Exploitation et discriminations. Enquête sur la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles

À travers le cas de la grève à l’hôtel Ibis Batignolles, à laquelle nous avions consacré un entretien avec Tiziri Kandi en janvier dernier, cet article illustre la façon dont oppression et exploitation s’imbriquent dans la sous-traitance.

« Nettoyer le monde, des milliards de femmes s’en chargent chaque jour, inlassablement. Ce travail indispensable au fonctionnement de toute la société doit rester invisible. Il ne faut pas que nous soyons conscient.e.s que le monde où nous circulons est nettoyé par des femmes racisées et surexploitées. » (F. Vergès, Un féminisme décolonial.)

Françoise Vergès introduit son livre Un féminisme décolonial par un retour sur la grève de ONET de 2017 qui s’est révélée victorieuse. Elle concernait les agent.e.s d’entretien de la compagnie de sous-traitance ONET, largement employé.e.s dans les gares, et majoritairement des femmes racisées. Le travail de ces agent.e.s d’entretien est invisibilisé : leur passage dans les bureaux, les universités et les gares précède en effet l’arrivée de tous les étudiant.e.s et des travailleur.se.s. Ce sont la majeure partie du temps des femmes, généralement racisées, ce qui implique donc un façonnement de leurs expériences de vie par le racisme institutionnel (Crenshaw, 1989). Selon la définition de Mathieu Rigouste (2012), ce sont “celles et ceux qui se confrontent à la fois à la surexploitation, à la dépossession et la ségrégation”.

Afin de mettre en lumière ce racisme institutionnel et l’imbrication entre exploitation et oppression, au sens marxiste des termes, nous avons choisi d’entreprendre une étude sur les femmes grévistes de l’hôtel Ibis Batignolles. Elles sont agentes de chambre pour un hôtel de la compagnie Accor, la sixième dans l’hôtellerie au niveau mondial. Elles n’y sont pourtant pas embauchées directement mais via une compagnie de sous-traitance, ici STN groupe. Depuis le 17 juillet 2019 elles sont en grève avec pour principale revendication la fin de la sous-traitance avec le slogan « la sous-traitance c’est la maltraitance ».

Ce sont pour la totalité des femmes racisées, avec plusieurs enfants, locataires et gagnant moins de 1200 euros par mois. Ces caractéristiques se retrouvent largement dans le secteur du nettoyage, qui est composé de 67 % de femmes, de 29 % d’étranger.e.s, de 75 % de travailleur.se.s à temps partiel et 90 % de travailleur.se.s non qualifié.e.s (Doumenc, 2018). Ainsi le secteur du nettoyage et de la propreté est caractérisé par une gestion racialisée (Jounin, 2009) ainsi qu’une division genrée du travail. La féminisation et l’ethnicisation du métier sont au cœur même de la construction de la profession de femme de chambre (Guégnard, Mériot, 2007), s’ajoutant au travail à temps partiel qui caractérise également ce secteur. En effet, selon les chiffres de la Fédération des entreprises de propreté (FEP) de 2017, 75 % des contrats de travail dans le secteur du nettoyage et de la propreté sont à temps partiel.

Note méthodologique

Nous avons mené notre analyse à partir de trois entretiens avec des femmes grévistes, au cours de deux journées différentes : R., 46 ans, actuellement gouvernante après avoir été agente de chambre. Tresseuse en Côte d’Ivoire, elle est en France depuis 2000 ; S., 50 ans, actuellement agente de chambre. Congolaise, elle a obtenu le Baccalauréat au Congo et est arrivée en France en 2009 ; T., (dont nous ne connaissons pas l’âge), actuellement agente de chambre. Coiffeuse au Sénégal, elle vit en France depuis 1995.

De plus, nous avons approfondi ce matériau à la lumière de lectures dans le domaine notamment de la sociologie du travail. Enfin d’un point de vue méthodologique, nous avons choisi d’employer à la fois les termes de “femme de chambre” et “agente de chambre/ménage/d’entretien”. En effet, le premier nous permet de mettre en évidence le genre de ces travailleuses, qui a une incidence sur leur expérience de vie. Le terme d’agente, quant à lui, nous permet de mettre l’accent sur la professionnalité d’un travail souvent dévalorisé.

Grâce à ces recherches, nous avons pu isoler une tension – qui a pour la suite guidé notre réflexion : comment exploitation et oppression s’imbriquent-elles dans les expériences de vie des femmes grévistes de l’hôtel Ibis Batignolles ? Quel sens donnent-elles à cette domination?

Il s’agit dans cette étude d’adopter une démarche intersectionnelle (Doumenc, 2019), afin de comprendre la manière dont les salariées du nettoyage se trouvent à l’intersection de plusieurs rapports de domination (genre, race et classe), mais aussi d’identifier les formes de résistance mises en place face à cette domination.

Pour approfondir cette question, nous allons d’abord explorer ce que l’invisibilisation du travail des agentes d’entretien implique, c’est-à-dire une exploitation qui passe par une précarité de l’emploi et la dégradation des corps des travailleuses. Ensuite, l’étude des discriminations que ces dernières vivent nous permettra de saisir comment exploitation et oppression se retrouvent sous la forme de la sous-traitance et comment celle-ci impacte la relation à l’emploi. Enfin, nous analyserons la grève des agentes de l’hôtel Ibis Batignolles comme un moyen de sortir de l’oppression et de l’exploitation.

 

Des travailleuses de l’ombre et du silence…

L’exploitation des femmes de ménages : un travail pénible qui marque les corps

Le nettoyage et la propreté constituent un véritable labeur pour les agentes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles. Selon l’enquête de la DARES1 « Les métiers du nettoyage : quels types d’emploi, quelles conditions de travail ? », en 2016, neuf salarié.e.s du nettoyage sur dix sont exposé.e.s aux risques physiques. Le rythme de travail imposé aux femmes de chambre est particulièrement intense, comme en témoigne cet extrait d’entretien :

Normalement eux ils vont te demander de faire trois chambres et demie de l’heure, normalement c’est 17 minutes dans une chambre. […] C’est rien voilà, 17 minutes.” – R, gouvernante et femme de chambre, 46 ans.

Les agentes de ménage doivent constamment maintenir un rythme de travail élevé, en raison de la rationalisation du temps de travail, sa maîtrise et son contrôle par les gouvernantes du groupes Accor, ainsi que le découpage temporel de 17 minutes par chambre objectivé par la direction. Ce sont autant d’éléments qui participent à ce que E. P. Thompson (1967) appelle le “capitalisme industriel discipliné”. On est amené à penser l’hôtel Ibis Batignolles comme un espace d’exploitation pour ces agentes de chambre, dans le cadre d’une structure capitaliste de la société moderne, qui prend sa source dans le contrôle et la mesure stricte du temps.

La cadence et le rythme de travail sont alors des éléments importants de la pénibilité et de la servilité du travail de ces agentes de ménage. Les tâches qu’elles accomplissent impliquent aussi certaines postures physiques contraignantes, conséquence de la nature même de leur travail. Toujours selon l’enquête de la DARES, 52 % des salariées dans le secteur du nettoyage sont exposées aux postures pénibles. De plus, le taux de fréquence d’accidents de travail est bien plus élevé que la moyenne nationale (37,5 % contre 25,7 %). Sur nos trois enquêtées, deux d’entre elles ont eu des accidents du travail liés aux positions dérangeantes qu’impose leur activité :

Oui, j’ai des problèmes de santé, mon bras là j’ai eu la tendinite à cause du travail, et j’avais eu aussi le dos coincé parce qu’à force de s’abaisser trop et de tirer le lit j’ai eu le dos coincé […] et j’ai aussi eu la tendinite parce que c’est en tirant le lit que je me suis coincée la main.” – R, 46 ans.

On prend toujours les Doliprane, on me masse toujours avec le Diclofénac Parce que quand tu vois quand, même pour faire les lacets j’ai des problèmes, pour mettre des chaussettes, pour m’incliner comme ça (elle mime) c’est tout un problème” – S, 50 ans.

Au vu de ces extraits, une autre des caractéristiques du travail d’agente de chambre qui participe à sa pénibilité est la répétitivité. Cette dernière est aussi la source directe des troubles musculo-squelettiques (TMS) que nos enquêtées présentent, et qui sont surreprésentés dans le secteur du nettoyage2. En effet, ces salariées précaires se voient confier des tâches particulièrement pénibles et “physiques”.

L’environnement de travail participe aussi à la pénibilité. Nos enquêtées disent être confrontées aux mauvaises odeurs, à la saleté, les excréments :

“… souvent il y a des groupes de jeunes, et tu vois les caleçons en bas du lit, tu vois toute sorte de souffrance quoi, souvent il fait ses besoins il tire pas la chasse d’eau […], donc c’est à moi de venir faire ça. Ça aussi c’est un genre de souffrance.” – S, 50 ans.

Ainsi ces éléments sont révélateurs du fait que l’activité de nettoyage est dévalorisée, mais aussi dévalorisante pour ces agentes de chambre. Ces dernières font ce que Hughes qualifie de « sale boulot » (Hughes, 1997). En effet, on leur attribue les tâches ingrates, participant ainsi à leur stigmatisation, car elles sont souvent associées à l’objet de leur travail (Nizzoli, 2013). On comprend que l’activité de nettoyage est traversée par des rapports de domination, effet de la division sociale et morale du travail.

Ces femmes sont d’autant plus opprimées et exploitées, qu’elles sont vulnérables du fait de leur origine étrangère, leur peu de scolarisation et de qualification – nos trois enquêtées viennent d’Afrique, deux d’entre elles ont arrêté leurs études au collège, une seule a le Bac. Ces conditions de travail, qui visent particulièrement des individus précaires, permettent à l’entreprise de fidéliser sa main-d’œuvre, effet de sa faible employabilité sur le marché du travail (Guégnard, Mériot, 2007).

Nos enquêtées cumulent ainsi les précarités, mais travaillent pour les endiguer (Doumenc, 2019). Elles « tiennent bon » par nécessité, et sont contraintes d’accepter ces conditions. L’exercice d’une activité rémunérée est en effet un aspect essentiel, notamment pour la gestion de leur vie familiale et plus particulièrement de leurs enfants (Puech, 2004), effet de la surreprésentation des femmes dans le secteur du nettoyage et de la propreté.

 

Les compétences féminines des femmes de ménage

En 2017, 1 emploi sur 5 est un emploi d’employé ou d’ouvrier non qualifié selon l’INSEE ; les agent.e.s de chambre en font partie. Les professions “exercées en grande proportion par des personnes possédant un diplôme de la même spécialité que leur profession sont considérées comme des professions qualifiées. Les autres sont des professions non qualifiées”, toujours selon l’INSEE. Dans chacun des trois entretiens on retrouve une même façon d’accéder à l’emploi qui ne passe en effet pas par une qualification. Cette accession semble même informelle par rapport au schème habituel : CV, lettre de motivation, entretien d’embauche… Ici les trois femmes de chambre rencontrées ont postulé par l’intermédiaire d’une amie femme de chambre travaillant déjà à l’hôtel IBIS-Batignolles ou pour le groupe Accor. Elles sont également recrutées sans entretien d’embauche.

Non la femme de chambre t’intègres directement. (…) Là on passe pas des entretiens, on passe pas quoi que ce soit, tu viens tu cherches du travail, même si tu connais pas faire, mais on te place avec quelqu’un qui maîtrise déjà le travail quoi pour t’enseigner pendant deux ou trois jours et après tu commences à faire seule.” – S, 50 ans.

Dès lors, bien que des qualifications ne soient pas requises pour accéder à ce métier, se pose la question des compétences. En effet, la dimension genrée du métier prend une place prépondérante dans l’accession au métier, à l’appellation explicite, de femme de chambre. Un “savoir-faire ménager” est demandé, et il est associé implicitement à une compétence qui serait naturellement féminine, conséquence directe des normes sociales de genre. Dans « Les compétences féminines des aides à domicile », Christelle Avril (2003) évoque les “dispositions de genre” (notion de Leslie McCall) chez les aides à domicile et comment elles volent “au secours” des salariées face à leur “entrée brutale dans le poste”. L’absence de définition institutionnelle du métier (entrée brutale dans le poste, absence de formation initiale ou continue, procédures de recrutement au jour le jour) nous permet donc de comprendre à quel point les dispositions sociales définissent le métier. Dans les cas des aides à domicile mais également des femmes de chambre, ce ne sont pas les dispositions de classe, mais les dispositions de genre sur lesquelles reposent les qualifications requises par le poste. Il y a donc une féminisation du travail de femme de ménage se trouvant dans le prolongement de leur activité domestique (Lada, 2009). Une “double journée” des femmes de chambre est en effet décrite lors des entretiens. Vivant seule ou en couple, ce sont elles qui s’occupent des tâches domestiques de leur foyer. Tout comme Emmanuelle Lada lors de ses entretiens, nous notons des tâches domestiques similaires : les courses après le travail, la prise en charge des enfants (notamment entrées et sorties d’école), s’ajoutant à des temps de trajets importants entre le domicile et l’hôtel.

Ce qui m’a plu dans l’hôtellerie c’est que tu commences à 8h30 c’est que t’as le temps de les déposer à la crèche, et puis de venir. Puis je finissais à 16h ou souvent 17h et tout puis je faisais tout pour les récupérer à 18h30.” – R, 46 ans.

Parce que tu travailles, tu dois aller à la maison, moi il y a des réunions parent d’élèves ça aussi faut pas l’oublier, y’a souvent on te convoque là l’autre donc tout ça faut gérer.” – S, 50 ans.

Cette “double journée” renforce l’invisibilisation du travail de femmes de chambre et l’absence de reconnaissance. “Certes, invisibiliser ce travail garantit aux usagers de ne pas être confrontés à sa réalité, mais je pense qu’une des raisons principales de son invisibilisation est la volonté de préserver son aspect mineur, sa non-qualification, sa féminisation, sa racialisation. L’invisibilisation est structurelle ; tout travail fait par des subalternes, d’autant plus si ce sont des femmes, doit être invisibilisé, minoré”. Françoise Vergès, à travers ces propos, renforce l’idée qu’il ne faut pas que nous soyons conscient.e.s que le monde dans lequel nous gravitons est nettoyé par des femmes racisées et surexploitées (Vergès, 2019). Dès lors, les femmes de chambre sont reléguées et cantonnées dans des espaces moins visibles de l’hôtel : les chambres, salles de bains et toilettes lorsque les clients ne sont pas présents ; l’accès aux espaces communs tel que l’espace dédié aux repas leur étant officieusement interdit.

Ils nous acceptent pas peut-être parce que bon ils voient que nous sommes des femmes de chambre, ils sont là ils arrivent ils touchent les merdes ils font ça donc on est un peu sous-estimées en fait voilà.” – S, 50 ans. (répondant à la question “Et le fait que vous ne pouviez pas manger avec les autres employés c’est une forme de racisme vous pensez ?”)

Elles se sentent donc “sous-estimées” par leurs collègues d’Ibis mais également complètement invisibles aux yeux de la sphère politique. Lorsque nous interrogeons S. sur la réforme des retraites, elle nous fait part de son incompréhension du projet de loi car elle ne sait pas où se placer, les femmes de chambre n’étant pas explicitement mentionnées.

J’ai jamais compris ça parce que déjà ma position ne me le permet pas, parce que moi je me dis moi je cotise moins je suis en temps partiel, alors la réforme nous sommes placées où ? (…) On n’est pas pris en compte parce qu’on entend pas parler des femmes de ménage. On entend parler d’autres secteurs mais des femmes de ménages on entend pas parler.” – S, 50 ans.

Enfin, à la fin de son entretien, R. conclut :

Moi mon dernier mot c’est que j’aimerais que ce travail soit visible.” – R, 46 ans.

Le travail de femme de chambre repose, comme son nom l’indique, sur des dispositions de genre, c’est-à-dire des compétences qualifiées de féminines. En effet, la profession n’est pas institutionnalisée et ne requiert donc aucun diplôme ou entretien. À ses dispositions de genre s’ajoute une invisibilisation du travail, une souffrance de plus pour les femmes de chambre se trouvant déjà dans une situation précaire.

 

La précarité de l’emploi

Comme évoqué dans des enquêtes précédentes, la condition sociale et matérielle des femmes de chambre du secteur hôtelier est parmi les plus précaires, et reflète bien les effets de la flexibilisation du marché du travail en France et en Europe (Guégnard, Mériot, 2010). L’enquête comparative datant de 2010 et menée par Christine Guégnard et Sylvie-Anne Mériot montre ainsi que ces femmes, pour la plupart d’origine étrangère, ont une rémunération particulièrement basse par rapport aux autres secteurs d’activité. Pour reprendre l’expression de Sabah Chaïb (2006), les femmes de chambre occupent le “bas de l’échelle” du secteur hôtelier et du salariat de manière plus large : conditions de travail dégradées, contrats précaires, et heures supplémentaires non payées constituent des traits caractéristiques du métier. Les résultats de notre enquête s’alignent ainsi avec ceux des recherches précédentes. Cette précarité se cristallise dans les discours de nos enquêtées :

Tu vois souvent une personne qui est debout mais c’est les larmes qui coulent (…). Mais ça ce n’est plus travailler avec ta propre volonté, voilà et c’est travailler avec des contraintes parce que si je fais pas, tu sais les gens là-bas ils ont toujours peur dès qu’on prononce le nom du directeur tu as toujours peur parce qu’après il y a les avertissements quand tu le fais pas aussi il y a les avertissements tout de suite derrière.” – S, 50 ans.

La peur exprimée par nos enquêtées vis-à-vis de la direction est liée à leur crainte de se retrouver sans emploi. Elles cumulent plusieurs facteurs qui pourraient entraver une éventuelle recherche d’emploi. Tout d’abord, leur âge et leur faible qualification : l’âge moyen des agentes de chambre en France est de quarante ans, et la plupart d’entre elles ne sont pas ou peu diplômées. De plus, leur double statut de femme et immigrée restreint leurs possibilités de réemploi dans des secteurs d’activité propres au “marché secondaire féminin” (Chaïb, 2006), dont les emplois disponibles sont instables et peu rémunérés. En outre, il faut souligner qu’elles sont pour la plupart ressortissantes des “pays tiers”, donc non-membres de l’espace économique européen. Malgré leur situation régulière sur le territoire français, une perte d’emploi pourrait signifier un non-renouvellement de leur titre de séjour, ce qui pourrait déboucher sur une OQTF (obligation de quitter le territoire français), surtout si elles sont célibataires et/ou sans enfant3 Nos enquêtées sont conscientes de leur situation et de leur difficulté à trouver un “meilleur” emploi, c’est-à-dire mieux rémunéré et ayant des meilleures conditions de travail :

Parce qu’après peut-être que tu trouves mieux ailleurs tu peux aller ailleurs mais ça fait 7 ans que je suis là 7 ans que j’ai rien trouvé mieux ailleurs. Voilà pourquoi je suis encore là.” – S, 50 ans. 

Les employeurs profitent donc de la situation fragile dans laquelle se trouvent les femmes de chambre afin d’alourdir la charge de travail et accélérer les cadences. L’hôtel Ibis Batignolles fait appel à une société sous-traitante de nettoyage qui s’occupe de la gestion du personnel. Cette politique de gestion du personnel se reflète dans la rémunération des employées : en France comme en Europe de manière plus large, les salaires des femmes de chambre sont ajustés au salaire national minimum (Guégnard, Mériot, 2010). Nos enquêtées ont également une rémunération horaire égale ou très proche du SMIC horaire. Néanmoins, face à une imposition par la gouvernance d’un nombre de chambres à effectuer par heure, la rémunération est vue par les employées comme étant “à la chambre”. Dans le secteur hôtelier en France, les femmes de chambre gagnent entre 1,70 et 2,40 euros par chambre en moyenne. Le témoignage de R. illustre bien les effets de la “politique du chiffre” menée par les sociétés sous-traitantes sur les femmes de chambre :

Il y a la pression, surtout la pression. Même quand t’arrives par exemple ici t’as six heures, on te donne 21 chambres. Qu’est-ce qu’ils font ? Ils refusent d’embaucher, ici il y a 706 chambres dont 699 sont pleines donc l’hôtel est presque plein, ils programment trente-deux filles, il y a quinze personnes qui sont inaptes dans les trente-deux filles, donc vue qu’ils embauchent pas bah on se retrouve à faire trente chambres, quarante chambres, cinquante chambres, et quand tu refuses de faire c’est des menaces, on se retrouve à pleurer, pour dire que tu vas rester à la maison tu envoies un mail ou tu appelles le patron pour qu’on te licencie, tu vois, donc c’est cette vie-là.” – R, 46 ans. 

La crainte d’être licenciées en cas de contestation est donc omniprésente, mais la pression exercée par la hiérarchie est nécessaire pour la poursuite d’activité de l’entreprise sous-traitante. En effet, le succès de la sous-traitance repose sur le recours à une main-d’œuvre socialement fragile et potentiellement “docile” face aux abus de pouvoir de la hiérarchie et aux conditions de travail dégradées. C’est pourquoi nous avons une surreprésentation de femmes étrangères, dont certaines ne parlent pas le français. Malgré leurs conditions de travail dégradées et une très forte pression pour augmenter la productivité, les sociétés de sous-traitance réussissent à fidéliser leur main-d’œuvre en embauchant des femmes situées “en bas de l’échelle” salariale et ayant une très faible employabilité sur le marché du travail.

On comprend alors que le travail d’agentes de chambre est fortement invisibilité et dévalorisé. Cette invisibilisation favorise le cumul des précarités, mais aussi les discriminations et les inégalités de traitement auxquelles ces agentes doivent faire face.

 

Inégalités de traitement et discriminations

La sous-traitance et le sous-salariat

À l’intérieur de la sphère professionnelle des agentes de chambre à l’hôtel Ibis Batignolles, une distinction doit être faite. En effet, ce groupe d’emploi se répartit entre d’un côté celles qui sont employées directement par le groupe Accor et, de l’autre, les femmes qui, comme celles qui sont actuellement en grève, sont employées via une agence de sous-traitance.

Cette externalisation d’une partie du travail répond aux impératifs de flexibilité du capitalisme contemporain, comme ils sont exposés par Pierre Bardelli (2016). Dans un contexte de maximisation des profits et de concurrence économique, outre la normalisation du travail dans sa forme salariale, la flexibilité permet un abaissement des coûts d’activité. L’externalisation des tâches ménagères s’explique grâce à la flexibilité de la main-d’œuvre que fournissent les sociétés de sous-traitance. Il est impératif de souligner qu’afin de décrocher un contrat de sous-traitance, les sociétés de nettoyage doivent faire preuve d’un “bon management” du personnel. Il s’agit d’une concurrence basée sur la performance, avec une politique du chiffre très marquante. En effet, les sociétés de nettoyage doivent maintenir un rythme de productivité important, en faisant faire le plus de chambres possibles au moindre nombre d’employées, ceci afin de réduire les coûts. La pression d’une éventuelle perte ou non-renouvellement de contrat de la part des sociétés sous-traitantes est donc répercutée sur leurs employées.

La flexibilité de la sous-traitance est aussi donnée par le travail à la tâche : les agentes de ménage sont payées non pas heure mais par nombre de chambres nettoyées. Aussi, si cette mesure permet à l’hôtel de disposer d’une force travail proportionnelle au besoin, entraînant des conditions de travail très dures : les horaires ne sont pas maîtrisables et ils sont extensifs.

Le travail à la tâche est la forme salariale qui s’impose aux agentes de chambre. Cette modalité de rémunération implique que les heures supplémentaires ne soient pas reconnues, et donc non payées. De plus, elles n’ont droit à aucune prime. Afin d’être rémunérées, les agentes de chambre doivent nettoyer le nombre de chambres fixé par leur employeur : une tâche immense qui abîme les corps, comme nous l’avons démontré. Les heures indiquées dans les contrats de travail n’ont donc pas de réelle valeur, ce qui compte est le nombre de chambres indiqué par leur employeur. S nous explique les conditions salariales des agentes de chambre, qui varient selon les mois sans qu’aucune réelle explication ne soit donnée :

Mais après sur notre salaire… Chacun de nos salaires a son contrat, il y en a pour 4h, il y en a pour 6h et il y en a pour 7h. Alors moi je peux parler de moi, moi j’avais 21 chambres, déjà j’avais un contrat de 130h du coup je gagnais 1050. Et puis ça varie quoi, ça varie souvent 1050, souvent 1060, souvent 1030 donc je sais pas pourquoi ça varie en fait. Ça varie c’est pas que si tu gagnes 1050 c’est 1050, non. Parce que moi je gagne 1050 parce que je fais pas samedi et dimanche, je travaille du lundi au vendredi. Parce qu’il y en a d’autres qui travaillent le samedi et le dimanche et avec un contrat de 6h ils ont 1100€ parce que le samedi et le dimanche ils sont comptés dedans donc ça saute, ça tourne autour de 1100, 1200, 1100, 1050 pour… maintenant ceux qui ont 7h 1200, 1150…” – S, 50 ans.

La sous-traitance s’identifie ici à une forme de sous-salariat, dans lequel le droit du travail n’est pas respecté. En outre, les agentes de chambre ne disposent pas d’une pause repas. De plus, elles n’ont pas le droit de manger ni de boire sur les lieux du travail. Ce thème revient souvent dans les revendications des grévistes, comme dans les entretiens que nous avons effectués avec elles. Par exemple, T. nous affirme que :

les gens qui travaillent dans Ibis, ils veulent pas qu’on mange dans leur cantine, ils veulent pas qu’on prend leur cuillère, tout ça, c’est illégal. Même de l’eau quand les filles travaillent, elles mettent les bouteilles d’eau dans leur chariot, y’a une gouvernante de Ibis qui passe, qui recueille et qui le jette.” – T.

La sous-traitance apparaît aussi comme une forme de sous-salariat, notamment par les inégalités et les discriminations qu’elle porte avec elle. En effet, l’hôtel ne défend aucunement les agentes de chambre des insultes racistes qu’elles peuvent subir. Bien au contraire, l’hôtel même fait preuve de racisme. Cette dernière forme de racisme est évidente : les agentes de chambre, qui sont des personnes racisées, n’ont pas accès à la cantine de l’établissement – contrairement aux autres travailleur.se.s. La même chose vaut pour le fait qu’elles ne peuvent pas utiliser de bouteilles d’eau. Quant au racisme exercé par les clients, il s’exprime sous plusieurs formes : le non-respect du travail souvent invisibilisé des agentes d’entretien et les insultes. Sur cette expérience du racisme, R. nous raconte son vécu : 

Bon il y a des clients qui ne respectent pas le travail de femme de chambre, moi je dis parce que c’est beaucoup invisible et les gens n’en parlent pas, c’est pas un travail que les gens parlent dans la société […]. Il y a des clients quand ils arrivent… quand tu frappes à leur porte pour le service s’il n’est pas content il peut te dire « ferme ta gueule » des injures… et moi il y a un client qui m’a traitée de sale nègre ‘pourquoi vous me réveillez sale nègre !’” – R, 46 ans.

Les éléments exposés au cours de cette partie nous permettent aussi de voir que capitalisme, patriarcat et racisme s’imbriquent dans le travail de ces agentes de chambre (Leong, 2013). En témoigne l’entretien de S, dans lequel elle qualifie les conditions de travail comme une forme d’esclavage. Cette imbrication a une réalité historique. Les corps des personnes racisées, en effet, a été historiquement construit en tant que force de travail gratuite – et ainsi facilement exploitable. Ce phénomène a été mis en évidence lors de la période esclavagiste puis coloniale. Il reste pourtant encore présenté aujourd’hui dans une forme endocoloniale (Rigouste, 2012). De plus le corps des femmes racisées a été fortement contrôlé (Vergès, 2017) et doublement exploité au cours de l’Histoire, souvent utilisé comme force reproductive et productive (Davis, 1983).

Pourtant notre réflexion a laissé de côté des questions fondamentales pour la compréhension du travail des agentes d’entretien. Quelle perception de cette domination ont les femmes de ménage ? Pourquoi acceptent-elles la sous-traitance ?

 

Le rapport à l’emploi

Les femmes de chambre ont aussi un rapport à l’emploi qui dépend étroitement de leurs trajectoires personnelles et familiales (Puech, 2004). À peine arrivées en France, elles cherchent rapidement un emploi afin d’obtenir une source de revenu stable. Elles se retrouvent donc dans le secteur du nettoyage “par défaut”, souvent cooptées par une amie ou une connaissance. De plus, l’activité de nettoyage est vue comme un travail qu’elles maîtrisent bien puisqu’elles l’exercent déjà au sein de la sphère domestique. R, auparavant coiffeuse dans son pays d’origine, explique pourquoi elle a décidé d’exercer le métier de femme de chambre :

“Oui quand P est né j’ai arrêté, je me suis occupée de lui, le temps d’être régularisée et tout, et après quand j’ai été régularisée j’ai accouché de Y en 2003, et c’est comme ça que j’ai commencé à être femme de chambre parce que comme ils étaient deux enfants en bas âge fallait faire la femme de chambre pour pouvoir m’occuper d’eux. Ce qui m’a plu dans l’hôtellerie c’est que tu commences à 8h30 c’est que t’as le temps de les déposer à la crèche, et puis de venir. Puis je finissais à 16h ou souvent 17h et tout puis je faisais tout pour les récupérer à 18h30” – R, 46 ans.

L’exercice du métier de femme de chambre est donc étroitement lié à leur condition familiale. Au départ, elles y voient un avantage très important : celui de pouvoir conjuguer travail domestique et emploi. Une fois devenues mères, elles ont la nécessité de retrouver un emploi afin de subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles. Peu informées du droit du travail français, elles signent rapidement des contrats de travail qu’elles ne savent pas lire (Guégnard, Mériot, 2010), ce qui est une des raisons pour lesquelles les sociétés de sous-traitance embauchent des femmes étrangères peu ou pas diplômées. Les employeurs abusent de la méconnaissance de leurs employées vis-à-vis de leurs droits en ne rémunérant pas des heures supplémentaires effectuées ou en imposant des charges de travail très importantes.

Malgré des conditions de travail dégradées, ces femmes sont conscientes qu’une démission n’est pas envisageable puisque le risque de ne pas retrouver un emploi est élevé dû à leur faible employabilité sur le marché du travail. Nous pouvons ainsi nous demander quels sont les effets de cette impasse sur le rapport que les femmes de chambre ont vis-à-vis de leur travail. Les employées expriment généralement une grande indifférence vis-à-vis de leur travail, comme étant une simple source de revenus, mais vide de tout trait épanouissant. S s’exprime ainsi :

Tu vois c’est quelque chose que j’ai trouvé pour payer les factures, pour survivre, mais c’est pas quelque chose là où je peux vraiment me mettre et avoir la retraite. Ouais mais du coup vu qu’avec la pénurie qui se trouve ici en France, ce que tu trouves, ce qui t’arrive au moment là, tu prends.” – S, 50 ans.

En outre, les possibilités de réappropriation du travail (Bernoux, 1979) sont limitées. Déjà évoqué dans des enquêtes précédentes (Guégnard, Mériot, 2010), le travail des agentes de chambre est fortement standardisé. Les sociabilités entre les agentes de chambre sont très restreintes puisque leur travail est individualisé, relevant d’une autogestion des tâches suivies par un contrôle de la part de la gouvernante. Comme expliquée par R, actuellement gouvernante et auparavant femme de chambre, les employées reçoivent une liste contenant le nombre de chambres à faire dans la journée. Chaque femme de ménage se voit attribuer des chambres différentes, ce qui limite fortement les rencontres et/ou une possible collaboration entre les employées. Néanmoins, des rencontres sont possibles lorsqu’une femme de chambre s’aperçoit qu’une collègue est en difficulté, lui permettant de venir à son aide. R raconte ainsi comment des rencontres ont lieu entre deux femmes de chambre :

“… quand tu vois l’autre qui a 28 recouches et deux (inaudible), quand tu vois que l’autre a trente dépeins, même si tu es fatiguée tu vas l’aider à faire ses chambres, sinon elle peut quitter ici à 19h/20h !” – R, 46 ans. 

Néanmoins, la pratique d’entraide est interdite. En effet, il s’agit d’une règle imposée par la direction afin de répertorier la productivité de chaque employée. Malgré cela, les employées transgressent cette règle, et nous constatons que la solidarité entre collègues existe malgré l’atomisation des employées. De plus, le recours à l’aide semble être conditionné à l’accomplissement de toutes les tâches à faire par l’employée voulant apporter de l’aide à sa collègue. Ce phénomène est comparable à celui des ouvriers du secteur industriel (Linhart, 1981), où les plus agiles et rapides aident leurs collègues en difficulté à accomplir certaines tâches.

Toutes nos enquêtées expriment un sentiment de souffrance, qu’elles associent impérativement avec la sous-traitance. Les femmes de chambre se voient imposer par leur hiérarchie des cadences de plus en plus importantes sans augmenter leur temps de travail. C’est d’abord la direction de l’hôtel qui impose à la gouvernante le nombre de chambres à nettoyer, et cette dernière est obligée d’attribuer les tâches à ses subalternes. Tant la gouvernante (R, femme ivoirienne de 46 ans) comme les femmes de chambre dénoncent l’abus de pouvoir et la pression exercée sur elles de la part de la direction de l’hôtel pour accomplir une charge de travail de plus en plus importante. C’est à cause de cette pression croissante que les femmes de chambre expriment un sentiment de souffrance vis-à-vis de leur travail :

La souffrance en sorte que vous travaillez on vous harcèle, vous travaillez on vous donne plus de chambres, vous travaillez et vous avez pas la paix en fait au sein du travail. Quand tu te réveilles tu es chez toi pour venir au travail tu as l’impression que tu vas en enfer quoi parce que tu te dis je sais pas ce que je vais aller trouver là bas.” – S, 50 ans.

Les conséquences des pratiques gestionnaires de la direction sur les femmes de chambre sont donc visibles et se retrouvent dans les discours de toutes nos enquêtées. Cependant, dans une branche d’activité où les mobilisations semblent être improbables, les femmes de chambre, souvent soutenues par des organisations syndicales, réussissent à se rassembler et instaurer un rapport de force avec la direction. Après un dialogue sans aboutissement avec la direction de l’hôtel, les femmes voient la grève comme le dernier recours pour faire entendre leurs revendications. R, gouvernante des femmes de ménage de l’hôtel Ibis Batignolles, nous exprime ainsi son souhait d’aller vers une visibilisation et une revalorisation sociale du métier d’agente de chambre :

“… on a besoin qu’on parle de notre grève, aussi jeunes que vous êtes, que vous parliez de notre grève et de notre travail, que vous respectiez ce métier-là, c’est pas un métier facile, et de respecter les femmes qui travaillent dans ce métier, parce qu’elles souffrent beaucoup. Moi mon dernier mot c’est que j’aimerais que ce travail soit visible.” – R, 46 ans. 

Nos enquêtées sont conscientes que leur travail, faisant partie du “marché secondaire féminin” (Chaïb, 2006), se voit relégué à une place subalterne dans la hiérarchie sociale des métiers. Si bien l’internalisation du travail ménager semble être la revendication la plus objective, ce sont la visibilisation et la valorisation des métiers dits “féminins” qui représentent des revendications tout aussi importantes à leurs yeux. Pour s’affranchir des abus de pouvoir et pour faire entendre leurs revendications, elles utilisent la grève comme principal moyen d’action.

 

Le temps de la grève : sortir de l’oppression et de l’exploitation ?

Un sentiment d’injustice collectif

Le 17 Juillet 2019, une vingtaine d’agentes de ménage de la société sous-traitante d’Accor – STN groupe – se sont mises en grève : cela fait maintenant 9 mois. Ce mouvement, à première vue spontané, dû à la saturation face au labeur de leur travail, ainsi qu’aux conditions d’exercice de celui-ci, repose aussi sur plusieurs éléments précis qui ont provoqué son déclenchement. À partir des trois entretiens que nous avons conduits, nous avons été en mesure de retracer les événements ayant mené à la mise en grève de ces agentes de chambre.

Tout d’abord, comme évoqué précédemment, il ressort des entretiens que la « souffrance » est l’adjectif premier pour qualifier le secteur du nettoyage. Le travail des agentes de chambre apparaît comme une véritable épreuve. En effet, il ressort de nos entretiens un véritable sentiment de révolte et d’injustice par rapport aux conditions de travail. Partant au départ d’expériences personnelles, ce sentiment d’injustice s’élargit à une partie croissante des femmes. Entre problèmes de santé et cadences de travail trop élevées, la rupture va se faire quand l’hôtel Ibis va commencer à remplacer certaines femmes de chambre qui revenaient d’arrêts maladie et n’étaient pas en mesure de faire plus de neuf chambres. En réalité, le remplacement permet à l’hôtel de contourner le licenciement abusif :

Ils voient que les 9 chambres c’est petit, et ça les rapporte pas. Et ils veulent muter. Et parce que s’ils te mutent et que là-bas ça te plaît pas, tu peux démissionner. C’est ça qu’ils voulaient, que les gens démissionnent.” – T.

L’accumulation des formes de maltraitance liée à la sous-traitance semble s’être cristallisée autour de ce moment. La grève a pu “débuter” quand le passage d’un sentiment individuel d’injustice à un sentiment collectif s’est opéré (Puech, 2004). En effet, la grève a permis la naissance d’un collectif, et plus précisément, de la conscience de faire partie de ce même collectif. Dans un travail marqué par l’individualisation des relations, la grève a reconfiguré celles-ci :

… ici personne se connaissait. On se voyait, bonjour, bonsoir, on travaillait. Maintenant on est devenues des familles. Ça fait 8 mois qu’on est ensemble maintenant, tout le monde connaît son caractère des autres… de l’un des autres. Maintenant on est comme des familles.” – T.

L’analyse de ce mouvement de grève permet de montrer que le maintien dans l’emploi n’est pas une condition suffisante pour accepter des conditions de travail précaires. La fin du paiement à la tâche, avec installation d’une pointeuse, l’obtention d’une prime de panier, le rythme de travail et de sa rémunération, sont au cœur des revendications de ces femmes, et motivent leur piquet de grève tous les matins dès 9h à l’entrée de l’hôtel. Il s’agit d’obtenir la reconnaissance de la dureté de leur labeur voire d’acquérir des avantages matériels. Plus largement, il est du devoir de la société de sécuriser leurs conditions de vie :

Nos revendications c’est la baisse de cadence parce qu’on fait, déjà dans une chambre on fait, il y a pas 10 000 chambres, parce que nous sommes payées à la tâche, nous ne sommes pas payées à l’heure. Alors être payées à la tâche ça veut dire 3 chambres et demi à l’heure, donc quand tu ne fais plus 3 chambres et demie ce n’est plus l’heure. Donc crois pas que dans une chambre il y a demi donc on veut la baisse des cadences, qu’on nous baisse les chambres, et en baissant les chambres […]. Et il y a la prime de panier on en a pas jusqu’à présent…” – S, 50 ans.

Aujourd’hui, une dizaine de femmes – sur la vingtaine de départ – n’ont pas cédé face à la peur de perdre leur emploi, malgré les dérives et les formes de pression de leur premier syndicat, CGT-Propreté, notamment les coups de téléphone aux maris de certaines femmes grévistes.

C : Et c’était la majorité des femmes qui s’est mise en grève ?

— R : Oui une majorité, après la CGT propreté appelait les maris des femmes pour leur dire de ne pas se mettre en grève c’est pas bon donc le mari qui mettait la pression « non fais pas la grève », et ses femmes sont tout de suite montées parce qu’elles avaient la pression de leur mari”.

À la suite de cela, les agentes de chambre ont décidé de se syndiquer auprès de la CGT HPE, qui les a tout de suite soutenues et qui leur vient en aide financièrement.

“C : Et les subventions de la CGT elles sont de combien ?

— S : De 800€. C’est ce mois-ci ils nous ont ajouté 100€ donc ce mois-ci on a reçu un chèque de 900€. »

Il est important de noter que la syndicalisation de ces agentes de chambre peut sembler surprenante, dans la mesure où le nettoyage et la propreté, secteur d’activité précarisé, figure parmi les secteurs où l’implantation syndicale est la plus délicate (Doumenc, 2018). Ainsi, la mise en grève de ces femmes nous oblige à la concevoir comme une mobilisation “improbable” ; ce qu’Isabelle Puech qualifie de “grève atypique” (Puech, 2004). En effet, les agentes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles présentent plusieurs obstacles à leur politisation et leur mobilisation : ce sont des femmes, peu qualifiées, ne maîtrisant pas pleinement la langue française, immigrées, la plupart du temps d’origine africaine (nos trois enquêtées viennent de la Côte d’Ivoire, du Congo, et du Sénégal)… Pourtant, elles arrivent à contourner les obstacles liés la précarité et à construire une identité commune ainsi qu’une capacité de résistance collective. La précarité est certes une condition qui marque le corps et les esprits de ces travailleuses, néanmoins, elle fournit une raison pour laquelle la mobilisation devient nécessaire (Bourdieu, 1979).

Les agentes de ménage d’Ibis Batignolles apprennent de leurs consœurs et confrères. Plus précisément, ce combat rejoint plusieurs luttes récentes dans le secteur hôtelier. On peut notamment penser aux slogans “femmes de chambre en grève” ou encore “frotter, frotter, il faut payer” issues d’une grève d’agente de ménage en Juillet 2016, qu’elles se réapproprient. Comme le conflit de 2016, l’outil médiatique est largement mobilisé afin de rendre visible un travail invisibilisé. On pourrait même aller jusqu’à poser l’hypothèse d’un répertoire d’action collective (Tilly, 1986) propre aux luttes hôtelières, qui serait en train de se constituer. On remarque qu’il y a une véritable évaluation mutuelle et des inspirations des différents mouvements de grèves dans le secteur de l’hôtelier entre eux.

Les salariées prennent une sorte de revanche sur leur mise à l’écart perpétuelle, en obscurcissant l’image du groupe Accor : il y a une véritable quête de reconnaissance. La sociologue Caroline Ibos, va même jusqu’à parler de l’émergence d’un “prolétariat féminin et racisé” :

« Ces femmes racisées, qui effectuent un travail dévalorisé et déconsidéré, sont à la fois des symboles d’exploitation de genre, de classe, et de race. Mais elles sont aussi le symbole des résistances, des capacités d’organisation contre l’exploitation. Il ne faut pas seulement les voir comme des victimes ou seulement des personnes vulnérables, il faut aussi les voir comme des femmes en lutte. » (citée in Reporterre, 8 janvier 2020).

Les agentes de ménage constituent une nouvelle figure du prolétariat post-industriel par d’une part l’exploitation à laquelle elles font face, et d’autre part leurs capacités d’organisation, qu’elles se constituent depuis ces dernières années. Les nombreuses mobilisations remportées par les agentes de chambre en France ou en Espagne depuis les années 2000 supportent cette idée.

Durant les premiers mois du conflit, les agentes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles ont eu cinq rencontres de négociation avec la direction de l’hôtel. Or celles-ci n’ont que peu abouti, car la direction d’Accor et la STN proposaient une prime de panier de 3,63 euros, quand les agentes de chambre demandaient un peu plus de 7 euros. Elles ont néanmoins réussi à obtenir l’installation d’une pointeuse afin que leurs prestations soient facturées en volume horaire et non plus en fonction du nombre de chambres nettoyées (actuellement de trois chambres et demie par heure).

Mais derrière les revendications liées aux conditions de travail, la mobilisation sous-tend des revendications plus fondamentales : notamment la reconnaissance sociale du travail (Puech, 2004), et plus largement de la dignité du statut social.

 

À quand la reconnaissance ?

Nous l’avons vu, les agentes de ménage de l’hôtel Ibis sont à l’intersection de plusieurs rapports de domination : genre, race et classe. Cette approche en termes d’intersectionnalité permet de saisir les enjeux plus profonds de la mobilisation, notamment la question de la reconnaissance statutaire, dans à un travail à la fois invisibilisé et déclassé, donc pris pour acquis par la société, selon les mots d’une de nos enquêtées. Ces femmes réclament un droit au respect, à la dignité, à la valorisation salariale notamment et la reconnaissance du travail effectué.

Il y a deux catégories de femmes de chambre dans l’hôtel : celles qui sont employées directement par le groupe Accor, et l’autre par le sous-traitant SNT groupe. Il s’agit donc pour nos enquêtés d’accéder à un statut identique à celui des femmes de chambre du groupe car à travail égal, statut inégal. L’enjeu de la lutte est donc l’internalisation contre la sous-traitance hôtelière :

La première revendication c’est d’être internalisées à l’hôtel ici, maintenant on verra ce qu’ils vont décider […] c’est un boulot qui épuise, qui est fatigant… c’est pour ça qu’on demande au groupe Accor de nous prendre directement, ils ont les moyens ils ont la possibilité de le faire…” – R, 46 ans.

Les agentes de ménage de l’hôtel Ibis, ont pris conscience collectivement des différences significatives dans l’exercice de leur métier et de leur statut, avec les agentes de chambre directement employées par le groupe hôtelier Accor. Ainsi, un enjeu plus fondamental dans cette grève se dégage de cet extrait : celui du statut social, et plus précisément de la volonté d’une égalité entre femmes. Il s’agit de reconstituer une communauté de travail, contre les divisions et fragmentations que crée la sous-traitance.

Cette grève permet également aux femmes de chambre de l’hôtel Ibis de mettre des mots sur leurs pratiques, mais aussi de sortir de l’ombre. Le nettoyage constitue en effet un secteur de relégation, où les agent.e.s de nettoyage sont confronté.e.s à une ségrégation temporelle et spatiale, participant à leur invisibilité (Scandella, 2009). Alors, comment cette “révolte des invisibles” (Le Blanc, 2007) a-t-elle pu être possible et se rendre visible ? Ces femmes de ménage mettent en place des stratégies de reconnaissance et d’appropriation de l’espace public :

“… y’a des actions qu’on fait. On avait fait des actions avec les gilets noirs, les femmes féministes. Le 14 Juillet, heu…non le 14 Février on était parti faire Saint-Valentin à Gare du Nord. On avait fait un action dans un hôtel pour ça. Et là aussi y’a des soutiens des gens de Ministre, et des députés qui sont là. Ouais…” – T.

Ces tentatives de convergence des luttes, la médiatisation accrue du conflit, sont autant de stratégies qui participent à la création d’une image positive (Mazières-Vaysse, 2010), d’une identité de travail dans l’espace social, et ainsi à une place pour ces agentes de ménage dans l’ordre social et non plus en marge de celui-ci. Cette volonté de construction d’une identité positive se retrouve aussi dans les slogans, les actions et manifestations, qui permettent la construction d’une identité de groupe, sociale et politique, positive. Grâce au conflit, ces femmes ont le sentiment d’enfin être visibles, d’exister en tant que professionnelles, salariées :

“… on sort du silence, c’est un secteur qui a été oublié aussi. Ça aussi faut le reconnaître parce qu’être femme de chambre c’est un secteur qui a été oublié, les gens oui ils savent oui il y a des femmes de chambre, il y a des femmes de ménage mais c’est un travail pas facile, c’est un travail difficile, mais c’est un secteur qui a été oublié on en parle pas beaucoup dans les médias. Donc aujourd’hui je crois que nous au moment où nous sommes, on a décidé de sortir de l’ombre, de sortir du silence. Là je crois qu’on a touché…. euh on a touché tout un chacun quoi. Parce qu’on nous voit partout, on nous voit dans les manifs donc au moins chacun est conscient de savoir la souffrance de ce métier…” – S, 50 ans.

Grâce à la grève, elles interviennent publiquement, et semblent avoir pris de l’assurance notamment par la multiplication des interventions dans les lieux publics, comme les universités, ou encore d’interviews. La grève permet la (re)découverte de leurs droits, l’émancipation, la libération de la parole. Ainsi, par leur engagement improbable, et leur apprentissage des techniques de lutte et de mobilisation, les femmes de chambre se forment un véritable capital militant.

On peut remarquer que dans cette grève des agentes de chambre de l’hôtel Ibis, qui se veut un mouvement horizontal, il semblerait qu’il y ait des formes de hiérarchie, symbolisées notamment par la fréquence d’apparition dans la sphère publique. S et R sont les deux figures principales qui émergent du groupe, et sont les deux seules qui répondent aux questions des journalistes, ou des étudiants – ce qui a été le cas pour notre enquête—, qui vont aux conférences universitaires… Elles représentent le groupe des grévistes, et parlent en leur nom. Ainsi, la volonté d’égalité affichée peut être remise en cause par l’émergence de ces leaders médiatiques. On comprend ainsi que la volonté d’éviter toute forme de hiérarchie ne suffit pas à endiguer la mise en place de hiérarchies informelles (Pleyers, 2009).

Aujourd’hui, les agentes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles se battent toujours pour la revalorisation de leurs salaires et de leurs conditions de travail. Quand on demande à nos enquêtées comment elles imaginent le futur de cette grève, la réponse est unanime : “Victoire !”.

  

Conclusion

À travers cette étude des femmes de chambres grévistes de l’hôtel Ibis Batignolles, nous avons mis en lumière comment exploitation et oppression peuvent s’imbriquer dans le cadre de la sous-traitance. Les conditions de travail déplorables sont déterminées à la fois par l’exploitation et l’oppression, dans un cadre de domination de genre, de race, et de classe. Leur position de femme, étrangère, en situation précaire, nécessitant un travail pour des raisons financières et administratives, en fait des cibles idéales pour la sous-traitance, effet du système capitaliste contemporain.

De ce fait, le travail des agentes de ménage, véritable emploi atypique (Boumaza, Pierru, 2007), leur permet néanmoins d’être régularisées, d’obtenir un travail sans compétence scolaire spécifique, et de concilier ce dernier avec leurs obligations familiales. Pour autant elles sont conscientes du métier subalterne qu’elles exercent, de son invisibilité et du peu de valorisation de celui-ci. La grève devient dès lors un moyen d’expression collectif pour ces femmes pour tenter de sortir de l’oppression et de l’exploitation. Elle leur permet de se rassembler, de découvrir leurs droits et de créer des liens entre elles, auparavant inexistants. De par leur précarité et l’exploitation à laquelle elles font face, mais également leur capacité d’organiser et tenir une grève, les agentes de ménage deviennent une figure du prolétariat contemporain.

Une convergence des luttes s’opère : la “révolte des invisibles”, la lutte féministe, contre le racisme, contre l’exploitation. Autant de luttes qui permettent une visibilité de toutes ces revendications, notamment à travers les médias, et qui ainsi contribuent à la constitution de cette convergence des luttes qui amène à une critique plus vaste des conditions du travail dans un contexte de recomposition de la classe ouvrière. La hiérarchie informelle qui s’opère maintenant dans le mouvement de grève nous montre le besoin d’un tel processus d’élargissement de la contestation afin que leurs revendications se légitiment et donc s’imposent dans l’arène politique.

 

Illustration : Stéphane De Sakutin / AFP.

 

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références

références
1 DARES Analyses 2019-43. Les sources des données proviennent de l’enquête Emploi de l’INSEE et l’enquête Conditions de travail et Risques psychosociaux de la Dares.
2 D’une manière générale, l’enquête SUMER (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) de 2010 indique que les femmes sont davantage susceptibles d’être exposées aux TMS.

3 Les femmes non-ressortissantes de l’UE mariées et/ou ayant des enfants nés en France ont des chances d’obtenir un visa dit “regroupement familial”, stabilisant ainsi leur statut migratoire.