e3a plus en détail ici https://www.reuters.com/article/eu-benchmarks/banks-approach-ecb-about-alternatives-to-libor-idUSL5E8LQ3LR20121107), mais déjà avant il discutait l’indice Euribor dans toutes ses réunions sous le point d’agenda « latest markets developments » https://www.ecb.europa.eu/paym/groups/mmcg/html/index.en.html
[3] Clément Fontant « Frankenstein en Europe – L’impact de la Banque centrale européenne sur la gestion de la crise de la zone Euro », Politique européenne 2013/4 (n° 42)
[4] Quand le taux d’intérêt auxquels emprunte un Etat augmente, les taux pour les banques privés dans cet Etat augmentent aussi ce qui fait qu’elles ne peuvent plus assurer leur fonctionnement ordinaire y compris les opérations en détail sans à voir recours à des emprunts à court, moyen et long terme par la BCE (voir plus loin ELA, LTRO, OMT etc.)
[5] “the vast majority of money is issued by private banks – bank deposits “ – Mario Draghi, Cross-Border Markets and Common Governance Luncheon speech by Mario Draghi, President of the ECB, Bank of England Open Forum, London, 11 November 2015 https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2015/html/sp151111.en.html
[6] Avec des emprunts hebdomadaires d’un taux de 0.05% et avec un collatéral de qualité inférieur à ce que les banques sont contraintes d’utiliser normalement https://www.reuters.com/article/us-eurozone-greece-ela-factbox/factbox-what-is-ecb-emergency-liquidity-assistance-idUSKBN0P21XH20150622
[7] A titre d’exemple: Michel Aglietta et André Orléan, La monnaie souveraine, 1998, Costas Lapavitsas, Profiting without Producing , 2013, p. 70-105 ou Ann Pettifor The Production of Money, 2017, p. 77-92
[8] L’Assouplissement quantitatif (QΕ) prendra fin en 2018
[9] Cette activité a duré une dizaine des mois et elle a dû cesser à cause de l’éclatement du scandale Dieselgate.
[10] ECB Staff Rules, 1/4/2017: Point 0.4.1.1 and p. 12 and 13 https://www.ecb.europa.eu/careers/pdf/staff_rules_fixedterm.pdf
[11] A l’encontre de celle-ci qui voit le monopole monétaire public comme un moyen pour « limiter la régulation excessive actuelle qui étrangle l’innovation financière » http://internationalmoneyreform.org/blog/2017/11/former-governor-bank-spain-praises-money-creation-public-institutions/