Gaza : l’assaut génocidaire sur l’hôpital Kamal Adwan

L’armée israélienne a lancé un raid sur l’hôpital Kamal Adwan au nord de Gaza, où 350 personnes étaient encore présentes au moment de l’attaque. Le personnel féminin a déclaré aux journalistes avoir été contraintes par les soldats de se dévêtir et d’avoir été battues en cas de refus.

Cet assaut contre l’hôpital Kamal Adwan n’est nullement fortuit. Un rapport de l’ONU fait état de près de 500 attaques israéliennes contre des établissements de santé à Gaza du 7 octobre 2023 au 30 juin 2024. Ces attaques visent à la destruction du système de santé gazaoui et ne peuvent être comprises que dans le cadre d’une logique de génocide visant à raser Gaza et à y empêcher toute forme de vie.

Nous assistons à un génocide en direct et nous observons chaque jour le silence complice des médias dominants en Occident. La structure coloniale des sociétés occidentales n’a jamais été aussi manifeste. Nous voyons et vivons dans nos chairs la déshumanisation des vies palestiniennes, des vies arabes. Avec Gaza, le monde s’est révélé dans sa cruauté la plus abjecte. C’est à Gaza que se défend notre humanité.

À Hussam Abu Safiyeh, le directeur de l’hôpital Kamal Adwan, kidnappé par les soldats du génocide.

À Kamal Adwan, figure de la résistance palestinienne, tué en 1973 par un commando israélien à Beyrouth.

À la résistance en Palestine et au Liban.

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80 jours se sont écoulés pendant lesquels les médecins de l’Hôpital Kamal Adwan de Beit Lahia ont réclamé l’action de la communauté internationale, refusant de quitter l’hôpital enfin d’assurer le maintien des services pour celles et ceux qui en ont besoin dans le nord de la bande de Gaza soumise au siège israélien. Au terme de ces deux mois et demi, l’armée israélienne a finalement pris l’hôpital d’assaut à l’aube vendredi dernier. Depuis le début de l’attaque, tout contact avec les équipes médicales et les patient.es de l’hôpital a été perdu.

Au moment de l’attaque, plus de 350 personnes se trouvaient à l’intérieur: médecins, infirmier.es, employé.es, patient.es, et leur partenaire pour certain.es d’entre elles et eux. Nous ne savons rien de leur situation ni de l’endroit où ils se trouvent depuis l’assaut militaire israélien.

Lors d’une conférence de presse tenue à l’hôpital Baptiste Al-Ahli, Maher Shamiya, sous-secrétaire au ministère de la santé de Gaza, a déclaré que le ministère avait confirmé que les forces d’occupation avaient incendié les bâtiments de l’hôpital Kamal Adwan.

« L’hôpital Kamal Adwan a fait l’objet d’une offensive militaire ciblée depuis le levé du jour [vendredi 27. 12], visant toutes les personnes à l’intérieur, soit 350 environ, parmi lesquelles, les personnels, les patient.es, leur conjoint, et des civils. Une grand nombre de patient.es en état de marcher, en plus du personnel médical de l’hôpital, ont été contraints, sous la menace des armes, de quitter l’hôpital pour être emmenés par l’armée vers une destination inconnue, » a expliqué Shamiya. « Vingt-cinq patient.es en état stable ont dû, toujours à la pointe du fusil, partir pour rejoindre l’hôpital indonésien, lui-même hors service. »

Le ministère a confirmé que l’armée israélienne avait vandalisé et incendié plusieurs bâtiments et services au sein de l’hôpital.

« Les forces d’occupation ont incendié les bâtiments de l’Hôpital Kamal Adwan, et parmi eux, le bâtiment hébergeant toute la logistique et les services de maintenance, le laboratoire central, les blocs opératoires, le service de chirurgie, et l’ensemble des entrepôts, à quoi s’ajoute la destruction des générateurs électriques, les réserves d’oxygène et d’eau, et le service de dialyse. L’incendie est toujours en cours » a déclaré le ministère de la santé.

Depuis le début octobre, l’armée israélienne s’est livrée à une campagne de nettoyage ethnique au nord de Gaza, telle que prévu dans le « plan des généraux ». Lancé à Jabalia, l’armée a imposé un siège impitoyable visant à affamer les résidents tout en intensifiant ses offensives militaires. Depuis lors,  l’armée a étendu le siège et les attaques à toutes les zones du nord,  Beit Lahia et Beit Hanoun notamment, forçant les habitants à se déplacer vers le sud en direction de la ville de Gaza. Sur les 200 000 habitants du nord de la bande de Gaza encore recensés en octobre de cette année, seuls quelques milliers s’y trouvent encore. Selon les habitants, la stratégie de l’armée pour contraindre les gens à partir du nord vise à détériorer davantage un système de santé déjà ravagé.

Shurouk al-Rantisi est arrivée à l’hôpital baptiste de la ville de Gaza après être partie de l’hôpital Kamal Adwan. L’épuisement et la terreur se lisaient sur son visage et dans son expression hésitante.

« Nous avons été pris au dépourvu lorsque l’armée israélienne a encerclé l’hôpital et mis le feu au service des archives » a raconté al-Rantisi. « Les flammes ont fini par gagner la morgue. Ensuite, l’armée a appelé le directeur de l’hôpital et nous a déclaré qu’ils allaient prendre d’assaut l’hôpital avant de commencer à nous faire sortir par groupes. »

« Un grand nombre de personnes ont quitté l’hôpital, et nous sommes partis à notre tour. Les femmes ont été séparées des hommes, et nous avons été fouillées et obligées de retirer nos vêtements. Celles qui refusaient de le faire étaient battues et insultées. Puis, une fois la fouille terminée et après nous avoir obligées à rester assises et à attendre pendant des heures, ils nous ont ordonné de marcher jusqu’au delà des limites de Beit Lahia. »

Al-Rantisi a également expliqué de quelle manière les soldats les avaient insultées et maltraitées :

« Ils ont confisqué nos téléphones et pris tout ce que nous avions avec nous. Nous sommes parties de Beit Lahia dans le dénuement. Ils n’ont montré aucun respect envers les femmes, les patients, les médecins et se sont moqués de nous dans une indifférence totale. »

Elles a ajouté qu’elle ne savait pas ce qu’il était advenu des personnes restées sur place à l’hôpital, ni de ses collègues du personnel médical ou des patients.

Le ministère de la santé a indiqué dans ses communiqués via Telegram que plusieurs patients sont en danger de mort à tout moment compte tenu des conditions dans lesquelles ils se trouvent. Le ministère a également confirmé que le directeur de l’hôpital a été personnellement menacé d’être arrêté par l’armée.

Trois hôpitaux publics, Beit Hanoun, l’hôpital indonésien et Kamal Adwan, ont fourni des services de santé à la partie nord de la bande de Gaza. Après la destruction de toute l’infrastructure, Beit Hanoun a été anéanti, et l’hôpital indonésien mis complètement hors service.

Kamal Adwan est le seul hôpital à avoir été encore en opération, partiellement, compte tenu du manque de ressources et des moyens médicaux.

« On assiste aujourd’hui à l’occupation en passe d’achever ce qu’il reste du système de santé au nord de Gaza, ce en pleine conformité avec le « plan des généraux » qui entend vider le nord de la bande de Gaza de sa population, » a déclaré le ministère de la santé sur le réseau Telegram.

Hier, le directeur de l’hôpital, le docteur Hussam Abou Safiya, a publié un message douloureux dans lequel il décrit la situation de Kamal Adwan. Dans ce message Abou Safiya écrit : « Environ cinquante martyrs, et parmi eux et elles des personnels médicaux, sont sous les décombres d’un bâtiment faisant face l’hôpital, suite aux bombardements des avions de guerre ».

Abou Safiya a dépeint une image horriblement lugubre de la campagne militaire israélienne visant à détruire l’hôpital, tuant nombre de celles et ceux resté.es à l’arrière pour faire en sorte que ce service de santé reste opérationnel.

« Ahmad Samour, pédiatre, s’est rendu dans l’immeuble où réside sa famille après avoir travaillé à l’hôpital. L’armée a bombardé l’immeuble. Israa, technicienne du laboratoire, a apporté de quoi manger à son père et son frère, dans le même bâtiment. Lorsque Fares, technicien de maintenance, vit la scène, il se précipita pour tenter d’apporter aide et secours. Mais les avions l’ont visé lui aussi, faisant d’eux trois martyres, en plus des cinquante autres personnels sous les gravats », dit le message d’Abou Safiya.

Au moment où ces lignes sont écrites, on ne sait toujours pas où se trouve le docteur Abou Safiya dont on a appris qu’il était détenu par l’armée suite à l’attaque de vendredi dernier.

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Article paru initialement sur le site Mondoweiss. Traduction de l’anglais par Thierry Labica.

Illustration : Hicham Abu Safiyeh, à l’intérieur de l’hôpital Kamal Adwan, 23 décembre 2024. Source : electronicintifada.net