Les inavouables racines de la thématique identitaire

Les sources de la thématique identitaire des droites radicales se trouvent aussi bien chez certains des raciologues nazis que chez des théologiens néo-calvinistes afrikaners des années 1930, et peut-être encore avant dans certaines interprétations du romantisme allemand. La formulation diffusée par le GRECE (et revendiquée comme « non raciste ») dans la France des années 1970 est la reprise puis la systématisation du travail effectué par le régime d’apartheid sud-africain et le gouvernement blanc de Rhodésie dont les militants d’Europe Action s’étaient fait les relais depuis 1965. 

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L’usage et la définition de l’identité qui donneront naissance à l’adjectif « identitaire » se sont fixés au cours de la dernière décennie du XXème siècle. Mais l’évolution du racisme hiérarchisant le plus cru à l’exaltation d’une « identité » redéfinie par la droite radicale, s’est produite entre les années 1940 et les années 1970. Cette évolution a emprunté simultanément plusieurs chemins, qui méritent d’être décrits.

 

L’identité serait-elle un paravent du racisme, le mot « identité » se substituant au mot « race » ?

Nicolas Lebourg conte l’anecdote selon laquelle pour l’extrême droite, « la bataille des mots est déclarée prioritaire. Par ailleurs, c’est une nécessité imposée de l’extérieur. En effet, en 1972, la France adopte une législation antiraciste, la loi Pleven, qui interdit tout ce qu’avait été la propagande du REL. Un groupuscule nationaliste-européen proche de la Nouvelle droite adresse une consigne aux militants : le mot ”race” doit être remplacé par celui d’ ”identité”. Cela devient vite un gimmick de la Nouvelle droite. »[1]

Pierre Vial lui donne raison :

« L’identité, en effet, repose d’abord sur une réalité biologique, naturelle, étudiée par cette science que l’on appelle l’anthropologie physique pour une présentation claire et simple de cette discipline voir [..] Les Races humaines d’Henri-V. Vallois »[2].

Plus qu’une simple substitution de mots, cette évolution est l’aboutissement du projet visant à donner au racisme une formulation « en positif » qui ne soit pas stigmatisée, mais qui reste interprétable comme une conception ethnique et génétique de la communauté. Cela se fait au moyen de l’abandon des discours sur l’inégalité ou la hiérarchie des races, devenus inutiles pour justifier et édifier une stricte séparation des races. De plus, la 2ème Guerre Mondiale en a fait des fardeaux symboliques.

On ne saurait pour autant prétendre que la thématique identitaire se résume à une pure manipulation, ou constitue un simple vocabulaire écran masquant un racisme hiérarchisant. C’est en effet la « Nouvelle droite » qui a travaillé les notions et reformulations en amont de la mise au point du vocabulaire identitaire des années 1990. Elle a changé radicalement de stratégie au cours des années 1970, quand elle a cessé de se braquer sur la tentative de justification intellectuelle et scientifique d’une hiérarchie des races. Elle a alors choisi d’exprimer sa vision du monde par un vocabulaire que partageaient déjà certains de ses militants ou auteurs de référence depuis les années 1940.

 

Au départ, le Grece s’est appuyé sur un réseau international de suprémacistes eugénistes

L’équipe venue d’Europe Action qui fonda le Grece en 1968 a d’abord tenté de promouvoir les psychologues racistes anglo-saxons et sud-africains anglophones qui s’appuyaient sur des études de quotient intellectuel. Puisqu’il y avait des chiffres (de QI), leur scientisme naïf s’en trouvait satisfait. Dans Europe Action, Fabrice Laroche alias Alain de Benoist avait publié, lors d’un retour d’un voyage aux États-Unis, un article qui fit la promotion du ségrégationnisme américain[3].

Cette équipe a tissé des liens avec des racistes suprémacistes se drapant dans un discours scientifique[4], notamment avec le réseau des fondateurs et collaborateurs de la revue Mankind Quarterly,[5] Cette revue dont est membre Donald A Swan (correspondant de Nouvelle Ecole aux Etats-Unis)[6], est fortement représentée parmi les membres du comité de patronage de Nouvelle Ecole : Henry E Garrett[7], R Gayre and Gayre and Nigg [8], Robert Kuttner[9], J·D·J Hofmeyr[10], Frans Johann Irsigler[11], Bertil J. Lundman[12]. La composition du Comité de patronage de Nouvelle Ecole dans les années 1970 reflète la fusion des réseaux des revues Nouvelle Ecole, Neue Anthropologie, Mankind Quarterly, et de l’organisation suprémaciste Northern League[13].

Plusieurs de ces personnes ont été aidées, parfois pour des montants importants, par le Pioneer Fund, qui, aux Etats Unis, « a fourni des ressources à presque tous les scientifiques de la seconde moitié du XXe siècle qui se sont opposés aux droits des Noirs sur la base de leur infériorité génétique. »[14]

Notons que les dernières tentatives, anachroniques, de « racisme scientifique » n’ont pas cédé devant la montée des opinions antiracistes dans le champ universitaire. Elles se sont affaiblies avec la décolonisation, et la fin de l’apartheid qui les privaient du soutien de groupes et d’institutions puissantes. Mais c’est d’abord leur propre dynamique qui les a tuées.

 

L’impasse de la refondation scientifique du racisme : la voie eugéniste

Ces tentatives sont mortes car elles empruntaient une impasse : il est apparu que les pistes suivies ne menaient à rien. Il est impossible de décrire les races en partant de leurs caractéristiques physiques ; en effet leurs divers traits distinctifs ne sont pas corrélés : la taille (qui de plus a fortement augmenté au cours du XXème siècle), la forme du crâne, la couleur des yeux, type et couleur des cheveux. La décorrélation apparaît plus nette encore avec les langues et les religions, les cultures et les coutumes et surtout avec les nations.

Les raciologues nazis « nordicistes » insistaient déjà sur le fait que les Allemands n’étaient pas une race, mais que la population allemande se partageait entre plusieurs races distinctes, tandis que les Juifs étaient à leurs yeux un peuple formé d’un mélange de races (ce qui n’empêchait pas ces raciologues de travailler pour la SS et de soutenir voire participer à l’extermination de Juifs). Le recours à « l’âme des peuples », « l’âme des races » (qui pour l’un d’entre eux, Ludwig Ferdinand Clauss se lisait dans les traits et les expressions du visage) a l’immense mérite de ne pouvoir donner lieu à la moindre discussion scientifique.  Et donc de laisser peu de prise à une réfutation[15].

La recours au QI fit faillite aux yeux de ses promoteurs suprémacistes blancs lorsque furent réalisés des tests montrant que les Chinois ou Japonais réussissaient mieux ces tests que les Européens[16]. Dans l’entretien de 1974 accordé à Éléments, revue qu’il dirige, Alain de Benoist en donne une illustration éclatante : il brûle ce QI qu’il avait tant adoré parce que, si ce critère permettait de hiérarchiser les races, alors les Chinois constitueraient une race supérieure. La comparaison du QI entre races perd désormais tout intérêt[17] à ses yeux. Eléments en prend acte, pour toute l’extrême droite.

 

La fausse piste du racisme colonial français

En France, l’Institut Havrais de Sociologie économique et de Psychologie des peuples, créé en 1937 avec le soutien de la bourgeoisie coloniale havraise[18] illustre un racisme colonial multiforme. Alain de Benoist y a puisé à plusieurs reprises, entre 1965 et 1979, des articles reflétant un racisme basé non seulement sur des critères physiques mais aussi sur les tests de QI.

Ainsi, quand Europe Action édite, en mai 1965, la brochure « Vérité pour l’Afrique du Sud »[19], son chapitre IV : « L’Intelligence du Noir Africain » est la reproduction d’un article de Gérard Wintringer « Considérations sur l’intelligence du noir africain »[20] que la revue de l’association, la Revue de Psychologie des peuples, publia en 1955. On y apprend que chez les Noirs des colonies espagnoles et portugaises subissant des tests de QI, « l’âge mental [..] n’excède pas 10, 9 ans », « l’infériorité des femmes » étant encore plus marquée, ainsi que « le nombre infiniment petit des sujets normalement doués ». Conclusion :

« ces considérations nous obligent à placer l’intelligence de la majorité des Noirs africains au même niveau que celui propre aux enfants retardés de l’Europe, avec toutes les conséquences que pareille classification comporte… »[21].

Mais ce texte n’est pas suffisamment « hiérarchisant » pour Alain de Benoist qui multiplie les notes critiques signées FL[22]  et va jusqu’à censurer le texte original. Ainsi, quand Wintringer écrit :

« nous observons que les noirs lettrés et ayant fréquenté des écoles se sont montrés supérieurs aux blancs illettrés et que les noirs originaires des Etats du Nord des USA ont obtenu de meilleurs résultats que ceux des Etats Sudistes où les conditions de vie ne sont pas aussi favorables », le texte devient dans Europe Action : « nous observons que les Noirs illettrés et que les Noirs originaires des Etats du Nord des USA ont obtenu de meilleurs résultats que ceux des Etats sudistes où les conditions de vie ne sont pas aussi favorables ».

La mention des « blancs illettrés » s’est évaporée et les « noirs lettrés » sont devenus des « Noirs illettrés », ce qui rend le texte incompréhensible. Enfin la dernière phrase de l’original a purement et simplement disparu : après la phrase concernant l’intelligence des Noirs au niveaux des enfants européens « retardés » on pouvait lire : « Si nous disons « retardés » cela ne veut et ne peut dire « inéducables ». Ce serait donc une grave erreur que de vouloir considérer la stagnation intellectuelle du noir comme définitive ». Apparemment c’était déjà trop pour De Benoist.

Dans la même brochure, Gilles Fournier se réfère à une taxinomie raciale adaptée de celle de Vallois dans lesquelles neuf « grandes races » sont étalonnées par « l’ordre décroissant de leur capacité crânienne »[23]. Gilles Fournier et Alain de Benoist ne s’étaient manifestement pas rendu compte que pareils discours, du fait de la décolonisation, étaient devenus inaudibles.

En 1977, de Benoist republie une citation de Gérard Wintringer :

« La différence entre l’intelligence du Noir et celle du Blanc, n’est pas seulement d’ordre quantitatif, mais également d’ordre qualitatif : l’« infériorité » intellectuelle du Noir s’explique par son comportement mental »[24].

 

Un rejet étrangement conditionnel de « tous les racismes »…

Un long article-entretien d’Alain de Benoist, intitulé « Contre tous les racismes » et paru dans Éléments à l’automne 1974, matérialise une évolution sanctionnant l’indéniable échec de la tentative de ce courant de fonder sa forme de racisme sur la science. De Benoist rompt en effet spectaculairement avec le ton et le vocabulaire d’Europe Action, y compris avec celui des articles qu’il a signés Fabrice Laroche.

Néanmoins il place des restrictions, des contrepoints sur lesquels s’appuiera son courant et que les identitaires utiliseront inlassablement. Ainsi :

« Je suis pour la non-discrimination, pour la décolonisation, pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes mais à une condition : c’est que la règle ne souffre pas d’exceptions. Si l’on est contre la décolonisation alors il faut être pour la décolonisation réciproque, [..] On a le droit d’être pour le Black Power, mais à condition d’être, en même temps, pour le White Power, le Yellow Power. ». Or « nous voyons des idéologues prendre parti pour toutes les races. Sauf une, la nôtre », et de citer « les dirigeants des communautés juives » qui craignent l’assimilation, mise en garde qu’il faut écouter.« Réaffirmons le droit qu’ont tous les peuples de tenter d’atteindre leur plénitude, contre tout universalisme, contre tous les racismes. »

Il faut d’abord remarquer qu’Alain de Benoist, qui pratique ici un emploi mal différencié des notions de « peuple » et de « race »[25], reprend l’argumentaire des Sud-Africains sur les droits de chaque population (blancs et noirs). Notons également que Jean Mabire comme Saint Loup, les transmetteurs de la pensée nordique et des rites SS dans la mouvance d’Europe Action, s’étaient déjà prononcés contre la colonisation[26]. Ils estimaient que, dans la défaite de leur combat pour l’Algérie française, il était en fait heureux que les Algériens aient gagné leur indépendance car sinon, tous ces arabes/musulmans seraient devenus des citoyens français[27].

D’autre part c’est ignorer le sens des mots. Il va de soi que le colonialisme, l’impérialisme, les occupations militaires et les annexions sont condamnables indépendamment de qui les pratique. Cela peut concerner des régimes oppresseurs blancs, jaunes, noirs, arabes etc. Mais parler de « réciprocité » pour des relations dissymétriques par nature, comme dans la « décolonisation réciproque » dont parle ici de Benoist, n’a pas de sens.

De même « Black Power » et « White Power » ne sont ni équivalents ni symétriques, dans leur histoire, dans leur signification ou dans la réalité qu’ils recouvrent. « Black Power » est un slogan né d’une minorité qui réclamait l’égalité, en particulier des droits civiques, dans la société américaine, où ces mots permettaient d’affirmer la puissance d’une communauté et une certaine fierté, voire un mythe d’indépendance ou sécession minoritaire. « White Power » est un mot d’ordre réclamant le maintien d’un pouvoir sans partage des blancs (majoritaires ou minoritaires) dans une société s’accompagnant d’une minoration des droits des populations dominées, de leur relégation et d’interdiction légale d’unions interraciales.

Des journalistes comme certains universitaires, aveuglés[28], se persuadèrent que, changeant son fusil d’épaule, de Benoist ainsi que le Grece auraient entamé une sortie de l’univers intellectuel et militant de l’extrême droite[29]. Il s’agissait d’une erreur de perception.

En effet, en mettant sous le tapis les liens étroits du Grece avec les derniers partisans d’un racisme « scientifique », liens qu’une série d’articles hostiles avaient mis en lumière, Alain de Benoist s’éloignait surtout de l’idée que ces gens se faisaient de l’extrême droite. Car le Grece reprend à son compte et systématise en 1975 un discours différentialiste déjà élaboré. Le langage de ce courant a certes bien évolué, mais au sein d’un espace idéologique préexistant forgé par des rescapés de la SS et les architectes de l’apartheid.

 

Le premier différentialiste était un raciologue travaillant pour la SS

Le premier discours différentialiste est sans doute chronologiquement celui du raciologue nazi, Ludwig Ferdinand Clauss (1892-1974). La Nouvelle droite semble l’avoir redécouvert tardivement et s’en réclame depuis l’introduction en France, au cours des années 1970, de son contemporain italien Julius Evola (1898-1974) qui en était proche et en cite laudativement les idées dans des textes bien connus des droites radicales italiennes[30], mais traduits[31] seulement suite aux étroits contacts entre les droites radicales de ces deux pays[32].

C’est d’ailleurs dans le numéro d’Éléments de 1974 comprenant le texte « Contre tous les racismes » que paraît la notice nécrologique de Ludwig Ferdinand Clauss. Le « Professeur Clauss », affirme Éléments, « s’appliqua à jeter les bases d’une psychologie raciale n’incitant pas à la haine, mais à une meilleure compréhension des autres. Ce souci de poser toutes les races comme égales dans leur spécificité ainsi que l’acharnement qu’il mit à protéger certains de ses collaborateurs menacés de déportation lui valurent un certain nombre de difficultés sous le IIIème Reich »[33].

À lire Éléments, Clauss et de Benoist se paraphrasent mutuellement et Clauss aurait été un grand résistant[34] persécuté. Clauss, un des principaux raciologues allemands, défendait l’existence d’une race nordique, en particulier dans la revue Rasse[35], mensuel du mouvement nordique qu’il co-fonda avec un autre grand raciologue nazi, Hans Friedrich Karl Günther. Les deux hommes défendaient une conception en quelque sorte plus stricte que celle du régime, car aux yeux de Ludwig Ferdinand Clauss et de Hans FK Günther, une bonne partie de la population allemande appartenait à une race alpine aux qualités moins éclatantes que celles de la race nordique.

Clauss expliquait, dans ses livres et articles que « la différence entre les races n’est pas une différence de qualité mais de style »[36], et que « l’âme des peuples » pouvait se lire dans le physique et les expressions de représentants de chaque race[37]. Robert Steuckers, qui contribua, au sein du Grece, à la redéfinition de l’idée d’identité interprétait ainsi, en 1992, la pensée du raciologue :

« Clauss développe une anthropologie racialisée et psychologisante (une “psycho-raciologie” serait-on tenté de dire) qui renonce aux méthodes “zoologiques” et accepte l’autre tel qu’il est, veut le comprendre, veut comprendre sa façon d’agir et sa culture. Ses intérêts et l’air du temps le portent à étudier la psychologie de la “race nordique”, tendue et mobilisée entièrement vers l’action. Ensuite, tous ses efforts se portent vers des études approfondies de la “race bédouine”, “race du désert” ou “race arabe”, race portée vers l’absolu et vers les révélations, qui donne au monde des prophètes enthousiastes et conquérants. »

Ainsi la revue Rasse publie en 1936[38] un article intitulé « Verstehen » (comprendre) dans lequel Sigrid Hunke, une disciple de Clauss détaille cet aspect de sa pensée : comprendre en s’immergeant sans se dissoudre dans le mode de vie des races étudiées. Sigrid Hunke, ex collaboratrice de l’Ahnenerbe (institut de « recherche » nazi, et plus spécifiquement SS) figurera au comité de patronage de Nouvelle Ecole aux côtés de Franz Altheim, un des principaux responsables de cette même Ahnenerbe, tandis que la revue publie une lettre de félicitation signé de Herbert Jankuhn, coresponsable des entreprises de pillages archéologiques opérés par la SS en Europe occupée et qui avait été chargé d’examiner pour le compte de l’Ahnenerbe la tapisserie de Bayeux[39].

Ces conceptions, distinctes du racisme seulement biologique et matérialiste d’autres courants du NSDAP, étaient partagées par les cadres de l’Ahnenerbe, et faisaient partie du bagage des enseignants assurant la formation idéologique de la SS[40], au point que Heinrich Himmler protégea et soutint Clauss (pour sa carrière dans la SS) jusqu’à la fin de la guerre.[41]

Les intellectuels de la Nouvelle Droite semblent s’être réapproprié les conceptions de Clauss via la lecture qu’en fait Julius Evola. Or Evola est « découvert » par la Nouvelle droite au début des années 1970. Elle met alors sous le boisseau ses textes tentant de définir une doctrine de la race[42], et son activité pour la faire adopter par le régime fasciste (il obtiendra de Mussolini que son ouvrage soit présenté dans sa traduction allemande comme la « doctrine fasciste de la race ») et a fortiori ses tentatives de diffuser ses thèses dans l’Allemagne nazie[43]. Mais Evola n’est pas raciologue. Bien que sa doctrine assez abstraite des « races de l’esprit » soit compatible avec les théories de Clauss, ce dont les deux hommes étaient conscients, ses apports à la structuration intellectuelle des droites radicales résident ailleurs. Mais l’expression « races de l’esprit » reste, dans ces milieux, associée à Evola.

 

La naissance sud-africaine du discours différentialiste

Néanmoins la diffusion initiale du discours différentialiste en France est le fait des fondateurs du Grece qui sont familiers avec les discours du régime d’apartheid sud-africain et du régime blanc de la Rhodésie, qui l’ont adopté avec retard, puis adapté dans les années suivantes jusqu’à permettre à Éléments de publier le long article d’Alain de Benoist : « Contre tous les racismes ».

À peine l’indépendance de la Rhodésie proclamée par le régime blanc en 1965, Dominique Venner (alors directeur d’Europe Action), accompagné de Jean Mabire, suggère à leur ami et camarade commun Saint Loup (Marc Augier) de mettre sur pied un Comité France-Rhodésie. Europe Action devient le support de ce comité[44] qui bénéficia d’emblée de la coopération du gouvernement rhodésien[45]. En octobre 1966 parait Rhodésie. Pays des lions fidèles, par deux militants d’Europe Action, François d’Orcival et Fabrice Laroche (alias Alain de Benoist), livre préfacé par Ian Smith, le premier ministre rhodésien :

« Pour continuer à vivre chez eux, et permettre aux 4 millions de Noirs de Rhodésie d’avoir l’un des niveaux de vie les plus élevés d’Afrique, ces 220 000 Blancs, dirigés par Ian Smith, ancien as de la R.A.F., premier ministre, et ses quinze ministres-cow-boys, ont décidé de proclamer leur indépendance. Ce fut le 11 novembre 1965. Voici la Rhodésie, son peuple, sa richesse, son histoire et ses espérances »[46].

 

« Vous condamnerez formellement le racisme au service d’un nationalisme agressif »

Chez Saint Loup, ancien officier politique de la division SS Charlemagne, le discours rhodésien faisait écho au travail politico-idéologique des SS (auquel il participa dans leur centre de formation de Hildesheim). Ceux-ci, dans les derniers mois de la guerre, adoptèrent l’idée que la contre-offensive nazie ne devait pas se faire au nom du simple nationalisme germanique mais d’une Europe des ethnies, une « Europe fédérale »[47].

En 1966, Saint Loup met en scène des idéologues de la SS qui, fin 1944, dans leur « monastère » de Hildesheim[48], prodiguent leurs conseils à ceux qui veulent maintenir leur idéologie après la défaite militaire :

« Ce n’est pas seulement l’Allemagne qui va perdre la guerre, mais aussi l’Angleterre, la France et les U.S.A., l’homme blanc qui, dans quelques années, sera menacé dans son espace de commandement [··]. Si avant cinquante ans vous n’avez pas arrêté le pullulement démentiel des métis et des races de couleur, vous serez mis en minorité sur la planète et attaqués, biologiquement submergés. [··]

— Surtout, n’oubliez pas… ne pas retomber dans les erreurs du IIIe Reich… Vous condamnerez formellement le racisme au service du nationalisme agressif. Le racisme ne doit pas revivre. Vous repartez dans une direction complètement opposée… Vous allez prêcher la religion de la race… La paix sur la terre… le bonheur pour chaque homme à l’intérieur de son groupe biologiquement défini »[49].

Sous la plume de Saint Loup, afficher une condamnation formelle du racisme nationaliste et prôner le bonheur pour chaque homme à l’intérieur de son groupe fait partie des tactiques nécessaires pour préserver l’héritage des idéologues de la SS. C’est pourquoi les membres du Grece les plus attachés à cet héritage n’ont pas cillé lors de la parution de « Contre tous les racismes » en 1974.

 

L’apport calviniste au discours de l’apartheid

En 1965, Europe Action relaie, sans se l’approprier vraiment, un discours sud-africain déjà « différentialisé ». En d’autres termes, le discours « identitaire » trouve en partie son origine dans les débats théologico-politiques des églises calvinistes entre 1920 et 1950, quand ont été élaborées en Afrique du Sud, par des politiques et des religieux afrikaners, la notion, la théorie et la pratique de l’apartheid[50].

Dans le contexte suivant la 2ème guerre mondiale et le génocide perpétré par le régime nazi, il leur fallut déconnecter le vocabulaire de l’apartheid des formulations racistes biologiques. Celles-ci par ailleurs déplaisaient aux Afrikaans dont l’identité reposait en bonne part sur leur christianisme. Le fondement de l’apartheid reste néanmoins le même, exposé sans détours, ici dans un texte destiné à l’étranger et rédigé en 1953 par un des responsables du South African Bureau of Racial Affairs (SABRA) :

« La politique d’Apartheid, précédemment aussi appelée ségrégation, est, dans son principe la politique suivie par les générations et gouvernements successifs en Afrique du Sud dans les relations entre blancs et noirs – une politique de l’Afrique du Sud blanche pour se sauver elle ainsi que son mode de vie d’une extinction totale du fait des masses noires en nombre supérieur, illettrées et comparativement primitives. »[51]

Mais l’accent est mis sur les supposés bienfaits du développement séparé pour toutes les communautés concernées. D’autant plus facilement que cet aspect avait déjà été plus ou moins évoqué pour que les églises afrikaners s’autorisent à adopter une idéologie raciale : une interprétation de l’épisode de la tour de Babel permettant de décrire « un Dieu qui sépare », « Hammabdil »[52], conception amendée par les influences piétistes[53]

L’ethno-différentialisme, le discours sur le respect des identités proviennent des « éléments de langage » des régimes racistes du sud de l’Afrique. C’est le carburant intellectuel qui a permis de « renverser » un discours suprémaciste en le transformant en affirmation du « droit à la différence ». Il fallait rendre le discours de l’apartheid acceptable dans le contexte intellectuel des démocraties bourgeoises, mais aussi, secondairement, de permettre son appropriation par les discriminés.

Du fait de leurs origines, ces discours « contre tous les racismes » deviennent ambigus, et surtout restent réversibles en raison du contexte. Cela peut se décliner aujourd’hui en récriminations contre le « racisme anti-blancs » ou contre la « colonisation de peuplement » en vue du « grand remplacement ».

Ce discours oppose eux et nous, et « nous » savons et sentons dans notre cœur, notre corps, qui nous sommes, c’est une formulation synthétique du nativisme. Bien qu’elle semble naïve, elle montre une profonde cohérence avec les conceptions raciales de ces courants : race de l’âme, culture et biologie sont indissociables, le plus fondamental n’étant pas physique, encore moins une simple couleur de peau. On pourrait, en commettant un anachronisme délibéré, soutenir que la race de l’âme est à la race biologique ce que le genre est au sexe biologique.

 

Le double langage du développement séparé

Une brochure éditée à New York par le service d’information de l’Afrique du Sud s’ouvre en exergue par :

« La condition essentielle (pour un pays stable et prospère) est que la domination raciale devra être supprimée. Tant que la domination d’une race par une autre existera, il y aura de la résistance et des troubles. Par conséquent, la solution doit être recherchée au moyen d’une politique visant à éliminer la domination sous toutes ses formes et à tous égards. »[54]

La brochure Vérité pour l’Afrique du Sud met à la même place :

« Nous qui sommes blancs, nous nous dresserons, nous combattrons et nous vaincrons en Afrique de par la valeur de notre communauté, en même temps que nous donnerons leurs droits aux noirs dont le destin est lié au nôtre. Le rôle des blancs, même s’ils sont moins nombreux que les noirs est primordial. L’homme blanc est celui qui dirige et qui crée »[55]

Malgré la différence de ton, les deux citations viennent du le même auteur, le premier ministre Dr Henrik Frensh Verwoerd, les 9 et 10 mars 1960[56]. On est bien là dans la distinction entre discours interne et discours externe, telle qu’elle sera exposée par les plus agiles des intellectuels de la Nouvelle droite : Guillaume Faye et Robert Steuckers. Le « discours externe » est vendu dans la brochure éditée à New York, le « discours interne » est diffusé par des militants afin de mobiliser leurs sympathisants dans des réseaux de soutien au régime. Il s’agit néanmoins de deux expressions du même fond.

 

Des héritages multiples sélectivement revendiqués

Le « tournant » de la Nouvelle droite vers le différentialisme puis vers la rhétorique identitaire a été facilité par les liens politiques, intellectuels, personnels entre générations militantes. Les « passeurs » Dominique Venner et Jean Mabire, les anciens SS Saint Loup et Henri Fenet, les militants de Benoist, Steuckers, Faye et Vial ont appartenu aux mêmes communautés idéologiques. Le cheminement des formulations a emprunté aussi des détours, entre les variantes et les nuances des discours sur les races, et sur ce qui cimente des communautés humaines.

Il faut, pour le comprendre, éviter de construire des objets monolithiques tels que « le » racisme nazi, « l’extrême droite ». Le régime national-socialiste, on le sait depuis Franz Neumann en 1942, est un « Béhémoth »[57], un chaos où rivalisent plusieurs pouvoirs (parti, armée, bureaucratie, industrie). Sa politique raciale a été soutenue par des théoriciens en compétition permanente, issus de multiples courants intellectuels. Les constituants idéologiques et culturels des fascismes et du national-socialisme avaient une histoire avant ces régimes, et continuent, souvent sous des formes différentes, à en construire une après 1945.

Les droites radicales contemporaines, qui peuvent être inventives et intellectuellement agiles se répartissent et rivalisent au sein d’un éventail de positions politiques et d’appartenances culturelles très variées. Connaître leurs emprunts, toujours sélectifs et souvent raisonnés à leur propre histoire, permet de mieux appréhender leur fonctionnement actuel.

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Illustration : photo © EPA. 

 

Notes

[1] Nicolas Lebourg (2017) http://www.slate.fr/story/149658/version-lisse-mot-race-extreme-droite

[2] Initialement publié en 1944, le « Que Sais-je » de Vallois, Les Races humaines, développe une taxinomie raciale de 5 groupes divisés en 29 races. Voir : Henri Victor Vallois Les Races humaines, PUF Paris (1er trimestre 1944, le lien renvoie à la 7ème édition en 1967) http://classiques.uqac.ca/contemporains/vallois_henri_victor/races_humaines/races_humaines.pdf

[3]  Stéphane François et Nicolas Lebourg : https://tempspresents.com/2013/05/23/dominique-venner-renouvellement-racisme-stephane-francois-nicolas-lebourg/europe-action/#main

[4] Les références, les membres du Comité de patronage ou correspondants de Nouvelle Ecole sont des personnes de plus en plus marginalisées dans le champ universitaire.  Ces auteurs ont souvent collaboré avec Tydskrif vir Rasse- Aangeleenthede / Journal of Racial Affairs la revue du SABRA : Suid-Afrikaanse Buro Vir Rasse-Aangeleenthede le bureau des études raciales, ou avec la revue militante Mankind Quarterly. D’autres ne prétendent pas détenir de légitimité scientifique particulière : Robert Ardrey (1908-1980), une de leur références (sur l’agressivité naturelle des humains et une forme de darwinisme social appliqué aux groupes) est un scénariste et homme de théâtre américain devenu ensuite l’auteur d’essais publiés hors du champ académique

[5] Sur cette revue voir CASSATA, Francesco. Chapter VII. Against UNESCO : Italian Eugenics and American scientific racism In : Building the New Man : Eugenics, Racial Science and Genetics in Twentieth-Century Italy [en ligne]. Budapest : Central European University Press, 2011 https://books.openedition.org/ceup/729?lang=fr

[6] Donald A Swan est un co-fondateur et collaborateur du Mankind Quarterly, il a aussi publié dans la revue du SABRA Selected Pupil and School CharacteristicsTydskrif vir Rasse- Aangeleenthede / Journal of Racial Affairs 18 (January 1967) :   28-36. Source : la très copieuse bibliographie de Donald A Swan publiée par l’ISAR (Institue for the Study of Academic Racism) de la Ferris State University (Michigan) https://www.ferris-pages.org/ISAR/bibliography/swan.htm

[7] Voir l’article Andrew S Wintson, Science in the Service of the Far Right : Henry E. Garrett, the IAAEE, and the Liberty Lobby Journal of Social Issues N°1, 1998, pp· 179-210 https://dubito.s3.eu-central-1.amazonaws.com/dubito-v2/2020/2/5/1583406406265-winston2010.pdf

[8] Mentionné par NE en tant qu’ancien directeur du Mankind Quarterly

[9] Mentionné par NE en tant que « éditeur de Race and modern science, directeur adjoint du Mankind Quarterly », au moment où parmi des dizaines d’autres textes de même nature il publie l’article « Biopolitics :   The Theory of Racial Nationalism. »  The American Racist 1 (1959) :   1-3, il devient le premier président de The International Association for the Advancement of Ethnology and Eugenics, Inc. Quand il publie en 1967 Race and modern science, 7 des 16 auteurs participeront au comité de patronage de Nouvelle Ecole. Voir sa bio par l’ISAR : https://www.ferris-pages.org/ISAR/bibliography/kuttner.htm

[10] Lire à son propos, et à celui de la construction du vocabulaire « différentialiste » de l’apartheid, l’excellent article de Saul DUBOW. Racial irredentism, ethnogenesis, and white supremacy in high-apartheid South Africa. Kronos, Cape Town, v. 41, n. 1, p. 236-264, Nov.  2015.   http://www.scielo.org.za/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0259-01902015000100010&lng=en&nrm=iso. JDJ Hofmeyr est un spécialiste de la génétique de la papaye. Il créa en 1956 avec d’autres spécialistes des animaux, des plantes, fruits et légumes une South African Genetic Society qui délaissa son champ de compétence pour consacrer son énergie à la génétique humaine. JDJ Hofmeyr rejoint en 1960 la revue Mankind Quarterly.

« Par le biais des réseaux du Mankind Quarterly et avec le soutien de l’Université de Pretoria, Hofmeyr s’est étroitement impliqué dans la promotion d’une vision profondément racialisée de la génétique humaine, orientée vers la défense du grand apartheid « high apartheid ».

Sous la direction de Hofmeyr, la South African Genetic Society est devenue le pivot institutionnel de ce mouvement.

Les perspectives pro-apartheid de Hofmeyr et de ses associés ont apporté un soutien direct à un petit réseau international de suprématistes blancs qui, dans le monde de l’après-guerre, se voyaient comme une minorité scientifique assiégée défendant des vérités impopulaires.

Leurs engagements se sont concentrés sur l’opposition à la législation sur les droits civils aux États-Unis et sur la défense totémique de la suprématie blanche en Rhodésie et en Afrique du Sud. » (Dubow in Kronos art cité· p 242).

[11] Professeur à l’université d’Iéna, il y publie de 1930 à 1943. Il y est l’élève en anatomie du cerveau de Hugo Spatz qui se fournissait à l’époque en cerveaux de malades mentaux assassinés par les nazis (Irsigler lui dédicacera un de ses articles en 1963). Il quitte l’Allemagne après 1945, émigre en Afrique du Sud en 1951, est rattaché à l’Université de Pretoria. Alors que ses articles restaient cantonnés au domaine de la neurochirurgie, il commence à collaborer en 1970 à des revues d’extrême droite et y aborde les questions de race et d’intelligence : Mankind Quarterly, Nation-Europa, il écrit plusieurs articles dans Nouvelle Ecole https://www.ferris-pages.org/ISAR/bibliography/irsigler.htm

[12] Bertil Lundman, (1899 -1993). Anthropologue suédois, lié aux eugénistes américains. Il a signé en 1936 Raum und Typus in Süd- und Mittelschweden dans le Zeitschrift für Rassenkunde Band IV Heft 3, pp. 248-250 (édité entre 1935 et 1942). Bertil Lundman a été l’assistant du Pr Egon von Eickstedt, directeur de cette revue pour une recherche en Dalécarlie en Suède. Il a publié The Races and peoples of Europe, IAEE Monographs N°4 en 1987.

[13] Représentée au comité de patronage de Nouvelle Ecole par son président Roger Pearson, et plusieurs des personnes citées plus haut au titre du Mankind Quarterly.

[14] Tucker, William H. « A closer look at the Pioneer Fund : response to Rushton. » Albany Law Review, vol. 66, no. 4, 2003, p. 1145-1159 https://philipperushton.net/wp-content/uploads/2015/02/iq-race-racism-pioneer-fund-rushton-tucker-albany-law-rev-2002.pdf

Plusieurs membres du comité de patronage de Nouvelle Ecole ont bénéficié des subventions de la fondation suprémaciste comme le psychologue HJ Eysenck, Roger Pearson, ou Travis R Osborne qui en a reçu 396 000 dollars avant d’en devenir lui-même président après 2000. Henry Garrett a été président du Pioneer Fund. Rien n’indique en revanche si la revue elle-même a pu en profiter directement. Sur la nature du Pioneer fund voir William H. Tucker. The Funding of Scientific Racism : Wickliffe Draper and the Pioneer Fund. Urbana : University of Illinois Press, 2002. (286 pages)

[15] Ce domaine a suscité des travaux bien différents : ainsi le racisme qui s’exprime dans  « l’Âme des races » de Ludwig Ferdinand Clauss (« Rasse und Seele », 14 éditions entre 1926 et 1939) ou dans son « Die nordische Seele » (l’Âme nordique », plusieurs rééditions entre 1923 et 1940) et celui qui est perceptible dans « L’Âme des peuples » (1950) d’André Siegfried (un fondateur des sciences politiques en France) n’ont ni la même nature ni la même intensité. Les développements de Théodore Zeldin dans son Histoire des passions françaises (traduit chez Payot en 1995) illustrent l’intérêt et la richesse des études sur les représentations et comportements collectifs ou « histoire des mentalités », qui n’ont pas forcement de lien avec les idéologies nationalistes ou suprémacistes.

[16] L’idée que les tests psychologiques ou de QI appuient la hiérarchie entre les races a été tuée, dans les milieux académiques, dès 1945 avec la parution de l’article de M. F. Ashley Montagu. “Intelligence of Northern Negroes and Southern Whites in the First World War.” The American Journal of Psychology, vol. 58, no. 2, 1945, pp. 161–188. Il montre que selon les tests effectués par l’armée américaine pendant la première guerre mondiale, le score moyen des noirs de certains états dépassait le score moyen des blancs d’autres états et celui des blancs du même état dans 2 états sur 23 testés. Les résultats sont interprétés comme une preuve du rôle joué par les facteurs socio-économiques dans la détermination des résultats des tests d’intelligence.

Le psychologue reconnu Henry E Garrett, futur « patron » américain de Nouvelle Ecole, lança une offensive furieuse. Il opposa la splendide objectivité de la génétique aux préjugés de ses adversaires qu’il accusa de comploter pour prendre le pouvoir dans les sciences sociales. Il travailla avec d’autre fondateurs de l’International Association for the Advancement of Ethnology and Eugenics (IAAEE), à tenter de montrer que les noirs étaient moins intelligents que les blancs, il prit parti pour les ségrégationnistes dans des procès contre l’administration.

[17] « D’après les données dont nous disposons, il semble que les Japonais et les Chinois soient les peuples les plus intelligents du monde, c’est-à-dire ceux dont la moyenne de QI, statistiquement parlant, s’établit au plus haut niveau. Pourtant, dans l’histoire, la civilisation européenne a pris un plus grand essor que les civilisations de l’Extrême-Orient. C’est que l’intelligence n’a pas nécessairement joué le rôle principal. » Éléments, nov. 1974 p 17.

[18] Carbonel, Frédéric. Origines et développement de l’Institut Havrais de Sociologie économique et de Psychologie des peupleshttps://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie-sociale-2008-1-page-69.htm. Voir aussi l’article Psychologie ethnique rédigé par Carole Reynaud Paligot dans le Dictionnaire historique et critique du racisme, dir. Pierre-André Taguieff PUF, 2013 (1964 pages)

[19] Gilles Fournier, Fabrice Laroche, Vérité pour l’Afrique du Sud, Editions Saint-Just, supplément d’Europe Action, Mai 1965, Paris (112 p)

[20] Gérard Wintringer, Considérations sur L’intelligence du Noir africain. Revue de Psychologie des Peuples, 1955 n°1, p 37 à 57. La revue publie cette même année 1955 un article de Nicolas Lavohary dont un texte sera publié en 1974 par le GRECE préfacé par Alain de Benoist : La France Ethnique, supplément à éléments Janvier 1974 (51 pages). La brochure constitue la réédition d’un chapitre du livre publié en 1948 : Les peuples européens : leur passé ethnologique et leurs parentés réciproques d’après les dernières recherches sanguines et anthropologiques.

Nouvelle Ecole n°33 de l’été 1979 reproduit l’article La classification des types ethnopsychiques de Georges A Heuse, article initialement paru dans la Revue de psychologie des peuples. En illustrant l’article de photos publiées par Ludwig-Ferdinand Clauss,Nouvelle Ecole souligne très lourdement une proximité que n’évoque pas l’auteur. Le procédé est d’autant plus abusif que Georges A Heuse a donné dans l’article Racismes et antiracismes publié par cette même Revue de psychologie des peuples (n° 4 de 1955 (pp·368-381) son opinion sur le courant nordiciste (dont Ludwig Ferdinand Clauss fut une figure de proue) : « le Nordicisme demeure avant tout un dogme politique, une mégalomanie collective inspirée au peuple afin de stimuler ses tendances agressives » (page 370).

[21] Au moment de la parution de l’article Gérard Wintringer, fraîchement diplômé en Sciences coloniales et administratives de l’université d’Anvers voguait, vers le Congo Belge où l’attendait un poste d’administrateur territorial adjoint.

[22] Entre les notes du texte de Gérard Wintringer viennent s’intercaler celles, beaucoup plus volumineuses, de « Fabrice Laroche » qui, systématiquement, vient contester que le QI puisse être influencé par d’autres facteurs que la génétique : « cette légère supériorité mentale des éléments citadins [chez les Noirs du nord de Etats Unis] est due à l’influence de l’environnement socio-culturel et d’un acquis social conséquent à la présence d’une société civilisée. Ces facteurs ont un rôle réel, mais ne sauraient être considérés que comme secondaires. Ils n’ont pouvoir d’améliorer une donnée héréditaire que de façon superficielle, relative et non-transmissible. ». (Vérité pour l’Afrique du Sud. 1965 p 103)

[23] (Ibid.) p 45 La référence à Henri Vallois soulève les mêmes problèmes : exposant une description purement physique des races, sa taxinomie ne peut se décliner en identité culturelle, âme des races etc. Elle se révèle peu utile dans une optique différentialiste.

Vallois était, entre 1936 et un des patrons ou référents de la revue Zeitschrift für Rassenkunde (éditée ente 1935 et 1943) aux côtés de raciologues nazis de premier plan tels Hans FK Günther, Otmar Reinhold von Verschuer (1896-1969) raciologue eugéniste qui inspira la politique eugéniste national socialiste. Verschuer fut par la suite un des fondateurs de Mankind Quarterly. Il est une référence essentielle da la bibliographie sur l’eugénique publiée dans « l’organe théorique du Grece », Etudes & Recherches n°4-5, en janvier 1977.

Henri Victor Vallois a publié « La Population et les races de la France en 1936 » dans le Zeitschrift für Rassenkunde (1937) p188. Mais il a poursuivi sa carrière après 1945 sans évoquer ses collègues allemands de l’époque nazie.

[24] Alain de Benoist, Vu de droite, éditions Copernic, 1978, (626 pages). Ce texte est une reprise, mise à jour de l’article « Race et psychométrie » paru dans Valeurs Actuelles du 26 juillet 1971.

[25] Les raciologues dont les noms apparaissent dans les publications du Grece, faut-il le souligner, insistent au contraire très clairement sur le fait qu’à leurs yeux peuple et race ne coïncident pas.

[26] Le travail de reformulation « décolonisatrice » et anti-nationaliste découle de l’activité de Dominique Venner et de Jean Mabire. Sur ce point, voir l’article de Christophe Boutin, L’extrême droite française au-delà du nationalisme 1958-1996. Revue Française d’Histoire des Idées Politiques No. 3 (1er semestre 1996), pp. 113-159 (47 pages) http://www.jstor.org/stable/24610421

[27] Pierre Vial rapporte les propos d’un militant de Jeune Nation, en prison fin 1961 qui « avait mené ce combat pour l’Algérie française pour des raisons d’honneur, mais [qui pensait] que le thème de l’intégration, mis en avant pour justifier la cause de l’Algérie française était éminemment dangereux. En effet, si l’Algérie restait française, cela voudrait dire aussi des millions de gens d’origine africaine devenus définitivement citoyens français, avec en perspective une France multiraciale. » Une Terre, un peuple, p 41

[28] J’emprunte la métaphore à Pierre-André Taguieff qui, citant et commentant longuement le texte de De Benoist, le qualifie d’« entretien d’une richesse argumentative parfois aveuglante » p 202 de son ouvrage Sur la Nouvelle Droite· Jalons d’une analyse critique, paru chez Descartes & et Cie (1995), 426 pages.

[29] Stéphane François a procédé à une nette mise au point dans Alain de Benoist, une obsession identitaire très médiatique : « Dans notre thèse, Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite (1980-2006). Pour une autre approche, nous avions conclu à une sortie d’Alain de Benoist hors du champ de l’extrême droite dans les années 1990. C’était une erreur : ses prises de positions récentes [..] montrent que cela n’a jamais été le cas. »https://inrer.org/2020/06/alain-de-benoist-obsession-identitaire-2/

[30] Notamment dans Le Mythe du sang (1936) Editions de l’Homme Libre, 2013. (224 pages), Tre aspetti del problema ebraico (1936)(Trois aspects du problème juif. Dans le monde spirituel, dans le monde culturel, dans le monde économique et social) prudemment traduit par Trois Aspects du Judaïsme, Editions de l’homme libre, 2005 (60 pages), Synthèse de doctrine de la race (1941), Editions de l’Homme Libre 2002 (183 pages), Eléments pour une éducation raciale (1941) Editions Pardès, 1984 (104 pages)

[31] Le principal traducteur de Julius Evola en français était Philippe Baillet. Robert Steuckers a préfacé les traductions françaises d’œuvres de LF Clauss, et de Hans FK Gunther, l’édition de La Religiosité Indo-européenne, précédée de l’article que consacra Julius Evola à ce texte. Religiosité Indo-Européenne. Les Editions du Lore 2013 (123 pages).

[32] Voir sur ces contacts Pauline Picco, Liaisons dangereuses. Les extrêmes droites en France et en Italie (1960-1984). Presses Universitaires de Rennes, Rennes 2016 (300 p).

[33] Eléments, n° 8-9, page 30.

[34] Clauss a été exclu du NSDAP en 1943 suite à la dénonciation par sa femme pour adultère avec sa collaboratrice (de confession protestante mais d’ascendance juive). Il défendit sa maîtresse en expliquant qu’elle lui servait d’objet d’étude pour comprendre la psychologie juive, et que celle-ci en retour avait envers lui l’attitude d’un chien de chasse avec son maitre. Son disciple et ancien élève, l’anthropologue SS Bruno Beger prit sa défense dans cette affaire et écrivit à Himmler : « J’estime, tout comme Clauss, que l’extermination complète des Juifs, en Europe et, si possible, au-delà dans le monde entier ne suffira pas, et de loin, à éliminer ce judaïsme intellectuel que l’on rencontre partout.. » Benno Müller-Hill, Science nazie, science de mort. L’extermination des Juifs, des Tziganes et des malades mentaux de 1933 à 1945, Editions Odile Jacob, 1989 (246 pages).

Cette péripétie n’a pas empêché Clauss d’intégrer ensuite la SS à la fin de la guerre pour y mener le projet « Races au combat » de l’Ahnenerbe sur recommandation de Heinrich Himmler avec accord de Martin Bormann Chancelier du Reich et en coopération avec le « SS Hauptsturmführer Dr Beger ».

Beger, collaborateur de l’Ahnenerbe de la SS préparait et réalisait au moment où il intercédait pour Clauss le projet de rassembler un ensemble de corps pour la collection de squelette du Pr Hirt à la Reichsuniversität Straßburg, il « sélectionna » à Auschwitz 115 détenus qui furent ensuite gazés dans cet objectif.

Le fait que le doyen de la faculté de philosophie de cette Reichsuniversität dans Strasbourg occupé ait été Ernst Anrich qui figura au comité de patronage de Nouvelle Ecole (n° 33, été 1979), ajoute un élément pour déterminer certains des facteurs qui réunissent nombre des « patrons » de cette revue.

[35] Rasse.  Monatsschrift der Nordischen Bewegung qu’il cofonda en 1934 était au départ un des organes du mouvement « nordiciste », la revue officialisa ses liens avec la quasi-totalité des organes du régimes traitant des questions raciales dont le Rasse und Siedlungshauptamt (RuSHA).

[36] Citation de LF Clauss par Julius Evola dans Le Mythe du sang (p116). Les conceptions de Clauss sont assez compatibles avec la forme de racisme professée par Julius Evola, fasciste italien qui influença nombre de cadres et de militants de la Nouvelle droite et aujourd’hui de la mouvance identitaire.

[37] Vouloir n°89/92 1992 http://www.archiveseroe.eu/clauss-a48651132

[38] Rasse 1936 pp.86-91

[39] Voir Achim Leube, Deutsche Prähistoriker im bezetzten Westeuropa 1940-1945. Das « Ahnenerbe » der SS in West Europa, pp 93 à 119 de L’archéologie nazie en Europe de l’Ouest, édition Infolio, Gollion en Suisse, 2007. (496 pages) (Actes de la table ronde « Blut und Boden » dans le cadre du Xème congrès de la « European Association of Archeologists » (EAA) les 8 et 9 septembre 2004.

[40] Sur ce point voir les références à Clauss dans la somme de Hans-Christian Harten, Himmlers Lehrer. Die weltanschauliche Schulung in des SS 1933-1945 (Les enseignants de Himmler. La formation idéologique dans la SS 1933-1945), Ferdinand Schöningh, Paderborn, 2014. (707 pages)

[41] La nécrologie de LF Clauss dans éléments, est illustrée par son portait en keffieh, pendant ses séjours d’étude de l’âme des bédouins lors desquels il se faisait appeler Muhammad Ferîd el-Almâni et se déclarait musulman. Éléments ne mentionne pas qu’il a travaillé au titre Du Reichssicherheithauptamt (département VI C 13 du RSHA) au titre de spécialiste du Moyen Orient, précision qui figure dans l’introduction à la traduction en français de son best-seller L’Âme des races, par un éditeur néo-nazi. Décodage : L F Clauss était employé par l’Office central de la sûreté du Reich créé par Heinrich Himmler en 1939, dans la section VI (« SD Ausland » c’est à dire Sicherheitsdienst des Reichsführers SS) en clair le service d’espionnage de la SS à l’étranger.

[42] Ils seront traduits en français entre 1985 et surtout vers 2000 par des éditeurs néo-nazis

[43] Sur ces tentatives : les documents rassemblés par Nicola Cospito et Hans Werner Neulen, Julius Evola nei documenti segreti del Terzo Reich, Ed Europa, Rome 1986· (147 pages). Ces documents de l’Auswärtiges Amt ont été traduits en italien par un éditeur de la droite radicale.

[44] L’investissement fut durable ainsi, notamment :

Jean-Pierre Maire, le secrétaire du comité milita ensuite au GRECE. Il alla en Rhodésie porter le soutien du comité (et probablement de la compagnie aérienne dans laquelle il travaillait). Il tint plusieurs réunions et intervient à la télévision rhodésienne le 2 mars pour clamer « son admiration pour le courage de la Rhodésie dans sa participation à la lutte mondiale contre le communisme. ». Joanna Frances Warson France in Rhodesia : French Policy and perceptions throughout the era of decolonisation, Thèse de philosophie, University of Portsmouth, 2013. (371 pages) P 201. La thèse livre beaucoup d’information sur la manière dont nombre des principales entreprises françaises agirent pour contourner l’embargo international.

Jean Haudry, universitaire en études indo-européennes, influencé par Hans FK Günther, fut à la fois un des intellectuels du Grece et un animateur de l’association des Amis Français des Communautés Sud-Africaines, puis un des patrons d’Identité du FN, il a été vice-président de Terre & Peuple.

Jacques Marlaud militant d’Europe Action, qui avait vécu en RSA de 196­­6 à 1979 y était correspondant de Nouvelle Ecole, avant de présider le Grece en France. http://www.archiveseroe.eu/marlaud-a48652864

[45] D’autres mouvements d’extrême droite en bénéficièrent, ainsi des numéros de Notre Europe, l’organe de la Fédération d’Action Nationale Européenne, ont inséré la publication Commentaire Rhodésien, le N° 17 de Notre Europe, comprend les 8 pages deCommentaire Rhodésien de décembre 1969,

[46] François d’Orcival (avec la collaboration de Fabrice Laroche), Rhodésie. Pays des lions fidèles, préface de Ian Smith, Editons de la Table Ronde, Paris, 1966· (272 pages). François d’Orcival (Amaury de Chaunac Lanzac) dirige aujourd’hui Valeurs Actuelles.

[47] Cette histoire, sur laquelle Saint Loup revient dans plusieurs de ses œuvres (Les Hérétiques (1965), Les Nostalgiques (1967), Göterdämmerung (1986), passe pour une invention gratuite de sa part car il l’assaisonne d’épisodes romanesques manifestement sortis de son imagination. Or Il existe bien des textes, dans les archives de la SS (Munich) concernant le travail pour un « projet fédéraliste »sur le thème « Le fédéralisme comme principe politique » prévu dans les premiers mois de 1945 et mentionnant l’existence d’un « séminaire politique » de l’Ahnenerbe qui se tenait à Hildesheim à partir de 1944. Quoi qu’il en soit Saint Loup affirme tenir ses convictions sur l’Europe des ethnies de son passage à Hildesheim.

[48] Il s’agit d’une école de formation idéologique d’officiers européens de la SS abritée de l’automne 1943 au printemps 1945 par la « Haus Germanien » dans le monastère et le cloître de la Michaeliskirche, au centre de la petite ville de Hildesheim près de Hanovre. Voir Michael H. Kater, Das “Ahnenerbe” der SS. 1935-1945. Ein Beitrag zur Kulturpolitik des Dritten Reiches. Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart, 1974. pp. 343 344

[49] Les Hérétiques, Paris, Presses de la Cité, 1965,

[50] Saul Dubow, Afrikaner Nationalism, Apartheid, and the conceptualisation of « Race » African Studies Institute· Seminar Paper 23 sept 1991· http://wiredspace.wits.ac.za/bitstream/handle/10539/8690/ISS-123.pdf?sequence=1&isAllowed=y

[51] N.J.J. Olivier, Apartheid – a slogan or a solution, Journal of International Affairs Vol 7 n°2 (pp 136-144) 1953. Le texte a semble-t-il été republié en brochure, sous le même titre : Nicolas Johannes Jacobus Olivier, Apartheid – a slogan or a solution, South African Bureau of Racial Affairs (SABRA), 1956

[52] Saint Loup cite fait répéter cette citation à un personnage de son roman Les Nostalgiques, paru en 1967, aux Presses de la Cité, quand un moine trappiste ancien SS défend la possibilité d’un racisme chrétien : « et si l’Eglise [··] rétablissait la notion de race comme valeur essentielle de l’œuvre divine ? [··] Elle possède, en archive, le commandement correspondant à cette politique : « Ce que Dieu a séparé ne doit pas être rassemblé » (P 117)

[53] Saul Dubow (1991) p 10

[54] Information Service of South Africa, Progress through Separate Development. South Africa in peaceful transition, New York sd (104 pages). La page de garde précise que l’ISSA a le statut d’« agency of the Republic of South Africa », le texte semble avoir été rédigé en 1976.

[55] Gilles Fournier, Fabrice Laroche, Vérité pour l’Afrique du Sud, Editions Saint-Just, Supplément d’Europe Action, Mai 1965, Paris (112 p)

[56] Progress through separate development indique « en mars 1960 devant le parlement Sud-Africain », cela semble correspondre au discours « The Price of appeasement in Africa » prononcé le 10 mars devant le parlement, « Vérité pour L’Afrique du Sud » indique « 9 mars 1960 Prétoria » sans autre précision.

[57] Franz Neumann, Béhémoth, structure et pratique du national-socialisme, éditions Payot, Paris, 1987. (592 pages).