Des LGBTI Anti-Antiracistes ? Réponse énervée aux détracteur·ices de l’affiche de la Marche des Fiertés

Depuis que l’Inter-LGBT a rendu publique l’affiche qu’elle a choisie pour appeler à la Marche des Fiertés qui aura lieu demain (samedi 28 juin), elle fait l’objet d’attaques provenant de l’extrême droite autant que de membres de la communauté LGBT+ qui se disent progressistes. En cause : la présence d’une femme voilée sur l’affiche, et d’une autre arborant un pin’s du drapeau palestinien, sans compter son slogan gentiment antifasciste.

Cette coalition inattendue a depuis obtenu, à coup de pétitions, de tribunes, de tweets, que soient supprimées les subventions accordées à la Pride. Le texte qui suit est une réponse à ces LGBT+ qui ont grossi les rangs de l’extrême droite fasciste pour attaquer l’Inter-LGBT et son affiche.

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C’eût été naïf de croire que les esprits fragiles en mal de stimulation, outrés par l’affiche et le mot d’ordre choisis par l’Inter-LGBT pour appeler à manifester le 28 juin prochain, eussent pu retrouver en plus de trois semaine leur faux calme habituel, ou tout simplement une nouvelle obsession. Plus de vingt et un jours se seront bientôt écoulés depuis que l’Inter-LGBT a rendu publiques cette image et son exhortation consensuellement révolutionnaire, « Contre l’internationale réactionnaire, queers de tous les pays, unissons-nous », et pourtant, elles n’en finissent pas de susciter la même ritournelle droitarde, ânonnée sous forme d’appels à se désolidariser, de pétitions de définancement, de tribunes de protestation. Qu’une affiche LGBTI excite les réactionnaires homophobes et transphobes, personne n’en sera surpris, encore moins lorsque cette affiche les prend explicitement pour cibles. Opportunistes, Valérie Pécresse, qui peine à faire oublier qu’elle a aidé à brandir les banderoles de la Manif pour tous, et Marine Le Pen, qui demande à ses député·es de mieux cacher leur homophobie[1] et leur racisme[2], ont à ce titre exigé et obtenu le retrait des subventions publiques accordées à la Marche des Fiertés[3]. Sans doute se sont-elles senties visées par l’affiche, et pour cause. Leur réaction est celle, classique, d’une hétérosexualité défensive qui se cabre dès qu’elle sent menacé l’ordre social qui lui assure sa domination.

Or, ces caporales du fascisme ont recruté des soldats que sans doute elles-mêmes n’espéraient pas. Depuis les rangs mêmes de la communauté LGBTI, résolument très diverse, de nombreuses voix se sont jointes à celles, entre autres, des trans-homophobes Pécresse et Le Pen, pour demander ou le retrait de l’affiche, ou la suppression des financements accordés à l’Inter, parfois tout bonnement l’annulation de la Marche, et bientôt celle des queers tout court. Des associations comme Fiertés citoyennes et l’Association des familles homoparentales, des médias comme Têtu, et des intellectuel·les LGBT+ comme William Marx du Collège de France, qui pourtant récusent tous·tes vigoureusement d’appartenir à l’extrême droite, se sont ainsi associé·es à la chorale anti-antifasciste qui visait l’affiche de l’Inter-LGBT sous couvert, d’une part, d’une défense de l’« universalisme », de la « laïcité », de la « non-violence », de l’ « unité », de la « République » et, d’autre part, d’une critique de la « partisanerie », du « confusionnisme », de la « convergence des luttes », de la « politisation », parfois même – et il faut en rire, vraiment – de l’« homophobie » de l’affiche. Les termes sont nombreux, les termes sont jetés pêle-mêle et voudraient convaincre que les torts de l’Inter-LGBT sont innombrables, mais les termes disent tous la même chose car, pour hétéroclite que puisse paraître cette coalition, c’est autour d’un seul et même mot d’ordre qu’elle est réunie : « Contre une marche des Fiertés antifasciste, réactionnaires de tous les bords, unissons-nous ». La question, dès lors, n’est pas tant de savoir pourquoi ni comment Valérie Pécresse et Marine Le Pen ont réussi à rallier à leur cause des militant·es, des associations et des intellectuel·les LGBT+ dont on aurait pu espérer que tout opposait aux homophobes et aux transphobes, qu’elle est de savoir ce qui, dans l’antifascisme, dérange suffisamment toutes ces personnes se revendiquant de bords politiques opposés pour qu’elles s’unissent si spontanément et si rapidement dans la critique d’un appel à lutter contre la déferlante réactionnaire qui nous submerge.

À lire leurs tweets et leurs tribunes fatiguées, il faut reconnaître que, aussi différent·es que semblent être les auteur·ices des textes qui attaquent l’affiche de l’Inter-LGBT, toutes et tous partagent manifestement un même chapelet élimé qu’iels ressassent en boucle : « Femme voilée, drapeau palestinien, homme blanc mort. Femme voilée, drapeau palestinien, homme blanc mort. Femme voilée, drapeau palestinien, homme blanc mort… ». Il y a sur l’affiche de l’Inter-LGBT sept personnages, des identités de genre exprimées de différentes manières, une palette riche d’une vingtaine de couleurs, des styles vestimentaires et des accessoires divers, nombre symboles et drapeaux de pays et d’organisations militantes, mais aussi des logos, des pin’s et des brassards variés. Pour autant, lorsque les détracteur·ices de l’affiche la regardent, ils et elles ne voient que trois choses : une femme voilée, un drapeau palestinien, et un homme blanc mort. Ce n’est, bien évidemment, pas la faute de l’affiche. Il y a fort à parier que, devant un champ de coquelicots surmonté d’un ciel bleu clairsemé de nuages, ces personnes ne verraient aussi que : « une femme voilée, un drapeau palestinien, un homme blanc mort ». Du reste, c’est un bien étrange réflexe, qui mérite à lui seul un examen clinique attentif, celui qui consiste à voir immédiatement dans le gris choisi pour le personnage dessiné la tête renversée une représentation de l’homme blanc, plutôt qu’une couleur signifiant allégoriquement la décrépitude ou la mort des trans-homophobes d’extrême droite sur une affiche qui, peu soucieuse du réalisme chromatique, a par ailleurs choisi le bleu, l’orange, le vert, le violet, le rouge et le jaune pour représenter ces autres personnages…

Mais l’indignation de ces personnes ne concerne pas juste ce qu’elles voient sur cette affiche, loin s’en faut. Elle est aussi suscitée par ce que ces personnes n’y voient pas.  La tribune de William Marx, publiée le 20 juin dans Le Monde[4], est symptomatique de cette cécité douteuse : il y écrit que, « [e]n supprimant la mention explicite des LGBT+, qui subsistait encore en 2024, la Marche des fiertés occulte les gays et les lesbiennes en tant qu’êtres de désir ». « Cherchez un couple gay ou lesbien, » suggère-t-il, « vous n’en trouverez pas ». Outre qu’il faut s’inquiéter des compétences les plus rudimentaires d’un professeur de littérature comparée au Collège de France, dont il me semblait, mais je me trompe peut-être puisque « le niveau baisse », qu’il lui était requis de savoir lire – le sigle LGBT+ apparaît bel et bien sur l’affiche 2025 à travers le logo de l’Inter-LGBT – de telles affirmations en disent long sur la conception de la sexualité, et plus particulièrement de l’homosexualité, de ces gens qui n’ont manifestement pas lu (mais, effectivement, peut-être ne savent-iels pas lire) une seule ligne des recherches sur l’intersectionnalité pour les réduire « aux questions identitaires », là où elles s’intéressent à l’articulation de rapports de domination mouvants. Lorsque Monsieur le Professeur affirme qu’on ne trouvera pas de couple gay ou lesbien sur cette affiche, il ne décrit en rien l’affiche, il décrète. Il décrète que, pour lui, les personnages représentées ne peuvent pas être en couple gay ou lesbien, c’est-à-dire non seulement qu’il refuse d’imaginer qu’ils et elles puissent l’être, mais aussi que, pour lui, les caractéristiques de la conjugalité homosexuelle ne sont pas ici réunies – on se demande bien, d’ailleurs, dans quelle position, dans quelle mise en scène il aurait fallu représenter ces personnages pour que William Marx se dise « Ah, oui, ces deux-là sur l’affiche sont indubitablement en couple ».  Lorsque Monsieur le Professeur affirme que l’affiche « occulte les gays et les lesbiennes en tant qu’êtres de désir », il ne décrit pas non plus l’affiche, il décrète encore. Il décrète que les personnages représentés ne peuvent pas être des gays ou des lesbiennes désirant·es, c’est-à-dire non seulement qu’il refuse d’imaginer que cet homme qui porte le t-shirt d’Act Up ou cette femme qui porte le voile puissent être un gay et une lesbienne traversé·es de désir, mais aussi que, pour lui, les caractéristiques de l’homosexualité ne sont pas ici réunies.

Tout l’enjeu est là. En faisant semblant de ne pas voir de personnes homosexuelles sur l’affiche de l’Inter-LGBT, ses détracteur·ices cherchent à maintenir un contrôle sur ce qu’est l’homosexualité, celle qui ne doit pas juste avoir sa place, mais bien toute la place sur une affiche de l’Inter-LGBT, car c’est la seule homosexualité dont les droits et les intérêts méritent d’être défendus, à l’exclusion de toutes les autres. À ce titre, refuser de voir une femme comme une femme lesbienne au motif qu’elle porte un voile ou un pin’s du drapeau palestinien, et pour cela se scandaliser qu’elle figure sur une affiche de l’Inter-LGBT en alléguant qu’elle prend la place d’un·e homosexuel·le, c’est exclure du périmètre de l’homosexualité toute caractéristique, toute propriété qui, lorsqu’on la possède, est susceptible de nous racialiser comme non blanc·hes et, en conséquence directe, de nous exclure du champ de l’homosexualité respectable. Pour le dire autrement, refuser de voir une femme comme une femme lesbienne au motif qu’elle porte un voile ou un pin’s du drapeau palestinien, c’est faire du critère de l’homosexualité qui mérite des droits un critère racial[5]. Il faut mesurer le niveau de violence et d’abjection de la tribune écrite par William Marx, d’autant plus violente et abjecte qu’elle est écrite depuis une position investie d’un pouvoir symbolique aussi important que celui d’une chaire au Collège de France : « En invisibilisant la question du corps et de l’amour, [l’affiche] réalise objectivement le rêve des homophobes », affirme-t-il en conclusion de son texte. Traduction : lorsque ces gens voient des personnes homosexuelles et trans’ non blanc·hes, non seulement iels voient des complices et des responsables de l’homophobie, mais surtout, en affirmant que l’affiche invisibilise le corps et l’amour alors même qu’elle montre bien le corps de six personnages, sourire aux lèvres et se prenant dans les bras pour certain·es, iels refusent que ces personnes, au motif qu’elles portent un voile ou un pin’s du drapeau de la Palestine, puissent être des personnes LGBT+ doté·es un corps capable de désir et d’amour. Pousser la déshumanisation des personnes LGBT+ non blanc·hes en les privant de corps et de la capacité d’aimer, voilà ce qu’accomplit ce texte écrit par William Marx. Il faut rendre à César ce qui est à César : non content de s’attaquer aux seules lesbiennes voilées, William Marx s’étonne aussi d’une référence sur l’affiche aux sourds-muets, manifestement heurté par la présence, ou peut-être tout simplement l’existence, de personnes LGBT+ qui vivent avec un handicap. Quoi qu’il en soit, lorsque des associations, des politiques ou des intellectuel·les critiquent l’affiche 2025 de la Marche des Fiertés car elle montre des éléments estimés étrangers à l’homosexualité au seul motif qu’ils racialisent et sont racialisés comme non blancs, qu’importe leurs prétendues lignes idéologiques, leurs appartenances politiques et leurs sexualités, iels rappellent que, pour elles et eux, la défense des personnes LGBT+ n’a jamais été la défense de toutes les personnes LGBT+ – ou plutôt, la défense des personnes LGBT+ n’est acceptable que si elle est aussi une défense des personnes blanches, ou proches de la blanchité.

Et c’est pour cette raison, et cette raison uniquement, la raison raciale, que ces personnes qui gesticulent d’indignation devant l’affiche de l’Inter-LGBT sont dérangées, là où elles voudraient nous faire croire que c’est pour deux raisons. Elles voudraient nous faire croire, d’abord, qu’elles sont dérangées parce qu’elles voient sur l’affiche ce qu’elles estiment ne pas y avoir sa place  : une femme voilée, un drapeau palestinien, et un homme blanc mort. Elles voudraient nous faire croire, ensuite, qu’elles sont dérangées parce qu’elles n’y voient pas celles qu’elles estiment y avoir leur place : les personnes homosexuelles. Ces deux dérangements sont, en réalité, causés par une seule et même contrainte, celle d’être forcé·es à voir sur cette affiche, et donc d’accepter qu’iels existent, une femme voilée lesbienne, une référence au peuple palestinien et aux nombreux·es LGBT+ gazoui·es génocidé·es par la prétendue seule démocratie gayfriendly du Proche-Orient, et un système de domination sexuelle et raciale, incarné sur l’affiche par un homme homophobe et transphobe d’extrême droite. Dès lors, quand William Marx et consorts prétendent ne pas voir de personnes LGBT+ sur cette affiche, ce n’est donc pas, bien entendu, qu’iels ne savent pas qu’il existe des homosexuel·les ou des trans’ qui portent le voile ou qui luttent pour la libération du peuple palestinien. C’est qu’iels font semblant de ne pas le savoir pour mieux faire semblant qu’elles n’existent pas, car leur existence leur est embarrassante. L’existence des homosexuel·les ou des trans’ qui portent le voile ou qui luttent pour la libération du peuple palestinien dérange les détracteur·ices de l’affiche 2025 de l’Inter-LGBT car elle leur rappelle qu’une lutte pour les droits des personnes LGBT+, toutes les personnes LGBT+, est nécessairement aussi une lutte antiraciste, c’est-à-dire une lutte qui met en péril les privilèges blancs auxquels ces détracteur·ices ne seront jamais prêt·es à renoncer. Pour le dire autrement, quand les critiques LGBT+ de l’affiche de la Marche des Fiertés estiment qu’il est impossible d’en faire une marche antiraciste, c’est parce que cela impliquerait d’en faire une marche contre la domination blanche, là où la Marche a toujours été pour elles et eux non seulement une question de fierté sexuelle, mais aussi de fierté blanche. Qu’iels en soient conscient·es ou pas, qu’importe, c’est même sans doute leur ignorance[6] qui donne des airs de probité à leur indignation.

Elle est donc là, la très puissante motivation commune des militant·es et intellectuel·les LGBT+ et des politiques de droite et d’extrême droite, historiquement homophobes mais opportunément gayfriendly : les premier·es défendent les homosexuel·les et les trans’ uniquement lorsque qu’elles et ils sont blanc·hes, les second·es ne défendent les homosexuel·les et les trans’ que lorsque cela leur permet d’attaquer les non blanc·hes – ce qui revient au même, puisque tout cela, au fond, revient à défendre les blanc·hes (et celles et ceux qui sont situé·es à proximité de la blanchité). À cet égard, refuser qu’apparaissent une femme voilée ou un pin’s du drapeau palestinien sur l’affiche de la Pride, c’est vouloir s’assurer que la défense des personnes LGBT+ puisse toujours être utilisé·e aussi comme une défense d’intérêts raciaux, en l’occurrence blancs. Face à une affiche qui montre des LGBT+ potentiellement non blanc·hes, les indignations excitées, qu’elles proviennent d’un parti fasciste homophobe et transphobe ou d’une asso de défense des droits des personnes LGBT+, sont donc strictement identiques, formes anoblies d’une même peur panique : leur enlever la défense des LGBT+ en en faisant une lutte antiraciste, c’est les priver d’un instrument particulièrement efficace qu’iels utilisent pour défendre leurs intérêts raciaux et légitimer la domination blanche, un instrument dont iels ne sauraient se passer et dont iels savent que la perte les affaiblirait. Pour elles et eux, il faut donc à tout prix maintenir l’homosexualité et la transidentité dans le périmètre de la blanchité pour que la défense des personnes LGBT+ puisse continuer à être une défense des personnes blanches.

À et égard, si on peut effectivement reconnaître chez les homophobes une réaction propre à une hétérosexualité défensive menacée par toute marche LGBT+, on peut sans doute (un peu) moins le faire à l’égard des militant·es et des intellectuel·les LGBT+. En revanche, chez tous ces gens outrés de voir une femme voilée et un drapeau palestinien sur l’affiche de l’Inter-LGBT – présidente de région ancienne de la Manif pour tous, cheffe d’un parti fasciste, mais aussi militant·es associatif·ves LGBT+, intellectuel·les cachés derrière leurs pupitres du Collège de France, directeur·ices de rédaction de publications gays, lesbiennes et trans’ – il existe bien une réaction commune et une communauté d’intérêts, celle d’une blanchité défensive mécontente qu’on la prive d’un des piliers de la domination raciale, à savoir la défense des homosexuel·les et des trans’ blanc·hes. À travers ces critiques de l’affiche choisie par l’Inter-LGBT, ce qui s’affirme une fois de plus, c’est donc la manière par laquelle l’ordre racial peut être consolidé par l’appropriation morale et dépolitisée de l’égalité de genre et de sexualité. À la question de savoir ce qui, dans l’antifascisme, coalise contre lui des gens qui s’estiment aussi différents qu’un·e militant·e LGBT+ et la cheffe d’un parti fasciste, la réponse est donc évidente : l’antiracisme politique. Toutes les contorsions lexicales, aussi habiles ou grossières soient-elles, ne feront pas croire que c’est autre chose que l’antiracisme qui est ici attaqué, et la blanchité qui est défendue. Et de la même manière que lorsqu’on est anti-antifasciste, on est fasciste, lorsqu’on est anti-antiraciste, on est r…

Dans un édito d’une ligne et demie et de moitié moins d’idées[7], Têtu reprochait à l’Inter-LGBT deux erreurs :  « La première est de discernement, en imaginant que cette affiche produirait autre chose que de la division à tous les étages. La deuxième est politique, pour n’avoir pas pris en compte la conflictuosité actuelle et le besoin impérieux, en cette période, de rassembler ». C’est évidemment faux, mais il ne faut pas en vouloir à Têtu ni à Thomas Vampouille de (se) tromper : depuis longtemps maintenant, le magazine est devenu un robinet d’eau tiède d’où fuit un journalisme de préfecture toujours prêt à justifier les politiques de régressions sociales et raciales[8] tant qu’elles sont menées au nom de l’homosexualité blanche de classe sup incarnée par Têtu. Dans les faits, et n’en déplaise à Têtu, cette affiche n’a pas produit de la division à tous les étages. Elle a produit de la division à un seul étage, celui de l’antiracisme : il y a désormais une division claire au sein de la communauté LGBT+, et c’est tant mieux, entre les racistes d’une part, et les antiracistes d’autre part. Il faut bien comprendre que le rassemblement tant regretté par Vampouille ne peut donc être autre chose qu’un rassemblement avec le camp raciste et fasciste de certain·es LGBT+, celles et ceux pour lesquel·les l’antiracisme n’est pas une question de vie et de mort. Cet appel au rassemblement, sous ses airs de pacifisme mesuré et stratégique, n’est donc rien d’autre qu’un appel à l’abandon : abandonner l’antiracisme, c’est-à-dire, abandonner toutes les personnes, LGBT+ ou pas, qui sont victimes du racisme.

Elle ne date pas d’hier, mais on ne cessera jamais d’être abasourdi·es par la faillite morale, politique, intellectuelle qui conduit les personnes LGBT+ à refuser de reconnaitre, face à une femme voilée et une autre qui lutte contre le génocide en Palestine, des personnes queers qui ont le droit à une existence digne et heureuse, pour préférer s’allier derechef avec des fascistes – et cela tout en s’indignant, avec force protestations et gigotements, des appels à la violence et à « casser du facho[9] ». À cette réticence à combattre le fascisme et « casser du facho », je n’ai pas grand-chose de bien nouveau à répondre, à part reprendre la formule du comédien Aamer Rahman dont je suis incapable d’égaler la concision et la clarté :  « Why the fuck are you a volunteer Nazi safety advocate ? »

Notes

[1] Voir : https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/06/17/le-rn-a-demande-a-ses-deputes-de-quitter-tous-les-groupes-facebook-relayant-des-propos-racistes-et-antisemites_6613833_823448.html 

[2] Voir : https://lesjours.fr/obsessions/rn-conquete-pouvoir/ep27-groupes-facebook-racistes/

[3] Voir : https://www.mediapart.fr/journal/france/190625/marche-des-fiertes-grace-valerie-pecresse-le-rn-obtient-le-retrait-de-toute-aide-financiere-l-inter-lgbt

[4] Voir : https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/06/20/l-affiche-de-la-marche-des-fiertes-en-invisibilisant-la-question-du-corps-et-de-l-amour-realise-le-reve-des-homophobes_6614825_3232.html

[5] À celles et ceux qui protesteraient en prétendant parler de religion et pas de race, nous conseillons de lire Islamophobie de Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, paru à La Découverte, et plus largement de s’informer sur le concept de racialisation en lisant le manuel intitulé Sociologie de la race de Solène Brun et Claire Cosquer, paru chez Armand Colin.

[6] Sur l’ignorance blanche, il faut lire « White Ignorance » de Charles W. Mills, récemment traduit dans la revue Marronnages (1/2022) par Solène Brun et Claire Cosquer.

[7] Voir : https://tetu.com/2025/06/12/polemique-inter-lgbt-pride-paris-2025-laissons-la-cette-affiche-mais-pas-notre-marche/

[8] Par exemple, Têtu se réjouissait de la nomination de Gabriel Attal au poste de Premier Ministre au seul motif qu’il est gay, alors même qu’il a été le fer de lance des politiques les plus régressives et meurtrières ces dernières décennies : https://tetu.com/2024/01/09/remaniement-gouvernement-gabriel-attal-premier-ministre-gay-cause-lgbt/

[9] La formule est utilisée par William Marx dans sa tribune.