La Commune au jour le jour. Mardi 16 mai 1871

À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps publie du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour

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L’essentiel de la journée

Situation militaire

À l’ouest

Sur toute la ligne, des combats d’artillerie. Les batteries des Buttes Montmartre continuent à tirer, cette fois avec justesse, sur Gennevilliers et sur Bécon, ce qui occasionne en réponse un bombardement des Batignolles. Les travaux d’approche effectués par les Versaillais dans le bois de Boulogne sont très avancés.

 

Au sud

Le fort de Vanves, évacué, est occupé par les Versaillais.

Au Petit-Vanves, deux mille fédérés, sous le commandement de La Cécilia et de Lisbonne, essayent d’inquiéter les travaux des Versaillais dans le village d’Issy et au lycée de Vanves, sans succès. Ils continuent leurs travaux d’approche et arment les deux bastions du fort d’Issy dont le feu conquiert une supériorité marquée qui écrasent le XVIe arrondissement pris de front, de flanc, en enfilade, par près de cent bouches à feu.

Les travaux d’approche des Versaillais sont presque terminés, rendant de plus en plus urgente l’exécution des travaux de défense à l’intérieur de Paris.

Témoignage

À la tombée de la nuit, 50 chasseurs d’Afrique, laissant dans le bois de Boulogne leurs chevaux, se sont présentés comme prisonniers. Ils n’avaient que leurs sabres. Ils ont traversé Paris en chantant la Marseillaise. Nous les avons vus tous les cinquante, assis en rond autour du bassin de la fontaine de la place du Châtelet, toujours chantant, et entourés d’une foule de peuple qui les fêtait en criant : « Vive les cinquante chasseurs d’Afrique ! »

 

Des mesures pour la défense intérieure

La canonnière la Liberté a été désarmée. La grosse pièce de 19 qu’elle porte va être installée sur la butte Montmartre.

Pour éviter toute surprise par voies de communications, le Comité de salut public décide que tous les trains, de voyageurs, de marchandises, de jour et de nuit, se dirigeant sur Paris, devront s’arrêter hors de l’enceinte, au point où est établi le dernier poste avancé de la garde nationale. Aucun train ne pourra dépasser la limite précitée sans avoir été préalablement visité par l’un des commissaires de police délégués à cet effet.

Pour centraliser entre les mains du délégué à la guerre tous les moyens d’action, le Comité de salut public réunit le service de la télégraphie aux attributions du ministère de la guerre.

Sur la proposition du délégué à la guerre, le citoyen Moreau, membre du Comité central de la garde nationale, est chargé de la direction de l’intendance en remplacement de Varlin, le membre de l’internationale. C’est une mesure supplémentaire qui confirme que Comité central prend petit à petit la direction de tous les services de la guerre. En effet, Édouard Moreau, 33 ans, homme de lettres, a consacré tous ses efforts à l’organisation de la garde nationale. Il est considéré comme la pensée et « le verbe éloquent » du Comité central, il a été disponible pour le projet avorté de coup d’état de Rossel.

Le Comité de salut public décide la nomination de délégués civils auprès des généraux des trois armées de la Commune « pour préserver le pays de la dictature militaire ».

Art. 2. Sont nommés commissaires civils :

1° Auprès du général Dombrowski, le citoyen Dereure ;

2° Auprès du général La Cécilia, le citoyen Johannard ;

3° Auprès du général Wrobleski, le citoyen Léo Melliet.

Ces trois délégués civils sont membres de l’Internationale et de la majorité de la Commune favorable au Comité de salut public : Dereure, 33 ans, cordonnier, membre de la chambre syndicale et professionnelle des cordonniers ;  Léo Meillet, 28 ans, clerc d’avoué, et Johannard, 28 ans, placier en fleurs artificielles, est même membre du conseil général de L’internationale.

Appel aux prolétaires, du Bataillon des francs-tireurs de la Révolution

Citoyens,

Autorisés par le Comité de salut public et par le citoyen délégué civil à la guerre, à former un bataillon de francs-tireurs, nous faisons appel à la démocratie pour son organisation immédiate.

Non contents d’assassiner nos frères prisonniers, les monarques de Versailles, dont le mandat est expiré, sentant la France leur échapper, nous insultent par des propositions de trahison.

Que telle soit notre réponse : Aux armes ! En avant !

Vive la république universelle !

Vive la Commune !

Les délégués à l’organisation : E. RAVEAUD, R. KAHN, Ex-francs-tireurs garibaldiens.

Paris, le 23 floréal an 79.

Le général Cluseret, le délégué à la guerre démis pour être remplacé par Rossel, est convaincu que c’est dans Paris que la Commune est la plus forte, il adresse la lettre suivante :

Hôtel-de-Ville, le 16 mai 1871.

Mon cher collègue,

La différence entre l’état de la défense telle que je l’ai quittée le 30 et telle que je la retrouve le 15 mai me force à rompre le silence que je m’étais imposé. J’avais ordonné à plusieurs reprises, avant mon arrestation, au citoyen Gaillard père de cesser les travaux inutiles des barricades intérieures pour concentrer toute son activité de barricadier sur la barrière de l’Étoile, la place du Roi-de-Rome et celle d’Eylau. Ce triangle forme une place d’armes naturelle ; en y joignant la place Wagram et barricadant l’espace restreint compris entre la porte de Passy et la porte de Grenelle, on a une seconde enceinte plus forte que la première. Mes ordres ont-ils été exécutés ? On me dit que non. Il importe qu’ils le soient et de suite. Ils peuvent l’être dans les vingt-quatre heures, si la population veut s’y mettre de bonne volonté. Mais il ne faut pas à la barrière de l’Étoile, au Trocadéro, à Wagram et au rond-point de Grenelle des travaux d’amateur. Il faut des travaux comme ceux de la rue de Rivoli. Ces travaux, que j’avais ordonnés comme mesure de précaution, sont devenus des travaux d’urgence depuis qu’en mon absence on a laissé prendre Issy et surtout commis cette faute énorme : laisser envahir le bois de Boulogne, mouvement que je faisais surveiller chaque nuit et qui ne se serait jamais accompli si j’avais été là. Maintenant nous avons à subir un siège en règle. Aux travaux d’approche, il faut opposer des travaux de contre-approche, si vous ne voulez pas vous réveiller un de ces matins avec l’ennemi dans Paris. Aux batteries, il faut opposer des batteries, à la terre, de la terre. En un mot, faire une guerre de position. Opposer des poitrines d’hommes à des projectiles est insensé. […] Viendra ensuite la troisième ligne, allant de la porte Saint-Ouen au pont de la Concorde, qui utilisera les fameux travaux de la rue de Rivoli.

Salut fraternel. Général J. CLUSERET

De nouvelles interdictions de journaux ont été décidées par le délégué à la sûreté générale : le Siècle, la Discussion, le National, l’Avenir national, le Corsaire, le Journal de Paris. Les nombreuses suppressions antérieures n’ont pas fait disparaître tous les journaux qu’elles atteignaient; un certain nombre d’entre eux reparaissent presque immédiatement sous d’autres titres.

 

Les prussiens tuent toujours

Notification

Les nommés Prosper Boivin, garçon boulanger à Yvetot, et François Grandin, vannier à Routes, accusés d’avoir attaqué, le 1er mai, deux soldats prussiens, et de les avoir blessés de coup de bâton, ont été condamnés par un conseil de guerre, à la peine de mort et fusillés à Yvetot, le 8 mai.

Cette exécution est portée à la connaissance des habitants du département, qui sont informés que, si de semblables faits se reproduisaient, les coupables seraient poursuivis conformément aux lois de la guerre.

Le lieutenant général commandant la 2e division d’infanterie prussienne, VON PRITZERWITZ

 

A Versailles, la réaction va toujours plus loin dans l’ignominie

Une proposition signée d’un certain nombre de députés de la gauche demandant que la République fût reconnue par l’Assemblée d’une façon définitive comme gouvernement de la France en urgence a été repoussée à une très forte majorité.

Par contre, la proposition que la maison de M. Thiers soit relevée aux frais de l’État a été accueillie par les applaudissements de l’Assemblée, et renvoyée d’urgence à la Commission d’initiative parlementaire.

C’est dans cette séance que le Comte de Melun a déposé un rapport demandant que des prières publiques aient lieu dans toute la France dans le but d’attirer la protection divine « sur notre malheureux pays ». A une effrayante majorité, 417 voix sur 420 votants, les prières publiques ont été décrétées.

Témoignage d’Elie Reclus, 44 ans, journaliste

Un de nos généraux a appuyé la motion par une petite oraison acquise à l’histoire :

Messieurs, tout à l’heure, un jeune et brave soldat mutilé est monté à la tribune, demandant que des prières publiques aient lieu pour la cessation de nos maux. Savez-vous, Messieurs, comment nous sommes appelés dans les livres d’éducation des pays étrangers ? : « la nation impie ! » (mouvements divers). Laissez-moi continuer, je vous prie, Messieurs. Dans un grand pays, au-delà de l’Océan, dans une grande République, on n’ouvre jamais un congrès sans invoquer le secours de Dieu. Il n’arrive jamais un malheur sans que le Président demande des prières et des jeunes. (Rumeurs). Nous sommes la seule nation qui n’agisse pas ainsi… Je demande l’urgence pour la proposition. Nous faisons attendre Dieu.

 

La colonne Vendôme abattue !

Le décret de la Commune de Paris qui ordonnait la démolition de la colonne Vendôme, ce monument de barbarie, ce symbole de force brutale et de fausse gloire, cette affirmation du militarisme, cette négation du droit international, cette insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, cet attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, a été exécuté, aux acclamations d’une foule compacte.

Cette colonne était l’objet d’une haine républicaine universelle.

Avant même la Commune, dès la fin de l’Empire le 4 septembre 1870, les symboles impériaux ont été démolis dans Paris, une statue de Napoléon a été jetée dans la Seine. Durant le siège, il avait été proposé que le bronze de la colonne soit utilisé pour fabriquer des canons.

Faire tomber d’un seul coup cet énorme fût était audacieux. A la base de la colonne, on a pratiqué une entaille en biseau et de l’autre côté, on a scié la pierre et enfoncé des coins en fer. Un câble entourait le sommet de la colonne et venait s’accrocher à des moufles et un cabestan solidement retenu au sol par une ancre. Pour amortir la chute, on avait disposé un lit de sable, recouvert de fascines et d’une épaisse couche de fumier.

Dès midi, une foule considérable stationnait aux abords de la place Vendôme. Vers cinq heures et demie, plusieurs musiques entonnèrent la Marseillaise, la colonne se scinda en segments qui s’affaissèrent sur le sol en produisant un fracas immense et en soulevant une épaisse poussière.

Article à paraître dans Le Cri du Peuple

LA COLONNE.

Elle est tombée!
La sentence du peuple est exécutée, justice est faite.
Elle est tombée, cette colonne faite de canons achetés par tant de cadavres ; qui se dressait sombre, rigide, brutale, lourde et bête, portant au ciel un faux César aussi odieux que le vrai, monument de la dictature du sabre, du despotisme militaire au milieu du Paris républicain, artiste et ouvrier, pour lequel il était un outrage et un défi ; souvenir insolent de l’empire, commencé le 18 brumaire et terminé par l’invasion.
Elle est tombée à l’heure du crépuscule, devant une foule énorme venue assister à l’exécution de cette fausse et odieuse gloire, condamnée par l’histoire, et saluée dans sa chute par l’immense vivat de la délivrance, sorti de dix mille poitrines.
Elle est tombée silencieusement, disloquée, sciée, dévissée, sur un tas de fumier ignominieux, comme le mépris public.
Il avait fallu, pour la bâtir, pour l’entourer de ce bronze que jamais ne regardent les mères, de ce bronze grandi sous les pleurs, l’effort, l’asservissement et le massacre d’une génération, des combats où la fureur dans le cuivre des clairons, où les chevaux et hommes tombaient éventrés par la baïonnette, écrasés par les boulets sur la terre sanglante des champs de bataille. Il a suffi, pour la renverser des calculs d’un ingénieur et de quelques bouts de cordage.
On croyait que cette colonne, que cette glaire ne pouvait tomber sans qu’il n’y eût dans le monde un ébranlement prodigieux, sans que les murs de Paris ne tremblassent, comme ceux de Jéricho, au son de la trompette des soldats d’Israël ; et les habitants s’attendaient à une commotion du sol, à la secousse des maisons, au bris des vitres. Illusion!
Rien n’a tremblé; il n’y a eu ni bruit ni secousse ; ce pieu colossal, scié au pied, s’est abattu sur son lit de fumier, faisant craquer son écorce de métal, dont les morceaux se sont dispersés et enterrés là comme des feuilles mortes.
Maintenant, la colonne de bronze gît le cou tordu, les bras disloqués, enfouie dans la litière, regardée avec pitié par cette foule, au-dessus de laquelle le César du 18 brumaire avait cru faire planer sa gloire et se dresser éternellement dans l’apothéose sanglante du militarisme despotique et barbare.
De ce monument élevé pour célébrer l’empire et qui devait tomber avec lui, il ne reste plus que l’énorme socle, débarrassé des aigles lourds abattus de leur perchoir, qui demeure debout, décoré sur ses faces de bronze noirci, des trophées d’armes et de vêtements, ramassés pêle-mêle sur l’hécatombe des champs de bataille.
Il reste là, sombre, sinistre, portant aux quatre coins les faisceaux de drapeaux rouges, comme un catafalque immobile renfermant les cadavres de la gloire impériale et les libertés immolés par l’assassin de la République, par le triste et vieux forçat de la Sainte-Alliance.
Ils sont vengés, Justice est faite!
La colonne est tombée !

 

Une avancée vers une justice accessible à tou-tes

Le membre de la Commune délégué à la justice

ARRÊTE :

Les notaires, huissiers, et généralement tous les officiers publics de la Commune de Paris devront, sur l’ordre du délégué à la justice, dresser gratuitement tous les actes de leur compétence.

Le membre de la Commune délégué à la justice, EUGÈNE PROTOT.

Paris, le 16 mai 1871.

En conséquence de l’arrêté ci-dessus, les citoyens gardes nationaux peuvent, dès aujourd’hui, demander au délégué à la justice l’autorisation de faire dresser par les juges de paix, notaires, huissiers, greffiers des tribunaux de la Commune de Paris, les actes d’une certaine urgence tels que : donation entre vifs, testaments, reconnaissances des enfants naturels, contrats de mariage, actes respectueux, actes de consentement des ascendants, procurations, adoptions, actes de notoriété, etc., etc.

 

Commission d’enquête et d’organisation du travail

Toutes les corporations ouvrières de Paris (chambres syndicales, sociétés de crédit mutuel, de résistance, de solidarité, associations de production, de consommation, etc.), faisant ou non partie de la fédération, sont invitées à se faire représenter à la deuxième assemblée générale de la commission d’enquête et d’organisation du travail, qui se tiendra le jeudi 18 mai, à une heure, à l’ex-ministère des travaux publics.

Pour être admis, on devra justifier de sa qualité de délégué.

Ordre du jour

1° Lecture du procès-verbal de la dernière séance ;

2° Discussion des statuts.

Les membres de la commission exécutive, DELAHAYE, L. MARTIN, FARON, PETIT, MINET, JACQUIER, LEMEL.

Après la fédération des sociétés ouvrières, l’organisation principale de l’internationale parisienne prend l’initiative d’une convocation de toutes les corporations ouvrières de Paris, chambres syndicales, sociétés de crédit mutuel, de résistance, de solidarisé, associations de production, de consommation, etc. pour préparer cette deuxième assemblée générale.

 

Du côté des clubs

Église saint Séverin

Tous les soirs se tient une réunion, souvent animée par Armand Janssoulé, chef du corps franc des Lascars de Montmartre, le crémier Martin, Armand Levy et le président, Jean Trohel, membre du comité central des vingt arrondissements. Jean Trohel a défendu le mois dernier un programme radical, avec l’idée de s’emparer de la Banque de France, imiter le bûcheron portefaix Lincoln, accorder 5000 francs de prime à tout volontaire, fusiller quiconque ne voudrait pas marcher, envoyer 200 millions de fonds pour servir de fonds de caisse à l’Internationale, rendre immédiatement tous les objets engagés au Mont de Piété.

Club des Prolétaires,  Église Saint Ambroise

Le club des Prolétaires se réunit tous les soirs à 20 heures dans l’église Saint-Ambroise.

Le club est structuré par le sous-comité du XIe. La première séance s’est tenue avec un prix d’entrée de 10 centimes, supprimé dès la seconde séance. La secrétaire du club est la femme André. Le caporal Simon est chargé chaque soir de fixer le drapeau rouge à la chaire. Beaucoup de femmes, il est recensé 3000 citoyennes et 1000 citoyens.

Le commissaire de police Curot assiste aux séances, chargé d’arrêter les orateurs qui ne sont pas d’accord avec les idées de la Commune. Une femme qui défend le clergé est expulsée.

On distribue pendant les séances le journal Le Prolétaire, rédigé par une dizaine d’hommes d’où se détachent François David et Charles Jacqueline. Le club se distingue quelque peu des autres, s’orientant vers les revendications sociales et la « dictature du prolétariat ». Il critique l’action de la Commune, le manque d’initiative de mesures révolutionnaires, mais le peuple du club ne suit pas toujours les orientations de ses « guides ».

Extraits des débats :

Le citoyen Roullier demande s’il est possible oui ou non d’incendier le bois de Boulogne…

Le citoyen Sylvain demande que l’on forme une députation en délégation à la Commune pour demander compte aux membres qu’ils veulent se retirer, il s’élève ensuite contre tous les réfractaires et formule une motion ainsi conçue « De fermer toutes les boutiques des réfractaires à quelques industries que ce soit. » Le citoyen Baillehache interrompt l’orateur pour l’inviter à ajouter à sa motion les marchandises confisquées au profit des Veuves et des Orphelins. La motion est mise aux voix et adoptée à l’humanité [!]

Le citoyen Baillehache demande […] la suppression totale de tous les journaux, il s’appuie sur ce que les reporters ne vont pas au feu et puisent leurs renseignements au premier venu ce qui fait que les journaux sont remplis de fausses nouvelles

…la citoyenne Thyou demande l’arrestation d’urgence de tous les prêtres et leur détention jusqu’à la fin de la guerre, en outre la citoyenne désire que la commune force les propriétaires à donner aux locataires les quittances des 3 termes échus plus celui du mois de juillet 1871 .

Un orateur : Il ne faut pas arrêter les prêtres, il faut les déclarer hors la loi, afin que chaque citoyen puisse les tuer comme on tue un chien enragé.

Club de l’école de médecine

Le club demande que l’ivrognerie, la prostitution, tares de la société ancienne, soient combattues et disparaissent.

 

En bref

Les citoyens désirant concourir à la réorganisation de l’enseignement et obtenir des places de professeur de dessin et de modelage, sont invités à se rendre le 19, 20 et 21 mai courant, de midi à deux heures, au siège de la commission fédérale des artistes (ex- ministère des beaux-arts, rue de Rivoli), à l’effet de déposer leurs titres et pièces à l’appui et y joindre au besoin une note signée contenant une brève exposition de leurs méthodes d’enseignement.

Les citoyens professeurs au Conservatoire de musique sont invités à se réunir au Conservatoire, samedi 20 courant, à deux heures, à l’effet de s’entendre avec le citoyen délégué par la délégation à l’enseignement

Le Guignol a tenu bon tant que les bombes versaillaises n’arrivaient qu’au rond-point des Champs-Elysées. Mais lorsqu’elles sont tombées devant le Cirque, Polichinelle, le commissaire et même le diable ont déménagé.

 

À Rouen

Le Gaulois, de Versailles, donne les renseignements suivants sur le commencement d’instruction faite aux accusés rouennais.

Les pièces relevées par M. Leroux, juge d’instruction, sont au nombre de deux.

La première est un appel à l’abstention pour les dernières élections municipales, appel formulé d’une façon blâmable vis-à-vis du gouvernement légal de Versailles.

La seconde est un acte d’adhésion à la Commune de Paris, ou du moins une copie non signée de cet acte.

 

En débat

Tribune de Gustave Lefrançais, 45 ans, instituteur, comptable

Malheureusement le parti autoritaire (Blanquistes et Jacobins réunis) [a] pris dans la Commune une croissante consistance.

Les Blanquistes [ont] groupé autour d’eux tous ceux de la Commune qui, jeunes encore et nouvellement arrivés dans la politique, [sont] sincèrement convaincus qu’il ne [s’agit] que d’appliquer au service de la cause démocratique, les procédés employés par les monarchistes, et qu’il [suffit] de changer le but à atteindre pour rendre les moyens acceptables.

Méconnaissant la valeur réelle du mouvement du 18 mars, dont la seule évidence [a] donné à ce mouvement un caractère universel et indiscutable, ils ne [comprennent] pas que le triomphe de cette nouvelle révolution [est] subordonné à la mise en pratique des

principes généraux au nom desquels cette révolution [s’est] produite.

Le mouvement communaliste [a] pour but de faire disparaître la notion d’autorité et de gouvernement, pour y substituer celle du droit et de la souveraineté directe et inaliénable des citoyens.

Et voilà que les autoritaires de la Commune [tendent] de plus en plus à se constituer en gouvernants indiscutables et, malgré leur apparente acceptation du principe de la responsabilité, à se placer en réalité au-dessus de toute revendication effective.

Le mouvement communaliste [doit] avoir pour effet de restituer

aux citoyens la surveillance et la sauvegarde directe de la sécurité publique.

Et voilà que les autoritaires ne [songent] plus, au nom du Salut public, qu’à concentrer dans leurs mains l’action gouvernementale et policière dont ils [ont] précédemment, et avec raison, tant de fois relevé les abus monstrueux, oubliant ainsi que ces abus ressortent logiquement du principe qui leur donne naissance,

quelle que soit d’ailleurs l’honnêteté de vues dont ce principe prétend se légitimer.

Sans doute cette tendance autoritaire [s’appuie], pour se justifier, d’une situation vraiment critique, qui [demande] pour être dénouée une rapidité et une énergie d’action que nous sommes trop habitués, pour notre malheur, à ne croire possibles que dans les mains d’une dictature. Croyance fatale et dont l’impuissance du gouvernement impérial et celle des gens du 4 septembre aurait dû nous avoir à jamais désillusionnés.

Aux conséquences funestes que [peut] avoir pour l’avenir de la Commune les prétentions gouvernementales de ceux qui, par opposition aux socialistes, [s’appellent] naïvement les révolutionnaires, [viennent] s’ajouter, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, les impressions désastreuses que [produisent] la plupart de leurs actes. La majorité [est] malheureusement privée du seul homme qui eût pu lui imprimer une direction intelligente et qui, grâce à son influence sur la plus grande partie de ses membres, eût pu rectifier leurs décisions dans ce qu’elles [ont] du moins d’anarchique et de puérile violence.

Nous voulons parler de Blanqui, dont la présence à la Commune [serait] d’un grand secours à celle-ci, en ce qu’il [aurait] astreint ceux qui [l’acceptent] comme inspirateur à plus de méthode et d’habileté politique dans leurs agissements.

Mais Blanqui ne put être libéré, en dépit de tous les efforts tentés par la Commune pour amener M. Thiers à l’échanger contre Monsieur Darboy qui, dans l’origine, n’avait été arrêté qu’afin d’obtenir ce résultat.

M. Thiers [sait] calculer juste : les Blanquistes sans Blanqui, [peuvent] provoquer la chute de la Commune.