Même s’il n’est pas certain que l’intéressé y attache la même importance que nous, pour saluer le 90ème anniversaire de Jean-Luc Godard, nous publions ce 3 décembre 2020 une présentation d’un film rarement visible : Le Rapport Darty[1]. La commande de l’entreprise Darty – probablement suscitée par Godard – y est traitée jusqu’à la saturation. La petitesse de la grande entreprise se révèle dans un regard hissé à la hauteur de l’histoire.
Il semble anachronique que cette entreprise énorme continue d’être effrayée 30 ans après par ce film qu’elle détient, au point d’en poursuivre une certaine rétention : sûrement l’aiment-ils tellement qu’ils veulent le garder rien que pour eux ?
Toujours épris de liberté, Godard s’est engagé politiquement depuis plus de 50 ans du côté d’une émancipation égalitaire exigeante, et dans une inquiétude démocratique renouvelée. Il a aussi engagé son cinéma avec lui : explorant sans cesse de nouveaux continents pour son art. Saluer son anniversaire, c’est une façon d’exprimer une dette à son égard que nous sommes nombreuses et nombreux à éprouver. Une façon aussi de manifester notre curiosité impatiente pour les œuvres auxquelles il travaille actuellement.
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En 1971, l’année précédant la réalisation de Tout va bien, Godard et Gorin, alors réunis au sein de leur groupe Dziga Vertov, obtiennent d’une multinationale publicitaire un avantageux contrat qui, contre une rémunération régulière, ne les contraint qu’à faire une proposition de film publicitaire par mois parmi les contrats en cours pour la compagnie et à réaliser au moins un film dans l’année. Dans un joyeux esprit de potaches gauchistes, les deux compères se plient scrupuleusement aux obligations contractuelles, ni plus ni moins, en veillant soigneusement à proposer des films ruineux ou irréalisables. Pour l’un d’entre eux ils exposent sérieusement la nécessité, avant le tournage, de fabriquer, avec une structure en béton et dans les dimmensions appropriées, un trampoline pour éléphants…
Finalement, il leur faut bien s’aquitter de la réalisation d’un film dans l’année pour justifier leurs salaires mensuels déjà perçus. Pour cela, Godard réclame la rémunération de toute son équipe, (composée notamment de la comédienne Juliet Berto et du chef opérateur Armand Marco) pendant une semaine de cinq jours de travail. Le produit à promouvoir est une lotion après-rasage, Schick. En une demi-journée, Godard et son équipe tournent 5 prises en plan séquence de la publicité. Le chef opérateur est prié d’adresser chaque prise sur une bobine différente au laboratoire. Chaque soir, Godard va présenter une prise aux commanditaires, écoute leurs remarques et revient le lendemain en présentant la prise suivante comme si elle était le résultat des rectifications demandées. Ainsi le salaire de l’équipe se trouve-t-il justifié pour toute la semaine…
Cette publicité a été conservée. On y voit un couple (Juliet Berto et un homme) se réveiller un matin au son d’une radio qui déverse un flot d’informations sur les guerres en cours au Vietnam et en Palestine. Aussitôt levé, le couple s’échange un flot d’injures et de grossièretés, quand soudain l’homme ouvre son flacon de lotion Schick. Toutes les contradictions s’appaisent alors miraculeusement : la radio se tait et le couple devient subitement tendre. A la fenêtre de leur appartement d’un immeuble populaire en béton, la bouteille de lotion trône dans un dernier plan.
Cette publicité reproduit et parodie jusqu’à l’absurde la logique publicitaire qui convoque les contraditions et affrontements du monde réel pour en représenter une invraisemblable résolution magique provoquée par l’apparition du produit promu. La parodie a ici une fonction didactique qui est de révéler la « théorie de la connaissance » à l’œuvre dans une telle publicité.
Godard et Gorin avaient ainsi rempli leur obligation contractuelle, bénéficié d’un salaire pendant toute l’année, donné à leurs complices l’occasion d’un salaire d’une semaine pour une demi-journée de travail. Le commanditaire, quant à lui, malgré le prestige du nom de Godard, n’utilisa semble-t-il jamais ce film publicitaire. Or, c’était sans doute bien là l’enjeu de cette expérience pour Godard, réussir à remplir apparemment les attentes contractuelles du commanditaire, tout en lui fournissant un produit inutilisable, du fait d’un déplacement de sa fonction. Il se peut que cette expérience soit paradigmatique de la relation de Jean-Luc Godard à la commande. À titre de contribution à un examen plus systématique des œuvres commandées de Godard, tentons ici d’aborder le cas du Rapport Darty.
Souvent cité, y compris par Jean-Luc Godard lui-même vingt ans après,[2] Le Rapport Darty réalisé en collaboration avec sa complice Anne-Marie Miéville n’est que très rarement visible. C’est que son commanditaire a jusqu’à présent largement fait obstacle à sa diffusion, sauf en quelques rares occasions, telles que l’intégrale des films de Jean-Luc Godard au Centre Pompidou en 2006 ou celle, encore plus complète, à la Cinémathèque Française au début de 2020, succédant à l’exposition au Théâtre des Amandiers de Nanterre à l’automne 2019 où l’on pouvait également voir Le Rapport Darty. Le film apparaît de temps en temps en ligne, et est toujours retiré peu après, probablement à la suite de démarches des ayant-droits. Pour qu’après trente ans se maintienne une telle rétention, il faut qu’une relation forte et conflictuelle se soit nouée entre le commanditaire et l’œuvre commandée.
Notre hypothèse, ici, est que cette relation, loin d’être un « détournement » de la commande, selon le poncif le plus répandu en la matière, est bien plutôt une prise en compte profonde de celle-ci, à un point tel que les termes de la commande n’étant que trop remplis, c’est le commanditaire qui se trouve mis à nu, et par là-même, en un sens, outragé. Ces termes, nous ne les connaissons que très sommairement, rapportés par Godard à l’occasion de quelques entretiens :
On a essayé de susciter la commande : je connaissais le directeur, il disait : « Ah ! Je ne sais plus qui je suis, ce que je fais. Je gagne trop d’argent. » Je lui ai dit : « Ben, commandez-nous une étude, nous on va vous dire qui vous êtes ; et si vous payez un bon prix… »[3]
Néanmoins, et quand bien même cette commande serait suscitée, nous pouvons essayer de partir des termes rapportés par Godard comme genèse de cette commande, et voir un symptôme de confirmation de l’outrage dans le peu d’enthousiasme qu’ont les propriétaires de ce « film de prestige » à le laisser circuler. La logique de cet outrage consiste pour Godard à aller jusqu’au bout des termes dans lesquels il est parvenu à susciter la commande : l’origine de l’outrage qui aboutit à cette situation de quasi-censure du film fini, est à situer dans la cruauté ou le sadisme du cinéaste qui respecte scrupuleusement le contrat qu’il a su soutirer au commanditaire. Godard tient littéralement sa promesse, et renforce finalement l’outrage par le fait qu’il l’avait, finalement, prévenu !
L’idéologie régnante de l’art, et en particulier du cinéma, considère avec un certain dédain la commande, comme un contexte alimentaire ou comme une nécessité dont les termes, le « cahier des charges », doivent être niés pour permettre une pleine expression de l’auteur, de son supposé « message », du plein déploiement de son style[4]. C’est une éthique aux antipodes de cette vulgate qui a abouti au rejet par ses commanditaires du film Le Rapport Darty, et à son extension en tant que film intégrant la discussion de ce rejet par les auteurs. Si un déplacement permet qu’une éthique commande bien plus assurément le film que les termes d’un éventuel cahiers des charges du commanditaire, c’est qu’à ces termes, les auteurs substituent dans Le Rapport Darty ceux d’une commande sociale, en ce sens qu’ils n’hésitent pas à avoir « l’audace de déclarer au ‘client’ qu’il ne comprend pas lui-même ce qu’il commande[5] ». En effet, le premier constat qui s’impose à la vision du film, est que les destinataires auxquels le discours, sans cesse, s’adresse ne sont pas les commanditaires eux-mêmes, mais bien plutôt un éventuel public, disons « universel », se situant en tout cas bien davantage du côté des clients possibles des magasins Darty que de leurs propriétaires. Lesquels ne sont pas absents du discours, loin s’en faut, mais toujours évoqués à la troisième personne : « …ces gens ont une entreprise, mais ils n’ont pas d’histoire. Qu’espèrent-ils ? et qu’espèrent-ils de nous ? » (6’)[6] Ce « ils » omniprésent, renvoie à la mention « les dirigeants de la société Darty » faite dans les premiers instants de la voix over. Au contraire d’une déférence à l’égard du commanditaire, les auteurs, systématiquement, opposent à son attente un principe moral dont ils n’entendent pas se détourner :
« avons-nous le droit de dire tout cela ? Oui, nous l’avons, et le devoir. » [cinq théologie (20’)]
« le devoir en tous les cas, nous l’avons, et c’est notre fardeau » [ACTE 3 (27’20’’)]
De ce « devoir de dire », le discours et le film qui le supporte, se découpent en cinq actes suivis d’une conclusion, les trois premiers actes étant traversés par huit mouvements dont les numéros apparaissent à l’écran de même que le découpage en actes et conclusion.
Le premier acte, qui est aussi la première moitié du film (20 minutes sur un peu plus de 40 au total) contient manifestement ce qui fut une première livraison de la commande, adressée aux commanditaires, et suscitant la lettre qui ouvre le deuxième acte, par laquelle il est demandé aux cinéastes d’interrompre leur travail.
Toute la deuxième moitié du film (les actes 2 à 5 et la conclusion) déploient « l’impératif moral » bien ironique que se fixent les auteurs de poursuivre leur travail malgré le commanditaire. La relation à celui-ci est donc non seulement inscrite dans le film, mais en constitue manifestement, au moins pour une part, l’objet. Objet d’une recherche tant il est manifeste que pour Godard, et notamment dans ce film, le cinéma doit être conçu comme un outil de connaissance scientifique, comme le signale un dialogue qui précède l’apparition, à la 18ème minute, du titre du mouvement « trois chimie » :
AMM[7] : Je ne dis rien, mon pauvre ami. Je regarde. C’est tout. Et ce n’est rien.
JLG (Nathanaël) : Ce qui est déjà beaucoup dire.
AMM : Oh ! Je vous en prie Nathanaël : ils nous ont demandé un regard sur eux, levons les yeux, comme Ptolémée et Kepler. Et baissons les, comme Pasteur. Qu’avons-nous entendu et vu jusque là ?
JLG : Des éléments, mademoiselle Clio.
AMM : Tout à fait : des éléments. A nous d’opérer une classification par quelques expériences.
De voir, par exemple, si une chaîne se forme, de la victime au bourreau, de la mère à l’enfant, du vendeur au client, de la graine à l’arbre et au fruit. Vous savez bien que tout dans l’univers s’enchaîne, plus et moins.
JLG : Alors, on ne fait plus de cinéma, mais de la chimie ! [Classification périodique des éléments]
AMM : Ne faites pas l’enfant ! Où est la différence ?
Constante de Godard, est cette revendication de la caméra comme outil d’observation scientifique :
La caméra ne sert plus, sauf chez cinq, six cinéastes solitaires. Les films sont faits sans caméra mais avec des projecteurs quand, en science, le microscope et le télescope servent toujours à voir des choses que l’on ne verrait pas sans eux. La caméra sert à voir des choses que l’on ne peut voir sans elle. Et on projette ensuite ce que l’on n’aurait jamais vu sans elle.[8]
Revendication réitérée dans le texte du film :
Il a été, à peine notre droit, mais surtout notre devoir d’observateurs scientifiques : faire exploser un espace et un temps de matière et regarder les traces. Et puis trouver une constante, à la façon de Sir Isaac newton et Albert Einstein. Mais aussi comme Paul Cézanne lorsqu’il étudiait une simple pomme. (36’)
Le cinéma est ici considéré dans la tradition vertovienne, comme tout autre chose qu’un appareil de reproduction du visible. « Ne copiez pas sur les yeux » était un des mots d’ordre centraux de Vertov : c’est que la caméra est apte à d’autres usages.
Tout aussi constante est cette affirmation par Godard, utopique ou pas, vertovienne aussi, certainement, d’une pensée spécifiquement cinématographique, une pensée de cinéma ou en cinéma[9].
Dès la première partie, les outils d’observation, la caméra et le magnétophone nous font pénétrer une réunion interne à la société, dans laquelle des cadres évoquent les horaires de travail de Noël auprès des vendeurs. C’est la première phrase du film : « Nous, ça nous apporte quoi ? On n’a jamais rien ! / Vous travaillez dans un commerce et vous ne pouvez pas, à ce titre, vous dire ‘je vais finir à 19h30 précises’ » Suit toute une discussion sur les horaires du mois de décembre et la probabilité de ne pas finir le travail avant 20h30. Mais, demandent les salariés, « pourquoi ? ».
Le film répond par un extrait de la chanson de Léo Ferré : « L’Oppression ».
Puis on entend l’exposé d’un cadre ou manager exposant le principe du chiffrage des performances des magasins selon l’état des ventes d’un type de marchandise. Deux phrases apparaissent alors sur l’écran, parfois en surimpressions : « utile à un seul / d’avoir / des provisions pour deux » et « les civilisés paraissent / si étrangement perdus / si sourds à la vérité / qu’il faudra les contraindre [image d’un camion DARTY] / aux voies du bonheur »
Au cours de ce texte, on entend le début de la chanson d’amour qui fit la gloire de Barbara Streisand dans Funny Girl : « People ». Elle-même à l’occasion d’un concert, s’émerveillait de la résonance diversifiée que pouvait trouver cette chanson selon les contextes où elle est chantée : « People / People who need people / are the luckyest people / in the world » [Les gens / Les gens qui ont besoin des gens / sont les plus chanceux / au monde]. On peut ici l’entendre, recontextualisée selon le procédé du détournement situationniste, comme une adresse aux patrons concernant les salariés, à la façon du vieux mot d’ordre ouvrier « le patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui » : chanceux les patrons, car ils ont besoin des gens. Cette première partie du film, on l’aura compris, adopte le point de vue des salariés.
À ce stade du film, on pourrait s’attendre à ce qu’il prenne la direction d’un discours de lutte de classes à l’encontre des dirigeants de la société commanditaire. Mais, bien vite, cette orientation esquissée sera délaissée.
Pourtant, pour nourrir ce point de vue, plusieurs textes seront convoqués par la voix off, toujours signalés à l’écran par le nom de leur auteur et l’œuvre à laquelle ils sont empruntés : (1) « JJ Rousseau : du bonheur public », (2) « Pierre Clastres : la société contre l’État », (3) « Marcel Mauss : essai sur le don », (4) « Georges Bataille : la part maudite », (5) « John Locke : deuxième traité du gouvernement civil », (6) « Karl Marx : le capital ». Le premier situe la disparition d’une égalité originelle dans l’apparition de la propriété produite par le constat qu’il « était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux ». Le deuxième situe l’origine de l’État dans le verbe, marquant le poids des discours qui le fondent. Le troisième, situe les échanges économiques au milieu d’un système plus général fixant par « contrat » une « morale de l’échange » qui règle tout aussi bien les rites. Le quatrième renverse dialectiquement la notion de richesse en situant sa vérité dans la misère et le luxe dans l’oisiveté des miséreux. Le cinquième relie l’inaliénable propriété, par laquelle chacun dispose de sa propre personne, à celle de son propre travail, par lequel il s’approprie la nature. Le sixième et dernier évoque une autre usure dont la machine est l’objet : son usure « morale » qui réside dans son inaction. Tous ces textes, finalement, proposent une constellation de remarques anthropologiques autour de l’économie[10].
Puis, le point de vue proposé par le film, en effet, se déplace. Dans une séquence signalée en surimpression par le numéro « quatre » et intitulé « guerre et paix », on assiste à « l’assaut contre Mauricette » : les efforts d’un vendeur pour vendre une garantie payante à une cliente agée. « La prise du porte-monnaie de Mauricette par le roi des vendeurs ». Ironiquement, des extraits de Perceval le Gallois d’Éric Rohmer donneront une épicité chevaleresque aux efforts éhontés de ce vendeur.
La bande son du film met alors en scène l’arrivée d’une lettre de la société Darty, celle-là même qui enjoint les cinéastes de ne pas poursuivre la fabrication de leur film. Toute la suite, numérotée en actes de 2 à 5 suivis d’une conclusion, consistera à répondre à cette lettre dont des traces à l’image nous indiquent l’existence réelle.
La transition entre ce premier acte et l’acte II du film est assurée par une succession d’extraits de la chanson de Léo Ferré « Le Conditionnel de variété[11] » : « Comme si je vous disais… ». Cette chanson de 1971 répondait à une demande de soutien au journal maoïste La Cause du peuple contre son interdiction par l’État. Plutôt que de descendre vendre ce journal dans la rue, comme le firent Sartre et Truffaut, ou signer une pétition, participer à un meeting, etc. Ferré fit le choix d’écrire et chanter cette chanson, dans laquelle l’accompagnement musical semble sans cesse distinct des parties chantées, presque parlées. Il y énumère les faits et éléments d’actualités sur lesquels il serait supposé ne pas se prononcer en tant qu’artiste de variétés. Il est plus que probable que cette chanson aura marqué Jean-Luc Godard en ce qu’elle consiste précisément à répondre à une situation qui appelle un engagement militant, depuis sa propre place et au sein de sa propre production, ce qui était aussi le projet du groupe Dziga Vertov. La litanie des « comme si je vous disais… » qui compose la chanson de Ferré énumère les remarques politiques que ne saurait s’autoriser de formuler un « artiste de variétés, car on pourrait [lui] repprocher de parler de choses qui ne [le] regardent pas ». La reprise des « comme si je vous disais… » scande au montage son une série de « vérités », plus ou moins amères, que les cinéastes adressent à la société Darty au titre de leur « rapport ». Ainsi, les cinéastes mettent en scène par cette citation ce qu’ils présenteront en conclusion du film comme étant « l’extrême rigueur du miroir que nous leur offrons en retour de leur demande » qu’ils opposent à l’attente qu’ils supposent être celle des chefs d’entreprise commanditaires d’un film de prestige : « un conte de fées ». Au « conte de fées » qui doit sans doute accompagner la promotion des marchandises fétichisées dans l’imaginaire entrepreunerial, il est curieux de voir Godard opposer une vision de son travail ravalée à un reflet réaliste offert par un « miroir » d’une « extrême rigueur ». Faudrait-il comprendre que Godard prend au pied de la lettre sa propre comparaison de la caméra avec les instruments d’observation scientifique (microscope, téléscope) ?
L’acte II voit les cinéastes interroger la nature même des marchandises vendues par la chaîne Darty : des appareils qui fournissent la « mémoire des sons », la « mémoire du froid », etc. Ici se poursuit probablement le programme que devait suivre le film avant que ses commanditaires en demandent l’interruption. L’activité du groupe Darty n’est nullement examinée selon sa place dans le secteur économique qui est le sien, ou selon les conceptions plus ou moins récentes du « management » imposé à ses salariés, mais bien plutôt selon une interrogation métaphysique qui questionne la nature de son activité et des marchadises qu’elle vend, « du point de vue d’une espèce d’éternité ».
Ainsi les cinéastes peuvent-ils déclarer, sans ironie cette fois :
« Voyez-vous, cette lettre du groupe Darty, je ne la trouve pas très juste. Honnête, certainement, et cependant, pas réellement équitable, pour eux, surtout… En fait, ils auraient peut-être voulu un film publicitaire, simplement un peu plus long… »
Ainsi, on achèvera de s’en convaincre en lisant le texte de la fin du film[12], Le Rapport Darty recommence ce que Godard aurait déclaré à propos de Tout va bien selon Noël Godin :
« Tout va bien, c’est le financement d’un cocktail Molotov par ceux qui vont le recevoir en pleine figure[13]. »
Mais ici, le « cocktail Molotov », l’outrage véritable, consiste d’abord à prendre au sérieux jusqu’au bout une commande selon les termes rapportés qui l’ont initiée : « Ah ! Je ne sais plus qui je suis, ce que je fais. Je gagne trop d’argent » déclarait le commanditaire (d’après Godard). Le film répond à cette souffrance subjective par plusieurs extraits de la chanson de Léo Ferré « La solitude » qui mettent à distance les gestes du travail quotidien dans les magasins Darty. La désorientation elle-même du commanditaire devient le sujet de départ du film qui se propose de prendre Gauguin comme guide :
AMM : L’Europe se réveille[14]. Et les dirigeants de la société Darty font choix de ce moment d’une vieille histoire pour se poser une question.
JLG : La même question que Paul Gauguin il y a 100 ans.
AMM : Oui Nathanaël : la même question : « D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? ». Mais voilà : ils ne vendent pas de tableaux mais des frigos, et de la HiFi. Alors ils ne savent pas répondre. Et ce silence, leur silence, les glace et les inquiète.
Et après plusieurs variations du point de vue, celui qui domine en définitive, comme le rappelle la conclusion, est celui des clients :
…les dirigeants de la société Darty ont oublié que nous étions aussi des clients et que nous le serons toujours jusqu’à la fin des temps de notre vie, et que nous transmettrons comme eux ce rapport à nos enfants.
Et que nous connaissons les frigos et en tous les cas la haute fidélité, et qu’à travers elle, pour la première fois, et je le crains l’unique, la dernière, un client leur parle. Mais un client taillé sur le même patron qu’eux. D’où l’extrême rigueur du miroir que nous leur offrons en retour de leur demande.
Il est bien incertain que l’on puisse extrapoler de l’expérience de ce film un modèle paradigmatique de relation à la commande par un outrageux respect de ses termes. Tout au plus peut-on pointer ce que Godard lui-même tente par ce film de construire et de mettre en scène comme une sorte d’idéal de la relation conflictuelle à la commande : son double outrage au commanditaire. Il consisterait non seulement à maintenir, fût-elle suscitée, sa commande malgré lui, mais sans doute surtout à en déplacer l’enjeu là où le commanditaire ignorait lui-même que ses termes de départ (« Ah ! Je ne sais plus qui je suis, ce que je fais. Je gagne trop d’argent ») l’avaient située : sur un terrain subjectif, existentiel, et non économique ou publicitaire. C’est la fonction de la commande qui serait subvertie, révélant par ce geste de quoi « l’appareil » cher à Brecht (ici, le cinéma) est finalement capable, en excès au regard des attentes ou de l’imagination du commanditaire.
* Anne-Marie Miéville & Jean-Luc Godard, France-Suisse, 1989, 41’, vidéo.
[1] Un premier état de ce texte était paru en 2012, après avoir été présenté lors d’une journée d’étude en 2010 : David Faroult, « Outrage au commanditaire : Le Rapport Darty, Anne-Marie Miéville, Jean-Luc Godard (France -Suisse, 1989, 41′, vidéo) », in Jean-Marc Lachaud, Olivier Neveux (dir.), Une esthétique de l’outrage ?, Paris, Editions L’Harmattan («Ouverture philosophique». Série «Arts vivants»), 2012, pp. 129-142. Merci à Jean-Marc Lachaud et Olivier Neveux d’en autoriser la republication ici.
[2] Notamment dans son entretien avec Mediapart à l’occasion de la sortie de Film Socialisme en 2010. Voir : http://www.dailymotion.com/video/xdc4he_jlg-8-10-entretien-avec-godard-medi_news (page consultée le 16 juin 2010) :
« …on a fait un film, comme ça, pour Darty, qui s’appelle Le Rapport Darty. Je vous en ferai une copie. Là, je ne peux pas vous le passer parce qu’il n’y a pas de copie… C’est un garçon qui s’appelle Philippe Francès, qui était le directeur – parce que c’était les frères Darty – …et puis c’était un copain… qui connaissait Alain Sarde. Et un jour, je ne sais pas, il m’a… Alain Sarde m’a dit ‘j’ai vu Francès, il m’a dit un truc bizarre, c’est : je gagne trop d’argent, je ne sais plus ce que je fais’. Et je lui ai dit : ‘bein, invite moi à déjeuner avec lui’ et puis je lui dis : ‘s’il me donne 2 millions (à l’époque 2MF, deux millions d’anciens francs), on lui fait un film pour lui dire où il en est’. Puis ça s’est fait comme ça. On avait fait un contrat juste sur une feuille de papier où… et après il avait mis ‘ce contrat est un contrat d’effort et pas de résultat’. Bon aujourd’hui il a le film. Il l’avait détesté quand il l’a vu. Actuellement c’est le seul qui en ait des copies. (Peut-être qu’il y a par hasard des copies chouravées, parce qu’il a été présenté…). Enfin pareil : il l’a vu 300 fois. Et il lui appartient. C’est tout. (rires) C’est un film assez… que j’ai fait avec Anne-Marie, et qui est pas mal. » [NB : J.-L. Godard sous estime ici manifestement le tarif de la commande. La voix-over du film indique « Et il y a encore 30 millions de centimes à la livraison. », ce qui laisse supposer que la transaction s’est monayée pour un prix dix à trente fois supérieur au moins à ce que signale ici J.-L. Godard.]
Avant de finir le film, J.-L. Godard faisait un récit très approchant de sa genèse dans un entretien avec François Albéra (Jean-Luc Godard, Entretien avec François Albéra, in « Le cinéma selon Godard », CinémAction, n°52, 3ème trimestre – juillet 1989, p. 87-88.) :
« Même là, on a accepté un film de commande sur Darty. Ils nous ont demandé, enfin ! On a essayé de susciter la commande : je connaissais le directeur, il disait : « Ah ! Je ne sais plus qui je suis, ce que je fais. Je gagne trop d’argent. » Je lui ai dit : « Ben, commandez-nous une étude, nous on va vous dire qui vous êtes ; et si vous payez un bon prix… » On est en train de monter ça et je relis un peu Le Capital et Fichte. Mais, comme tu dis, c’est un moyen de faire ce qu’on ne peut plus faire dans la fiction. »
[3] Voir citations complètes et références en note n°2.
[4] « …la limitation de la libre invention de l’individu est en soi un procès progressiste. L’individu se trouve de plus en plus impliqué dans de grands processus qui transforment le monde. Il ne peut plus se contenter de ‘s’exprimer’. Il est tenu et mis en demeures de résoudre des problèmes d’intérêt commun. L’erreur de compte est seulement qu’aujourd’hui les appareils ne sont pas encore ceux de la communauté, que les moyens de production n’appartiennent pas à ceux qui produisent et qu’ainsi le travail prend un caractère de marchandise et se trouve soumis aux lois communes de la marchandise. L’art est une marchandise – impossible à fabriquer sans moyens de production (sans appareils) ! » [Bertolt Brecht, « Notes sur l’opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny » in Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, L’Arche, Paris, 1983, p. 65.]
[5] Ossip Brik, « La commande sociale : mot d’ordre, et non théorie » (1929), in Change, n°4 : « La mode, l’invention », 4ème trimestre 1969, pp. 193-194 ; citation complète :
« Mais lorsque le LEF parle de commande, il n’entend point par là une commande faite par des représentants individuels de la classe elle-même, ou encore par des organisations distinctes où s’exprime la volonté de classe. Il s’agit pour lui d’une compréhension autonome de cette commande sociale, qui peut entrer en contradiction avec les commandes réelles des représentants de cette classe.
Les membres du LEF ne sont pas indifférents à la nature de ce qui fait la commande, et il leur importe de savoir si la commande réelle correspond à la commande sociale, comme le comprend le LEF : c’est précisément pourquoi ils tiennent tant à leur autonomie. Cette autonomie, qui depuis longtemps irrite Polonski, n’est pas l’autonomie d’un groupe social, mais d’un collectif de production, qui a l’audace de déclarer au ‘client’ qu’il ne comprend pas lui-même ce qu’il commande.
Si le Comité des Beaux-Arts de Moscou veut passer commande de bustes et de monuments pour décorer la ville et que le LEF, rejetant cette commande, suggère de paver les rues, le LEF ne s’oppose pas au Comité comme le feraient deux groupes sociaux différents mais comme deux groupes de même nature sociale, qui comprennent de manière différente les besoins de leur classe.
(…)
La valeur sociale de l’artiste est définie, non par son origine sociale, mais par la signification sociale des tâches qu’il s’assigne.»
En citant Ossip Brik, il faut prendre toute la mesure du contexte dans lequel il (croit) s’exprime(r) : un contexte dans lequel l’Etat commanditaire représenterait les besoins des classes travailleuses et populaires. Quoi qu’il en ait réellement été de ce point de vue, cela oriente évidemment la nature des propos de Brik sur la commande.
Par ailleurs, la déclaration de Brik (« l’audace de déclarer au ‘client’ qu’il ne comprend pas lui-même ce qu’il commande ») serait peut-être à rapprocher de celle attribuée à Jean Vilar : « Il faut avoir l’audace et l’opiniatreté de présenter au public ce qu’il ne sait pas qu’il désire ».
[6] Les extraits de la bande sonore du film sont cités avec une indication de leur situation temporelle dans le film. (6’) indique que la phrase citée est prononcée vers la sixième minute du film dans la copie que nous avons pu consulter.
[7] Les abréviations AMM (pour Anne-Marie Miéville) et JLG (pour Jean-Luc Godard) signalent leurs voix entre lesquelles se distribuent les textes en voix-over. Dans cette partie du film, JLG s’est distribué le rôle sonore du personnage de Nathanaël (« don de dieu »), un vieux robot qui dialogue avec « mademoiselle Clio » (muse de l’histoire).
[8] Cf. « Le cinéma ne se joue pas à pile ou face : entretien avec Jean-Luc Godard (réalisé par Michel Guilloux) » in L’Humanité, 20 mai 2004. http://www.humanite.fr/2004-05-20_Cultures_Le-cinema-ne-se-joue-pas-a-pile-ou-face-entretien-avec-Jean-Luc (page consultée le 16 juin 2010).
Citation complète : « J’ai souvent fait des films de commande, comme le Rapport Darty, avec Anne-Marie Miéville, qui n’est passé nulle part. Ce sont des films intéressants à faire si la personne qui commande est honnête, et vous aussi. C’était une forme de rapport qu’on devrait plus souvent réaliser sous forme de film que sous la forme de papier qui finit dans une bibliothèque, et qu’on devrait mettre dans une bibliothèque spéciale avant de demander aux Serbes de la brûler de temps en temps. Et puis ces rapports – champ, contrechamp – sont aussi des parcours qui permettent de rire de temps en temps, sinon on ne rie pas beaucoup avec les fabricants de textes.
Aujourd’hui, nous arrivons à la fin de la période du cinéma que l’on a connu, y compris de celle qu’on n’a pas connue – celle de nos parents. La caméra ne sert plus, sauf chez cinq, six cinéastes solitaires. Les films sont faits sans caméra mais avec des projecteurs quand, en science, le microscope et le télescope servent toujours à voir des choses que l’on ne verrait pas sans eux. La caméra sert à voir des choses que l’on ne peut voir sans elle. Et on projette ensuite ce que l’on n’aurait jamais vu sans elle. Aujourd’hui, le réalisateur projette à travers la caméra ce qu’il sait déjà de ce qu’il va voir, un peu comme un médecin qui, à peine entré dans son cabinet vous dirait : « Vous avez le diabète » – ce que font beaucoup de médecins. la caméra ne sert pas à ausculter – ce que sait faire tout bon généraliste. On projette tout de suite. On prétend même « clarifier la situation ». La caméra va disparaître peu à peu et avec elle la forme négative puis positive de la pellicule. Il est peut-être normal après tout que tout cela ne dure que cent ou cent cinquante ans, depuis l’invention de la photographie donc. »
[9] Faut-il attribuer aux jeux de suggestion et d’associations d’idées appelées par des rapports d’images mises en surimpression, le fait qu’en voyant Le Rapport Darty j’ai pu soudain m’étonner du logo conservé depuis si longtemps par la compagnie, inscrivant son nom en lettres noires au milieu d’un rond blanc inscrit dans un carré rouge ? Ce rond blanc entouré de rouge et occupé par un signe en noir est le graphisme que nous connaissons de l’emblème du parti nazi, si l’on substitue la croix gammée au nom de la société.
[10] Voir (et écouter) le podcast de l’ENS du séminaire de Bernard Pautrat consacré à Spinoza : A propos du Rapport Darty de Jean-Luc Godard, publié le lundi 08 avril 2013, Paul Fabra, David Faroult, Jean Narboni, Bernard Pautrat (Durée : 56:28) :
https://podcloud.fr/podcast/arts/episode/a-propos-du-rapport-darty-de-jean-luc-godard
https://savoirs.ens.fr/expose.php?id=1294
Hervé Duhamel, qui était l’assistant de Jean-Luc Godard y apporte un précieux témoignage spontané de 26’58’’ à 33’30’’. Il évoque en particulier (à 28’) le fait que son épouse et lui ont sélectionné les textes de Rousseau, Locke, etc. qui sont intégrés au film.
[11] Léo Ferré, Le conditionnel de variétés : https://www.youtube.com/watch?v=zxIIhnLRqko
[12] Texte de fin du Rapport Darty de Jean Luc Godard & Anne-Marie Miéville :
« Voici une surface, et voici des emballages. Voici des fours, mais l’acheteur doit amener la faim. Voici des machines à laver, mais la maman doit amener la fatigue et le linge sale. Voici du vent, mais la femme doit amener la beauté. Voici des téléviseurs, mais le rêveur doit avoir le rêve quelque part à l’intérieur de lui-même.
Et de ce fait de la séparation impitoyable de la forme et du contenu, les clients se retrouvent – se cherchent et se trouvent – dans une situation impossible.
Ils tendent les mains vers les images. Ils les achètent et on les leur vend avec une extrême gentillesse. Mais l’opération de vente et d’achat a transformé les images. Et dans les mains, ils n’ont plus qu’une boîte à images. Une forme obligatoire et dure, la métaphore solide d’un rêve incertain ; ils ont, enfin, en mains, si je puis dire, le rêve de la certitude sous la forme de la certitude du rêve.
Comme si on achetait un miroir, et qu’une fois l’utilisant, l’image étant devenue le cadre, à proprement parler l’utilisateur ne peut plus s’encadrer. C’est l’image démoniaque, dont parlait notre très chère Lotte Eisner dans son ouvrage à propos du cinéma allemand d’avant la guerre.
Oui, on ne vend ici que de l’image. Mais on la vend comme si elle était solide : le froid est devenu frigo, tout comme Hollywood est devenu Thomson ou Phillips. Et les 6000 employés de l’entreprise Darty vendent toutes les images, puisqu’ils vendent toutes les marques.
Mais voilà, l’image, et son frère de sang le son, et leur mère et leur père, le désir et l’inconscient, sont les seules choses au monde impossibles à négocier réellement.
Sauf si on les métamorphose solidement.
Et le succès de l’entreprise Darty est qu’ils se contentent, c’est-à-dire qu’ils sont heureux et contents, de rendre toutes les images à succès fondamentales : le froid, le chaud, le bruit, le propre. Et c’est du solide maintenant, d’une part.
Et d’autre part, ils garantissent plus longtemps que d’autres l’usage de ce succès. Le succès lui-même est devenu solide. Et l’avenir des rêves est ici et maintenant garanti, pièces et main d’œuvre comme on dit.
Or, la main : oui. Mais l’œuvre, la création…
Je m’explique alors l’étonnement des dirigeants de Darty et probablement de leurs employés, encore que, en nous écoutant. Nous les mettons, patrons et employés, si j’ose dire, le nez dans leur salon : le bien nommé « salon des arts ménagers ». Mais en comparant à l’art tout court, on fait tout exploser.
Il a été, à peine notre droit, mais surtout notre devoir d’observateurs scientifiques. : faire exploser un espace et un temps de matière et regarder les traces. Et puis trouver une constante, à la façon de Sir Isaac newton et Albert Einstein. Mais aussi comme Paul Cézanne lorsqu’il étudiait une simple pomme.
Et l’on voit bien qu’il s’agit de gens simples, et combien ils ont de la gravité à revendre, en examinant sous toutes les faces l’objet ordinaire de leur rêve extraordinaire.
Parce que, voilà ce qui s’est passé : en nous ordonnant ce travail, et ensuite en nous écrivant cette lettre qui nous demande d’abandonner ce travail si nous sommes incapables d’en faire un conte de fées – alors même que c’est un conte de fées – les dirigeants de la société Darty ont oublié que nous étions aussi des clients et que nous le serons toujours jusqu’à la fin des temps de notre vie, et que nous transmettrons comme eux ce rapport à nos enfants.
Et que nous connaissons les frigos et en tous les cas la haute fidélité, et qu’à travers elle, pour la première fois, et je le crains l’unique, la dernière, un client leur parle. Mais un client taillé sur le même patron qu’eux. D’où l’extrême rigueur du miroir que nous leur offrons en retour de leur demande.
Car si le miroir se nettoie et que l’appareil de télévision se répare, une image ne se met pas dans une machine à laver.
Comment savons-nous d’ailleurs qu’elle est sale et hors d’usage ?
C’est le propre des images de venir d’ailleurs. Et cet ailleurs est ici, nulle part ailleurs. »
[13] « Entretien avec Noël Godin » in « Le cinéma selon Godard », CinémAction, n°52, 3ème trimestre – juillet 1989, p. 26.
[14] Le film est réalisé en 1989, autour de la chute du mur de Berlin.