Pourquoi les BRICS n’agissent pas contre le génocide en cours à Gaza

Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et l’Afrique du Sud) qui ont admis en leur sein cinq États de plus (Égypte, Émirats Arabes Unis, Éthiopie, Indonésie et Iran) se sont réunis à Rio de Janeiro les 6 et 7 juillet 2025. L’Arabie saoudite était présente mais n’a pas officiellement adhéré en tant que pays membre. Une petite vingtaine d’autres États considérés comme partenaires étaient également représentés.

Alors que le président des États-Unis multiplie les actions unilatérales tant au niveau militaire qu’au niveau commercial, les BRICS défendent le multilatéralisme et le système des Nations Unies. Ils s’inscrivent également pleinement dans le mode de production capitaliste, productiviste-extractiviste. Représentant la moitié de la population mondiale, 40% des ressources fossiles d’énergie, 30% du produit intérieur mondial et 50% de la croissance, ils auraient à leur disposition d’importants moyens pour mettre en œuvre un modèle de développement différent s’ils le voulaient, ce qui n’est pas le cas.

Il est nécessaire d’exprimer un point de vue critique à l’égard des BRICS. Cela n’empêche en rien de dénoncer, d’abord et avec la plus grande fermeté, les États-Unis, ainsi que ses alliés européens et indo-pacifiques (Japon, Australie, etc.), pour leur politique impérialiste, laquelle se traduit notamment par leur soutien à l’État d’Israël. Sans le soutien indéfectible de Washington et de l’Europe occidentale, l’État colonial israélien ne pourrait pas poursuivre le génocide en Palestine. Néanmoins, les BRICS, de leur côté, ne prennent aucune mesure concrète, en tant que groupe de pays, pour effectivement empêcher le génocide.

Dans cette série de questions/ réponses, Éric Toussaint analyse la déclaration finale du sommet des BRICS rendue publique le 6 juillet 2025 ainsi que la politique pratique des BRICS et des institutions qu’ils ont mises en place.

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Est-il vrai que les BRICS ne dénoncent pas le génocide en cours à Gaza ?

Oui. Dans la déclaration finale du sommet des BRICS publiée le 6 juillet 2025, les BRICS ne parlent pas de génocide pour décrire ce qui est en cours à Gaza. Les BRICS critiquent l’utilisation de la force par Israël dans les points 24 à 27 de leur déclaration mais ils n’utilisent nulle part le terme « génocide » ou « nettoyage ethnique » ou « massacre ». Ce qui est frappant également, c’est que la partie de la déclaration du 7 juillet 2025 qui concerne Gaza est quasiment identique à ce qui se trouve dans la déclaration finale du précédent sommet des BRICS tenue en Russie à Kazan en octobre 2024. Comme si les preuves, qui s’accumulent chaque jour, concernant le génocide ne justifiaient pas d’employer clairement ce terme.

Est-il vrai que les BRICS ne proposent pas des sanctions contre Israël ?

Oui c’est vrai : dans leur déclaration finale les BRICS ne proposent pas de sanction contre Israël. Ils ne proposent pas de rompre les différents accords qui les lient à l’État d’Israël. Pourtant le génocide en cours et les massacres de Gazaouis à la recherche de nourriture justifient et exigent des actions allant au-delà des protestations de la part des BRICS et d’autres États. Les protestations des dirigeants des BRICS étaient totalement insuffisantes en octobre 2024 lors de leur sommet à Kazan et le sont encore plus en 2025. Il faut des actes concrets et forts que seuls des gouvernements et des organismes multilatéraux peuvent prendre. Bien sûr les mobilisations de rue, les occupations de places ou d’université, les initiatives juridiques des organisations citoyennes sont fondamentales mais elles ne remplacent pas les actions des États et des institutions internationales.

Les BRICS prennent-ils des mesures concrètes contre le gouvernement israélien ?

L’Afrique du Sud a pris l’initiative d’une plainte contre Israël devant la Cour internationale de Justice de La Haye mais elle a une pratique commerciale en contradiction avec cette action juridique

Les BRICS ne prennent aucune mesure concrète contre le gouvernement israélien, aucun boycott, aucun embargo. Certes, l’Afrique du Sud a pris l’initiative d’une plainte contre Israël devant la Cour internationale de Justice de La Haye, ce qui est positif, mais elle a une pratique en contradiction avec cette action juridique. En effet, l’Afrique du Sud maintient des relations commerciales avec Israël notamment en permettant à des sociétés sud-africaines d’exporter régulièrement par bateau des cargaisons de charbon vers Israël.

Les BRICS maintiennent-ils des relations commerciales avec Israël ?

À part l’Iran, les pays membres des BRICS maintiennent les relations commerciales avec Israël. En plus de l’Afrique du Sud, La Russie, le Brésil, les Émirats Arabes Unis, l’Égypte et la Chine poursuivent la vente de combustibles (pétrole, gaz, charbon…) à Israël. C’est une aide importante envers le gouvernement israélien qui a besoin de diversifier ses sources d’approvisionnement en matière énergétique pour poursuivre son effort de guerre et son fonctionnement normal, pour éviter que le mécontentement de la population israélienne n’augmente dans des proportions incontrôlables.Nous allons passer en revue de manière sommaire les relations entretenues par les pays membres des BRICS avec Israël.

Quelle est la place de la Chine dans les relations commerciales d’Israël ?

La Chine est le principal fournisseur commercial d’Israël. La Chine réalise d’importants investissements en Israël. La Chine a exporté vers Israël pour une valeur de 13 milliards de dollars en 2022, de 16 milliards en 2023 et pour 19 milliards de dollars en 2024. La croissance se poursuit en 2025. Le volume pourrait dépasser largement les 20 milliards de dollars si aucune mesure de limitation ou de boycott n’intervient. Les montants indiqués proviennent notamment de https://tradingeconomics.com/israel/imports/china, et de l’agence Chine nouvelle Xinhua.

On peut lire de source chinoise que pour Israël, en 2023, la Chine était est la plus importante source d’importations et ce pour la quatrième année consécutive. Les Etats-Unis viennent en deuxième position. En 2024, cette position dominante de la Chine s’est confirmée.

Parmi les marchandises échangées entre Israël et la Chine, les produits high-tech sont dominants : des équipements électriques/électroniques (imports et exports), machines industrielles, produits optiques et médicaux figurent parmi les catégories majeures échangées.

Le déficit commercial d’Israël avec la Chine est très important. Israël importe beaucoup plus de la Chine qu’il n’exporte vers la Chine. Le déficit commercial israélien avec la Chine a augmenté fortement ces dernières années. Il a dépassé 10 milliards de dollars en 2024.

Précisons que si on prend les pays de l’UE en bloc, c’est l’UE qui est le principal fournisseur d’Israël avec un montant d’environ 26 milliards de dollars exportés vers Israël en 2024 En réalité, chaque pays de l’UE fournit Israël séparément et parmi eux c’est l’Allemagne avec environ 6 milliards de dollars qui vient en tête au niveau des exportations vers Israël. C’est pour cela que la Chine peut être considérée comme le premier fournisseur (avec 19 milliards d’exportation de la Chine vers Israël en 2024) et les Etats-Unis comme le deuxième fournisseur (avec un montant d’un peu plus de 9 milliards de dollars d’exportations vers Israël en 2024).

Parmi les produits manufacturés vendus par la Chine à Israël, on trouve des drones qui à l’origine ne sont pas destinés à un usage militaire mais qui sont transformés en armes par les militaires israéliens pour tuer des civil·es palestinien·es. C’est ce dont témoigne une enquête réalisée par le média indépendant israélien +972 Magazine qui indique que ces drones sont produits par l’entreprise privée chinoise Autel Robotics (basée à Shenzhen) qui produit des drones EVO). Voici un extrait de ce qui est révélé :

« L’armée israélienne a militarisé une flotte de drones commerciaux fabriqués en Chine pour attaquer les Palestinien·es dans certaines zones de Gaza qu’elle cherche à dépeupler, comme le révèle une enquête menée par +972 Magazine et Local Call. Selon des entretiens menés auprès de sept soldats et officiers ayant servi dans la bande de Gaza, ces drones sont pilotés manuellement par des troupes au sol et sont fréquemment utilisés pour bombarder des civil·es palestinien·nes, y compris des enfants, dans le but de les forcer à quitter leurs maisons ou de les empêcher de retourner dans les zones évacuées. Les soldats utilisent le plus souvent des drones EVO, produits par la société chinoise Autel, qui sont principalement destinés à la photographie et coûtent environ 10 000 NIS (environ 3 000 dollars) sur Amazon. Cependant, grâce à un accessoire militaire connu en interne sous le nom de « boule de fer », une grenade à main peut être fixée au drone et larguée d’une simple pression sur un bouton pour exploser au sol. Aujourd’hui, la majorité des compagnies militaires israéliennes à Gaza utilisent ces drones. S., un soldat israélien qui a servi dans la région de Rafah cette année, a coordonné des attaques de drones dans un quartier de la ville que l’armée avait ordonné d’évacuer. Au cours des près de 100 jours pendant lesquels son bataillon a opéré dans cette zone, les soldats ont mené des dizaines de frappes de drones, selon les rapports quotidiens de son commandant de bataillon examinés par +972 et Local Call. Dans ces rapports, tous les Palestiniens tués étaient répertoriés comme des « terroristes ». Cependant, S. a témoigné qu’à l’exception d’une personne trouvée en possession d’un couteau et d’une seule rencontre avec des combattants armés, les dizaines d’autres personnes tuées – en moyenne une par jour dans la zone de combat de son bataillon – n’étaient pas armées. Selon lui, les frappes de drones ont été menées dans l’intention de tuer, alors que la majorité des victimes se trouvaient à une telle distance des soldats qu’elles ne pouvaient constituer aucune menace. »

Dans un article, Euro-Med Monitor, une ONG indépendante basée à Genève (Suisse), en février 2024, dénonçait déjà l’utilisation par les militaires israéliens des drones produits par AUTEL Robotics. Cette ONG qui se consacre à la documentation des violations des droits de l’homme dans la région Moyen-Orient, Afrique du Nord (MENA) et Europe avait demandé aux entreprises chinoises notamment AUTEL de se conformer au droit international :

« Dans les régions touchées par des conflits armés, les entreprises courent un risque accru de se rendre complices de violations graves du droit international humanitaire et des droits humains. Par conséquent, les entreprises opérant dans de tels environnements doivent agir pour diminuer ces risques. Lorsqu’un produit est utilisé de manière abusive, en contradiction avec les obligations internationales et les valeurs non violentes de l’entreprise, en particulier à des fins militaires conduisant à des crimes de guerre ou violations graves des droits humains, l’entreprise doit agir. Elle doit prendre des mesures immédiates pour mettre fin ou empêcher sa contribution. Euro-Med Human Rights Monitor souligne que les entreprises, y compris Autel Robotics, un fabricant chinois d’électronique et de drones, doivent se conformer au droit international. »

Des drones civils fabriqués par une autre entreprise chinoise sont également utilisés par l’armée israélienne dans la guerre contre la population palestinienne de Gaza. Il s’agit de drones fabriqués par DJI (Da-Jiang Innovations), qui est une entreprise privée chinoise basée à Shenzhen (Chine), leader mondial de la fabrication de drones civils et professionnels[1].

Comme l’écrit Francesca Albanese, rapporteuse spéciale auprès des Nations Unies sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés, dans son rapport intitulé De l’économie de l’occupation à l’économie du génocide rendu public en juin 2025 :

« Lorsque des entités commerciales poursuivent leurs activités et leurs relations avec Israël – avec son économie, son armée et ses secteurs public et privé liés au territoire palestinien occupé – elles peuvent être reconnues coupables d’avoir sciemment contribué à : (a) la violation du droit des Palestinien·nes à l’autodétermination ; (b) l’annexion du territoire palestinien, le maintien d’une occupation illégale et, par conséquent, le crime d’agression et les violations des droits humains qui y sont associées ; (c) les crimes d’apartheid et de génocide ; (d) d’autres crimes et violations accessoires. Les lois pénales et civiles de diverses juridictions peuvent être invoquées pour tenir les entités corporatives ou leurs dirigeants responsables des violations des droits humains et/ou des crimes relevant du droit international. »

Il incombe donc aux autorités du pays où ces entreprises sont basées et aux entreprises elles-mêmes d’éviter toute forme de complicité avec les autorités israéliennes, cela vaut pour la Chine comme pour le reste de la planète.

La Chine réalise-t-elle des investissements en Israël ?

La Chine a réalisé d’importants investissements dans deux ports israéliens d’une importance stratégique, le port de Haïfa et le Port d’Ashdod, tous deux situés sur la Méditerranée. La société chinoise China Harbor Engineering Company, filiale de China Communications Construction Company, a modernisé et développé le terminal portuaire d’Ashdod.

Ce projet a permis de d’augmenter les capacités des installations portuaires et d’améliorer les infrastructures pour répondre à la croissance du commerce international. Le port d’Ashdod est l’un des principaux hubs commerciaux d’Israël. Sa modernisation a renforcé sa position stratégique dans la région, facilitant ainsi les échanges entre la Chine et Israël, notamment dans le cadre de la nouvelle route de la soie (Belt and Road Initiative ou BRI). La China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), une autre grande société chinoise, a acquis une part importante du terminal à conteneurs de Haïfa, dans le cadre d’un partenariat avec le gouvernement israélien.

Ce projet, tout comme celui d’Ashdod, a permis à Israël d’attirer des investissements dans l’amélioration des infrastructures portuaires. Dans le cas des installations du Port de Haïfa, les investissements chinois se font en partie via une collaboration avec des sociétés indiennes. Au-delà des ports, les entreprises chinoises investissent également dans d’autres secteurs des infrastructures, comme les transports, l’énergie et la haute technologie. Par exemple, des projets dans le domaine des technologies de transport intelligent, de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité, et des télécommunications sont en cours de développement, avec la participation de grandes entreprises chinoises comme Huawei et ZTE.

Quelles sont les relations entre le gouvernement russe et le gouvernement israélien ?

Il est de notoriété publique que Vladimir Poutine et Netanyahou ont une bonne opinion l’un de l’autre même si la Russie critique publiquement l’Israël pour sa politique au Proche-Orient. Jusqu’ici dans aucune de ses déclarations, Poutine n’a dénoncé le génocide en cours à Gaza. Par contre, il a utilisé très souvent le terme génocide pour justifier l’invasion de l’Ukraine et l’annexion d’une partie de son territoire. Dans son discours du 24 février 2022 pour justifier l’« opération militaire spéciale » en Ukraine, Poutine a déclaré :

« Notre objectif est de protéger les personnes victimes de génocide de la part du régime de Kiev depuis huit ans. Nous nous efforcerons de démilitariser et dénazifier l’Ukraine. »

Il faut également noter que le 1er juillet 2025, Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères de Russie, quelques jours avant de se rendre au sommet des BRICS à Rio, a déclaré :

« Nous constatons avec satisfaction que le chef du nouveau gouvernement israélien Benjamin Netanyahu s’est prononcé deux fois en un mois pour régler le problème palestinien avec une solution à deux États. Nous espérons que cette position sera appuyée par des démarches concrètes. De notre côté, nous continuerons de contribuer à la reprise des négociations – aussi bien via les canaux bilatéraux que sur diverses plateformes internationales, notamment dans le cadre du Quartet des médiateurs internationaux pour le Moyen-Orient. Il faut garder un œil sur la situation dans la bande de Gaza, dont la population continue d’éprouver de graves difficultés humanitaires. Il faut entreprendre des démarches pour lever le blocus ou tout au moins le réduire. »[2]

Comme on peut le constater dans cette déclaration, il n’y a pas de la part de Sergueï Lavrov de dénonciation du génocide en cours et son attitude à l’égard du premier ministre fasciste Benjamin Netanyahu est positive, ce qui est tout à fait inadmissible.

Israël dépend toujours partiellement de la Russie pour son alimentation (céréales) et pour l’énergie (pétrole, gaz, charbon), malgré les tensions géopolitiques. Israël exporte vers la Russie des produits à forte valeur ajoutée : agro-produits, matériel médical, chimie et électronique. Israël a un déficit commercial important avec la Russie. En 2023, le volume du commerce avait baissé suite aux sanctions prises contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine mais en 2024, il a rebondi. Le volume des échanges avait atteint 3,5 milliards en 2022, a chuté à 2,6 milliards en 2023 et a rebondi à 3,9 milliards en 2024. En résumé, Israël, dans la pratique, n’applique pas les sanctions occidentales à l’égard de la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine et la Russie n’applique pas de sanction à l’égard d’Israël malgré le génocide en cours.

Dans la pratique, Israël n’applique pas les sanctions occidentales à l’égard de la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine, tout comme la Russie n’applique pas de sanction à l’égard d’Israël malgré le génocide en cours.

À noter que depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, des centaines de millions de dollars (environ 300 millions de dollars par trimestre) ont été transférés en Israël via les comptes d’oligarques ou de nouveaux migrants. Soulignons également qu’environ 500 soldats de l’armée israélienne porteurs d’un passeport russe ont participé aux opérations dans la bande de Gaza entre octobre 2023 et mars 2024, 9 d’entre eux y ont trouvé la mort. Cetteinformation a été fournie par les autorités israéliennes[3]. Pour l’année 2025, nous ne disposons pas d’informations précises concernant les chiffres mais il est avéré que des soldats de l’armée israélienne qui participe au génocide ont la double nationalité russe et israélienne. Les autorités russes ne critiquent pas les Russes mobilisés au sein de l’armée israélienne, y compris ceux engagés à Gaza.

Où en est le commerce entre l’Inde et Israël ?

L’Inde représente plus d’un tiers du total des exportations d’armes d’Israël.

Le volume du commerce entre l’Inde et Israël est en croissance et se situe autour de 10 milliards de dollars. L’Inde fournit des produits pétroliers à Israël, des diamants et autres pierres précieuses, des produits chimiques et pharmaceutiques ainsi que des armes (dont des drones).

Israël fournit des armes (missiles), des munitions, des systèmes de défense à l’Inde. Selon le site Moneycontrol.com, un des principaux site financiers en Inde, le commerce des armes entre Israël et l’Inde a été multiplié par 33 en 10 ans, entre 2015 et 2024, atteignant en 2024, 185 millions de dollars US. Le magazine New Internationalist écrit dans son édition de janvier 2025 :

« Des entreprises indiennes telles qu’Adani-Elbit Advanced Systems India, Premier Explosives et l’entreprise publique Munitions India fournissent activement des drones et des armes à Israël alors que ce dernier poursuit sa guerre génocidaire contre la population de Gaza. En avril, soucieuse de ne pas compromettre ces accords, l’Inde s’est abstenue lors du vote d’une résolution de l’ONU appelant à un cessez-le-feuet à un embargo sur les armes à destination d’Israël. De son côté, Israël a continué à fournir sans interruption du matériel militaire à l’Inde, ce qui représente un engagement important étant donné qu’Israël a postposé plus de 1,5 milliard de dollars d’exportations d’armes vers d’autres pays depuis octobre 2023. Depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Narendra Modi en 2014, l’Inde est devenue un acteur clé dans le commerce des armes d’Israël. En tant que premier importateur mondial d’armes, ce pays d’Asie du Sud est devenu l’acheteur le plus fiable d’Israël, représentant 37 % de ses exportations totales d’armes. »[4]

 Rien n’indique une volonté une volonté de changement dans l’orientation pro israélienne du premier ministre indien (présent en personne au sommet des BRICS à Rio en juillet 2025). L’Inde et Israël espèrent conclure un accord de libre-échange avant la fin de l’année 2025. En effet selon Times of Israël du 18 février 2025 :

« Israël et l’Inde cherchent à signer dès cette année un accord de libre-échange longtemps attendu, suite à la décision, par le président américain Donald Trump, de réorganiser les plans d’une route commerciale entre les États-Unis et l’Inde qui passerait par Israël. »

En ce qui concerne les positions de l’Inde à propos de la Palestine, on a assisté à un changement important en faveur d’Israël surtout depuis l’élection de Narendra Modi. En 2017, il est devenu le premier Premier Ministre indien à se rendre en Israël sans visiter la Palestine, rompant ainsi avec la tradition. Le gouvernement Modi a évité de critiquer directement Israël, en particulier lors des bombardements de Gaza (2014, 2021, 2023, 2024 et 2025) et des violences commises par les colons en Cisjordanie. À l’intérieur du pays, la solidarité avec la Palestine est de plus en plus attaquée, dénigrée ou délégitimée par la droite hindoue, en particulier dans le climat politique et idéologique façonné par le Bharatiya Janata Party (BJP) de Modi.

Comment sont les relations de l’Afrique du Sud avec Israël ?

Il n’y a aucun doute qu’il est très positif que le gouvernement d’Afrique du Sud ait déposé une plainte contre Israël le 29 décembre 2023 devant la Cour Internationale de Justice (CIJ), le tribunal des Nations Unies chargé de régler les différends entre États. Pretoria accuse Israël de violer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans son assaut militaire à Gaza. La requête de l’Afrique du Sud avance ses accusations dans ce qu’elle dénonce comme le contexte plus large de la conduite d’Israël envers les Palestinien·es pendant ses soixante-quinze ans d’apartheid, ses cinquante-six ans d’occupation belligérante du territoire palestinien et ses seize ans de blocus de la bande de Gaza. Dans sa décision du 26 janvier 2024, tout en n’accédant pas à la demande de l’Afrique du Sud d’exiger d’Israël la suspension de ses opérations militaires à Gaza, la Cour ordonne à Israël de prendre des mesures pour prévenir les actes de génocide dans la bande de Gaza. Depuis ce moment, Israël a malgré tout poursuivi le génocide du peuple palestinien à Gaza et a renforcé le blocage de l’aide humanitaire.

L’Afrique du Sud a contribué à créer, en janvier 2025, le « groupe de La Haye » pour coordonner des mesures juridiques et diplomatiques contre la politique d’Israël à Gaza. Selon la déclaration inaugurale, les principaux engagements consistent à exiger le respect des ordonnances de la Cour Internationale de Justice et des mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre des dirigeants israéliens, à interdire le transfert d’armes ou de carburant (à des fins militaires) susceptible de servir dans le conflit et de bloquer l’accès aux ports aux navires transportant du matériel militaire vers Israël. Les pays fondateurs du groupe sont l’Afrique du Sud, la Colombie, le Belize, la Bolivie, Cuba, le Honduras, la Malaisie, la Namibie et le Sénégal. Une réunion d’urgence a eu lieu à la mi-juillet 2025 à Bogota.

Du côté des BRICS, des quatre États fondateurs (Brésil, Russie, Inde et Chine), jusqu’ici, aucun ne s’est joint à la plainte de l’Afrique du Sud alors que quinze États se sont joints d’une manière ou d’une autre à cette plainte. Parmi les cinq BRICS, seuls le Brésil, très tardivement, c’est à dire en juillet 2025, a annoncé son intention de se joindre dans le futur à la plainte contre Israël. Si on prend en compte les dix pays qui composent en 2025 les BRICS, jusqu’ici seule l’Égypte s’est jointe à la plainte.

De la part de l’Afrique du Sud, ce qui est déplorable et très gravement incohérent par rapport à sa juste plainte contre Israël, c’est qu’elle continue à commercer avec ce pays notamment en fournissant du charbon. Selon certaines sources, 15% du charbon consommé par Israël provient d’Afrique du Sud. Patrick Bond professeur d’université en Afrique du Sud a dénoncé régulièrement les livraisons de charbon sud-africain à Israël[5]. Selon Patrick Bond, l’argument principal avancé par les autorités de Pretoria pour justifier la poursuite de la fourniture de charbon à Israël, est que, dans le cas contraire, cela irait à l’encontre des règles de l’OMC. Ce à quoi Patrick Bond répond que cet argument n’est pas du tout sérieux car ces dernières années, un nombre considérable d’États contreviennent aux règles de l’OMC sans que rien ne se passe. On peut ajouter que si l’Afrique du Sud mettait fin à son commerce avec Israël son acte serait incontestablement légitime.

En effet, comme l’écrit Francesca Albanese au point 89 de son rapport :

« Les conglomérats extractifs et miniers, tout en fournissant des sources d’énergie civile, ont alimenté les infrastructures militaires et énergétiques d’Israël, toutes deux utilisées pour créer des conditions de vie visant à détruire le peuple palestinien. »

Signalons que ce rapport tout à fait fondamental a été rendu public fin juin 2025, avant le sommet des BRICS. Or la déclaration finale du sommet BRICS rendue publique le 6 juillet 2025 n’en fait pas mention.

Patrick Bond a rassemblé un important dossier concernant le groupe sud-africain d’armement Paramount Group dont le patron est Ivor Ichikowitz pour dénoncer la collaboration étroite entre cette entreprise, Israël et les Émirats Arabes Unis (EAU). Bond dénonce notamment la collaboration de Paramount Group avec la société israélienne d’armement Elbit[6].

Il faut savoir que le patron de Paramount Group, Ivor Ichikowitz, a dénoncé la plainte introduite par l’Afrique du Sud contre Israël. Il écrivait dans le magazine Fortune :

« La position récente de l’Afrique du Sud, ouvertement hostile à Israël et très favorable au Hamas, qui a abouti à traduire l’État d’Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ), aurait très bien pu conduire à une sanction et à l’exclusion de l’Afrique du Sud de l’AGOA, une perspective qui pèse toujours sur les relations entre les États-Unis et l’Afrique du Sud. »

Patrick Bond, différents mouvements sud-africains et de nombreux activistes appellent les autorités de Pretoria à prendre des sanctions contre Israël en interdisant l’exportation de charbon vers ce pays et notamment en mettant fin à toutes les relations commerciales.

Quelles sont les relations commerciales du Brésil avec Israël ?

Le volume du commerce entre le Brésil s’élève à un peu moins de 2 milliards de dollars. Le Brésil importe plus d’Israël qu’il n’exporte vers Israël. Le Brésil exporte du pétrole brut vers Israël, cela constitue 1/4 de ses exportations vers ce pays. Il exporte aussi de la viande qui représente environ 20% de ses exportations et des graines de soja transgénique pour également 20%. Le reste : du poulet casher, des armes, etc.

Il y a donc un commerce d’armes entre le Brésil et Israël ?

Oui. En 2024, par exemple, le Brésil a exporté des armes vers Israël pour un montant limité (un peu moins de 2 millions de dollars) mais il s’agissait de munitions de guerre. Le Brésil a importé en 2024 des armes de guerre d’Israël pour un peu moins de 9 millions de dollars. Le Brésil entretient donc un commerce des armes malgré le génocide et surtout maintient une coopération technologique notable dans le domaine de la défense, principalement avec l’entreprise israélienne Elbit Systems et sa filiale brésilienne Ares Aeroespacial e Defesa. Il faut savoir que la firme Elbit System est explicitement mentionnée dans le rapport et figure sur la liste des firmes d’armement qui collaborent directementau génocide selon Francesca Albanese.

Au point 31 de son rapport, cette dernière écrit :

« Le complexe militaro-industriel est devenu le pilier économique de l’État. Entre 2020 et 2024, Israël était le huitième exportateur d’armes au monde. Les deux plus grandes entreprises d’armement israéliennes – Elbit Systems, créée sous forme de partenariat public-privé puis privatisée, et l’entreprise publique Israel Aerospace Industries (IAI) – figurent parmi les 50 premiers fabricants d’armes au monde. Depuis 2023, Elbit coopère étroitement avec les opérations militaires israéliennes, en intégrant du personnel clé au ministère de la Défense, et a reçu le prix israélien de la défense 2024. Elbit et IAI fournissent un approvisionnement national essentiel en armement et renforcent les alliances militaires d’Israël grâce à l’exportation d’armes et au développement conjoint de technologies militaires. »

Elle ajoute au point 33 :

« Les drones, hexacoptères et quadricoptères ont également été des machines à tuer omniprésentes dans le ciel de Gaza. Les drones, largement développés et fournis par Elbit Systems et IAI, volent depuis longtemps aux côtés de ces avions de combat, surveillant les Palestiniens et fournissant des renseignements sur les cibles. Au cours des deux dernières décennies, avec le soutien de ces entreprises et la collaboration d’institutions telles que le Massachusetts Institute of Technology (MIT), les drones israéliens ont été équipés de systèmes d’armes automatisés et ont acquis la capacité de voler en formation en essaim. »

La collaboration entre le Brésil et Israël dans le domaine militaire par l’intermédiaire d’Elbit et sa filiale ARES est avérée. Par exemple, Ares a fourni des stations d’armes téléopérées (RCWS, REMAX) au Brésil dans le cadre d’un contrat d’environ 100 millions de dollars. La coopération va au-delà des échanges physiques, avec des transferts technologiques, co-production et formation via Elbit/Ares.

Par ailleurs, en avril 2024, sous pression du ministère de la défense, le programme VBCOAP (armored self propelled howitzer) du Brésil a désigné le système ATMOS 2000 155 mm monté sur camion (Tatra T 815 6×6) développé par Elbit Systems comme vainqueur d’un appel d’offres impliquant également le Caesar (France), le SH 15 (Chine) et le Zuzana 2 (Slovaquie/CZ). Le contrat initial prévoit l’acquisition de 36 obusiers : 2 unités devaient être livrées dans les 12 mois pour évaluation technique et opérationnelle au Brésil. Les 34 systèmes restants seront livrés annuellement jusqu’en 2034. Le montant total du marché est estimé à 150 200 millions de dollars, voire 210 millions de dollars selon certaines sources[7].  Au moment où nous écrivons cet article, le projet est «  gelé  » (frozen) depuis octobre 2024 en raison des critiques du président Lula da Silva contre Israël et la guerre à Gaza. Toutefois, aucun décret exécutif d’annulation n’a été signé. Depuis l’annonce du gel du contrat, le ministère de la Défense brésilien et le chef de l’armée tentent de débloquer le dossier et persuader le président de procéder aux livraisons, notamment des deux unités prototypes pour tests opérationnel. A la fin du mois de juillet 2025, le ministre brésilien des relations extérieures, Mauro Vieira, a annoncé un durcissement des positions du Brésil à l’égard d’Israël et l’arrêt du commerce des armes avec Israël.

Comment se comporte l’Égypte, qui est membre à part entière des BRICS, à l’égard de la solidarité avec le peuple palestinien ?

Nous observons depuis des années une collaboration croissante entre l’Égypte, Israël et les États-Unis, au détriment de la solidarité avec la Palestine.

Il faut d’abord souligner le fait que les autorités égyptiennes ont réprimé et empêché en juin 2025 des milliers de personnes provenant de dizaines de pays différents de se déplacer dans le pays pour rejoindre le poste frontalier de Rafah afin d’exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien, exiger la fin du génocide et soutenir la nécessité d’un cessez le feu. En effet, le 10 juin 2025, des militant·es venu·es de plus de 50 pays ont lancé la Marche mondiale pour Gaza, une initiative civile portée par une large coalition internationale pour dénoncer le blocus israélien et exiger l’ouverture d’un corridor humanitaire vers Gaza via le poste-frontière de Rafah. Cependant, les autorités égyptiennes ont empêché le déroulement de la marche, mobilisant dès le départ une campagne de diffamation médiatique contre les organisateurs. La répression s’est intensifiée par des arrestations (dans les rues, hôtels et restaurants), confiscations de passeports et destructions de téléphones, empêchement des convois de quitter le Caire. Des violences et mises en détention ont également été observées à Ismaïlia, où 200 militant·es ont été arrêté·es. Plusieurs expulsions et refoulements à l’aéroport ont aussi été signalées.

Cette répression reflète la collaboration croissante entre l’Égypte, Israël et les États-Unis, au détriment de la solidarité avec la Palestine. En effet, à l’époque de Gamal Abdel Nasser, l’Égypte a refusé toute normalisation avec Israël et a continué à critiquer sévèrement les abus israéliens à l’encontre des Palestinien·nes. Mais son successeur, Anwar Sadat, a signé un traité de paix avec Israël en 1979, sous l’égide des États-Unis. Considéré comme une trahison par les Palestinien·nes, et les peuples de la région, y compris le peuple égyptien, ce traité a ouvert la voie à une coopération croissante, militaire, sécuritaire et économique. Sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sissi, cette normalisation s’est accentuée à des niveaux sans précédent, avec une coopération sécuritaire, dépendance économique accrue à l’égard du gaz israélien, soutien implicite au blocus de Gaza, en contrôlant étroitement le point de passage de Rafah et en démantelant les tunnels de commerce vers Gaza. Le régime continue à réprimer systématiquement les manifestations pro-palestiniennes et même des gestes symboliques comme brandir un drapeau palestinien peuvent mener à des accusations de terrorisme.

Qu’en est-il du commerce entre l’Égypte et Israël ?

En 2022 : le commerce entre l’Égypte et Israël était estimé à environ 300 millions USD, contre environ 330 millions USD selon un rapport de 2021. En 2023, les échanges ont augmenté de 56 % par rapport à 2022, soit un total estimé à environ 468 millions USD. En 2024, la croissance s’est accélérée en fin d’année, avec un bond de 168 % au quatrième trimestre, mais le total annuel exact n’est pas précisé. Le principal produit acheté par l’Égypte à Israël est le gaz naturel. Le gaz « israélien » représentait 15 à 20 % de la consommation égyptienne début 2025.

Y a-t-il une collaboration militaire entre l’Égypte et Israël ?

Oui, il existe une collaboration militaire secrète mais substantielle entre l’Égypte et Israël, malgré leur histoire conflictuelle (guerres de 1948, 1967, 1973). Depuis 2007, l’Égypte et Israël organisent de fait un blocus à l’égard de Gaza (restrictions sur la circulation des biens et des personnes, surveillance des tunnels). L’Égypte et Israël mènent des opérations conjointes en détruisant des tunnels entre Gaza et l’Égypte (avec aide technologique israélienne). L’Égypte a acquis des systèmes de surveillance israéliens (dont des radars Elbit) via des intermédiaires européens. Selon le Wall Street Journal du 7 mars 2024, Israël a mené des frappes secrètes contre des armes transitant par l’Égypte vers Gaza, avec l’accord tacite des autorités égyptiennes. L’aide militaire apportée par les Etats-Unis à l’Égypte pour un montant de 1,3 milliard de dollars est octroyée à la condition que Le Caire collabore avec Israël. Les États-Unis veillent à ce que cette condition soit respectée.

Quelles relations les Émirats Arabes Unis entretiennent-ils avec Israël ?

En 2020, sous l’égide du président Donald Trump, les accords d’Abraham débouchent sur la normalisation des relations entre Israël et les Émirats Arabes Unis.

En 2020, sous l’égide du président Donald Trump, les accords d’Abraham débouchent sur la normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis (pour en savoir plus sur les Émirats Arabes Unis lire l’encadré). Le 29 août 2020, quelques semaines après l’annonce des accords d’Abraham, les Émirats ont abrogé la loi fédérale de 1972 qui interdisait les relations économiques avec Israël. Cette décision a rendu légaux les échanges commerciaux et les investissements bilatéraux ; l’importation et la vente de produits israéliens ; la coopération scientifique, culturelle, technologique, etc. Avant cette abrogation, des relations de plus en plus étroites s’étaient progressivement établies.

Après les accords d’Abraham, le Comprehensive Economic Partnership Agreement (CEPA) a été signé le 31 mai 2022 et est entré en vigueur le 1er avril 2023, avec suppression ou forte réduction des droits de douane sur environ 96 % des lignes tarifaires et 99 % de la valeur des échanges. Ce traité vise à faire croître les échanges bilatéraux jusqu’à plus de 10 milliards de dollars dans les cinq ans suivant sa conclusion. Le conflit à Gaza a réduit en 2024 la visibilité des échanges, mais le commerce est resté actif et s’est accru. Pour preuve, le volume du commerce qui atteignait 2,5 milliards de dollars en 2022 atteindra selon les prévisions 5 milliards de dollars en 2025.

Selon Bloomberg, il y a, en 2025, environ 600 entreprises israéliennes actives aux EAU et selon un rapport de Dubai Chamber (2023), plus de 200 entreprises émiraties ont noué des partenariats ou ouvert des activités en Israël depuis la normalisation des relations.

Y a-t-il un commerce des armes entre Israël et les Émirats Arabes Unis ?

Oui, le commerce des armes est bien réel entre Israël et les Émirats depuis la normalisation en 2020. Il concerne principalement des systèmes anti-aériens (SPYDER, Barak 8, le Dôme de fer -Iron Dome-), des drones et technologies électroniques, et s’appuie aussi sur la coopération industrielle. Bien que les contrats spécifiques restent sensibles, le commerce s’est accéléré depuis 2022, avec une visibilité publique croissante depuis 2024–2025 via les salons d’armement comme le salon IDEX  qui a lieu tous les deux ans. Lors de l’exposition IDEX tenue en février 2025, 34 firmes israéliennes spécialisées dans l’armement étaient présentes. La société émiratie EDGE spécialisée dans l’armement collabore activement avec les entreprises israéliennes du secteur de l’armement comme Elbit, Rafael, IAI, RT, Thirdeye.

Y a-t-il une collaboration directe des forces armées émiraties avec l’armée israélienne ?

Oui, il y a une collaboration militaire même si elle n’est pas officiellement revendiquée par les deux parties. Cette collaboration s’explique d’ailleurs en partie par l’hostilité de ces deux pays à l’égard de l’Iran et de son influence dans la région. Il en va de même de leurs intérêts communs contre les Houthis au Yémen.

Depuis le début de la guerre au Yémen en 2015, les Émirats arabes unis ont accru leur présence militaire dans la région, notamment sur l’île principale de Socotra, officiellement yéménite. Les EAU ont occupé cette île, y ont installé une base militaire et coopèrent sur place avec l’armée israélienne. L’archipel de Socotra, situé au large du Yémen dans l’océan Indien, contrôle des voies maritimes cruciales entre la mer Rouge et le golfe d’Aden. Environ 20 000 navires de transport passent chaque année à proximité de l’archipel de Socotra, dont 9 % visant l’approvisionnement mondial annuel en pétrole[8]. Les EAU collaborent aussi avec Israël, l’Inde et plusieurs pays de l’UE (Italie, Allemagne, France, Grèce) dans le projet d’une voie terrestre reliant le golfe de Dubaï au port de Haïfa au travers de la péninsule arabique via Riyad en Arabie saoudite afin d’éviter le passage par le canal de Suez pour le commerce Asie-Europe[9]. Il s’agit aussi d’une certaine manière de développer une alternative aux nouvelles routes de la soie développées par la Chine[10].

En quoi consiste la collaboration des EAU avec les États-Unis sur le plan militaire ?

Il est important de souligner que les EAU sont le seul pays membre des BRICS à avoir sur son territoire une base militaire permanente des Etats-Unis, ce qui a évidemment des liens avec la politique de collaboration avec Israël. La présence militaire des États-Unis aux Émirats arabes unis (EAU) est importante, stratégique et durable, s’inscrivant dans une coopération bilatérale de défense renforcée depuis la guerre du Golfe en 1991. A proximité de la capitale des EAU, les États-Unis disposent d’une base militaire accueillant des avions de chasse (F-22, F-35 occasionnellement), des avions de surveillance (AWACS, JSTARS), des drones armés (MQ-9 Reaper), des avions ravitailleurs, etc. Cette base constitue une plateforme logistique clé pour les opérations américaines dans le Golfe Persique, en Irak et en Syrie, pour le commandement CENTCOM (Middle East/Asie centrale) et pour la surveillance de l’Iran. Les effectifs sont d’environ 2 000 à 3 000 militaires étasuniens stationnés de façon permanente ou de manière rotative. Les États-Unis ont déployé aux EAU des systèmes de défense antimissile comme les Patriot PAC-3. Les EAU collaborent avec la Cinquième Flotte américaine, basée à Bahreïn. Les EAU participent à des exercices navals conjoints et à des initiatives comme la Coalition internationale pour la sécurité maritime dans le détroit d’Hormuz. Les EAU garantissent un accès aux ports émiratis pour la flotte américaine et ses alliés.

Comment se comporte l’Éthiopie envers Israël ? Y a-t-il une coopération militaire entre Israël et l’Éthiopie ?

Il existe aussi depuis novembre 2020 un accord de coopération entre le Mossad et le service de sécurité éthiopien (NISS), couvrant l’échange d’expertise et la lutte anti-insurrectionnelle

Malgré le génocide en cours à Gaza, la coopération militaire entre Israël et l’Éthiopie, pays membre à part entière des BRICS, se poursuit.

D’après plusieurs sources, Israël demeure l’un des principaux fournisseurs militaires de l’Éthiopie, notamment à travers la vente de systèmes de défense aérienne comme le Spyder-MR, destiné à protéger le Grand Barrage de la Renaissance Éthiopienne contre toute attaque aérienne. 

La coopération militaire s’inscrit dans la durée malgré les changements de régimes à Addis Abeba. Elle remonte aux années 1960–1990 : Israël a formé des unités parachutistes et des forces de contre-insurrection pour l’armée éthiopienne (Division Nebelbal), fourni 150 000 fusils, des bombes à fragmentation, et dépêché des conseillers militaires pour entraîner la Garde présidentielle. Il existe aussi depuis novembre 2020 un accord de coopération entre le Mossad et le service de sécurité éthiopien (NISS), couvrant l’échange d’expertise et la lutte anti-insurrectionnelle.

En raison du génocide en cours à Gaza, le partenariat militaire entre l’Éthiopie et Israël est relativement discret, mais contribue de façon notoire à la stratégie sécuritaire éthiopienne et à l’influence israélienne en Afrique de l’Est. Cela inclut l’échange de renseignements, la coordination stratégique et le renforcement des capacités éthiopiennes[11].

À noter qu’Israël entretient dans cette région d’excellents rapports avec le régime de Museveni en Ouganda (qui était représenté au sommet des BRICS à Rio par la vice-présidente)[12].

Le volume du commerce entre Israël et l’Éthiopie est faible, environ 100 millions de dollars par an. Par contre, des entreprises israéliennes sont de plus en plus intéressées par des investissements dans le domaine agricole en Éthiopie.

Quelles relations l’Indonésie entretient-elle avec Israël ?

L’Indonésie a importé des technologies d’espionnage et de surveillance d’Israël

L’Indonésie, premier pays musulman en population et membre des BRICS à part entière, n’entretient pas de relations diplomatiques officielles avec Israël mais la réalité est bien différente. En mai 2024, une enquête conjointe menée par le quotidien israélien Haaretz, Amnesty International et Tempo a révélé que l’Indonésie avait importé des technologies d’espionnage et de surveillance d’Israël. L’enquête révèle que l’Indonésie a importé et déployé entre 2017 et 2023 une large gamme de logiciels espions hautement intrusifs et d’autres technologies de surveillance sophistiquées. Plusieurs entreprises israéliennes ont été identifiées comme fournisseuses indirectes : NSO Group (via Q Cyber Technologies SARL, Luxembourg) qui a produit le logiciel espion Pegasus, Intellexa Consortium connu pour son logiciel Predator, Candiru / Saito Tech,Wintego Systems Ltd. Les logiciels espions acquis par l’Indonésie, comme Pegasus, Predator, etc., sont conçus pour être : ultra-invisibles, infecter sans interaction explicite, permettant la gestion d’images, messages, appels, position, etc. Parmi les acteurs ayant acquis ces technologies figurent la Police nationale indonésienne (Polri), l’Agence nationale de cybersécurité et cryptographie (BSSN), et selon certains médias, le Ministère de la Défense. Amnesty a averti que ces dispositifs représentent un risque majeur pour les droits civiques, notamment la liberté d’expression et la vie privée[13].

A la mi-juillet 2025, l’Indonésie a officiellement rejoint le « groupe de La Haye » lors du sommet d’urgence de Bogotá organisé les 15 et 16 juillet  2025. Elle figure ainsi parmi les 13 pays qui se sont engagés à appliquer des mesures concrètes et coordonnées pour faire respecter le droit international face au génocide en cours à Gaza.

A part cela, le volume du commerce entre Israël et l’Indonésie est faible, moins de 200 millions de dollars par an.

Conclusion – Gaza et les BRICS : le refus de dénoncer le génocide et de prendre des sanctions

L’analyse détaillée des positions et des pratiques des pays membres des BRICS face au génocide en cours à Gaza révèle une contradiction flagrante entre leurs discours officiels – souvent centrés sur le droit international, le multilatéralisme et la souveraineté des peuples – et leurs actes concrets comme c’est le cas de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ou des actions des EAU. En tant que BRICS+, les dix États membres se refusent à désigner comme tel le crime de génocide en train d’être perpétré à Gaza, pourtant largement documenté et dénoncé par des instances internationales et par Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations Unies.
Dans les faits, les BRICS n’ont pris en commun aucune mesure forte : pas de sanctions, pas de rupture des relations diplomatiques ou économiques, pas d’embargo, ni même de suspension symbolique de la coopération avec Israël. Au contraire, pour la majorité d’entre eux, les relations commerciales — notamment dans les domaines stratégiques de l’énergie, des technologies de surveillance, des infrastructures ou de l’armement — se sont poursuivies, voire intensifiées, en 2024 et 2025. L’Afrique du Sud fait certes figure d’exception par sa plainte devant la CIJ, mais cette action très positive est en contraction par la poursuite des exportations de charbon vers Israël et d’autres relations commerciales.
Le double langage diplomatique souligne une vérité fondamentale : malgré leur rhétorique sur un « ordre mondial plus juste », les BRICS défendent avant tout leurs intérêts géopolitiques, économiques ou sécuritaires, souvent au détriment des principes de justice internationale. Cette réalité met en échec les espoirs placés par certains secteurs progressistes dans la possibilité d’un pôle « alternatif » incarné par ce bloc.
Pour ceux et celles qui à gauche se font des illusions sur la volonté des BRICS de prendre des initiatives claires en faveur des peuples, le dernier sommet et leur attitude en tant que bloc par rapport au génocide à Gaza et à leurs relations avec Israël, devraient contribuer à leur ouvrir les yeux.

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Cet article est le premier d’une série qui sera à retrouver sur le site du CADTM.

Eric Toussaint est docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.

L’auteur remercie pour leur relecture et pour leurs conseils Gilbert Achcar, Omar Aziki, Patrick Bond, Joseph Daher, Sushovan Dhar, Fernanda Gadea, Gabriella Lima, Jawad Moustakbal, Maxime Perriot et Claude Quemar. Il est entièrement responsable des opinions qu’il exprime dans ce texte et des erreurs éventuelles qu’il contient.

Notes

[1] Voir l’article publié par Al Jazeera le 8 mai 2025 : « Israel retrofitting DJI commercial drones to bomb and surveil Gaza ».

[2] Précisons qu’au cours de 2024 et de 2025, Lavrov a commencé à utiliser le terme de génocide à propos de l’action d’Israël à Gaza. Il y a visiblement une division des rôles entre Poutine qui évite de dénoncer l’action génocidaire d’Israël et son ministre des affaires étrangères. Précisons aussi que Lavrov représentait la Russie au sommet des BRICS à Rio en juillet et qu’il n’a pas prononcé le terme génocide dans ces déclarations publiques pendant le sommet. Comme indiqué au début de l’article, le terme génocide ne figure d’ailleurs pas dans la déclaration finale du sommet de Rio à la rédaction de laquelle il a été associé.

[3] Lire https://en.topwar.ru/239764-izrailskoe-posolstvo-nazvalo-chislo-pogibshih-v-gaze-rossijan-mobilizovannyh-v-sostav-cahal.html et https://tass.com/world/1786343

[4] Mohammad Asif Khan, “Partners in power : Israel, India and the arms trade”, 1 January 2025, New Internationalist, https://newint.org/arms/2025/partners-power-israel-india-and-arms-trade ; concernant la fourniture d’armes à Israël par Adani-Elbit Advanced Systems India, lire en anglais : https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/india-report-finds-adani-elbit-advanced-systems-india-ltd-and-munitions-india-ltd-were-authorized-to-ship-products-to-israel-amidst-the-war-in-the-occupied-palestinian-territories/ ; lire également : https://www.stopadani.com/adani_groups_business_with_israel ; concernant de nouvelles collaborations entre Adani, Elbit et un société étatsunienne d’armement, lire sur le site de Adani : https://www.adani.com/newsroom/media-releases/adani-defence-aerospace-and-sparton-enter-strategic-partnership-to-indigenise-anti-submarine

[5] Lire notamment en anglais https://www.cadtm.org/The-Blessing-for-genocide et en espagnol : https://www.cadtm.org/La-bendicion-para-el-genocidio

[6] Son dossier intitulé « Le commerce entre l’Afrique du Sud et Israël comprend-il des armements ? » (« Does SA-Israel trade include armaments ? ») a été publié le 21 décembre 2024 : https://diplomaticinside.com/2024/12/21/does-sa-israel-trade-include-armaments/

[7] Voir le journal brésilien The Rio Times : https://www.riotimesonline.com/lulas-brazil-acquires-israeli-defense-tech-despite-criticism-over-gaza-conflict/

[8] Lire : Karim Shami, “Tyranny on the waters : The UAE-Israeli occupation of Yemen’s Socotra Island”, 24/03/2023, https://thecradle.co/articles-id/916# ; lire également : “UAE, Israel expand spy bases in Yemen’s Socotra under US-sponsorship : Report”, 29/07/2024, https://thecradle.co/articles-id/26154

[9] Lire : https://www.jns.org/uae-israel-land-corridor-operating-despite-war/

[10] Lire : https://www.gisreportsonline.com/r/imec/

[11] Lire : https://hiiraan.com/news4/2025/Mar/200683/israel_ethiopia_discuss_joint_efforts_to_combat_al_shabaab_and_houthis.aspx

[12] Lire en anglais : www.alestiklal.net/en/article/how-israel-is-penetrating-the-african-continent.

[13] Lire en français : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/05/unravelling-a-murky-network-of-spyware-exports-to-indonesia/