Le travail à l’heure du changement climatique

Chercheuse au Center for Social Studies, à l’université de Coimbra (Portugal), Stefania Barca revient dans ce texte, initialement publié , sur les différentes interprétations de la « transition juste » dans le mouvement syndical depuis une décennie, avant de prendre position en faveur de l’écosocialisme.

 

Le changement climatique doit prendre fin. Mais qui va se charger de l’arrêter ? Autrement dit, qui pourrait être le sujet politique d’une révolution climatique anticapitaliste ?

Je suis convaincue que cet acteur social devrait être, et doit effectivement devenir, la classe ouvrière à l’échelle mondiale. Toutefois, pour remplir ce rôle, la classe ouvrière doit développer une conscience de classe écologiste et émancipatrice.

Fort heureusement, l’histoire est remplie d’exemples de ce type de synthèses rouge-verte : l’environnementalisme ouvrier1 est aussi vieux que le mouvement syndical lui-même.

Pendant une grande partie de son existence, l’environnementalisme ouvrier s’est concentré sur le lieu de travail et sur le cadre de vie des communautés ouvrières, en liant les questions de sécurité et de santé au travail avec la protection de la santé environnementale ou de la santé publique.

Au cours des années 1990, l’environnementalisme ouvrier a commencé à embrasser les concepts de « développement soutenable » et « d’économie verte ». Plus récemment, alors que le changement climatique s’est intensifié, la « transition juste2 » (TJ) est devenue l’idée au goût du jour. La TJ est fondée sur la notion selon laquelle les travailleurs ne devraient pas supporter le poids de la transition vers une économie faiblement carbonée, en tenant compte aussi bien des pertes d’emplois que de la déstabilisation des communautés locales.

À cet effet, les syndicats de cols bleus – en particulier ceux de l’industrie lourde, des transports et de l’énergie – ont forgé des alliances dites « vertes-bleues » avec des groupes écologistes à travers le monde. Ces convergences démontrent un consensus croissant quant à la nécessité de s’attaquer au changement climatique, en soulignant que les moyens pour réaliser cela reposent sur l’implication syndicale et sur le caractère durable des choix effectués.

Pourtant, d’importants clivages existent à l’intérieur de ce consensus, en particulier lorsque l’on se penche sur le contenu de la TJ. Certains groupes incitent simplement à la création d’emplois dans une économie plus verte. Refusant d’endosser les solutions du marché, d’autres groupes ont adopté une critique radicale du capitalisme.

L’évolution de ce clivage déterminera si le mouvement ouvrier renforcera tacitement le capital – ou bien, au contraire, s’il s’affrontera au capital et au changement climatique.

 

La table des négociations

Le courant prédominant de la TJ, celui qui se contente de soutenir une économie plus verte dans un cadre capitaliste, est représenté le plus fidèlement par la Confédération syndicale internationale (CSI).

Formée en 2006 par la fusion de deux confédérations syndicales transnationales, la CSI a lancé le premier programme syndical international sur les politiques du changement climatique l’année même de sa fondation. Peu après, des secteurs syndicaux ont émergé pour élaborer des positions officielles sur le réchauffement planétaire – des positions qui ont toujours plus raffiné le concept de transition juste.

Pour des groupes comme la CSI, la TJ signifie investir dans des secteurs et des technologies à faibles émissions en carbone et reposant sur l’emploi accru de la main d’œuvre, ce qui devrait se combiner avec des programmes de formation et des aides financières pour les travailleurs récemment contraints au chômage dans les secteurs polluants.

La transition est imaginée comme un pacte gagnant-gagnant et déconflictualisé – suivant l’idée selon laquelle un capitalisme plus soutenable pourrait voir le jour par « le dialogue et la consultation démocratique » avec « les partenaires sociaux et les parties prenantes », aux côtés « d’analyses locales et de plans de diversification de l’économie afin d’aider les gouvernements locaux à gérer la transition vers une économie faiblement carbonée qui permettrait une croissance verte ».

Ces « parties prenantes » auraient un rôle à jouer au-delà des simples consultations : les gouvernements adopteraient des mesures de stimulation de l’économie ; les entreprises appliqueraient des politiques socialement responsables ; les universitaires et les leaders politiques plaideraient pour la « modernisation écologique » de la législation ; les organisations internationales émettraient des directives, des rapports et des recommandations.

L’Organisation internationale du travail (OIT) a certainement été la plus active pour promouvoir cette approche transitionnelle, en proposant des modèles fondés sur un consensus invitant les entreprises, les États et les organisations syndicales à la table des négociations. La responsabilité syndicale consisterait simplement à proposer de réduire les objectifs d’émission de gaz à effet de serre et les niveaux de production, en maintenant une vigilance quant aux effets sur l’emploi.

L’OIT et la CSI sont désireux d’insister également sur les bénéfices économiques de la TJ. En faisant écho au fameux Rapport Stern – qui fut publié en 2006 sous l’autorité du gouvernement britannique et affirmait que les coûts économiques de la lutte contre le changement climatique étaient nettement moindres que le coût de l’inaction – la CSI déclare que l’atténuation du réchauffement faciliterait même le développement de l’emploi. La notion selon laquelle l’intervention gouvernementale peut stabiliser les coûts et redistribuer les bénéfices entre les groupes sociaux se trouve au cœur de cette approche.

Par exemple, les infrastructures en faveur de l’atténuation et de l’adaptation ne sont pas perçues comme destructrices pour l’emploi, mais elles pourraient au contraire permettre d’en créer à condition d’être soigneusement planifiées. La CSI perçoit même les investissements pour la protection des territoires et des populations contre les effets de futurs événements climatiques comme une source potentielle de croissance économique.

Cependant, cette vision harmonieuse de bénéfices partagés néglige les impacts prévisibles de la construction de grands aménagements sur les communautés locales et les écosystèmes. En effet, les programmes de l’OIT et de la CSI ne cessent de promouvoir la consultation, le dialogue social, la bonne gouvernance, ou d’encourager les démarches de communication à propos de sujets qui suscitent d’inévitables tensions et fractures.

Tout d’abord, les programmes de l’OIT et de la CSI ne prennent pas en compte les barrières érigées par les accords commerciaux internationaux qui contraignent les gouvernements à rogner les politiques sociales, ignorent (voire détruisent) les économies locales, et adoptent un modèle de compétitivité fondé sur une réduction constante des coûts du travail et sur l’affaiblissement des organisations syndicales.

Dès lors, il n’est pas étonnant – comme des responsables de la CSI le concèdent – que le « cercle vertueux » entre l’action climatique et les politiques du travail promues par l’OIT, la CSI, et les autres agences de l’ONU a échoué à obtenir la moindre avancée dans les négociations climatiques.

Le potentiel de création d’emplois par l’atténuation du changement climatique (c’est-à-dire la substitution des énergies renouvelables aux énergies fossiles) est également loin d’être garanti. Dans la mesure où l’investissement dans ces projets sera variable, cela contribuera à renforcer le développement inégal et les inégalités – ce qui est rarement considéré dans ces programmes.

Au lieu de cela, ces deux organisations prévoient une récolte extraordinaire de nouveaux emplois : six millions dans l’énergie solaire, deux millions dans l’énergie éolienne, et douze millions dans les biocarburants agricoles ou industriels à l’horizon 2030. Ces pronostics éludent le fait que les projets de développement « d’énergies propres » de grande dimension et requérant un important capital, comme les biocarburants ou l’énergie hydraulique, ont déjà démontré leur caractère ambivalent – et parfois nettement préjudiciable – en matière d’impact social.

La labellisation verte est également suspecte. En entonnant ce refrain, de nombreuses sources traditionnelles de production – comme l’agriculture de rente – sont simplement requalifiées comme étant « soutenables » et mobilisées pour conforter le grand récit de l’économie verte. Au Brésil, par exemple, la production de biocarburants – principalement issue de la canne à sucre – compte pour plus de 50% des emplois verts du pays.

Pire, les conditions de travail dans les plantations de canne sont nettement inférieures aux normes internationales puisque l’on assiste fréquemment au viol des droits humains, du droit du travail et des droits des indigènes. La mécanisation programmée dans ce secteur conduira à supprimer les emplois de milliers de travailleurs, sans reconversions ni compensations. La monoculture de la canne à sucre ainsi que ses modalités d’exploitation menacent l’environnement et la santé publique, tout en attisant les conflits avec les communautés en raison de la destruction de la production alimentaire locale.

Pourtant, l’industrie brésilienne des biocarburants recueille le soutien du gouvernement, des syndicats et de l’OIT grâce à son statut d’industrie produisant une énergie verte.

En matière d’évaluation des politiques et d’élaboration des solutions, une grande partie du problème réside dans le fait que la CSI et l’OIT donnent la priorité aux solutions du marché et aux courants scientifiques dominants en matière d’économie écologique au détriment des études et aux conclusions plus radicales et plus politiques. Les savoirs produits par les mouvements de base pour la justice environnementale et par les courants écosocialistes sont tous potentiellement ignorés dans les discours officiels de la TJ.

En conséquence, aucune des déclarations de l’OIT et de la CSI n’assurent le lien entre les crises écologique et économique d’un côté, et le système politico-économique à l’échelle internationale de l’autre côté. Au lieu de cela, lorsque la question est évoquée, l’économie est considérée capable de s’auto-réformer. Comment ? En coordonnant les différents modèles nationaux, chacun devant être ajusté à la phase de développement propre à chaque pays.

De plus, en plaçant une foi inconditionnelle dans « la croissance verte », la CSI semble ignorer qu’une telle croissance existe déjà – non pas malgré la crise économique, mais précisément à cause de celle-ci. Le capital accueille la « croissance verte » comme un nouveau vecteur d’accumulation qui revivifiera l’initiative privée, comme la seconde guerre mondiale et la reconstruction de l’après-guerre ont sorti le capital de la Grande Dépression des années 1930.

Bien évidemment, leur principale préoccupation n’est pas tellement de savoir si le (prétendu) verdissement de l’économie capitaliste donnera des conditions décentes de travail et un emploi stable. Au contraire, les employeurs tireront probablement profit de cette restructuration pour éliminer les droits courants des travailleurs, comme le démontre clairement le cas de l’industrie brésilienne des biocarburants.

 

Se réapproprier l’économie verte ?

L’hégémonie croissante des discours sur la transition juste n’est pas totalement regrettable. Elle ouvre en effet de nouvelles possibilités pour des politiques climatiques orientées vers le salariat – dont certaines sont véritablement radicales.

L’exemple le plus intéressant est la campagne « Un million d’emplois climatiques » [One Million Climate Jobs, OMCJ]. Initialement portée par une coalition britannique de syndicats disposant d’un programme en faveur de la croissance verte, cette campagne a également été déclinée par une coalition sud-africaine associant des organisations syndicales, écologistes et des mouvements sociaux en 2011.

À l’origine, cette campagne reposait sur une démarche keynésienne d’investissements dont la finalité consistait à créer des « emplois climatiques » – distincts des « emplois verts » classiques dans la mesure où ils visaient à une réduction drastique des émissions de dioxyde de carbone, du méthane, et des autres gaz à effet de serre.

Au Royaume-Uni, ces « emplois climatiques » furent logiquement orientés vers les secteurs de l’électricité, de la construction et des transports qui génèrent huit tonnes d’émission de CO2 chaque année. Cette spécialisation a pourtant limité le potentiel de l’initiative. En restreignant son intérêt aux emplois classiques des cols bleus, la campagne a négligé d’autres secteurs, comme les industries de l’alimentation ou des services, ainsi que le travail de régénération, de reproduction et de subsistance. En procédant ainsi, un secteur qui serait essentiel au bien-être social et économique dans n’importe quel système économique est ignoré, alors qu’il constitue également un point de départ crucial pour toute nouvelle conception de l’économie.

Pourtant, lorsque l’initiative fut adaptée en Afrique du Sud, elle devint une initiative nettement plus radicale, témoignant du potentiel de cette campagne pour mobiliser des approches plus critiques et plus favorables à une transformation sociale. En Afrique du Sud, les effets combinés de deux crises globales – l’extension des inégalités socio-économiques et le changement climatique – ont produit d’énormes tensions entre les engagements officiels à réduire l’empreinte carbone de l’économie et ceux consistant à réduire la pauvreté (incluant la lutte contre la précarité énergétique).

Comme l’affirme la sociologue Jacqueline Cock, cette tension a incité le mouvement syndical à ancrer la transition juste dans des « revendications en faveur de transformations profondes qui impliquent des formes radicalement différentes de production et de consommation ». Selon Cock, ce changement requiert :

« une approche intégrée du changement climatique, du chômage, des inégalités, aussi bien que le rejet des mécanismes du marché pour répondre à ces problèmes. Contrairement à d’autres interprétations de l’économie verte, ce modèle reconnaît l’importance du lien entre les enjeux de justice sociale et du changement climatique, tout en insistant sur la nécessité d’une transformation radicale et structurelle ».

Cette conception anticapitaliste de la TJ se préoccupe du fait qu’une économie décarbonée risque de simplement reproduire les relations actuelles de pouvoir et les inégalités si elle s’inscrit dans la logique des notions conservatrices de croissance soutenable et de financiarisation.

Les syndicalistes sud-africains développèrent leur position critique après avoir signé un accord sur l’économie verte en 2011, dans lequel la notion de « dialogue social » était utilisée pour unir le gouvernement, les entreprises et le mouvement syndical autour d’un plan de création de milliers d’emplois dans un nouveau secteur d’industrie verte.

Or, les défauts et les limites de cet accord – renforcés par des propositions qui ne s’appuyaient sur aucune étude approfondie, se doublant du maintien de salaires faibles, de normes de travail minimales et de pertes d’emplois – ont achevé de démontrer comment les « emplois verts (…) sont orientés vers les intérêts du marché au détriment d’autres besoins sociaux ».

Le Congrès des syndicats sud-africains (COSATU) adopta un « Programme stratégique sur le changement climatique » qui, parmi d’autres éléments, reconnaît le capitalisme comme la cause sous-jacente du réchauffement planétaire et rejette les solutions de réduction d’émission de carbones fondées sur les mécanismes du marché.

Dans sa foulée, le Syndicat national des métallurgistes d’Afrique du Sud (NUMSA) contourne les notions d’emplois verts et d’un capitalisme plus soutenable en se prononçant en faveur d’une vision alternative de la transition juste « basée sur le contrôle des travailleurs et sur la propriété sociale et démocratique des moyens de production et de subsistance ». Le Syndicat des travailleurs de l’alimentation et apparentés exprime également un soutien pour « une interprétation de classe de la transition juste vers une économie verte » et pour des « alternatives radicales à l’agriculture industrielle, en particulier l’agro-écologie ».

Pendant cette même année, la COSATU et le Conseil national des syndicats (NACTU) s’allièrent à des ONG et différents mouvements sociaux afin de lancer la campagne sud-africaine OMCJ.

Avec l’objectif « d’exclure les tentatives du capital d’utiliser la crise climatique comme une opportunité d’accumulation », explique Cock, la campagne était fortement influencée par les organisations de la justice environnementale et climatique, et reposait sur « de nombreux projets prévisionnels afin de démontrer la viabilité de [leurs] propositions politiques ».

Dans la vision sud-africaine, le tournant vers les énergies renouvelables fait partie d’une transition plus large vers une production énergétique territorialisée et sous propriété publique. Placée sous un strict contrôle communautaire, ces dispositions permettraient d’assurer un accès abordable à l’énergie pour tous. Il est envisagé des initiatives similaires pour la production et la distribution alimentaire, en privilégiant l’agro-écologie sur l’agriculture industrielle en vue de débarrasser le monde de l’insécurité alimentaire.

Ce qui constitue probablement la divergence la plus significative avec les stratégies classiques de la transition juste réside dans le fait que la campagne sud-africaine OMCJ présente les « fournisseurs de soins communautaires » [community caregivers] comme le secteur d’emploi le plus pertinent, prévoyant de créer jusqu’à 1,3 millions d’emplois dans les secteurs de l’économie domestique et de la santé, de la réhabilitation des terres et dans l’agriculture urbaine.

Néanmoins, la campagne sud-africaine OMCJ n’est pas sans défauts. Les liens étroits de la COSATU avec le parti néolibéral de l’ANC, déjà à l’origine d’une crise profonde dans les fédérations qui conduisit à l’exclusion de la NUMSA, pourraient mener à une scission irréparable au sein de la confédération3.

Une conséquence positive est à relever. Selon le chercheur sud-africain Vishwas Satgar, la NUMSA a adopté un programme plus explicitement socialiste, défendant une propriété sociale des énergies renouvelables et une action concertée avec les organisations pour la justice environnementale. Cet effort pourrait constituer le cœur d’un nouveau projet de gauche structuré par une vision démocratique et écosocialiste.

Cependant, d’autres obstacles demeurent. La campagne a peiné à se démarquer d’un État qui favorise les initiatives privées en faveur de l’énergie propre, ce qui n’a contribué qu’à reproduire la pauvreté et les inégalités.

La NUMSA répond à ce défi en modifiant son action à l’échelle des municipalités, comme en témoigne son combat pour utiliser le pouvoir des administrations locales sur la distribution de l’électricité afin de favoriser les énergies renouvelables.

Dans le même temps, la campagne risque de s’enfermer dans des approches localistes centrées autour de projets communautaires, qui ne seront plus en capacité de transformer la politique énergétique à l’échelle nationale. Comme le remarque Satgar, la plupart des interventions OMCJ « ont été concentrées sur une seule question avant de s’éparpiller dès qu’elles étaient parvenues à faire valoir leurs premières revendications ».

Satgar suggère que pour sortir du piège, la NUMSA doit développer une stratégie autour d’une coalition sociale plus large qui conditionne les luttes locales pour l’accès aux énergies renouvelables à des projets pensés sur une échelle plus vaste et fondés sur une approche de classe des questions écologiques.

Jusqu’ici, les deux développements les plus prometteurs ont été l’effort pour former une grande coalition contre les projets de construction de réacteurs nucléaires du gouvernement – ce qui provoquerait une faillite de l’État sud-africain et aurait des conséquences catastrophiques pour la majorité de la population pauvre – et le projet d’utiliser les fonds de pensions des syndicats pour investir dans une appropriation sociale des énergies renouvelables, en vue de séparer les intérêts des travailleurs de ceux des industries du charbon et du pétrole.

Pour le mouvement syndical, la campagne OMCJ incarne à la fois les défis et les opportunités provoquées par les crises économique et écologique. Sans aucun doute, une coalition rouge-verte et une alternative écosocialiste en Afrique du Sud représentent une alternative à l’orthodoxie de la transition juste – une politique du travail vraiment radicale à l’heure du changement climatique.

 

Selon les conditions des travailleurs

Les syndicats et les travailleurs tracent une nouvelle voie dans l’histoire longue de l’environnementalisme ouvrier – une voie par laquelle la croissance verte et la transition juste pourraient incarner les promesses de prospérité économique et de sécurité qui furent autrefois associées au rêve fordiste.

L’adhésion à ce nouveau rêve ne sauvera pourtant pas le mouvement syndical des lacunes et contraintes qui érodent sa force dans la plupart des pays. S’ils continent à défendre la restructuration capitaliste « verte » de l’économie mondiale, les syndicats se trouveront dans le camp opposé aux paysans et aux communautés indigènes, aux paysans sans-terres, aux travailleurs non-rémunérés assurant le travail domestique et la reproduction sociale, à l’agriculture de subsistance et à tous ceux qui supportent le coût d’un capitalisme « vert » – conduisant à de nouveaux cycles de dépossession et d’assujettissement.

L’alternative la plus prometteuse, sinon la plus stimulante est celle d’un écosocialisme dynamisé par une conscience de classe écologiste et émancipatrice. Cela demandera un conflit de classe à un niveau supérieur – au niveau d’une écologie politique globale. Cela ouvrira finalement la perspective d’un monde véritablement soutenable, forgé selon les conditions du travail plutôt que celles du capital.

 

Traduction : Renaud Bécot.

 

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Image en bandeau : Henrik Johansson, « Let’s do it again » (via Flickr).

références

références
1 [NDT] Le terme original est « Labor environmentalism ». Le terme pourrait se traduire par « environnementalisme syndical » ou « environnementalisme du travail ». La traduction par « environnementalisme ouvrier » est donc choisie par référence aux précédents travaux de l’historienne ; voir Stefania Barca, « Sur l’écologie de la classe ouvrière : un aperçu historique et transnational », Écologie & Politique, n° 50, 2015, p. 23-40.
2 [NDT] Sur l’appropriation de cette notion dans les organisations françaises, voir par exemple le rapport de Michèle Descolonges, Les démarches de la CGT en matière d’apprentissage. Droits nouveaux et enjeux d’apprentissage, IRES, 2011.
3 [NDT] Sur la recomposition actuelle du mouvement syndical sud-africain, voir par exemple le numéro 40 de la revue Amandla ; ainsi que Benjamin Fogel, « Remaking the South-African Left », Jacobin, 16 décembre 2014. En français, voir Claude Gabriel, « Afrique du Sud: une nouvelle étape de luttes, de nouvelles perspectives à gauche », Europe Solidaire, 9 novembre 2015.