La défaite contre Amazon et les luttes syndicales à venir

Cet hiver, la campagne de syndicalisation d’un entrepôt d’Amazon situé à Bessemer, en Alabama, suscitait un écho national et même international. À la fin de cette campagne pour les droits des salarié.es d’une multinationale largement décriée, et dans un pays où l’horizon d’une justice sociale a recommencé à s’esquisser ces dernières années, la déception fut à la mesure de l’espoir.

Dans cet article paru dans le magazine Jacobin en avril dernier, l’auteur apporte des éléments pour comprendre cette défaite syndicale cuisante, reflet d’une séparation entre le « travaillisme »[1], l’infrastructure intellectuelle et militante qui soutient le mouvement syndical, et ce mouvement lui-même. Il offre également des éléments d’analyse plus généraux, sur les enjeux stratégiques que cet épisode fait apparaître pour l’avenir du mouvement syndical, des luttes et des organisations de salarié.es.

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Cette fois, j’ai été trop sentimental. En 2014, dans cette même revue, « Jacobin », j’ai écrit qu’un ami m’avait demandé un pronostic à propos du vote qui allait décider si les United Auto Workers (UAW) pourraient syndiquer les salariés de l’usine de Volkswagen à Chattanooga, dans le Tennessee. Avec beaucoup de chance, mais aussi grâce à mon instinct et à des décennies d’expérience dans le mouvement syndical et d’étude de celui-ci, j’ai réussi à faire une prédiction exacte : une défaite syndicale à 53 % / 47 %. Dans cette affaire, on pouvait voir que l’UAW avait une possibilité de gagner : ils travaillaient sur cette campagne depuis longtemps et avaient obtenu un engagement de neutralité de la part de la société basée en Allemagne. Cela s’est avéré insuffisant. Mais bon, il s’est agi d’une défaite assez serrée.

Il y a quelques semaines, alors que nous attendions les résultats pour l’entrepôt Amazon de Bessemer, en Alabama, le même ami m’a demandé ce que je pensais qu’il se passerait cette fois-ci. J’ai prédit une défaite à 55-45. J’étais d’accord avec tous les syndicalistes à qui j’avais parlé, personne ne pensait que le syndicat avait une chance de gagner. Mais ma propre conscience historiographique de l’expérience militante de l’organisation du syndicat Mine Mill and Smelter Workers[2], composé principalement de travailleurs noirs, pendant la Grande Dépression dans la même région de l’Alabama, me faisait espérer une réactualisation de ce souvenir aujourd’hui.

Le résultat, cependant, a été bien pire que ce que j’avais imaginé : une déroute à 70-30 avec un taux de participation très décevant de 55 %, qui indique que nombre de travailleurs.euses étaient soit trop effrayés soit trop à distance de la campagne syndicale pour voter. Ce résultat est le fruit d’une combinaison de tactiques antisyndicales classiques utilisées dans la nation la plus antisyndicale du monde développé, affinées à la perfection par une entreprise extrêmement sophistiquée et puissante, mais aussi des multiples erreurs, essentiellement de mauvais choix tactiques, du Retail, Wholesale and Department Store Union (RWDSU), le syndicat relativement petit qui a mené la campagne. (Jane McAlevey passe brillamment en revue nombre de ces erreurs dans son article publié dans The Nation).

L’argument clé de McAlevey est qu’une fois qu’Amazon avait gagné la bataille pour modifier considérablement la composition et la taille de l’unité de négociation[3] à l’entrepôt, le syndicat aurait dû soit revoir radicalement sa stratégie, soit tout simplement battre en retraite pour se battre ultérieurement. Les entreprises font constamment ce genre d’objections concernant la taille de l’unité de négociation lors des élections syndicales du National Labor Relations Board (NLRB) : elles diluent ainsi la force des militants syndicaux. Dans ce cas, la taille de l’unité est passée d’environ 1 500 à environ 5 800, soit quatre fois plus.

Le syndicat a pourtant persévéré et a fini par soumettre environ 2 000 cartes d’autorisation signées par des salarié.es à la NLRB, soit environ 35 % de l’unité. Ce n’était pas un signe avant-coureur de succès mais d’échec.

Chaque fois que j’ai eu cette discussion avec des cadres syndicaux au cours de mes années de travail dans le monde du travail, nous avons considéré qu’il fallait au minimum entre 60 et 70 % d’intérêt initial pour la syndicalisation pour que le syndicat ait une chance de gagner une élection auprès du NLRB. (Il existe d’autres moyens de lutter contre une entreprise, de longues « campagnes globales » » qui visent à amener la direction de l’entreprise à reconnaître un syndicat sans élection. Mais la plupart des syndicats qui visent à s’implanter sur un seul établissement passent quand même par le processus électoral). Cela nous ramène au terrain de jeu inégal sur lequel l’entreprise et le syndicat livrent combat. Le soutien syndical se réduira presque toujours, au lieu de s’accroître, dans une campagne de syndicalisation où le temps est compté, parce que la syndicalisation aux États-Unis n’est pas un combat équitable et ne le sera jamais tant que le patron signera les fiches de paye des salarié.es et sera en mesure de les manipuler et de les intimider sans craindre de graves représailles juridiques.

Les pratiques antisyndicales d’Amazon ont été bien documentées. Elles sont à la fois typiques, dans la mesure où presque toutes les entreprises antisyndicales ont les mêmes (comme les réunions en public captif), mais aussi plus omniprésentes et sophistiquées que d’ordinaire. Les salarié.es étaient surveillé.es en permanence. Mais, pour compliquer des choses, Amazon a ajouté quelques carottes à ses bâtons, ce qui, d’après certains entretiens, a plu à une partie des salarié.es – un salaire de départ bien trop bas mais qui aurait pu être encore pire, à 15,50 dollars (inférieur tout de même à celui d‘autres entrepôts de la région) et une couverture médicale.

Compte tenu de ces énormes handicaps, la charge est encore plus lourde pour les militant.es parmi les salarié.es et le syndicat, qui doivent élaborer un plan ayant une chance de marcher. Un syndicat ne peut pas commencer à 35 % et espérer atteindre 51 %. Il doit commencer à 65 % et se battre pour s’accrocher à 51 %. Il ne peut pas non plus précipiter l’issue d‘une campagne qu’il n’a lancée que quelques mois plus tôt, lorsque l’entreprise a complètement sapé son hypothèse initiale selon laquelle l’unité serait composée de 1 500 travailleurs et non de 5 800.

Une fois que le syndicat a su qu’il n’avait que 35 % d’intérêt préliminaire pour envisager la syndicalisation dans cette unité beaucoup plus grande de 5 800 personnes – car c’est tout ce que signifie la signature d’une carte d’autorisation – alors, comme l’a écrit Jane McAlevey, il n’aurait pas dû continuer sa campagne électorale à ce moment-là du tout. Cette campagne s’est développée rapidement mais elle n’était pas encore arrivée à maturité. Avancer malgré cela jusqu’à une élection revenait, comme me l’a écrit un organisateur et expert chevronné du mouvement syndical, à « brûler la boutique ».

 

Le travaillisme sans le syndicalisme

Les enjeux ici vont bien au-delà de l’analyse stratégique faite par un syndicat relativement petit dans un seul entrepôt. De telles défaites sont démoralisantes pour les militant.es syndicalistes de base. Mais dans ce cas, les dommages sont plus importants que ceux subis à Bessemer seulement, à cause de l’immense importance d’Amazon dans son ensemble et des autres énormes entreprises non syndicalisées : plus l’adversaire est grand, plus la victoire ou la défaite devient importante.

Un syndicat peut certes continuer à se battre sur un lieu de travail donné et finir par gagner, comme l’a démontré la remarquable campagne de seize ans menée par l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation et du commerce (UFCW) dans une usine de volaille de Smithfield, en Caroline du Nord. Smithfield est une grande entreprise qui réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 13 milliards de dollars et emploie 40 000 personnes. Mais Smithfield n’est pas Amazon, qui réalise un chiffre d’affaires annuel de près de 400 milliards de dollars et emploie environ 800 000 personnes rien qu’aux États-Unis, ce qui la place au deuxième rang des employeurs du secteur privé après Walmart.

La défaite de l’UAW dans le Tennessee contre Volkswagen, puis à Canton, Mississippi, contre Nissan en 2017, n’a pas eu le poids négatif de la déroute de Bessemer. Aussi importantes qu’aient été ces luttes, l’âge héroïque de la fédération syndicale CIO[4], qui consistait à organiser l’automobile, l’acier et les mines, est révolu depuis longtemps : l’économie américaine n’est plus dominée par ces secteurs, mais par la santé et l’éducation. Il y a aujourd’hui deux fois moins de travailleurs de l’automobile aux États-Unis qu’en 1940, alors que la population n’était que de 40 % environ de ce qu’elle est aujourd’hui. Il y a aujourd’hui plus d’enseignant.es en Virginie occidentale que de mineurs.

Si la santé et l’éducation sont effectivement les plus vastes secteurs de l’économie américaine aujourd’hui, Amazon a succédé à Walmart pour devenir la société emblématique de la modernité capitaliste. Amazon, avec sa combinaison sans faille d’exploitation du travail, d’optimisation virtuelle de la consommation et de gestion impitoyable de la chaîne d’approvisionnement mondiale, est toujours plus omniprésente sur nos lieux de travail, dans nos quartiers, et dans nos foyers.

Pour paraphraser ce que W. H. Auden a écrit à propos de Sigmund Freud, Amazon n’est plus une entreprise mais un climat d’opinion. Jeff Bezos, son fondateur et PDG, est l’Andrew Carnegie de notre époque, l’homme le plus riche du monde. Selon une enquête de 2018, Amazon serait la deuxième institution la plus digne de confiance du pays (après l’armée).

Aux États-Unis en 2021, aucune lutte syndicale n’aurait pu avoir plus de poids au niveau de la production et de la reproduction culturelle que celle contre Amazon. Mais, en l’occurrence, le poids était surtout au niveau de la reproduction culturelle, pas de la production. C’est là que se situe le problème.

La couverture médiatique, des grands médias comme le New York Times aux médias de gauche, a été extraordinaire, pas seulement centrée sur Bessemer mais sur Amazon en général. C’est ce que j’ai appelé [dès 2016, NDLR] le « travaillisme sans le syndicalisme ». L’infrastructure de travail intellectuel des jeunes citadin.es de gauche travaillant dans les médias, les universités et l’éducation est en avance sur le mouvement ouvrier dans son ensemble. La syndicalisation dans ces secteurs est robuste. Les institutions d’élite du haut libéralisme[5], comme le New Yorker et l’université de Harvard, sont parmi les lieux de travail les plus militants d’Amérique.

C’est une bonne chose, bien sûr. Mais ce n’est pas une base sociale de masse. Bien que des luttes syndicales aient lieu tous les jours dans ce grand pays, sur différents lieux de travail, la baisse du taux de syndicalisation se poursuit, même si la recherche et la défense des droits des travailleurs.euses dans les livres, les articles et les médias sociaux sont de plus en plus convaincantes.

 

Trouver le bon levier

Indépendamment des erreurs réelles d’un syndicat à Bessemer, Amazon est probablement trop grand et trop puissant pour être syndicalisé entrepôt par entrepôt, même un entrepôt aussi grand que celui de Bessemer. Rien qu’aux États-Unis, Amazon possède 110 entrepôts de ce type dans quarante-deux États et soixante-quinze autres à l’étranger. Une victoire à Bessemer aurait sans aucun doute encouragé et inspiré les salarié.es militant.es ailleurs mais la main-d’œuvre de Bessemer représentait un peu moins de 1 % de tous les travailleurs d’Amazon aux États-Unis. La lutte aurait pu se répandre comme une traînée de poudre et obliger les dirigeants de l’entreprise à rendre des comptes, mais la taille même de l’entreprise rend le pari incertain.

Pensez à la grève sur le tas de l’usine automobile de Flint en 1937, qui a abouti à la syndicalisation des travailleurs de General Motors à l’UAW. GM comptait alors environ deux cent mille cols bleus et une centaine d’établissements (à peu près le même nombre que les entrepôts Amazon aujourd’hui). À l’époque, GM employait à peu près le même pourcentage de la main-d’œuvre américaine totale qu’Amazon aujourd’hui, soit environ 0,5 %. Mais l’usine de Flint employait à elle seule près de cinquante mille travailleurs, soit environ 25 % de la main-d’œuvre de toute l’entreprise.

Syndicaliser Flint revenait à contrôler les sommets de l’entreprise. Essayer de syndicaliser Flint était en fait une bonne estimation de ce qui était nécessaire pour syndicaliser GM dans son ensemble. Et cela a fonctionné : l’UAW a presque été multiplié par vingt en un an.

Cela ne serait pas possible aujourd’hui, car il n’existe pas de sites phares si importants qu’une victoire sur ces sites mettrait effectivement l’entreprise à genoux et entraînerait des victoires partout.

De tels sites de travail dans les grandes entreprises non syndicalisées comme Walmart (avec ses 1,2 million de salarié.es et ses 4 700 magasins de taille similaire) ou FedEx n’existent pas aujourd’hui. Ainsi, seule une campagne nationale d’envergure, combinée à un militantisme de base aussi important que possible, peut aboutir à la syndicalisation des grandes sociétés transnationales.

Cela implique une accumulation de forces partout, et non dans un seul entrepôt ou sur un seul site de travail. Elle doit reposer sur le soutien du plus grand nombre de salarié.es possible, de sorte que le choix des sites à organiser, et le développement d’un soutien majoritaire dans ces unités, sont essentiels. (Nelson Lichtenstein évoque dans le Washington Post l’idée d’une telle stratégie de levier basée sur la pression antitrust[6]).

Pour organiser les employé.es de ces énormes sociétés, il faut que quelque chose de différent se produise, les salarié.es militant.es doivent être reliés d’un site de travail à l’autre. Il faut simultanément exercer une pression énorme sur le PDG depuis le sommet, une pression juridique, législative et réglementaire ainsi qu’une vigilance sans relâche des médias.

Et il faut vraiment que la démarche soit d’organiser les travailleurs.euses. La lutte pour un salaire minimum de 15 dollars (« Fight for $ 15 ») est en soi une sorte de réalisation éclatante du travaillisme : elle a bénéficié à des millions de salarié.es dans tout le pays sans ajouter un seul nouveau membre au mouvement syndical. Il n’y a personne à « blâmer » pour cela, mais organiser, syndicaliser, doit être l’objectif, car c’est ce qui génère un pouvoir politique et économique.

Une législation qui contribuerait à faire de l’organisation de syndicats quelque chose de plus proche d’un droit protégé transformerait également ce vaste terrain de lutte. Il a fallu la vague de grèves massives et militantes de 1934 pour permettre l’adoption de la loi nationale sur les relations de travail (NLRA) de 1935, face à un FDR réticent. Aujourd’hui, les militant.es syndicalistes, les groupes de plaidoyer législatif syndicaux et de gauche, et les démocrates du Congrès, ainsi qu’une présidence Biden étonnamment réceptive, pourraient se voir contraint.es de trouver un moyen d’obtenir suffisamment de voix au Sénat pour adopter la loi sur la protection du droit d’organisation (PRO) sans une mobilisation de masse des travailleurs.euses.

Curieusement, l’échec de la réforme du droit du travail en 1977-78 pourrait être un exemple plus instructif que la promulgation de la NLRA en 1935. À l’époque, les travailleurs disposaient encore d’un taux de syndicalisation important dans des secteurs clés, ainsi que d’un Sénat et d’un président démocrates. Mais Jimmy Carter n’était pas intéressé par la réforme du droit du travail et n’a pratiquement rien fait à ce sujet, le Sénat était rempli de démocrates réactionnaires du Sud et l’AFL-CIO nourrissait l’espoir absurde de conclure des accords avec ces oiseaux rares également connus sous le nom de « libéraux d’entreprise »[7]. Malgré tout cela, les syndicats sont passés à une voix près de l’adoption de la loi.

Deux générations plus tard, les circonstances au sein du Parti démocrate et l’influence des syndicats eux-mêmes sont très différentes. Et la loi PRO est un texte législatif bien supérieur au projet de loi sur le travail des années Carter, qui priverait effectivement les entreprises d’une grande partie de leur arsenal antisyndical et rendrait aux salarié.es le droit de choisir de se faire représenter dans des négociations avec l’employeur. Mais l’échec d’il y a deux générations pourrait quand même être un point de comparaison plus juste que 1934-35. Il ne sera peut-être pas possible de s’organiser et de faire grève à une telle échelle de sitôt, mais il y a bien des travaillistes au sein du Congrès et de l’administration Biden qui tentent de faire passer la loi PRO.

Les travailleurs.euses ont toujours plus de chances contre les patrons lorsque l’État, par l’intermédiaire d’un Parti démocrate pris entre deux feux, fait pencher la balance en leur faveur. Comme au début du New Deal et pendant les années de guerre, ce soutien est à nouveau nécessaire. Mais c’est un mouvement ouvrier beaucoup plus faible qui le demande et le rejet du Parti démocrate par les travailleurs.euses blanc.hes des zones rurales rend plus difficile la construction de la coalition politique géographique nécessaire.

 

La victoire, quelque part à l’horizon 

Dans un livre qui reste une référence, Prisoners of the American Dream, Mike Davis a évoqué l’importance des « expériences historiques sédimentées de la classe ouvrière telles qu’elles ont influencé et circonscrit ses capacités de développement dans les périodes suivantes. » Davis poursuit : « Chaque défaite générationnelle du mouvement ouvrier américain l’a désarmé de manière décisive face aux défis et aux batailles de la période suivante. »

Davis évoquait la trajectoire générale de chacune des grandes époques de l’histoire ouvrière tout au long des dix-neuvième et vingtième siècles. Mais des défaites politiques et syndicales ponctuelles ont été des symboles de ces grandes défaites générationnelles au sein de l’économie politique, que ce soit en 1877, en 1886, en 1894, en 1919, ou même lors des victoires tronquées de l’ère du CIO et dans la stabilisation réelle mais stérile de l’après-guerre, à l’apogée du taux de syndicalisation.

La débâcle de Bessemer est une défaite ponctuelle. Mais pour inverser le propos de Mike Davis un instant, Bessemer, plus que les deux défaites dans des usines automobiles ces dernières années et peut-être plus que les récentes mobilisations porteuses d’espoir dans les branches de la santé et de l’éducation, pourrait contribuer à renforcer plutôt qu’à désarmer les syndicats pour les combats nécessaires à venir. Que la défaite mène cette fois-ci à la sagesse et à la détermination, et que le mouvement syndical et l’ensemble des travailleurs.euses rattrapent les avancées idéologiques du travaillisme.

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Illustration : PHOTO JAY REEVES, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS.

 

Notes

[1] Ce terme traduit « laborism », terme rarement employé, dont la définition proposée en fin de phrase est en quelque sorte forgée par l’auteur pour l’occasion, à partir du terme « labor » qui désigne littéralement le travail, la main d’œuvre, mais aussi bien souvent, le mouvement syndical, dont ce « laborism » constitue les soutiens extérieurs organisés (dans des cadres intellectuels et/ou militants) (Toutes les notes sont de la rédaction de Contretemps).

[2] Il s’agit ici du syndicat International Union of Mine Mill and Smelter Workers , organisation radicale, héritière de la fédération des mineurs Western Federation of Miners (qui avait contribué à fonder les Industrial Workers of the World), devenue ensuite proche du Parti communiste.

[3] L’unité de négociation (bargaining unit) est un concept assez spécifique au droit syndical des États-Unis, qui est l’une des expression de la fragmentation des droits sociaux, en l’absence de grandes conventions de branche. Le seul équivalent (jusqu’à un certain point) de ces conventions est justement le genre de contrat collectif qui peut être obtenu après une victoire lors d’une élection syndicale, à l’échelle d’une unité de négociation, dont le périmètre peut beaucoup varier. Comme on le voit ici, la modification de ce périmètre peut faire l’objet d’interventions tactiques au cours d’une campagne syndicale : la tentative du syndicat de le limiter à une partie des salarié.es présent.es dans l’établissement a échoué. Sans une majorité des suffrages exprimés au sein de l’unité, le syndicat ne peut s’implanter, et aucun contrat collectif ne sera obtenu.

[4] Fédération syndicale créée en 1938 et indépendante jusqu’en 1955, le Congress of Industrial Organization (CIO) est connu pour son syndicalisme de branche et de masse, son émergence dans les grandes luttes syndicales à partir de 1934 (voir allusions plus loin), et certains liens avec le Parti communiste, dont il se défait avec la Guerre froide, finissant par fusionner avec la plus ancienne et plus modérée American Federation of Labor (AFL) pour former l’AFL-CIO, qui existe encore comme la principale fédération syndicale.

[5] Ici, il est fait référence à un libéralisme de centre gauche, prônant un certain degré de régulation (par des politiques redistributives) des libertés individuelles sur le plan économique, afin notamment de garantir les libertés personnelles et politiques.

[6] Les lois visant à éliminer tout monopole, appelées antitrust laws, ont été élaborées entre 1890 et 1914, C’est sous leur coup que Microsoft a essuyé une défaite judiciaire en 2000. Une procédure a été lancée en 2020 contre Google.

[7] « Libéraux » est à prendre au sens indiqué plus haut en note, comme souvent dans le contexte des États-Unis depuis près d’un siècle.