Alors que la crise écologique fait rage et que des inquiétudes percent quant à la capacité des sociétés humaines à nourrir une population croissante, le capitalisme prétend posséder la solution pour sauver l’humanité : l’agriculture numérique. Nouvel éden pour de nombreuses entreprises ayant développé des technologies de pointe, le capitalisme agricole espère se sauver, et nous sauver, par l’introduction de ces technologies dans les champs. C’est à une transformation en profondeur des pratiques agricoles et du travail des paysan·nes que contribue ce capitalisme techno-agricole, au service des firmes et start-up en pointe dans le secteur des nouvelles technologies.
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Aout 2020, Cédric O alors secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique et Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture de l’époque, annoncent débloquer un budget de 200 millions d’euros pour préparer la « French AgriTech ». Derrière cette dénomination pas très inspirée, rien de moins qu’un vaste plan d’accompagnement de start-ups tricolores avec pour but premier l’innovation au service des agriculteurs et de l’écologie. Devant le petit panel de journalistes réunis ce jour-là, nos élus nous l’assurent, « il faut y aller à fond » pour transformer durablement notre modèle agricole par les nouvelles technologies afin de répondre aux défis du siècle.
Ces récits cimentent ainsi la littérature de l’écosystème numérique agricole, les récents rapports d’organisation comme la FAO ou l’OCDE ne faisant pas exception. Un discours profondément installé, distillé au gré des conférences comme lors de cet évènement d’avril 2021 organisé par la Banque mondiale où « innovateurs technologiques, responsables publics et dirigeants du secteur privé se sont penchés sur le potentiel transformateur du numérique pour relever ce défi : nourrir le monde ». Ainsi, à en croire ces experts, nos sociétés risquent de ne pas assurer la durabilité et la sécurité du système alimentaire si elles n’opèrent pas un basculement complet vers les technologies numériques agricoles. Un basculement numérique, présenté comme nécessaire voire inévitable.[1].
Mais en réalité, lorsque Julien Denormandie nous dit « d’y aller à fond » c’est un peu comme quand Mark Zuckerberg, le célèbre patron du réseau social Facebook, nous dit de « bouger vite et casser des choses ». Une forme « d’accélérationnisme » qui ressemble à s’y méprendre au célèbre adage qui voudrait « qu’on n’arrête pas le progrès ». Des éléments de langage comme autant de manifestations d’un optimisme technologique transformé en providence laïque, où les nouvelles technologies conduisent non seulement à un progrès technique, mais aussi à des avancées sociales, politiques voire morales. Certains « spécialistes » vont jusqu’à nous assurer que ces dispositifs iraient irradier les paysans des régions les plus « reculées » d’Afrique. Ces derniers utiliseraient des applications smartphones pour gérer leurs exploitations agricoles, mettre en place des services écosystémiques et répondre aux besoins des communautés locales. Des technologies à les entendre, intégrées au plus profond des contextes sociaux.
Or, l’histoire l’a par de nombreuses fois prouvé, le progrès scientifique ou technique n’est pas nécessairement celui de l’humanité, sauf à accepter que notre destin soit régulé par les intérêts de l’industrie et de la bourse. Scientifiques comme start-uppers en herbe ne fonctionnement pas hors du capitalisme mondial. Alf Hornborg, professeur d’écologie humaine, rappelait à juste titre que
« la technologie moderne dépend d’une répartition planétaire spécifique. Elle repose sur la circulation asymétrique des ressources dans le système monde »[2].
En effet, il n’aura échappé à personne que l’agriculture numérique se développe majoritairement au sein des grands centres industrialisés.[3]
La technologie agricole n’est donc pas tant histoire d’ingénierie que de sciences économiques et sociales ou de géopolitique. La prudence est ainsi de mise et la rigueur voudrait que l’on rappelle que l’intérêt des industriels reste avant tout la mise au point et la diffusion d’innovations susceptibles de grignoter des parts de marché au sein du système-monde capitaliste, loin donc des aspirations philanthropiques orientées vers l’émancipation des agriculteurs africains et des fables écoresponsables.
Sans nier en bloc les avancés du numérique, le but est ici d’apporter une certaine nuance à un discours dominant, si radical et pourtant si normalisé. Comme l’évoquait Jacques Testart en 2005 pour Le Monde Diplomatique dans un article intitulé « Une foi aveugle dans le progrès scientifique » :
« L’homme est-il capable de résoudre tous les problèmes qu’il se pose ? Est-il à la hauteur de ses ambitions de maîtrise ? Répondre affirmativement, c’est reconnaître une volonté créatrice supra-humaine, hypothèse qui, d’ordinaire, heurte les scientifiques. Répondre par la négative, ou au moins par le doute, c’est se donner des chances d’agir avec précaution, par humilité ».
L’agriculture numérique consiste sans surprise à faire appel aux « nouvelles technologies numériques » afin d’observer, de surveiller et de gérer les activités agricoles. Comme n’importe quel écosystème « digital », celui-ci repose majoritairement sur la récolte et la gestion de milliers de données qu’il va falloir raffiner et traiter pour en exploiter la substantifique moelle.
Cette profusion va notamment permettre le développement de la représentation des agrosystèmes. L’on parle alors de « modélisation » et comme nous l’apprend une note de l’INRIA, elle amène « à compléter les approches mécanistes classiques qui reposent sur une analyse humaine par des modèles empiriques issus du traitement des données». Elle peut également servir l’aide à la décision, puisqu’elle recherche des solutions à un problème donné suivant un ou plusieurs critères. Elle est notamment utilisée en automatique pour le pilotage de serres ou de dispositifs agri-voltaïques. Ici, on peut aller encore plus loin par des méthodes dites « d’extractions de connaissances » visant la prédiction de valeurs, impossible à mesurer par des systèmes de capteurs traditionnels.
Enièmes applications, les systèmes automatisés ou robotisés. Démocratisés il y a plusieurs décennies dans le domaine de l’élevage via notamment l’automatisation de la traite, les systèmes robotisés font leur apparition au sein de la production végétale depuis quelques années. Exemple avec la société française Naïo et leurs robots guidés par GPS permettant des précisions au centimètre lors du désherbage des cultures. Une filière en pleine expansion qui génère chaque année plusieurs dizaines de milliards d’euros de chiffre d’affaires.
La liste évidemment ne s’arrête pas là puisqu’en amont de la production, le numérique dans sa version agricole offre nombre de services web à destination des agriculteurs (market-places, réseaux sociaux ou plateformes d’échanges dédiés, etc.). Ces dernières années ont vu également l’arrivée de dispositifs hétéroclites comme les drones, l’intelligence artificielle ou encore la « blockchain », visant à garantir la traçabilité d’un produit d’un bout à l’autre de la chaine d’approvisionnement. Un ensemble relativement étendu que les spécialistes regroupent communément sous l’appellation d’« agriculture 4.0 ».[4] Mais alors, cette profusion d’applications « innovantes » pourrait-elle venir à bout, comme l’affirment certains de nos dirigeants, de la faim dans le monde et du désastre écologique ?
Depuis une dizaine d’années, les investissements visant à financer la révolution numérique n’ont cessé de croître. Des grandes firmes du secteur agricole (Pionner-Dow, Bayer-Monsanto, Limagrain) en passant par les mastodontes du numérique au travers d’acquisitions judicieuses (Farmbeats de Microsoft, Farmobile d’Amazon, application Resolution d’Apple), tous ont très rapidement perçu la manne économique que représente ce nouveau marché en expansion. Cependant, aux côtés de ces acteurs habituels, notons l’apparition d’un autre type d’entité, les plateformes numériques. Celles-ci n’ont en effet cessé de se multiplier avec pour objectif premier de faciliter le déploiement de l’agriculture numérique.
DigiScape en Australie, SmartAgriHubs au niveau européen ou encore la FrenchAgriTech tricolore mentionnée précédemment, toutes abreuvent un maillage de start-ups maison à grand renfort de fonds gouvernementaux. Les initiatives de ce genre sont légion, et outre-manche, le gouvernement britannique conservateur compte à son tour investir 270 millions de Livres Sterling d’ici à 2029 pour faire migrer le mode de production alimentaire anglais vers l’agriculture 4.0.
Une nouvelle fois, la rhétorique est pour ainsi dire huilée et l’ex-premier ministre britannique Boris Johnson en bon dirigeant occidental l’assurait :
« […] cette stratégie contribuera à préserver notre sécurité alimentaire pour l’avenir, à exploiter les nouvelles technologies pour développer les secteurs offrant les plus grandes opportunités ».
Ces récits, liant technologie et sécurité alimentaire, effectuent ainsi une drôle de synthèse entre des justifications malthusiennes qui considèrent une population en croissance comme un problème central et une technophilie assumée qui viendrait tout résoudre par la simple augmentation des rendements. Comme évoqué précédemment, les grandes institutions ne sont pas en reste. Ainsi, l’Organisation des Nations Unis dans une note récente demande un accroissement d’au moins 60% de la production mondiale d’aliments d’ici à 2050 avec là encore les nouvelles technologies pour principal renfort. Mais la problématique peut-elle être formulée de manière aussi simpliste ? Suffit-il uniquement de produire plus pour nourrir plus ?
Bien que la technologie ait permis de stimuler la productivité de certains types de culture, elle semble avoir renforcé la mainmise des grands pays exportateurs (États-Unis, Europe, Canada, Australie). En effet, le simple fait de produire plus de nourriture ne garantit pas obligatoirement une répartition plus uniforme sur la planète. Comme le suggère David Nally dans un article de 2016[5], il y a fort à parier que le bond technologique voulu par une partie de l’Occident renforce encore davantage les inégalités mondiales et prive en premier lieu les communautés dites marginalisées. Une dynamique qui augmenterait de facto un phénomène de concentration déjà bien à l’œuvre entre les mains de quelques acteurs privés ou étatiques. Nally est catégorique, selon lui,
« la sécurité alimentaire est une manière d’assujettir les pauvres sous prétexte de vouloir leur bien ».
Mais là n’est pas tout. Sous couvert d’efficacité, le capitalisme agricole dans sa version numérisée bouleverserait drastiquement les milieux ruraux avec le risque de saper une diversité de cultures pourtant vitale. D’après Alistair Fraser, il existe déjà une pression sur les producteurs du monde entier pour qu’ils se conforment aux normes des architectures numériques et se maintiennent dans la chaîne d’approvisionnement[6]. Au Canada par exemple, l’utilisation de cartes produites par les plateformes numériques n’ont de sens que si l’agriculteur adhère à une stratégie agricole dite « conventionnelle » consistant à semer en rangées nettes séparées par des zones au sol exemptes de mauvaises herbes. Cette uniformisation pourrait donc avoir pour effet de réduire la créativité et l’expérimentation des acteurs, limitant ainsi leur capacité à développer et à exploiter de nouvelles voies.[7]
Face aux investissements massifs entrepris pour développer l’agriculture numérique, que reste-t-il pour les recherches alternatives ? Les récits dominants axés sur la nouveauté et l’innovation évoqués en introduction minimisent bien souvent les gains réalisables par une meilleure mise en œuvre d’idées simples dont l’efficacité est déjà reconnue. S’agissant par exemple de l’élevage bovin, certains experts s’entêtent à imposer une technologie de diagnostic portable dont la plus-value est encore largement discutable et les impacts sur le bien-être animal encore flous, alors qu’il a été prouvé que peser plus régulièrement le bétail à l’aide d’une simple balance permet de réaliser une gestion tout aussi efficace des cheptels.[8]
Alistair Fraser pointe ainsi que dans la plupart des cas l’agriculture numérique s’obstine à développer des dispositifs sans s’attacher profondément aux problématiques réellement rencontrées par le/la producteur·rice. Bien souvent, il est impossible pour les concepteurs de ces technologies de sortir des préjugés envers certains types de cultures considérés comme « moins avancés », oblitérant leurs bénéfices, tout en raidissant encore davantage leur vision agricole.
Toutes ces critiques ne visent évidemment pas à réduire à néant les apports des dispositifs agricoles numériques. Cependant, face aux discours dominants faits de cultivateurs émancipés, de limitation des intrants et autres fables solutionnistes, il faut savoir raison garder.
L’agriculture 4.0, portée par sa myriade de start-ups, reste majoritairement une création du capitalisme numérique. Abreuvée par les pouvoirs publics et les géants du secteur, elle semble reproduire les mêmes travers que ceux observés au tournant des années 2000/2010, moment de l’émergence des futures plateformes hégémoniques américaines, Facebook, Google et autre Amazon. Le modèle de l’AgriTech reste en effet en tous points similaire puisque l’on y retrouve, là encore, un maillage de start-ups supposément « innovantes », massivement soutenues par les pouvoirs publics et exploitant la recherche fondamentale du milieu universitaire ou industriel. [9]
Face à ce constat, comment croire alors que les mêmes causes généreraient autre chose qu’un système destructeur et inégalitaire ? Comme évoqué par Marion Flécher, il ne faut pas s’y tromper, la start-up est bien le « nouveau visage » du capitalisme. Sous ses airs de petite entreprise locale, prospère, presque philanthropique, il apparait pertinent de rappeler les mots de Cédric Durand sur l’évolution de ces jeunes pousses :
« qu’adviendra-t-il de la start-up devenu grande ? L’impératif de valorisation du capital qui constitue au départ un accélérateur de croissance n’en demeure pas moins impétueux par la suite. L’audace initiale se mue alors, quand l’élan se ralentit, en appétit vorace pour l’appropriation des projets des autres ».[10]
Au fond, même dans ses formes les plus « vertueuses » faites de réduction des consommations d’eau ou de pesticides, l’agriculture numérique ne tente au mieux que limiter les dérives d’un modèle tout en alimentant le mythe d’un capitalisme raisonné. De plus, si les systèmes agraires « intelligents » à forte intensité peuvent augmenter la production alimentaire dans une région voire améliorer les conditions de vie de certains agriculteurs, rien n’empêche, de par les dépendances économiques mondiales, d’entrainer un dumping alimentaire dans une autre partie du globe.
Comme évoqué précédemment au travers des travaux de Nally, le numérique dans sa version « AgriTech », sans être le facteur unique, accélère un modèle de concentration des profits. Un phénomène qui s’observe déjà par exemple en France, pays agricole reposant pourtant traditionnellement sur des exploitations familiales moyennes. Comme démontré par l’étude de François Purseigle, Geneviève Nguyen et Pierre Blanc[11], l’Hexagone voit l’apparition depuis une dizaine d’années d’un nouveau type d’entité, les firmes agricoles, dominant de tout leur poids des secteurs entiers et grands apôtres des technologies numériques.[12] Un constat à rapprocher de la diminution du nombre d’exploitants et de l’augmentation constante depuis plus de 40 ans de la taille des exploitations.[13]
En somme, l’hypothèse selon laquelle la malnutrition mondiale peut être résolue en augmentant simplement les rendements est plutôt légère pour suggérer que les investissements réalisés dans les technologies numériques auront les résultats escomptés. Bien plus qu’un problème de production, les pays industrialisés devraient questionner leur mode de consommation. Avant de vouloir faire de nos champs des écosystèmes connectés ultra-rationnalisés, ne devrait-on pas simplement questionner en profondeur la demande massive de viande et de produits laitiers qui accompagne l’accroissement de la richesse dans ces parties du monde ?
La production de protéines animales, pour ne prendre que cet exemple, nécessite de grandes quantités de céréales pour nourrir le bétail. Cette demande croissante que le monde industriel ne semble vouloir endiguer rend les céréales comestibles trop chères pour de nombreux habitants des pays pauvres, notamment en Afrique. Par ailleurs, la demande actuelle pour les bio-carburants consomme de même un pourcentage croissant des céréales récoltées dans le monde et a également une influence profonde sur les prix. Une tension des marchés qui vient accroitre des disparités importantes.
Malgré cela, nos dirigeants endormis par les berceuses marketing des industriels continuent de promouvoir et de financer ces méthodes, intimement convaincus de pouvoir dans un même mouvement résoudre la crise écologique qui gronde…
Bien au-delà du défi alimentaire, l’agriculture numérique est régulièrement présentée par ses adeptes comme un moyen efficace et pérenne d’endiguer les effets néfastes du modèle agricole dominant. Il est vrai que les méthodes apparues après la Seconde Guerre mondiale ne sont pas des plus écologiques et doivent être remodelées en profondeur. Puissantes motorisations diesel, pesticides à outrance et terres brulées à l’azote, le bilan est sur bien des points désastreux.
Qu’à cela ne tienne, puisque les technologies numériques sont généralement présentées comme une des solutions viables pour limiter les pressions environnementales. Un document de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques, évoque effectivement que « connecter l’agriculture permet le développement d’une agriculture de précision et automatisée, visant à réduire l’utilisation d’intrants ». Mais malgré les dires d’experts, le jeu en vaut-il la chandelle ? Autrement formulé, les gains supposés apportés par le numérique sont-ils réellement supérieurs d’un point de vue environnemental à la dépense carbone nécessaire pour les voir émerger ? Il est pour ainsi dire difficile de répondre par l’affirmatif à cette question épineuse tant l’impact du numérique agricole n’est pas évident à quantifier…
Tout d’abord, le numérique dans sa globalité reste émetteur de gaz à effet de serre. Aucun dispositif en réalité n’échappe à cette règle. Malgré tout, le numérique de par son caractère intangible fait d’architecture en nuage, de données vaporeuses et de serveurs informatiques lointains, éloigne la conscience collective d’une concrétude bien réelle et palpable. Il s’agit d’un sentiment commun, celui que les artefacts « digitaux » seraient en quelque sorte détachés des contraintes matérielles du monde qui nous entoure.
Toutefois, le secteur du numérique comptabilise selon une note récente de l’ARCEP actuellement 4% des émissions mondiales de CO2. L’autorité de certification explique que « même si cette part demeure modeste comparativement à d’autres secteurs, la croissance annuelle de la consommation de numérique (volume de données, terminaux, etc.) doit interroger ». Selon le pré-rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat, les émissions en gaz à effet de serre du numérique pourrait augmenter de manière significative (+ 60 % d’ici à 2040) si rien n’est fait pour en réduire l’empreinte.
Plusieurs études alertent ainsi sur l’impact du numérique dans les prochaines décennies. Il faut dire que chaque maillon de la chaine de valeur vient alourdir toujours un peu plus le bilan global. Des milliers de « data centers » refroidis par des climatisations hautement énergivores[14], en passant par la multiplication des terminaux (internet des objets, téléphones, etc.) sans parler de l’extraction de métaux précieux nécessitant l’utilisation d’engins thermiques voire tout simplement du transport ou du coût nécessaire au recyclage… bref, le numérique malgré ses supposés apports reste bien ancré dans un capitalisme ultra-« extractiviste » suranné.[15]
Mais alors, au-delà de quantifications génériques des émissions de CO2 du secteur numérique dans sa globalité, peut-on décemment évaluer le ratio pertes/bénéfice (gain net) du numérique agricole comme évoqué en début de chapitre ? D’après un article de Corentin Leroux, agronome, le mystère reste entier puisque : « nous n’en savons absolument rien ». D’après l’auteur, le problème résiderait dans un manque d’informations consistantes :
« nous ne quantifions pas ces économies potentielles dont tout le monde parle. Puisque l’impact du numérique en agriculture n’est ni suivi, ni quantifié, comment pouvoir dire si le numérique participe à une réduction des émissions de gaz à effet de serre ? ».
A vrai dire, les exemples de quantification des « bénéfices » ou « d’économies potentielles » sur les exploitations se font rares mais existent bel et bien. Des chercheurs de l’université de Henan ont ainsi mené une étude sur les apports du numérique dans le contexte de l’agriculture chinoise. L’Europe de son côté n’est pas en reste puisque la Commission a publié un premier rapport sur les possibles apports par l’agriculture de précision. Les conclusions s’avèrent quant à elles plutôt positives, sans être mirobolantes, avec une réduction pour le cas européen des gaz à effet de serre oscillant entre 0.3 à 1.5% selon les dispositifs utilisés (guidage GPS, application de gestion d’intrants). Sans vouloir commenter longuement ces résultats, l’objectif est ici de montrer que des études exposant les réductions d’émissions en aval de la création des dispositifs existent bel et bien.
Il semble en revanche beaucoup plus difficile d’obtenir des données pertinentes sur les consommations de CO2 en amont, comme celles relatives à l’extraction des matières premières ou encore à l’assemblage du produit, voire tout simplement au coût du maintien en conditions opérationnelles (MCO). C’est le cas de l’étude européenne qui omet complètement ne serait-ce que les coûts écologiques des technologies déployées pour faire fonctionner les outils. Ce vide rend ainsi difficile voire impossible le calcul du « gain net » précédemment évoqué. La « pertinence énergétique » d’un dispositif devrait pourtant être au cœur des premières réflexions politiques pour savoir si une technologie doit être ou non déployée. Une conclusion partagée par le Shift Project dans un rapport sur la sobriété numérique pour qui
« la pertinence d’une technologie ne doit pas être présupposée selon des règles générales, mais évaluée pour chaque type de cas opérationnel. Alors seulement serons-nous capables de déployer uniquement les outils que nous aurons jugés véritablement utiles, au vu de leur coût environnemental ».
Sans données valables en notre possession sur la totalité de la chaîne de tel ou tel dispositif, comment affirmer comme le font pourtant nos dirigeants ou industriels que toutes les innovations issues de l’Agritech restent une solution viable dans leur globalité pour endiguer la crise climatique ? À l’heure actuelle, impossible par exemple de déterminer précisément si pour observer un gain net, l’exploitant devra dépasser une certaine taille d’exploitation ou disposer d’un certain nombre de dispositifs. Ceci ne veut évidemment pas dire que toutes les solutions numériques sont à exclure loin s’en faut, mais bien que la généralisation opérée par des États solutionnistes n’est pas sérieuse. Sans parler des tentatives grotesques de certaines multinationales affichant haut et fort leur neutralité carbone mais ne prenant en compte dans leurs calculs que le coût carbone des opérations directes.
En l’absence d’éléments concrets, les élucubrations des élus comme des industriels restent à bien des égards un vaste plan communicationnel, une tentative hasardeuse de verdir un modèle dominant sans pour autant réfléchir profondément à une véritable sobriété des pratiques.
La numérisation, de par son déluge informationnel, modifie grandement la culture de l’agriculteur, la faisant passer d’une gestion empirique du sol à une approche davantage pilotée par les données. En tant que telles, les technologies numériques marquent une évolution dans la gestion des intrants beaucoup plus optimisée, individualisée. Une nouvelle manière d’aborder le rapport à la terre qui n’est pas sans incidence.
Dans cette configuration, la place de l’agriculteur évolue. L’exploitant est à l’image de ses nouveaux outils, complètement reconfiguré. Devant les discours d’ultra-rationalisation et d’économies substantielles de temps et d’argent vendus par les firmes du secteur, la tentation est grande d’opter pour un écosystème autonome de type « ferme intelligente », où les données de l’exploitation circulent librement de dispositifs en dispositifs.
Mais cette apparente ergonomie libératrice offerte par l’outil, via l’échange de données entre l’agriculteur et la firme, n’est pas tout à fait indolore. La crainte est ainsi pour les agriculteurs de se voir réduits à de simples travailleurs de l’information, des sortes de « data labourers »[16] prolétarisés en travailleurs numériques non-rémunérés pour leur activité de génération de données par leur engagement dans les technologies numériques agricoles. Des tendances déjà très connues et documentées dans les technologies de l’information qui viennent se prolonger vers les nouveaux secteurs conquis par la numérisation.
On retrouve ici la grande thématique du « digital labor » ou « travail numérique » popularisée par des chercheurs comme Antonio Casilli.[17] De la même manière que l’on viendrait commenter ou « liker » une image sur un réseau social quelconque (véritable micro-tache non-rémunérée), l’agriculteur lorsqu’il cède les informations relatives à son exploitation (consommation d’eau, données GPS, etc.) prolonge ce même « comportementalisme numérique ».
De fait, en plus d’acheter de l’équipement toujours aussi onéreux[18], le travailleur agricole « nourrit » gratuitement par cette transmission les firmes spécialisées en données précieuses, source de richesse indispensable à l’affinage et à la survie des modèles. Cette vision de l’agriculture, du moins ce qu’il en reste, pourrait préfigurer en l’état une véritable crise ontologique du métier, avec un agriculteur relégué, dans le pire cas, au simple rang d’utilisateur passif, victime de l’opacité algorithmique, où les choix, loin d’être éclairés par une expérience du sol, seraient dictés par l’apparente rationalité de la machine. À cela, il faut bien sûr ajouter la question fondamentale de la gouvernance des données. La firme John Deere a par exemple équipé ses moissonneuses de boitiers de calcul de rendement. Quid alors comme le dénonce Henri Bies-Pré, vice-président du syndicat FNSEA, de l’exploitation des données des récoltes françaises par l’entreprise, voire par le gouvernement américain ? [19]
Cependant pour certains spécialistes, il serait trop simpliste ou réducteur de voir les outils numériques seulement comme une pure aliénation du métier d’agriculteur. Plusieurs études sur les systèmes d’aide à la décision concluent que ces outils soutiennent largement le décideur, plutôt que de le remplacer, et que les agriculteurs utilisent les systèmes d’aide à la décision non pas de manière déterministe pour fournir des réponses spécifiques, mais comme des outils d’apprentissage.[20] Mais cette caste d’agriculteurs éclairés est-elle véritablement en pleine possession de ses moyens ?
Si l’on s’attarde sur les travaux d’Antoinette Rouvroy et Thomas Berns sur la gouvernementalité algorithmique, le constat s’avère selon eux plus nuancé. Les deux chercheurs entrevoient l’algorithme au contraire comme une « pratique statistique tyrannique qui réduirait l’objet statistique à du bétail ». Le mode de gouvernement par l’algorithme, en prétendant s’adresser directement à nous, renverrait ainsi une impression faussée de consentement qu’il faudrait plutôt entrevoir comme une « adhésion par défaut » à une normativité. La pratique statistique contemporaine inclurait donc, en elle-même, l’expression de l’adhésion tacite des individus. D’où selon eux un possible « déclin de la réflexivité subjectivante, et l’éloignement des occasions de mise à l’épreuve des productions de savoir fondées sur le datamininget le profilage ».
Dans cet environnement plus contraint qu’il n’y parait par le minage de données, Rouvroy et Berns alertent également sur le caractère invasif de certaines firmes. Les possibilités offertes par ces modèles d’ultra-connectivités ne sont pas systématiquement bénéfiques. Sous couvert de personnalisation du service, ils entrainent bien souvent
« une colonisation de l’espace public par une sphère privée hypertrophiée au point que ces nouveaux modes de filtrage de l’information aboutissent à des formes d’immunisation informationnelles favorables à la disparition de l’expérience commune ».
Sans compter que pour une partie des agriculteurs, l’adoption de ces technologies extrêmement normatives peut virer au cauchemar tant celles-ci imposent des pratiques incompatibles avec leurs convictions fondamentales sur l’agriculture. Pourtant, l’argumentaire des firmes du secteur, calqué sur la doxa du progrès, semble imparable. La technologie a permis l’émancipation de l’agriculteur, le soulageant de travaux pénibles tout en lui fournissant du temps libre. Face à cet exposé, il est bon de rappeler les paroles de Jürgen Habermas sur le rapport entre travail et interaction :
« la libération des forces productives de la technique […] ne se confond pas avec le fait de dégager des normes qui puissent accomplir la dialectique de la relation morale dans une interaction libre exempte de domination sur la base d’une réciprocité qui est vécue sans contrainte ».
Il ajoute :
« La libération de la faim et de la misère ne coïncide pas nécessairement avec la libération de la servitude et de l’humiliation »[21].
De plus, la recherche a démontré l’importance du travail physique, des pratiques agricoles traditionnelles et des expériences vécues par les agriculteurs pour leur engagement et leur compréhension de leurs terres et de leur environnement.[22] L’adoption forcée du modèle dominant risque donc d’accélérer une déconnection encore plus franche avec les valeurs fondatrices du secteur.
On pourrait citer à ce titre l’article édifiant de Christelle Gérand pour Le Monde Diplomatique sur la manière dont l’AGRA (Alliance for a green revolution in Africa), aidée par la fondation Bill et Melinda Gates (BMGF), impose des types de semences et des méthodes (technologie numérique, monoculture intensive, engrais) contre la volonté d’une majorité d’agriculteurs en Afrique de l’Ouest. Un passage en force qui provoquent des mouvements de résistance où les locaux cultivent en cachette patates douces et sorgho pour nourrir les leurs et continuer de développer une culture adaptée au climat et aux sols.[23]
Enfin, numérisation oblige, se pose la question des difficultés d’accès et de compréhension aux technologies. À l’image de jeunes incapables de se servir des services administratifs en ligne du gouvernement ou d’une personne âgée non familiarisée avec l’outil informatique, l’ultra-numérisation d’une partie des nouveaux outils agricoles représente un potentiel facteur d’exclusion en agriculture, tant au niveau individuel (manque de compétences) que territorial (retard d’infrastructures numériques).
Face à ces constats faits d’agriculteurs toujours plus éloignés de leurs outils et d’un savoir religieusement gardé par les firmes, comment instaurer alors, comme le prônait Gilbert Simondon en son temps, une véritable « culture technicienne » seule capable d’endiguer l’aliénation « psycho-physiologique » de l’Homme face à la Machine[24] ? On pourrait ici étendre ses conclusions en cette première moitié de XXIème siècle. Si la révolution industrielle a elle aussi bouleversé grandement le rapport au travail, les dispositifs numériques, de par notamment leur apparente autonomie et leur « concrétisation »[25] accrue, constituent des « individus techniques » bien plus puissants que la moissonneuse batteuse ou le tracteur. Ils viennent ainsi contester d’autant plus fortement cette place d’individu technique préalablement réservée à l’Humain. L’agriculteur devient donc relégué de la plus violente des manières au simple rang d’auxiliaire de la machine algorithmique. Impossible alors d’opérer l’utopie sociale « simondonienne » d’un Humain se plaçant en « coordinateur des machines » ayant acquis la pleine connaissance de ces systèmes.
Dans un monde où les firmes conservent jalousement leur propriété intellectuelle et siphonnent les données des exploitations de manière unidirectionnelle, comment l’agriculteur victime de cette dépossession pourrait-il s’ériger dans la position voulue par Simondon ? La peur n’est pas tant de voir l’agriculteur remplacé mais bien toujours plus asservi, à la merci des géants du secteur.[26]
Face à cette double dépossession (données et compréhension) par un capitalisme agricole « hypertrophié » pour reprendre les termes d’Antoinette Rouvroy, l’agriculteur de demain se devra de lutter pour une réappropriation complète et imaginer des outils par et pour la communauté.
Simplifier, standardiser, amplifier la productivité par travailleur, plante ou animal, cette volonté effrénée que possèdent certains industriels de s’affranchir des obstacles biophysiques ne sera pas sans conséquence. L’agriculture moderne, en plus de ne concevoir les plantes et les animaux que comme des intrants dans d’immenses chaines industrielles, prend rarement le temps de s’attarder sur les effets de bords qu’elle génère.
Un cheminement qui prend évidemment ses racines dans les confins de la pensée moderne où l’individu qui travaille apprend à former et à dominer ses pulsions en vue de saisir et de manipuler les processus de la nature pour satisfaire ses besoins. Une cosmologie « naturaliste » (au sens de Descola par exemple) qui érige une frontière épaisse entre sujet et objet, et in fine favorise l’appropriation et l’exploitation de la nature.
Malgré les grands discours d’intentions sur la prise de conscience écologique, la tendance n’est pas au ralentissement ni même à la remise en cause profonde du modèle. Devant la montée en puissance d’un nouveau capitalisme agricole en rupture avec l’exploitation familiale traditionnelle et la généralisation des dispositifs numériques comme outils au service de ce dernier, s’amorce une recomposition agraire dont les conséquences restent flous.
L’avenir du monde agricole se situe certainement dans une diversité de pratiques hautement inclusives loin de la normalisation induite par la diffusion massive d’objets connectés. Face à l’urgence climatique et aux dogmes d’une agriculture industrielle, les acteurs en lien avec le vivant se doivent de reprendre en main leurs moyens pour imposer durablement une vision vertueuse et raisonnée. Loin de fustiger en bloc les dispositifs numériques, il va nous falloir questionner profondément leur diffusion par un capitalisme numérique effréné, les pratiques qu’ils imposent aux individus et leur niveau de dépendance.
À ce titre des pistes de réflexion existent et se doivent d’être explorées. On pense évidemment au monde des logiciels libres et open source (FOSS) et les licences Creative Commons, par exemple. Celles-ci fournissent les logiciels et les licences nécessaires à un mode de production que l’on pourrait qualifier de socialiste. Comme le note James Muldoon dans Platform Socialism, des projets urbains comme DECODE (Decentralised citizen-owned data ecosystems) promeuvent des outils d’intérêt public open source pour des activités communautaires où les citoyens contribuent tout en gardant le contrôle sur les données partagées.
Malgré cette somme de précautions (pertinence sociale et écologique, sobriété des pratiques), ceci n’empêchera pas l’émergence d’effets indésirables. Comme le rappelait Jacques Ellul[27], la technologie est intrinsèquement ambivalente et ses effets difficilement prévisibles. L’histoire de la technique a montré qu’en plus des effets souhaités des transitions socio-techniques, des effets secondaires non-intentionnels, pour certains incalculables et difficilement contrôlables se révèlent catastrophiques pour les hommes et l’environnement. En plus de revoir profondément notre rapport à la nature, il nous faudra donc rester particulièrement vigilant afin d’échapper, comme le disait Jacques Testart, aux sirènes de la volonté créatrice supra-humaine, véritable symbole d’une quête abyssale pour l’Humain et le monde qu’il habite.
[1] Alana Lajoie-O’Malley, Kelly Bronson, Simone van der Burg, Laurens Klerks, “The future(s) of digital agriculture and sustainable food systems : An Analysis of high-level policy documents”, Ecosystem Services, Volume 45, Octobre 2020.
[2] Alf Hornborg, La magie planétaire – Technologies d’appropriation de la Rome antique à Wall Street, éd. Divergences, 2021
[3] A noter que des investissements de ce type existent au Kenya, en Tunisie, au Pakistan ou dans une partie de l’Afrique de l’ouest mais restent relativement faibles comparativement à ceux réalisés en occident.
[4] Notons que l’agriculture 4.0 regroupe également les recherches sur la nourriture synthétique, la génétique, etc. Non évoquées ici car sortant quelque peu du cadre « numérique » pur.
[5] David Nally, “Against Food Security : On Forms of Care and Fields of Violence”, Global Society Volume 30, 2016
[6] Alistair Fraser, “« You can’t eat data ? » : Moving beyond the misconfigured innovations of smart farming”, Journal of Rural studies 91, 2022
[7] A noter que cette standardisation n’est pas le simple fait de la numérisation mais a été allégrement accélérée lors de la révolution agricole d’après-guerre. La taille et la forme (rectangulaire) des champs ont été modifiées pour s’adapter aux passages des tracteurs. De même, les haies ont été supprimées (remembrement) au profit de grandes étendues en monocultures spécialisées.
[8] Cassandra Tucker, Advances in Cattle Welfare, Woodhead Publishing, 2017.
[9] Internet, Année zéro, Jonathan Bourguignon, Editions Divergences, 2021
[10] Techno-féodalisme, Critique de l’économie numérique, Cédric Durand, Editions la Découverte, 2020
[11] Le nouveau capitalisme agricole, de la ferme à la firme, François Purseigle, Geneviève Nguyen & Pierre Blanc, Presse de SciencesPo, 2017
[12] Une somme de bouleversements qui favorisent également une financiarisation du secteur agricole dont le foncier devient une valeur refuge. Voir Kelly Bronson, “Looking through a responsible innovation lens at uneven engagements with digital farming”, NJAS – Wageningen journal of life sciences, 2019.
[13] « De la ferme à la firme », Alternatives Économiques n°423, Mai 2022.
[14] Sur ce point précis, des innovations existent permettant de réduire les consommations voire d’alimenter les data-centers via les énergies dites renouvelables.
[15] L’on pourrait ajouter ici évidemment les réseaux mobiles 5G, les drones, la blockchain comme évoqué lors du second paragraphe.
[16] Laurens Klerkx Emma Jakkub Pierre Labarthec, “A review of social science on digital agriculture, smart farming and agriculture 4.0 : New contributions and a future research agenda”, NJAS – Wageningen Journal of Life Sciences, Volumes 90–91, December 2019.
[17] Antonio A. Casilli, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Le Seuil, 2019.
[18] Le prix des robots s’élève en moyenne à 150 000 euros. Un seul robot de maraichage de la firme Naïo précédemment évoqué coûte environ 30 000 euros.
[19] On pense ici au CLOUD act, modèle d’extraterritorialité du droit Etats-Uniens.
[20] Julie Ingram, Damiam Maye, “What are the implications of digitalisation for agricultural knowledge ?”, 2020
[21] Jürgen Habermas, La technique et la science comme « idéologie », Gallimard, 1973, p. 211.
[22] Mickael S. Corolan, More than representational knowledges of the countryside : how we think as bodies, Blackwell Publishing Ltd, 2008.
[23] En sus des informations précédentes, on y apprend également que même si la BMGF affirme que 80% de ses subventions sont destinées aux agriculteurs africains, la majorité des fonds, 82%, a été versée à des groupes basés en Amérique du Nord et en Europe.
[24] Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Edition Aubier, 1958.
[25] La concrétisation chez Simondon y est un « processus » par lequel les objets techniques progressent de manière analogique aux êtres vivants, qui seuls cependant sont « concrets dès le début ».
[26] Il ne s’agit pas ici de simplement savoir se servir d’un ordinateur ou d’utiliser une application téléphonique mais bien d’une appropriation totale au sens le plus pur.
[27] Jacques Ellul, Le bluff technologique, Hachette Pluriel, 2012.