À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps publie du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour.
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À l’ouest
Les combats sont très violents. Les versaillais se sont concentrés sur Asnières et sont arrivés au pont d’Asnières, y ont établi une barricade, leur artillerie à Courbevoie bombarde Levallois de projectiles et de mitraille. A Neuilly, la lutte se poursuit de maison à maison comme les jours précédents. Le bombardement des Versaillais sur les Ternes, la porte Maillot, Passy, Auteuil, le Trocadéro continue.
Au Sud
Pas de combats importants.
Cluseret s’inquiète de la consommation excessive de projectiles dans les forts qui brûlent « inutilement » de la poudre, et dépensent en pure perte l’argent du peuple. Le délégué à la guerre prévient les gardes nationaux et le commandant du fort qu’à l’avenir il ne sera plus fait droit aux demandes de munitions, au-delà du nombre de coups alloués à chaque fort pour la défense.
Débat au Comité central de la Garde nationale sur la stratégie militaire
Le débat apparaît public à la Commission d’infanterie de la Garde Nationale, à l’initiative de Louis Lacord.
Louis Lacord, un cuisinier âgé de 33 ans, avait été mandaté le 1er mars par le conseil fédéral de l’Internationale avec trois autres militants pour assister aux réunions de la commission exécutive provisoire de la garde nationale, alors qu’il n’en était pas membre.
Bien qu’il n’ait pas été élu le 13 mars au comité central de la garde nationale, il continue à faire partie de la commission de l’infanterie où il joue un rôle très actif, animant la lutte contre Cluseret « qui laisse par trop de côté le comité central de la garde nationale, ne renforce pas assez le système de barricades à Neuilly », contre Rossel dont la Garde nationale ne peut rien obtenir, contre la composition de la cour martiale, dont il veut contrôler les actes.
Aujourd’hui il a déclaré « la commune mollit. Nous devons nous compléter pour peser sur elle, et sauver la situation. Pouvoir contrôleur, nous ne devons pas être enterrés dans une seule fonction. Le Comité Central ne doit pas être à la disposition du délégué à la guerre, qui devrait être au contraire sous la main du Comité Central ».
La Commission exécutive commune la peine de mort décidée par la Cour martiale hier
On se souvient que la cour martiale a condamné à la peine de mort Jean-Nicolas Girot, chef du 74e bataillon, coupable d’avoir refusé de marcher à l’ennemi.
La commission exécutive, prenant en considération les antécédents démocratiques du citoyen Girot, a commué sa peine. Le condamné Girot subira la dégradation civique et militaire, et restera emprisonné pendant la durée de la guerre.
La loi de 1849 prévoit que pour être élu, il faut avoir recueilli un huitième des inscrits. La commission propose une nouvelle règle, que soient élus tous les candidats ayant recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Dans trois arrondissements, les IIIème, VIIIème et XIIIème, il n’y a pas d’élus. Dans les onze autres, il y a 53 679 votants, alors qu’il y avait eu 119 000 votants en mars dernier.
La discussion a été très vive, il y avait des partisans de la stricte légalité, alors que pour la majorité de la Commune, l’abstention des uns ne pouvait annuler les suffrages des autres, d’autant que trois arrondissements des plus dévoués, notamment le XIIIe, dont les meilleurs étaient au feu, n’avaient donné aucun résultat, ce d’autant que la Commune avait déjà validé des élus à la majorité absolue lors du suffrage du 26 mars.
COMMUNE DE PARIS
ÉLECTIONS DU 16 AVRIL 1871.
La commission nommée pour la validation des élections du 16 avril avait déposé le rapport suivant :
Considérant que, dans certains arrondissements, un grand nombre d’électeurs se sont soustraits par la fuite à leur devoir de citoyens et de soldats, et que dans les graves circonstances que nous traversons, nous ne saurions tenir compte pour la validité des élections du nombre des électeurs inscrits ; nous déclarons qu’il est du devoir de la Commune de valider toutes les élections ayant obtenu la majorité absolue sur le nombre de votants :Premier arrondissement :
4 conseillers à élire ; votants, 3 271 dont la moitié plus 1 est 1 636
Sont élus, les citoyens :
Vésinier 2 626
Cluseret 1 968
Pillot 1 748
Andrieu 1 736
Deuxième arrondissement :
4 conseillers à élire ; votants, 3 601 dont la moitié plus 1 est 1 801
Pothier 3 352
Serrailler 3 141
Durand 2 874
Johannard 2 804
Troisième arrondissement :
Pas d’élus
Sixième arrondissement :
3 conseillers à élire ; votants, 3 469 dont la moitié plus 1 est 1 735
Courbet 2 418
Rogeard 2 292
Septième arrondissement :
1 conseiller à élire ; votants, 1 939 dont la moitié plus 1 est 970
Sont élus :
Sicard 1 699
Huitième arrondissement :
Pas d’élus
Neuvième arrondissement :
5 conseillers à élire ; votants, 3 176 dont la moitié plus 1 est 1 589
Briosne 2 456
Douzième arrondissement :
2 conseillers à élire ; votants, 5 423 dont la moitié plus 1 est 2 762
Philippe 3 483
Lonclas 2 810
Treizième arrondissement :
Pas d’élus
Seizième arrondissement :
2 conseillers à élire ; votants, 1 590 dont la moitié plus 1 est 796
Longuet 1 058
Dix-septième arrondissement :
2 conseillers à élire ; votants, 4 848 dont la moitié plus 1 est 2 425
Dupont 3 352
Dix-huitième arrondissement :
2 conseillers à élire ; votants, 10 068 dont la moitié plus 1 est 5 035
Cluseret 8 480
Arnold 5 402
Dix-neuvième arrondissement :
1 conseiller à élire ; votants, 7 090 dont la moitié plus 1 est 3 546
Menotti Garibaldi 6 076
Vingtième arrondissement :
2 conseillers à élire ; votants, 9204 dont la moitié plus 1 est 4 603
Viard 6 968
Trinquet 6 771
Les conclusions du rapport sont adoptées par la Commune à la majorité des voix : 26 pour, 13 contre.
Ont voté pour :
Les citoyens J. Allix, Amouroux, Ant. Arnaud, Babick, Billioray, Blanchet, Champy, E. Clément, Delescluze, Demay, Dereure, Frankel, Gambon, Paschal Grousset, Jourde, Ledroit, Martelet, Malon, Melliet, Protot, Ranvier, Régère, Raoul Rigault, Urbain, Vaillant, Varlin.
Ont voté contre :
Les citoyens Arthur Arnould, Avrial, Beslay, Clémence, V. Clément, Geresme, Langevin, Lefrançais, Miot, Rastoul, Vallès, Verdure, Vermorel.
Les secrétaires de la séance,
ANT. ARNAUD, AMOUROUX
Paschal Grousset, 27 ans, journaliste
Il n’y a pas, en réalité, de loi électorale, par le fait de l’admission de membres n’ayant pas eu le 8e. Nous avons déclaré ne pas accepter les bases formulées par le comité central, en sorte que nous n’avons pas de loi électorale.
La commission ne propose pas d’accepter des citoyens qui ont eu la majorité relative elle vous propose d’admettre simplement les citoyens qui ont vu la majorité absolue des votants.
Vous n’avez pas la base d’évaluation de la population, vous n’avez pas de loi électorale. La seule chose juste et sérieuse serait de s’en rapporter à la sagesse populaire, qui a voté comme elle a voulu, et d’admettre tout le monde qui a eu la majorité absolue des suffrages exprimés.*
Gustave Le français, 45 ans, instituteur, comptable
La commune n’[a] pas compris qu’on ne peut être à la fois légal et révolutionnaire. La Commune avait parfaitement le droit d’avertir les électeurs convoqués que, vu l’urgence et le système d’obstruction pratiqué par certains arrondissements presque entièrement acquis à la réaction, le scrutin serait valable quel que fût le nombre des votants.
Électeurs et candidats sachant alors à quoi s’en tenir eussent agi en conséquence et personne n’eût le droit de récriminer. Mais puisqu’il n’en avait pas été ainsi et qu’on prétendait demeurer dans la légalité, il fallait ne s’en point écarter et ne point courir le risque d’être accusé de déloyauté. Or, et quoi que puissent dire les malins et les habiles, la loyauté dans toutes les circonstances, sera toujours la principale force des révolutionnaires.
Douze candidats ont recueilli plus du huitième des voix, et vingt nouveaux membres sont validés avec cette décision, Cluseret ayant été élu dans Ier et XVIIIème. Compte tenu de la différence de nombre d’électeurs selon les arrondissements, un est élu avec moins de 1 100 voix alors qu’un autre n’est pas élu avec 2 500 voix. Quatre sont journalistes, six sont ouvriers. Sept sont membres de l’Internationale, Cluseret, Pottier, Johannard, Séraillier (envoyé de Londres), Durand, Longuet et Andrieu ( Pillot s’en revendique lui aussi), un est blanquiste, Trinquet.
Une réunion publique a été organisée dans une salle du passage Jouffroy par la Ligue d’union républicaine des Droits de Paris, qui placarde des affiches roses. Elle a reçu hier une délégation du conseil municipal de Lyon qui avait rencontré Thiers juste avant. Elle a nommé une commission de sept membres, qui est chargée de se mettre en rapport avec les chambres syndicales des commerçants et des ouvriers de Paris, pour essayer de trouver un programme de conciliation sur les bases suivantes : maintien de la République ; autonomie communale de Paris ; autonomie de la garde nationale.
De leur côté, les francs-maçons parisiens, après leur démarche infructueuse à Versailles, se sont eux aussi réunis dans leur local de la rue Cadet et ont nommé une commission chargée de s’entendre avec les délégations des chambres syndicales, de l’Union du commerce et la Ligue républicaine pour les droits de Paris, visant une conciliation basée sur la totale franchise communale, et que, dans le cas où sa voix ne serait pas entendue, ils feraient appel aux loges sœurs de province.
Dans sa deuxième séance d’hier soir, commencée à dix heures du soir (et terminée à deux heures moins vingt), la Commune a adopté à l’unanimité moins une voix un texte très important, le programme de la Commune, qui est placardé sur les murs de Paris et imprimé à 100 000 exemplaires pour être diffusé partout en province.
C’est le citoyen Vallès qui a donné pour la seconde fois lecture de ce programme proposé par la Commission. Selon Prosper Olivier Lissagaray, si Vallès le présente, il a été écrit à plusieurs mains, Delescluze aurait fourni quelques passages, la partie technique aurait été l’œuvre du journaliste proudhonien Pierre Denis.
Les citoyens Rigault et Lefrançais refusent dans ce programme le mot de « communisme césarien », et le membre de phrase incriminé, après quelques observations du citoyen Fraenckel, est retiré par Vallès au nom de la Commission. Après diverses observations des citoyens Jourde, Victor Clément, Varlin et Billioray, la discussion est close.
Paris, le 19 avril 1871.
DÉCLARATION AU PEUPLE FRANÇAIS
Dans le conflit douloureux qui impose une fois encore à Paris les horreurs du siège et du bombardement, qui fait couler le sang français, qui fait périr nos frères, nos femmes, nos enfants écrasés sous les obus et la mitraille, il est nécessaire que l’opinion publique ne soit pas divisée, que la conscience nationale ne soit point troublée.
Il faut que Paris et le Pays tout entier sachent quelle est la nature, la raison, le but de la Révolution qui s’accomplit ; il faut, enfin, que la responsabilité des deuils, des souffrances et des malheurs dont nous sommes les victimes, retombe sur ceux qui, après avoir trahi la France et livré Paris à l’étranger, poursuivent avec une aveugle et cruelle obstination la ruine de la Capitale, afin d’enterrer, dans le désastre de la République et de la Liberté, le double témoignage de leur trahison et de leur crime.
La Commune a le devoir d’affirmer et de déterminer les aspirations et les vœux de la population de Paris ; de préciser le caractère du mouvement du 18 mars, incompris, inconnu et calomnié par les hommes politiques qui siègent à Versailles.
Cette fois encore, Paris travaille et souffre pour la France entière, dont il prépare par ses combats et ses sacrifices, la régénération intellectuelle, morale, administrative et économique, la gloire et la prospérité.
Que demande-t-il ?
La reconnaissance et la consolidation de la République, seule forme de gouvernement compatible avec les droits du peuple et le développement régulier et libre de la société.
L’autonomie absolue de la Commune étendue à toutes les localités de la France, et assurant à chacune l’intégralité de ses droits, et à tout Français le plein exercice de ses facultés et de ses aptitudes, comme homme, citoyen et travailleur.
L’autonomie de la Commune n’aura pour limites que le droit d’autonomie légal pour toutes les autres communes adhérentes au contrat, dont l’association doit assurer l’Unité française.
Les droits inhérents à la Commune sont :
Le vote du budget communal, recettes et dépenses ; la fixation et la répartition de l’impôt ; la direction des services locaux ; l’organisation de sa magistrature, de la police intérieure et de l’enseignement ; l’administration des biens appartenant à la Commune.
Le choix par l’élection ou le concours, avec la responsabilité, et le droit permanent de contrôle et de révocation des magistrats ou fonctionnaires communaux de tous ordres,
La garantie absolue de la liberté individuelle, de la liberté de conscience et la liberté de travail.
L’intervention permanente des citoyens dans les affaires communales par la libre manifestation de leurs idées, la libre défense de leurs intérêts : garanties données à ces manifestations par la Commune, seule chargée de surveiller et d’assurer le libre et juste exercice du droit de réunion et de publicité.
L’organisation et la défense urbaine et de la garde nationale, qui élit ses chefs et veille seule au maintien de l’ordre dans la cité.
Paris ne veut rien de plus à titre de garanties locales, à condition, bien entendu, de retrouver dans la grande administration centrale, délégation des communes fédérées, la réalisation et la pratique des mêmes principes.
Mais, à la faveur de son autonomie et profitant de sa liberté d’action, Paris se réserve d’opérer comme il l’entendra, chez lui, les réformes administratives et économique que réclame sa population ; de créer des institutions propres à développer et propager l’instruction, la production, l’échange et le crédit ; à universaliser le pouvoir et la propriété suivant les nécessités du moment, le vœu des intéressés et les données fournies par l’expérience.
Nos ennemis se trompent ou trompent le pays quand ils accusent Paris de vouloir imposer sa volonté ou sa supériorité au reste de la nation, et de prétendre à une dictature qui serait un véritable attentat contre l’indépendance et la souveraineté des autres communes.
Ils se trompent ou trompent le Pays quand ils accusent Paris de poursuivre la destruction de l’Unité française, constituée par la Révolution, aux acclamations de nos pères, accourus à la fête de la Fédération de tous les points de la vieille France.
L’Unité, telle qu’elle nous a été imposée jusqu’à ce jour par l’empire, la monarchie et le parlementarisme, n’est que la centralisation despotique, inintelligente, arbitraire et onéreuse.
L’Unité politique, telle que la veut Paris, c’est l’association volontaire de toutes les initiatives locales, le concours spontané et libre de toutes les énergies individuelles en vue d’un but commun, le bien-être, la liberté et la sécurité de tous.
La Révolution communale, commencée par l’initiative populaire du 18 mars, inaugure une ère nouvelle de politique expérimentale, positive, scientifique.
C’est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, de l’agiotage, des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la patrie ses malheurs et ses désastres.
Que cette chère et grande patrie, trompée par les mensonges et les calomnies, se rassure donc !
La lutte engagée entre Paris et les Versaillais est de celles qui ne peuvent se terminer par des compromis illusoires : l’issue n’en saurait être douteuse. La victoire, poursuivie avec une indomptable énergie par la Garde Nationale, restera à l’idée et au droit.
Nous en appelons à la France !
Avertie que Paris en armes possède autant de calme que de bravoure ; qu’il soutient l’ordre avec autant d’énergie que d’enthousiasme ; qu’il se sacrifie avec autant de raison que d’héroïsme ; qu’il ne s’est armé que par dévouement pour la liberté et la gloire de tous, que la France fasse cesser ce sanglant conflit !
C’est à la France à désarmer Versailles par la manifestation solennelle de son irrésistible volonté.
Appelée à bénéficier de nos conquêtes, qu’elle se déclare solidaire de nos efforts ; qu’elle soit notre alliée dans ce combat qui ne peut finir que par le triomphe de l’idée communale ou par la ruine de Paris !
Quant à nous, citoyens de Paris, nous avons la mission d’accomplir la révolution moderne, la plus large et la plus féconde de toutes celles qui ont illuminé l’histoire.
Nous avons le devoir de lutter et de vaincre !
Paris, le 19 avril 1871.
La Commune de Paris.
C’est une erreur de croire que la révolution de 1871 est purement municipale. Elle n’est pas sortie spontanément, de toutes pièces, de l’accident du 18 mars, il n’a pas pour objet exclusif la revendication des franchises d’une ville.
Cette révolution et l’avènement des idées élaborées depuis 40 ans par la polémique des partis, et son programme consiste dans celle de ses idées qui sont désormais acceptées par l’opinion publique.
Pourquoi la révolution se présente-t-elle aujourd’hui sous une forme exclusivement municipale ? C’est parce que, faite au milieu des complications de la guerre étrangère, elle n’est pas encore sortie de l’enceinte de Paris.
Si le gouvernement provisoire chargé, le 4 septembre, de la mission spéciale d’expulser l’étranger de notre territoire, avait défendu Paris contre les Prussiens, nul n’aurait songé à évoquer les souvenirs de l’ancien Commune de Paris et à faire intervenir de nouveau pour stimuler remplacer ce gouvernement dans l’ œuvre de sa lutte il n’a pas voulu accomplir. […]
Ce qui est en cause ce ne sont pas seulement nos libertés municipales, ce sont aussi nos libertés politiques et nos institutions sociales.
Au fond, il s’agit de savoir si la France maintiendra la République avec ses conséquences économiques ou si elle permettra la restauration d’une Monarchie bonapartiste ou bourbonienne avec des institutions qui en découlent naturellement comme d’une source fangeuse et empoisonnée. […]
Au fond la véritable question est de savoir si la constitution de la France sera faite par l’assemblée des nouveaux seigneurs de village ou par une autre assemblée plus réactionnaire encore, ou si, au contraire, l’Assemblée constituante sera élue, sous l’inspiration de l’esprit Parisien, par les populations affranchis du mensonge et de la fraude, de l’ignorance et de l’erreur.
Millière
■ Les matériaux qui composent la colonne de la place Vendôme sont mis en vente. Ils sont divisés en 4 lots : 2 lots de matériaux de construction ; 2 lots de métaux.
Ils seront adjugés par lots séparés, par voie de soumissions cachetées adressées à la direction du génie, 84, rue Saint-Dominique-Saint-Germain.
■ L’orphelinat de la garde nationale Boulevard Victor-Hugo, 40 (ancien Haussmann) publie un appel : Citoyens qui combattez pour la plus sainte des causes, citoyennes qui travaillez aux vêtements de nos frères ou qui pansez nos blessés, vous ne pouvez, pendant ces moments de misère et de deuil, donner à vos enfants tous les soins que nécessite leur âge. La République leur ouvre ses bras ; elle leur offre un lit, des vêtements, la nourriture ; elle leur enseignera à être honnêtes, laborieux et braves. L’asile est fondé sous le patronage de la Commune, des ministres, des maires, de l’intendance militaire qui donne son concours particulier.
Le directeur, RAYMOND
■ Dans Le Rappel : La mairie du 8e arrondissement s’est débarrassée hier de ses drapeaux à Aigle et à chiffre impérial. On a détaché les hampes et les armes de la ville, et décousu les franges d’or et d’argent, puis on a brûlé au milieu de la cour les étoffes de soie. Le poste de la mairie était sous les armes, et, pendant l’autodafé le tambour battait au Champs. Un capitaine a fait une allocution énergiquement républicaine, après laquelle le drapeau rouge a été placée au fronton de la mairie. Les aigles ont été cassés à coup de marteau pour être vendus au poids du cuivre.
Martial Senisse, 20 ans, maçon, Limousin
Ce matin, dans le journal La Montagne, il y avait un article de Gustave Maroteau que j’ai recopié pour l’envoyer à l’oncle. J’en veux conserver ici un passage :
« Ne parlez pas de Dieu, le croquemitaine ne nous effraie plus. Il y a trop longtemps qu’il n’est qu’un prétexte au pillage et à l’assassinat. C’est au nom de Dieu que Guillaume a bu un plein casque le plus pur de notre sang, ce sont les soldats du pape qui bombardent les Ternes.
Les chiens ne vont pas se contenter de regarder les évêques, ils les mordent, les balles de s’aplatiront pas sur les scapulaires, pas une voix ne se lèvera pour nous maudire le jour où l’on fusillera l’archevêque Darboy. Il faut que Monsieur Thiers le sache, il faut que Monsieur Fabre, le marguillier, ne l’ignore pas. Nous avons pris Darboy comme otage, et s’ils l’on ne nous rend point Blanqui, il mourra. La commune l’a promis, si elle hésitait, le peuple tiendrai le serment pour elle ».
Les prix dans Paris ne cessent d’augmenter. Ce matin rue Mouffetard, Élise a payé le lard 3 francs le kilo et la viande 3 francs 40.
À la Porte Maillot des enfants de 13 à 14 ans sont servants aux batteries fédérées.
Même si ce programme arrive un peu tard, c’est une bonne chose que cette publication pour essayer de rallier la province au mouvement parisien. S’il avait pu paraître au lendemain de l’installation de la Commune, il y aurait eu plus de temps pour agréger les forces au combat engagé.
Ce programme est net, clair, simple, et il affirme plus que jamais, contre les doctrines jacobines, le principe révolutionnaire fédéraliste qui dépasse largement celui du courant proudhonien, car il concerne tous les révolutionnaires, y compris les blanquistes tant à Paris que dans les départements.
Ce manifeste donne à la Révolution du 18 mars beaucoup plus qu’un caractère de révolution municipale et locale, il cherche à étendre les revendications parisiennes à toutes les parties du pays, tout en se voulant respectueux des droits de la province.
Du fait du rôle central de Paris, de la centralisation française, toute révolution accomplie par Paris, qu’on le veuille ou non, entraîne de fait une modification dans le régime de tout le pays. Comme cela ne pouvait manquer de se produire, le mouvement commencé prend chaque jour un caractère plus général, moins particulier, et l’on aperçoit de plus en plus nettement que le but auquel il tend est en contradiction flagrante avec l’ensemble du régime politique jusqu’alors existant.
Il a du mal à correspondre avec le fédéralisme provincial, souvent plus un refus de la tutelle parisienne, qui ne se pose pas les problèmes aussi loin que Paris, où existe aujourd’hui un gouvernement avec une assemblée, une armée, un journal officiel, qui traite avec Versailles de pouvoir à pouvoir. Le fédéralisme provincial est souvent un mouvement moins radical, plus complexe, qui peut même s’accommoder avec des secteurs bourgeois qui souhaitent avoir une plus grande autonomie pour leur commerce, comme les négociants lyonnais pour le commerce des grèges, les marseillais sur le trafic des grains.
La réussite du mouvement parisien serait une modification profonde de l’état politique et social du pays. Et la déclaration en est consciente, lorsqu’elle revendique pour tous « le plein exercice de ses facultés et de ses aptitudes, comme homme, citoyen et travailleur », la possibilité de « réformes administratives et économiques que réclame [la]population », la création d’institutions « propres à développer et propager l’instruction, la production, l’échange et le crédit » et enfin la possibilité « d’universaliser le pouvoir et la propriété suivant les nécessités du moment ».
Il y a là posés les germes d’une révolution sociale, la révolution moderne, la plus large et la plus féconde de toutes celles qui ont illuminé l’histoire. : « L’Unité politique, telle que la veut Paris, c’est l’association volontaire de toutes les initiatives locales, le concours spontané et libre de toutes les énergies individuelles en vue d’un but commun, le bien-être, la liberté et la sécurité de tous ».
La déclaration fait un appel à la France, appelée à bénéficier des conquêtes parisiennes, pour désarmer Versailles, pour la victoire des parisien-ne-s car « la lutte engagée entre Paris et les Versaillais est de celles qui ne peuvent se terminer par des compromis illusoires ».
Les termes de cette déclaration posent bien les enjeux, reste à trouver les forces sociales et politiques pour s’en emparer.
Une des difficultés dans la propagation de ce programme de la Commune de Paris dans les villes et campagnes est de trouver celles et ceux qui vont le faire efficacement. Il y a bien des délégués envoyés, mais ils sont plus ou moins efficaces, avec des instructions bien limitées pour faire tout ce qu’on aurait pu attendre de leurs voyages, car il est très difficile, pour ne pas dire impossible à la militante, au militant parisien, de juger l’état véritable des endroits où iels arrivent au milieu de cette avalanche des événements qui se précipitent les uns sur les autres.
Il y a urgence à trouver plus qu’un accueil positif, un engagement à agir ensemble.