La Commune au jour le jour. Jeudi 27 avril 1871

À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps publie du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour

***

L’essentiel de la journée

Situation militaire

À l’ouest

Entre Neuilly et  Clichy, on ne signale que des escarmouches sans conséquences importantes, sur les barricades de l’avenue du Roule et de la rue Perronet. Les Versaillais continuent  à établir des batteries à Gennevilliers.

 

Au sud

Les forts de Vanves et surtout d’Issy, ont été bombardés toute la nuit. Les Versaillais commencent très sérieusement les opérations d’attaque, ils annoncent avoir pris Moulineaux, et ont attaqué le fort de Montrouge. Le fort d’Issy est annoncé par eux comme quasiment réduit au silence, il est vrai que la canonnade a été terrible, a fait des destructions importantes dans ce qui restait du fort.

 

À Paris

De nouvelles barricades ont été élevées autour de la place Vendôme, rue Saint-Honoré notamment, au soubassement en pavés couronnés de sacs de terre. Elles rendent la place Vendôme inattaquable de tous côtés. La place n’est pas seulement une forteresse, c’est un camp permanent, une cantine monstre avec des dizaines de foyers, ou cuisent des pommes de terre frites, du riz des légumes secs, du bœuf, du mouton voire même de la morue et des harengs, avec des cantinières vendant leur vin, et de tous côtés se lèvent des pyramides de pain hautes comme des barricades. Sur les trottoirs convertis en dortoir les gardes nationaux dorment, se reposant des fatigues de la veille, et se préparant pour celles du lendemain.

 

Rapport sur l’assassinat des prisonniers à Villejuif

Aujourd’hui la Commission a fait un rapport détaillé à l’Assemblée de la Commune des circonstances de l’assassinat de quatre gardes nationaux, après avoir rencontré sur son lit d’hôpital de garde survivant, le citoyen Scheffer. Deux des gardes nationaux tués sont restés sur le terrain et n’ont pu être retrouvés encore, le cadavre du 4ème garde national a été retrouvé non loin du lieu du massacre. Il apparaît que le coupable est l’officier qui a accompli ces exécutions successives, les soldats versaillais, non seulement n’ont point tiré un seul coup de fusil contre les prisonniers, mais leur attitude prouvait qu’ils étaient indignés de la lâcheté sanguinaire de leur chef. Le rapport de la commission sera affiché.

 

Témoignage

Victorine brochet, 31 ans, ambulancière

Dans la le 27 à 3h du matin, nous reçûmes l’ordre de nous diriger sur Issy, … nous quittâmes le Champs de Mars avec plaisir, tous étaient joyeux et entonnèrent le chant de départ pour soutenir la marche. Ils étaient heureux, espérant faire payer aux Versaillais de tout acabit les souffrances du siège de Paris de toutes les hontes de la défaite. … en arrivant près de la Porte de Versailles … quand j’entendis le bruissement des chaînes du pont-levis lorsqu’il s’abaissa, , un serment de cœur oppressa ma poitrine, il me semblait que nous entrions dans un immense tombeau. Lorsque nous fûmes séparés de la grande cité, on entendait de ça et là le bruit sourd de quelques coups de fusil…. À peine si nous avions marché un quart d’heure lorsque nous entendîmes une fusillade des plus nourrie. Tout le monde se ranima, la tristesse qui planait un moment sur les esprits disparut complètement pour faire place à l’enthousiasme, on pensait même plus à la défectuosité de l’armement “nous allons donc venger nos frères qui ont déjà succombé” s’écrient-ils tous ensemble.! …

 

Le délégué à la guerre organise le contrôle de la garde nationale

Dans la suit du rapport sur l’organisation de la Garde nationale publié hier, le colonel chargé de l’organisation des légions, Mayer, vient de publier un arrêté qui paraîtra dans le journal officiel demain. Il prévoit que, « considérant que l’organisation des bataillons de la garde nationale nécessité, de la part de l’état-major des légions, une aptitude spéciale », l’État major de chaque légion sera nommé par le délégué à la guerre.

L’état major se compose de huit officiers et sous-officiers, l’arrêté définit exactement leurs fonctions. Un chef d’état major est « l’intermédiaire absolu et définitif entre le délégué à la guerre et la légion », il reste au dépôt, mais condense et contrôle le mouvement de la légion. Un major communique le service de la journée, et est prêt à former le nombre exact d’hommes de la légion disponibles pour le service. Deux officiers assurent l’exécution des ordres données, et surveillent jour et nuit. Ces mesures visent à « surveiller et contrôler les diverses opérations de la garde nationale ».

Enfin il prévoit qu’il n’y ait qu’un seul magasin à Paris : le magasin central, ce qui implique la suppression immédiate et absolue de toute espèce de dépôt dans les mairies, les casernes, les compagnies, les bataillons, les légions.

Il demande que les municipalités, conseil de légion, chef de légion, se pénètrent bien des instructions renfermés dans le rapport de la commission de la guerre, et se conforment strictement aux instructions de cet arrêté qui l’a suivi.

 

Un complot contre la Commission Exécutive, contre la Commune

Lacord, membre de la Commission d’Infanterie de la Garde Nationale continue son action pour que le Comité central de la Garde nationale soit en tant que tel intégré au Ministère de la guerre, et non plus soumis aux décisions de celui-ci. Le 24 avril, il avait été nommé membre de la commission d’organisation du Comité central qui se proposait de prendre directement en main la défense.

Alors que se déroulent ces préparatifs visant à donner le pouvoir militaire au Comité central, Rossel démissionne pour la seconde fois. Cette fois-ci Cluseret accepte la démission, tout en lui demandant de continuer son service jusqu’à nomination de son successeur.

Aujourd’hui s’est tenue Rue aux Dames une réunion qui devait rester secrète[1]. Y étaient présents Dombrowski, Wrobleski et Charles Gérardin qui envisagent de mettre en place une dictature de quelques hommes jeunes et énergiques. On a discuté d’un projet avec Dombrowski commandant en chef de la Garde nationale, Rossel à la guerre, Gérardin aux relations extérieures chargé de soulever la province, Aminthe Dupont à l’Intérieur et aux subsistances, etc

Rossel dit laisser faire : « j’étais aussi ennemi de la Commune qu’ont jamais pu l’être tous les républicains sensés. Gérardin m’assurait le concours des hommes d’énergie et d’intelligence de la Commune. D’autres que je nomme pas parce qu’ils n’ont pas paru sur la scène révolutionnaire, offraient leur expérience financière ».

Trois émissaires approchent donc Aminthe Dupont, comme membre actuel de la commission de sûreté générale,  pour l’associer au projet.  Dupont fait part de ces ouverture à Rigault et son secrétaire, Da Costa. Rigault pense que c’est peut-être envisageable, surtout si on parvient à faire évader Blanqui. Il a bien en mains à l’ex-préfecture de police, avec un embryon de police politique, une brigade de 200 agents disciplinés, et deux bataillons en permanence. Finalement Aminthe Dupont se récuse, et menace de les faire arrêter s’ils vont plus loin.

Le complot s’arrête alors.

 

Témoignage

Martial Sénisse, 20 ans, maçon limousin

Dans Paris, les amis de Rossel trament quelque chose. Charles Gérardin s’est enfermé avec Thoumieux[2] pendant une heure dans le bureau de M de Faugerolles[3], rue  Monge. Il m’ont demandé de ne pas m’éloigner pour le cas où ils auraient besoin que j’aille trouver Drombrowski. Qu’est-ce que tout cela peut bien cacher ?

Ils parlent de sauver la Révolution en balayant la Commune et en confiant un pouvoir jacobin à un comité de salut public dont Rossel prendrait la tête. Thoumieux m’a bien dit de ne parler de rien à Frankel et c’est là que ça m’inquiète.

 

Les compagnies de chemin de fer doivent payer leurs impôts !

La décision est prise d’imposer le paiement des impôts auparavant versés à l’état par les compagnies de chemins de fer à la Commune.

Il est  fixé provisoirement un quantum de la somme à réclamer sur l’arriéré des impôts dus pour la période antérieure au 18 mars,tenant compte des pertes dues à la guerre. Il est apparu  équitable de fixer au vingtième de la redevance totale des autres impôts spéciaux aux chemins de fer la part applicable à la Commune de Paris depuis le 18 mars 1871. En conséquence :

ARRÊTÉ :

Art. 1er. Les compagnies verseront au Trésor, dans un délai de quarante-huit heures, après la publication du présent arrêté, la somme de deux millions, imputables à l’arriéré de leurs impôts, répartie ainsi : la compagnie du Nord 303 000 fr, la compagnie de l’Ouest 275 000, la compagnie de l’Est 354 000, la compagnie de Lyon 692 000, la compagnie d’Orléans 376 000.

A partir du 18 mars, l’impôt du dixième sur les voyageurs et les transports à grande vitesse sera perçu sur la recette brute des gares de Paris s toute l’étendue. À partir du 20 avril, le compte en sera régulièrement arrêté et payés tous les dix jours.

Le membre de la Commune délégué aux finances,

JOURDE.

 

La liberté d’expression dans Paris

Les adversaires de la Commune vitupèrent contre les arrestations, les perquisitions, les interdictions de journaux, mais ils continuent à s’exprimer librement !

Des affiches roses à l’entête de la Ligue républicaine des droits de Paris couvrent les rues de la capitale. Des habitants « calmes et fermes dans un patriotisme silencieux » appellent à se réunir tous les soirs dans une salle de la rue St Jacques.

 

Témoignage

Recueilli par Maurice Choury, un étudiant au milieu d’une groupe de badauds

« Ne dites pas que Paris marche aujourd’hui comme un seul homme contre Versailles. Cela n’est pas vrai. Une grande partie, au contraire, se battrait contre la commune, si elle pouvait aller dans le camp opposé. Et je vous déclare, moi, qu’après une réunion qui vient d’avoir lieu à l’école de médecine, une grande majorité s’est prononcée contre cette commune que tout le monde, soit disant, accepte de si bon cœur. Vous voulez la liberté et vous êtes plus liés encore que sous Napoléon. On arrête pour un seul mot malsonnant, on fouille les maisons et l’on fait marcher de force des citoyens qui ne veulent pas se mêler à la guerre civile. La commune brûle la guillotine, mais n’abolit pas la peine de mort. Le couperet n’a plus cours, mais la fusillade est à la mode, et les gardes nationaux remplacent les fonctions de Monsieur de Paris.

Enfin fait un citoyen, reconnaissez-vous, oui ou non, à Paris le droit de s’administrer comme bon lui semble ?

Oui certainement, mais avec un conseil municipal et non avec une commune. Et si, à la grande rigueur, nous acceptons la commune, ce sera à condition qu’elle fut composée d’éléments nouveaux. Vos élus,  nous ne voulons pas les reconnaître .

Voilà où le bât vous blesse, hippocrates en herbe, remarque un garde national : trop d’ouvriers  à la clef dans cette commune n’est-ce pas? Ces messieurs voudraient voir un assortiment d’avocats, banquiers, généraux et propriétaires, le tout saupoudré de quelques sommités politiques. Quant aux  ouvriers qui, seuls, savent et peuvent  représenter la classe travailleuse, macache!  personne! Allons donc, vous voulez des étoiles ?

L’’inévitable Gavroche qu’ attire tout attroupement vient  torpiller la controverse en lançant “un train express pour Versailles, l’école de médecine attend: Chauffez! Chauffez! Messieurs les voyageurs, en voiture!”

Un coup de sifflet strident, imitation réussie d’une locomotive qui démarre et les badauds se dispersent en riant.

 

Versailles tente d’affamer Paris

Paris apprend que Versailles a donné l’ordre d’arrêter aux gares importantes des réseaux tous les envois d’approvisionnements à destination de la capitale, et de les réexpédier sur le point de départ.

Mais on sait bien qu’aujourd’hui, le ravitaillement de Paris s’effectue déjà par terre. Les marchands veulent écouler leurs produits, et trouvent les moyens de le faire dans cette grande ville, par tous les moyens dans les zones qui ne sont pas contrôlées par Thiers au mépris des interdictions ministérielles. L’approvisionnement se fait par la périphérie nord occupée par les prussiens.

Si la capitale tourne au ralenti, la Commission des subsistances a des réserves de vivres. Si le pain et la viande sont taxés, les indigents sont secourus dans les mairies, où il y a souvent des cantines et des boucheries. Dans les quartiers populaires, les comités locaux émanant de la garde, des clubs, assurent le contrôle du quartier, organisent la vie, répondent aux besoins de la population.

La Commune prend soin de respecter la saison du frai en interdisant la pêche :

 

Interdiction des amendes et retenues sur salaire

Voilà une mesure particulièrement importante pour les salaires et la dignité des celles et ceux qui travaillent. Avec ce système inique des amendes et retenues sur les salaires, le patron est le seul législateur, le seul juge et en même temps l’exécuteur des sanctions et de leur montant, au gré de ses choix. Les motifs sont divers, et toujours à son bon vouloir, manque de respect ou insulte, dispute, ivresse, travail exécuté non convenablement, introduction de boissons alcoolisées, etc. et elles sont très souvent doublées en cas de récidive, parfois même elles se multiplient de façon compulsive. Elles peuvent atteindre des niveaux qui privent l’ouvrier-e d’une partie très importante de son salaire, créant ainsi du travail gratuit pour le patron.

Ce texte permet aux ouvrier-es, aux employé-es de voir leurs appointements intégralement payés pour le travail qu’iels ont effectué, qui interdit tout à fait justement ces prélèvements arbitraires et vexatoires.

La Commission exécutive,

Considérant que certaines administrations ont mis en usage le système des amendes ou des retenues sur les appointements et sur les salaires ;

Que ces amendes sont infligées souvent sous les plus futiles prétextes et constituent une perte réelle pour l’employé et l’ouvrier ;

Qu’en droit, rien n’autorise ces prélèvements arbitraires et vexatoires ;

Qu’en fait, les amendes déguisent une diminution de salaire et profitent aux intérêts de ceux qui les imposent ;

Qu’aucune justice ne préside à ces sortes de punitions, aussi immorales au fond que dans la forme ;

Sur la proposition de la commission du travail, de l’industrie et de l’échange,

ARRÊTE :

Art. 1er. Aucune administrative privée ou publique ne pourra imposer des amendes ou des retenues aux employés, aux ouvriers, dont les appointements convenus d’avance doivent être intégralement soldés.

Art. 2. Toute infraction à cette disposition sera déférée aux tribunaux.

Art. 3. Toutes les amendes et retenues infligées depuis le 18 mars, sous pré- texte de punition, devront être restituées aux ayants droit, dans un délai de quinze jours à partir de la promulgation du présent décret.

La commission exécutive, JULES ANDRIEUX, CLUSERET, LÉO FRANKEL, PASCHAL GROUSSET, JOURDE, PROTOT, VAILLANT, VIARD.

 

Interdiction du travail de nuit des boulangers, suite …

L’arrêté a du mal à entrer en application, il heurte une partie du public, même favorable à la commune. On a demandé que le travail de nuit dure encore quelques jours pour que l’on puisse préparer les levains nécessaires. Après, il a été décidé que le décret serait observé.

Les patrons boulangers refusent de l’appliquer, et se réunissent aujourd’hui pour organiser leur résistance.

De leur côté les ouvriers boulangers menacent de casser la carreaux des boulangeries où l’on travaille le nuit.

 

La démolition de la chapelle Bréa ?

Le général Bréa, qui avait été chargé de réduire l’insurrection de juin 1848 sur la rive gauche de la seine, avait été exécuté par les insurgés le 25 juin 1848, alors que la répression faisait des milliers de morts ouvrier-es dans Paris. L’église Saint Marcel de la Maison Blanche, sur l’avenue d’Italie, a été achetée par la famille du général Bréa pour l’agrandir et en faire un lieu de culte expiatoire, sous le nom de « chapelle Bréa ».

Sur proposition du citoyen Maillet, la Commune adopte le décret suivant :

La Commune de Paris,

Considérant que l’Église Bréa située à Paris, avenue d’Italie (XIIIe arrondissement), est une insulte permanente aux vaincus de juin et aux hommes qui sont tombés pour la cause du peuple ;

Décrète :

Art. 1er. L’Église Bréa sera démolie ;

Art. 2. L’emplacement de l’Église s’appellera place de Juin ;

Art. 3. La municipalité du XIIIe arrondissement est chargée de l’exécution du présent décret.

 

Les négociations avec Versailles pour l’échange de Blanqui contre Darboy

Le Journal Officiel publie un long article de Maxime Vuillaume rendant public les démarches engagées par Flotte avec l’accord de Rigault pour l’échange de Blanqui contre Darboy, l’archevêque de Paris et sa sœur. Il reproduit les diverses lettres de Darboy, de Lagarde, le vicaire-général de Paris envoyé à Versailles pour transmettre les propositions. Il dénonce Lagarde qui refuse de tenir son engagement de rentrer à Paris malgré le refus de Thiers de toute négociation.

«  Il n’y avait donc plus rien à tenter. Aucun espoir possible de mise en liberté de Blanqui. Versailles, pas plus que nous, ne se méprenait pas sur la part immense de concours que Blanqui eût apporté à la Commune. On voulut seulement savoir de ses nouvelles. Il était dangereusement malade lors de son arrestation, le 17 mars, dans la propriété de son neveu Lacambre. Depuis ce jour, personne n’avait entendu parler de lui. »

La sœur de Blanqui a envoyé une lettre à M. Thiers pour connaître l’état de santé de son frère, et demandant la permission de le voir, ne fût-ce que pendant de courts instants. Voici un extrait de la lettre qu’envoie au Journal Officiel la sœur de Blanqui suite à la réponse de Thiers.

«  A cette lettre, M. le chef du pouvoir exécutif a fait répondre que la santé de M. Blanqui est fort mauvaise, sans donner cependant des inquiétudes pour sa vie ; mais que, malgré cette considération et mes instances au nom de ma famille et du mien, il refuse formellement d’autoriser aucune communication, soit verbale, soit écrite, entre M. Blanchi et sa famille, jusqu’à la fin des hostilités entre Paris et Versailles.

Ainsi, mon frère mourant est condamné au secret le plus rigoureux ; nous ne pouvons ni le voir, ni lui écrire, ni recevoir un seul mot de lui !

Je m’abstiens, monsieur le rédacteur, de toute protestation stérile en présence de ces faits, que le jugement public appréciera.

Veuillez agréer l’assurance de ma considération distinguée.

Veuve Antoine, née Blanqui. »

Plus qu’au secret, Blanqui est dans un cachot dont la porte est murée, sans que personne sache même où se trouve le prisonnier.

 

Du côté des Clubs

Club de la révolution
A partir de ce soir 20h00, il tiendra ses séances quotidiennes dans l’église Saint-Bernard-de-La-Chapelle.

Un drapeau rouge est planté sur la chaire, un autre au banc d’œuvres. Une buvette avec un débit de tabac est installée sur le maître-autel. Il met à son programme « La Femme par l’Église et par la Révolution ».

Maitron

Club de la Boule-Noire

Au coin de la rue des Martyrs.
C’est un club de femmes fondé par Sophie Doctrinal, 31 ans,couturière, présidente du Comité de vigilance des citoyennes du XVIIème arrondissement, et Beatrice Excoffon. Ce club agit pour la création d’écoles professionnelles féminines, et ses réunions abordent également le  le problème de la prostitution et de l’organisation du travail.

Le 18 mars, Clément Thomas, qui vient d’être arrêté, y est conduit avant d’être emmené rue des Rosiers.

Le 22 avril s’est tenue une réunion de «citoyennes républicaines» pour se mettre à la disposition de la Commune pour former des ambulances.

Le 27, le Comité de Vigilance du XVIIIe y convoque toutes les citoyennes.

Maitron

Club de Saint-Nicolas-des-Champs, près du boulevard Montparnasse

C’est par ordre de la municipalité du IIIe arrondissement que le club a été ouvert dans l’église, pour que s’y tiennent  des réunions publiques. Cette mesure a été prise après l’abandon de l’église par les prêtres, ce qui conduit la Commune à ne pas répondre à la demande faite de transférer le club  dans le Conservatoire des arts et métiers.

C’est un club populaire, on y discute ferme, hommes et femmes, qui portent parfois les enfants sur les bras, on fume, le bruit envahit la rue dès qu’un-e nouvel-le arrivant-e entre dans l’enceinte.

 

En bref

■  Courbet a demande lors de la séance d’aujourd’hui que l’on exécute le décret de la Commune sur la démolition de la colonne Vendôme, et propose qu’on laisse subsister le soubassement, dont les bas-reliefs ont trait à l’histoire de la République et qu’on remplacerait la colonne par un génie représentant la révolution du 18 mars. Mais tout est déjà préparé pour la démolition qui se fera dans quelques jours.

■   Une loi datant de 1838 autorise sur le certificat médical, en cas de danger imminent la séquestration provisoire de personnes frappées d’aliénation mentale. Mais les commissaires de police ont procédé en opposition flagrante avec la loi,  ils ordonnent la mise des malades, d’urgence, dans des maisons d’aliénés, mais ne viennent pas, par l’envoi des pièces sur l’individu séquestré, régulariser sa position dans le délai fixé par la loi devant l’autorité préfectorale. Informé de cette situation très grave, le délégué à l’ex-préfecture de police prend un arrêté exigeant :

« Les commissaires de police, à Paris, seront tenus d’adresser dans les vingt-quatre heures, conformément à la loi, à la 1re division, 5e bureau (ex-préfecture de police), toutes les pièces relatives à la séquestration des aliénés dans les établissements spéciaux.

■  Le membre de la Commission de l’enseignement propose, vu l’impossibilité pour les étudiants en médecine ayant subi leurs cinq examens de doctorat de présenter une thèse, puisque la Faculté a abandonné son poste , que les étudiants en médecine ayant passé avec succès leurs cinq examens de doctorat sont autorisés à exercer avec le titre de docteur la profession de médecin sur la production d’un certificat de secrétariat de l’École. La Commune, consultée, décide le renvoi de cette proposition à la Commission d’enseignement.

■  Les marchands de vin habitant Levallois, Clichy et Saint-Ouen sont prévenus par ordre supérieur, de fermer leurs établissements à partir de deux heures. Faute de se conformer à cet ordre, l’autorité militaire se verrait dans l’obligation de sévir rigoureusement.

■  la butte Montmartre est toujours le rendez-vous des curieux qui viennent de plus en plus de plus en plus grand nombre regarder les combats. Vers 5h du soir, il a fallu plus d’une heure à 8 ou 10 factionnaires venus prier les promeneurs de bien vouloir se retirer pour vider la place.

 

En débat

Si le système ancien de conscription a été aboli, les textes successifs sur la garde nationale ont largement modifié la situation. Si les élections des sous-officiers et des officiers sont maintenues, si les statuts de la fédération sont toujours en application, l’obligation faite à tous les citoyens âgés de 19 à 40  ans de servir dans les compagnies de guerre, l’instauration de la cour martiale, les modifications dans le commandement, tout cela façonne une garde nationale bien différente de celle qui s’est installée au moment du siège prussien. Se pose donc une nouvelle question, celle des réfractaires à ces obligations, qui provoque de nouvelles tensions au sein même du peuple parisien.

Tribune – Le Cri du Peuple 28 avril 1871

Les réfractaires

Beaucoup de citoyens, au nom de la liberté (?), se refusent actuellement au service de la garde nationale.

Le décret du général Cluseret, tout incomplet qu’il soit, n’est pas même mis à exécution dans sa teneur.

Il est urgent de porter remède à cet état de choses intolérable.

Les patriotes se fatiguent d’être raillés par les lâches et les trembleurs. Ils exigent qu’on force tout le monde à remplir son devoir.

Ils ont parfaitement raison.

Et nous ne comprenons pas que la Commune ait permis l’affichage d’excitations à la désobéissance aux lois, qui, vertes, bleues ou rouges, étalent le mensonge sur nos murs.

Non, personne n’a le droit de ne pas défendre la Cité, menacée du pillage et du massacre par une horde avinée de chouans fanatiques.

Nous sommes en état de guerre. Voilà ce que l’on ne devrait pas oublier.

Évidemment, l’on est libre d’aimer ou de détester la Commune. Ce point n’est pas sujet à discussion.

Mais, du moment où 1’on consent à profiter des bienfaits du gouvernement communal, il est indéniable que l’on doit le défendre contre les attaques de ses ennemis,

Il serait donc indispensable de faire des exemples, et de traduire en cour martiale les meneurs de la lâcheté et les fauteurs de la reculade.

D’autre part, la Commune est légitimement en droit – et le principe toujours si mal interprété de la liberté n’y saurait porter obstacle, la Commune, dis-je, est en droit d’exiger le service de ceux qui touchent la solde et l’habillement de la garde nationale, de ceux qui bénéficient de ses décrets, et qui ne

payent pas leurs loyers, par exemple.

Nous nous étonnons d’avoir à émettre des opinions aussi élémentaires.

Les quarante ans d’orléanisme et d’impérialisme ont-ils donc tellement gangrené les consciences qu’on ait perdu toute notion du Droit et du Devoir?

Si nous sommes descendus à une si écœurante extrémité, le rôle de la Commune est tout tracé :

Relever par l’exemple, et au besoin par le châtiment, une population dégénérée.

Mais que la Commune soit bien convaincue de ce fait, dont nous voyons à chaque instant les symptômes alarmants: Les patriotes se décourageront, si on les laisse plus longtemps exposés aux quolibets des lâcheurs de carrefour.

La Commune sauvera Paris, nous n’en saurions douter, mais elle doit tenir la main à l’exécution de ses décrets et au mot de Danton :

De l’audace, toujours de l’audace, et encore de l’audace,

Ajouter celui-ci:

De la fermeté, toujours de la fermeté,  encore de la fermeté !

Henri Verlet

 

Notes

[1]Informations transmises par Michel Cordillot et Maurice Choury.

[2]Militant blanquiste

[3]Martial Sénisse y habite, alors que M de Faugerolles est à Versailles