À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps publie du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour.
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Du côté du Comité central, on s’inquiète du risque de dissolution de l’autonomie de la garde nationale, même si certains membres pensent qu’il est logique que la Commune ait le pouvoir administratif et politique en laissant au comité central le pouvoir militaire. Il est certain qu’il est important de bien délimiter les pouvoirs respectifs. Par exemple, le fait que la commission militaire de la Commune commande le service de la place Vendôme sans consultation du comité central pose problème.
Le Comité central de la Garde Nationale prend donc deux décisions.
La première est de publier dans le Journal Officiel la décision prise hier de provoquer de nouvelles élections :
En attendant la loi sur la réorganisation de la garde nationale, et vu l’urgence,
Le Comité central arrête :
Tous les bataillons de la garde nationale de Paris procéderont vendredi prochain aux élections nécessaires pour compléter leurs cadres.
Il sera également procédé, dans les compagnies qui ne l’ont pas encore fait, à l’élection des délégués de la Fédération républicaine de la garde nationale.
Les procès-verbaux de ces élections, ainsi que les états nominatifs des cadres de tous les bataillons devront être parvenus au Comité central samedi prochain au plus tard.
Le Comité central rappelle aux gardes nationaux qu’ils ont le droit de révoquer leurs chefs dès qu’ils ont perdu la confiance de ceux qui les ont nommés.
Paris, le 29 mars 1871. Les membres du Comité central. PRUDHOMME, LAVALETTE, ED. MOREAU, FOUGERET, BAROUD
La seconde est de nommer le général Cluseret chef du département de la guerre avec mission de réorganiser l’administration de la garde nationale sous sa direction.
Enfin, le Comité central va quitter l’hôtel de Ville pour siéger au Luxembourg.
Frankel expose ses projets ; travail de nuit dans les boulangeries, que les ateliers abandonnés par les patrons soient gérés par ouvriers groupés en libres associations.
Témoignage. Martial Senisse, 20 ans, maçon limousin
J’ai assisté à la première réunion de travail de la commission d’initiative. Frankel présidait. Benoit Malon était là. On a décidé d’étudier d’abord comment on pourrait interdire le travail de nuit dans les boulangeries. Frankel veut que les ateliers abandonnés par les patrons qui ont fui Paris soient gérés par des associations ouvrières. Quelqu’un dans la salle a dit que c’était une révolution. Frankel a répondu qu’on était là pour en faire une.
La volonté clairement exprimée dès ses premiers travaux est de donner un rôle aux chambres syndicales, coopératives et associations existantes. Elle commence par leur demander un avis sur la question des échéances.
La Commune de Paris,
Considérant l’urgence de résoudre la question des échéances, et désirant prendre à cet égard une décision qui concilie tous les intérêts ;
La Commune invite :
Les sociétés ouvrières, les chambres syndicales du commerce et de l’industrie
à faire parvenir par écrit, à la commission du travail et de l’échange, leurs observations et tous les renseignements qu’ils jugeront utiles, avant le 10 avril.
La Commune de Paris
Aujourd’hui par ordre des membres de la commune administrative du Vème arrondissement, le Panthéon a été retiré au culte : il est redevenu une nécropole pour les personnalités ayant « contribué à la grandeur de la France. »
Le citoyen Jourde, après avoir annoncé au peuple la décision ; a fait hisser au sommet un immense drapeau rouge. Il est en plus prévu que les branches de la croix seront sciées dans les jours qui viennent.
A ce moment, les cris de « Vive la Commune ! » ont éclaté, deux bataillons de la garde nationale ont présenté les armes.
Les canons du Panthéon, de la place d’enfer et de la mairie de Montrouge ont salué d’une salve de vingt et un coups le drapeau de la Révolution. Jean Allemane a prononcé un discours.
La construction d’une église dédiée à Sainte Geneviève à cet endroit a été décidée par Louis XV. Le bâtiment est achevé en 1790. Avant même d’être consacré comme église, l’Assemblée Nationale décide le 4 avril 1791 de nommer ce bâtiment le « Panthéon français » et d’en faire une nécropole aux personnalités qui ont contribué à la grandeur de la France. Au fronton on appose l’inscription : « Aux grands hommes la patrie reconnaissante ». Les cercueils de Voltaire et Descartes y sont transportés dans les mois qui suivent la chasse de Sainte Geneviève qui avait été transférée dans la crypte réintégra l’ancienne église abbatiale, avant que le Conseil Général de Paris ne décide de la brûler avec le corps de la Sainte et ses autres reliques, puis de jeter les cendres dans la Seine en décembre 1793.
Jusqu’en décembre 1821, date à laquelle Louis XVIII décide de faire du bâtiment une église, des dizaines de cercueils y sont transférés. En 1822 une croix dorée remplace la statue de la Renommée qui avait été placée sur le dôme.
Le 26 août 1830, le Panthéon est rendu à sa destination primitive et l’inscription : « Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante », est rétablie sur le fronton. La croix est remplacée par une hampe de drapeau.
En 1848, le bâtiment devient le « temple de l’Humanité ». Il est un des centres de l’insurrection de juin. Des barricades sont élevées dans la rue Soufflot. Plus de 1 500 insurgés s’y réfugient, ils seront délogés par un régiment de la garde républicaine.
En décembre 1851, quelques jours après le coup d’état, le bâtiment est une nouvelle fois transformé en église, Louis Napoléon Bonaparte utilise cet édifice comme un symbole pour affirmer sa conception de l’État et de son rapport avec le pouvoir religieux, contre la république.
« Puisque le drapeau rouge est maintenant arboré sur nos monuments publics, il n’est pas inutile de dire quelques mots de son histoire. La routine et l’ignorance sont si grandes, que c’est une bien grosse affaire que de changer un drapeau fût-il souillé du sang et de la boue de Waterloo et de Sedan, et La Bruyère l’a dit excellemment : « Vous pouvez aujourd’hui ôter à cette ville ses franchises, ses droits, ses privilèges ; mais demain, ne songez pas même à réformer ses enseignes. »
Depuis le règne de Henri Ier jusqu’à celui de Charles VII, le drapeau national fut l’étendard rouge, connu sous le nom d’oriflamme. De Charles VII à Louis XVI sous le régime des armées permanentes et de la royauté absolue, le drapeau national fut le drapeau du roi, la bannière blanche fleurdelisée.
En 1789, le 13 juillet, à l’Hôtel-de-Ville, Lafayette proposa l’adoption d’un drapeau formé par l’alliance du blanc, couleur de la royauté, avec le bleu et le rouge, couleurs du tiers-état parisien.
Le bleu était la couleur des maîtres bourgeois des villes, et le rouge la couleur des travailleurs. Le bonnet phrygien du costume officiel des paysans sous Louis XVI était rouge.
En résumé, le blanc était la couleur du roi et de ses instruments politiques, la noblesse et le clergé, le bleu celle des privilégiés du régime des maîtrises et des jurandes, le rouge celle des travailleurs, c’est-à-dire de l’immense majorité du peuple français.
En 1789, on crut pouvoir concilier toutes les classes de la société, et l’on adopta le drapeau tricolore : ce fut une contradiction avec le principe de l’égalité devant la loi, et une erreur bien pardonnable dans une époque de transition. Mais on n’arriva jamais à mêler ensemble le mercure, l’eau et l’huile.
En 1848, comme l’a raconté Louis Blanc, le peuple comprenait qu’à de nouvelles institutions, il faut de nouveaux emblèmes. Le drapeau rouge fut demandé spontanément et avec une passion où se révélait la profondeur des instincts populaires.
Lamartine, ce poète à l’esprit faux, cet homme à la vanité féminine et monstrueuse, l’amant de Graziella, qui, né riche, gaspilla sa fortune, et, devenu pauvre, vécut sans dignité, et mourut trop tard, accablé sous les aumônes d’Émile Ollivier et de Napoléon III, osa proférer en 1848 ce mensonge historique : « Le drapeau rouge n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple ! »
Aujourd’hui, le drapeau rouge flotte dans les airs ! L’application du principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi politique avec les conséquences sociales qu’il implique, finira par confondre tous les Français dans une seule classe, celle des travailleurs ! Le peuple est devenu majeur, comme aux États-Unis, et il entend se gouverner lui-même. Il veut que la devise : Liberté, Égalité, Fraternité ! ne soit plus un mensonge inscrit sur le fronton de nos édifices. Une nouvelle ère commence, l’ère des travailleurs, novus ordo sœculorum, comme disent les Américains.
A nouvelle ère, nouveau drapeau ! Le drapeau du travail, de la paix et de l’égalité, le drapeau rouge !
X+Y
Bastelica, nommé Directeur des Contributions indirectes de la Seine, annonce à tous les employés qui « veulent continuer leurs services éclairés à cette administration » à se présenter dans les bureaux.
En même temps, du fait de l’absence ou de la révocation d’un grand nombre d’employés, l’administration fait appel aux citoyens aptes à servir dans les différentes branches du service, qui sont invités à se présenter, avec les titres à l’appui, au siège de la direction, rue Duphot, 12.
Arrêté sur la vente des cigares et du tabac
« Le délégué civil et le délégué militaire de l’ex-préfecture de police,
Attendu que les rues sont encombrées tous les jours par des marchands qui débitent au public des tabacs et des cigares de provenance étrangère ;
Considérant que ces cigares, n’ayant pas été soumis au contrôle de l’administration des tabacs, peuvent être un danger pour la santé publique ;
Qu’au surplus, la vente des tabacs constitue l’une des principales ressources des revenus de l’État, à laquelle il importe de ne pas porter atteinte,
Arrêtent :
Art. 1er. La vente des tabacs sur la voie publique est formellement interdite.
Les contrevenants au présent, arrêté seront poursuivis et leurs marchandises saisies.
Art. 2. -L’exécution du présent arrêté est confié à la garde nationale. »
Paris, le 31 mars 1871.
Le délégué civil, RAOUL RIGAULT. Le délégué militaire, Général E. DUVAL
Des délégués de la société l’Education nouvelle reçus par les membres de la Commune qui s’est déclarée complètement favorable à une réforme radicale de l’éducation dans le sens indiqué ; et qu’elle considère cette démarche comme un encouragement à entrer dans la voie où elle était résolue à marcher.
À la Commune de Paris,
Considérant la nécessité qu’il y a, sous une république, à préparer la jeunesse au gouvernement d’elle-même par une éducation qui est toute à créer ;
Considérant que la question de l’éducation, laquelle n’est exclusive d’aucune autre, est la question mère, qui embrase et domine toutes les questions politiques et sociales, et sans la solution de laquelle il ne sera jamais fait de réformes sérieuses et durables ;
Considérant que les maisons d’instruction et d’éducation entretenues par la commune, ou par le département ou par l’État, doivent être ouvertes aux enfants de tous les membres de la collectivité, quelles que soient les croyances intimes de chacun d’eux ;
Les soussignés délégués de la société l’Éducation nouvelle, demandent d’urgence, au nom de la liberté de conscience, au nom de la justice :
Que l’instruction religieuse ou dogmatique soit laissée tout entière à l’initiative et à la direction libre des familles, et qu’elle soit immédiatement et radicalement supprimée, pour les deux sexes, dans toutes les écoles, dans tous les établissements dont les frais sont payés par l’impôt ;
Que ces maisons d’instruction et d’éducation ne contiennent aux places exposées aux regards des élèves ou du public aucun objet de culte, aucune image religieuse ;
Qu’il n’y soit enseigné ou pratiqué, en commun, ni prières, ni dogmes, ni rien de ce qui est réservé à la conscience individuelle ;
Qu’on n’y emploie exclusivement que la méthode expérimentale ou scientifique, celle qui part toujours de l’observation des faits, quelle qu’en soit la nature, physiques, moraux, intellectuels ;
Que toutes les questions du domaine religieux soient complètement supprimées dans tous les examens publics, et principalement dans les examens pour brevets de capacité ;
Qu’enfin, les corporations enseignantes ne puissent plus exister que comme établissements privés ou libres.
La qualité de l’enseignement étant déterminée tout d’abord par l’instruction rationnelle, intégrale, qui deviendra le meilleur apprentissage possible de la vie privée, de la vie professionnelle et de la vie politique ou sociale, la société l’Education nouvelle émet en outre le vœu que l’instruction soit considérée comme un service public de premier ordre ; qu’en conséquence, elle soit gratuite et complète pour tous les enfants des deux sexes, à la seule condition du concours pour les spécialités professionnelles.
Enfin, elle demande que l’instruction soit obligatoire, en ce sens qu’elle devienne un droit à la portée de tout enfant, quelle que soit sa position sociale, et un devoir pour les parents ou pour les tuteurs, ou pour la société.
Au nom de la société l’Education nouvelle, les délégués nommés dans la séance du 26 mars 1871, à l’Ecole Turgot : Henriette GAROSTE, rue Saint-Paul, 43 ; — Louise LAFITTE, rue Saint-Paul, 43 ; J. MANIER, rue du Faubourg-Saint-Martin, 148 bis ; — RHEIMS, rue d’Hauteville, 33 ; — Maria VERDURE, rue Sainte-Marie-du-Temple, 8.
L’idée de la commune est omniprésente depuis des mois. Une fois mise en place, son contenu, sa place, sa fonction se définissent en avançant. Il faut rappeler que pour les communeux, les élus ne sont pas des députés, des représentants, mais des mandataires, nantis d’un mandat impératif. Pour la Commune élue, comment exprimer la volonté générale, comment agir sans être oppresseur du peuple ?
Les républicains bourgeois qui ont été élus à la Commune dans le mouvement irrépressible de ces dernières semaines en ont démissionné les uns après les autres dès qu’ils ont vu qu’il s’agissait d’un nouveau pouvoir du peuple ouvrier qui se mettait en place. Si certains souhaitaient changer le nom, la durée et le mode d’élection de la magistrature municipale, ils étaient tous décidés à maintenir tel quel l’ordre économique actuel, garantie de leurs situations privilégiées, et pour d’aucuns prêts à se joindre même aux monarchistes de toutes nuances pour le défendre à tout prix cet ordre social.
Pour les révolutionnaires, si la volonté de mettre en place une république sociale est commune, les conceptions en présence sont multiples, parfois floues. Il est clair qu’il s’agit, en ayant acquis l’autonomie de la Commune parisienne, la liberté et la souveraineté, de changer la condition du peuple ouvrier, d’instaurer un progrès social et politique, à partir de Paris en lien de libre association entre les autres villes.
La majorité des élus sont d’anciens membres du comité central des vingt arrondissements qui s’étaient affirmés comme socialistes révolutionnaires, même si cette notion recouvre diverses appréciations. Faut-il amorcer l’instauration d’un système qui peut permettre d’avancer vers le socialisme, ou d’avancer vers un système associatif et fédéraliste, de manière plus ou moins rapide, les conceptions sont toutes présentes. En effet, y compris parmi les membres de l’Internationale et des chambres syndicales ouvrières, cohabitent des adeptes du fédéralisme proudhonnien décentralisateur, et des partisans du collectiviste plus ou moins antiautoritaire. Pour certains c’est l’autogestion généralisée, pour d’autres une certaine forme de communisme, modalités qui peuvent cohabiter pour modifier la structure économique de la société et le pouvoir capitaliste. Quelques-uns sont en relation directe avec Marx, comme Frankel, mais ils sont très peu nombreux dans ce cas.
Tous ceux-là mettent en cause directement l’état centralisé existant et travaillent à la construction d’une autre forme de pouvoir populaire, dirigé par les intéressé-e-s elles/eux-mêmes ; adversaires de l’autorité gouvernementale, et convaincus que la Révolution sociale ne s’effectuera que lorsque les institutions politiques actuelles représentatives du principe autoritaire, auront cédé la place à de nouvelles institutions ayant l’autonomie communale et populaire pour base.
Sont aussi présents des fouriéristes qui sont restés sur la conception de la construction à l’échelle parisienne d’un phalanstère. Certains sont des admirateurs de la Révolution, qui ont en tête le modèle révolutionnaire de 1792-1793, souvent d’anciens de 1848, qui ont par contre une conception centralisatrice du pouvoir, qu’on peut qualifier de néo-jacobins. Ils rejoignent les blanquistes sur certains points, la nécessité d’une direction centralisée, forte. Les blanquistes, comme les internationalistes, ont un projet socialiste, dont l’instauration passe par un projet politique centralisateur et parfois même autoritaire, lié à un brûlant patriotisme. Blanqui, qui est en prison, a élaboré un plan de mobilisation économique, sociale et militaire, très détaillé, avec le déplacement hors de Paris des bouches inutiles, réquisition en province des ressources indispensables, levée en masse, formation rapide de cadres, une certaine forme de dictature de Paris sur les provinciaux attardés.
Ce sont toutes ces conceptions qui sont en débat dès les premières décisions prises.
Il est précisé par la délégation aux finances que la solde de 1 fr. 50 allouée aux gardes nationaux est personnelle et ne doit être versée qu’aux citoyens qui répondent à l’appel. Il est expressément interdit aux offices payeurs ou sergents-majors de distribuer entre les gardes présents la solde destinée aux citoyens gardes qui ne répondent pas à l’appel, ou qui ont cessé d’avoir droit à cette solde.
Dans le Journal des Débats : La mortalité continue à diminuer. Le chiffre de décès du 11 au 17 mars n’est que de 2 576 au lieu de 2 993, comme l’autre semaine.
La variole a un peu augmenté (98 au lieu de 85) ; la cholérine aussi (5 au lieu de 1) ; la rougeole est restée au même chiffre (20).
Toutes les autres maladies sont en décroissance.
La maladie la plus meurtrière est toujours la bronchite (301 décès) ;
Puis viennent la fièvre typhoïde (329), la pneumonie (188), la diarrhée (104), la variole (98), la dysenterie (47), la rougeole (20), le croup (14), etc.
La bronchite a surtout frappé les enfants et les vieillards. De 15 à 50 ans, elle n’a fait que trente-sept victimes, un peu plus d’un dixième du chiffre total.
La fièvre typhoïde frappe toujours principalement l’armée, qui a fourni plus de la moitié du chiffre des décès (122 sur 229).
La pneumonie a atteint à peu près également tous les âges.
La diarrhée, comme la bronchite, a surtout enlevé les enfants et les vieillards.
Les adultes, de 15 à 50 ans, entrent à peine pour un dixième dans le chiffre total (10 sur 104).
La variole est toujours rare passé 50 ans (5 sur 98) ; en revanche, la dysenterie à cet âge entre presque pour la moitié dans le chiffre total (20 sur 49).
La rougeole sévit surtout chez les enfants, comme d’habitude (15 sur 20) ; la scarlatine aussi (3 sur 3) ; l’angine couenneuse (5 sur 7), et le croup (13 sur 14) également.
La bronchite est la maladie la plus meurtrière à tous les âges, excepté de quinze à cinquante ans, où c’est la fièvre typhoïde qui tient la tête, comme dans l’armée. Sur 199 décès dans l’armée, 122 sont dus à la fièvre typhoïde.
Avis du Chef de la Police Municipale, Dupont affiché dans Paris :
« La plupart des services publics étant désorganisés à la suite des manœuvres du gouvernement de Versailles, les gardes nationaux sont priés d’adresser par lettre, à la police municipale, tous les renseignements pouvant intéresser la commission de sûreté générale »
La presse hostile à la Commune s’inquiète de la diminution des arrivages d’articles de consommation, qui renchérit les prix, et des queues devant les cantines municipales « où la Commune fait délivrer gratis des vivres aux classes laborieuses, et particulièrement aux femmes légitimes ou non, des gardes nationaux qui servent sous le drapeau rouge ».
Compte tenu de l’émigration des classes aisées, ils notent que les commandes faites chez les grandes couturières, les lingères et maisons de confection sont ajournées et que le nombre des appartements à louer se serait accru
Une assemblée considérable, tenue à Londres le 25 mars, sous la présidence d’un membre du Parlement, Sir Robert Austruther, et en présence de M. Stuart Mill, du professeur Fawcett, de M Bright, de Mme Garrett Anderson, de Mlle Emily Faithfull et d’autres personnes distinguées, s’est prononcée en faveur du suffrage des femmes. Voici le texte des trois motions qui ont été adoptées après que leurs auteurs, MM. Bright, Fawcett et Taylor, les ont eu développées :
Le meeting est d’avis :
1°Que l’exclusion des femmes des assemblées électorales et du vote est injurieuse pour elles et porte atteinte aux intérêts de toute la communauté ;
2° Que les femmes, soumises à la loi aussi bien que les hommes, doivent avoir le droit d’élire ceux qui font les lois ;
3° Enfin, que les actes accordant aux femmes les franchises municipales et le droit de nommer les membres du conseil d’éducation devraient être remplacés par une loi générale.
L’armée régulière, forte de plus de 600 hommes sans compter ceux de la caserne St Bernard, a investi la ville.
A trois heures du matin, un groupe de tirailleurs, les « turcos » avancent vers les barricades. Les défenseurs cherchent à fraterniser avec eux, en pure perte. Un coup de feu est tiré, une fusillade se déclenche, deux communards sont tués et trois blessés, ils évacuent la barricade.
A sept heures du matin est affichée la proclamation suivante :
« République Française
Le Général Zentz, chargé d’une mission spéciale par le gouvernement, prévient les habitants de Narbonne que des obus seront lancés aujourd’hui dans la ville contre ceux qui sont en révolte contre les lois. Il engage les gens d’ordre de tout âge et de tout sexe à s’éloigner des centres d’agitation. »
En réponse les 300 communards présents menacent d’abord d’exécuter les otages présents dans l’Hôtel de ville, puis sur la pression des habitant-e-s voisin-ne-s du bâtiment, répondent positivement à une dernière proposition de capitulation sans combat.
La commune de Narbonne est tombée, et Digeon a été arrêté.
L’insurrection en cours en Kabylie contre l’occupation coloniale est traitée de façon humoristique dans la rubrique « çà et là » du Journal Officiel du soir :
« – Calino !
– Patron ?
– On informe du district de Dra-el-Mizan que l’affaire de l’Oued-Okris a été un véritable succès pour les armées françaises.
– Bravo ! Vive la République ! Vive le drapeau rouge ! Vive la Commune !
– Pas si haut braillard !
– Hein ?
– L’officiel n’a pas l’habitude de ce cri de liberté : Vive la Commune !
– C’est pour qu’il la tienne, patron !
– Comment ?
– Puisqu’il l’a.
– Écoute : le télégramme annonce la défaite du bac-agha Mokrami, campé sur la Nezla, du caïd des Oular-M-ellem par les troupes légères du commandant l’Alger.
– C’était infaillible !
– Pourquoi ?
– Parce que les troupes légères sont faciles à enlever. »
Et par un article dans Le Cri du Peuple :
« Nous recevons les nouvelles les plus graves d’Algérie ; la province de Constantine et la province d’Oran sont envahies par des tribus arabes révoltées.
Dans la province d’Alger, le gouverneur s’est retiré à Médéah, où il se trouve placé entre l’insubordination de la colonie européenne et les révoltés de la population arabe.Les arabes ont incendié toutes les maisons de Bordy, et assassiné tous les habitants.
Leurs colonnes sont armées de canons. »
Paris et la France
« Quel est le caractère de la Révolution du 18 mars ?
C’est une des phases de la lutte engagée dans toute la société, entre individu et le pouvoir, entre le groupe autonome et l’autorité centrale.
Dans toute société se trouvent deux tendances perpétuellement en lutte : l’une pousse l’individu à s’affranchir de toute autorité, l’autre à absorber l’individu dans l’autorité.
Cela s’appelle, selon qu’on l’applique à des individus ou à des groupes : liberté et despotisme, centralisation et décentralisation. Dans la 1a théorie monarchique qui nous domine encore, l’individu n’a pas de droits, il n’a que des devoirs envers le souverain.
…
Il faut toujours remonter aux principes pour juger sainement des questions.
Dans le conflit actuel, nous avons, d’un côté, le droit monarchique, le droit du souverain sur le sujet, de l’assemblée sur la nation.D’un autre, le droit du citoyen, le droit de la Commune, le droit individuel affirmant que le mandataire, placé au-dessous du mandant n’a que des devoirs à remplir et aucun droit à exercer.
Paris vient d’affirmer, pour la première fois, par une manifestation générale, le renversement de toute cette théorie.
La révolution issue du 18 mars est le plus grand fait historique qui se soit produit depuis 1789.
1789 a affirmé le droit du citoyen, dans la fameuse déclaration des droits de l’homme.
1871 est la négation des droits du pouvoir.
Pour la première fois, la tradition monarchique est rompue. Désormais, 1’impulsion n’appartient plus au pouvoir central : elle vient du citoyen, du groupe, de la Commune !
Sous le régime de la centralisation politique, tous les éléments, toutes les civilisations diverses devaient être au même diapason, marcher du même pas : c’était uniformité, condamnant tous les individus et tous les groupes, à la même forme, à la même mesure, à la même action, au même mouvement: maintenant c’est la même diversité, qui n’exclut pas l’unité, mais rend la liberté d’action à chaque élément composant la nation. »