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1995-2003-2010 : une victoire, deux défaites. Et aucune explication simple pour ces dénouements si différents. Ne peut-on pas, cependant, en tirer quelques « leçons » pour nos luttes présentes et, en particulier, pour le mouvement en cours contre l’inique réforme des retraites que cherche à imposer Macron ? C’est ce à quoi s’essayait Yann Cézard dans cet article publié en septembre 2013 dans le magazine L’Anticapitaliste.

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1995 : quand la CGT et FO font vraiment la guerre…

L’été 1993, Balladur avait imposé une réforme des retraites qui faisait passer, pour les seuls travailleurs du privé, la durée de cotisation nécessaire pour un « taux plein » de 37,5 à
40 ans. Sans réaction véritable de la part des confédérations syndicales. Ce fut une défaite sans combat, d’autant plus dramatique qu’elle instaurait une coupure entre public et privé qui pèsera sur toutes les luttes ultérieures.

Mais deux ans plus tard, quand Chirac annonce une réforme de l’assurance-maladie, un « contrat de plan » austéritaire à la SNCF et un alignement du régime de retraite du public (régimes « spéciaux » compris) sur celui des salariés du privé, la plupart des syndicats, à l’exception notable de la CFDT, décident d’engager une véritable épreuve de force avec le pouvoir. C’est que la droite s’attaque à des positions institutionnelles majeures des syndicats, en remettant en cause leur gestion paritaire de la Sécu et leurs bastions syndicaux.

FO et la CGT proposent aux salariés un véritable plan de bataille, et exigent clairement le retrait de la réforme. Le secrétaire général de FO, Blondel, déclare dès février 1995 : « La défense de la sécurité sociale mérite une grève générale interprofessionnelle. Nous y sommes prêts si nécessaire. » Les syndicats préparent très à l’avance leur base militante à une lutte d’ampleur. Les journées d’action sont présentées comme des étapes d’une montée en puissance, et pas des « journées saute-mouton », au coup par coup.

Le 10 octobre, gros succès de la première journée de grève et manifestation à l’appel de toutes les fédérations de fonctionnaires et des entreprises publiques. Les 12 et 25 octobre, grève à la SNCF. Le 30 octobre, tous les syndicats, y compris donc encore, à cette étape, la CFDT, appellent à un « nouveau temps fort » le 14 novembre. Qui est encore une réussite.

« Si deux millions de personnes descendent dans la rue… »

« … mon gouvernement n’y résisterait pas », déclare le lendemain un Juppé arrogant et provocateur, qui, « droit dans ses bottes », se fait ovationner au parlement. Le « Juppéthon » est lancé. La plupart des syndicats organisent deux nouvelles journées de grève, le 24 et le 28 novembre. La CGT et toutes les autres fédérations déposent à la SNCF un préavis de grève qui va du 24 au 28. Y compris la CFDT cheminote : la secrétaire confédérale, Notat, a lâché le mouvement mais, parfois organisés autour du courant d’opposition « Tous ensemble », nombre de ses militants et des fédérations dénoncent cette trahison et prennent leur place dans le mouvement. Le 24, Blondel appelle à la radio « à la mobilisation générale, au-delà même d’aujourd’hui et du 28. » Les manifestations sont particulièrement énormes en province : le mouvement « pour les retraites des fonctionnaires » cristallise un ras-le-bol général.

Surtout, les transports publics sont paralysés, alors que la grève touche également les électriciens, les postiers, les enseignants… Suivie à 85 % le 24 à la SNCF, elle est massivement reconduite le lendemain, puis gagne les bus parisiens et le métro. Il n’y a plus ni métros ni trains, seulement 5 % de bus. 107 centres de tri postal sur 130 seront en grève le 5 décembre. La grève illimitée « jusqu’au retrait de la réforme »  achève de faire basculer l’opinion en faveur du mouvement. La grève reste cependant celle du secteur public uniquement (et d’abord celle des cheminots qui « bloquent » le pays) tout en se faisant « porte-parole » du mécontentement de toutes les classes populaires.

La méthode de la grève générale

Ce succès doit beaucoup au volontarisme affiché par les directions syndicales, mais aussi à celui de la base militante, sur le terrain. Sans que les appareils syndicaux y fassent obstacle, beaucoup de grévistes se réunissent à la SNCF dans des assemblées générales massives, démocratiques, et « inter-services ». Les secteurs les plus combatifs entraînent les autres, dans les gares et à l’extérieur, en allant visiter les postiers, les dépôts de bus… Cet enthousiasme balaie tous les corporatismes. Les grévistes, profs ou postiers, se retrouvent autour des piquets cheminots, et refont le monde ensemble dans une extraordinaire ambiance, radicale et fraternelle.

C’est la beauté du mouvement de 1995 : un véritable romantisme de la grève, et l’impression qu’on peut non seulement bloquer le pays, mais aussi, pourquoi pas, rendre possible une autre société. Deux grandes journées de manifestation, les 5 et 12 décembre, ponctuent le mouvement et rallient d’autres salariés, des chômeurs, des étudiants, pour des « temps forts » qui donnent un caractère politique plus large et profond au mouvement.

La capitulation de Juppé, la brutalité de Thibault

Premier ministre d’un pays paralysé par la grève, Juppé doit manger son chapeau. Il retire le volet retraites de son plan et la réforme de la SNCF, tout en maintenant, cependant, le volet sécu,son « RDS » (une CSG bis) et les rationnements de soins. C’est alors que la CGT siffle la fin du mouvement.

Thibault, le secrétaire de la fédé cheminots, appelle à mettre fin au mouvement le 14 décembre. Sans la moindre tentative de faire même semblant de consulter les assemblées générales de grévistes ! C’est la reprise, avant la manifestation du samedi 16 décembre. Celle-ci, qui aurait peut-être permis à de nouvelles catégories de la population de participer au mouvement et (qui sait ?) donné une nouvelle dimension politique à celui-ci, devient un défilé joyeux de victoire.

Par cette attitude, les directions syndicales, en particulier la CGT, rompaient avec l’esprit de la grève tel qu’il avait été vécu par une bonne partie de la base, mais restaient logiques par rapport à leurs objectifs initiaux : montrer au pouvoir qu’elles sont incontournables. Elles avaient laissé faire les initiatives locales, y compris venant de militants d’extrême gauche, mais gardaient le contrôle du mouvement, et c’est cette capacité de contrôle qu’elles confirmaient par la brutalité de la reprise.

La victoire de 1995 montrait cependant la possibilité de faire plier le pouvoir par la puissance de la grève, la capacité de celle-ci à changer largement les esprits et l’ambiance politique, l’efficacité des AG démocratiques et des initiatives d’extension du mouvement en s’appuyant sur les secteurs les plus combatifs. Mais aussi la nécessité, en toutes circonstances, de véritables structures démocratiques d’auto-organisation de la lutte.

2003 : l’enthousiasme d’une minorité, la trahison des confédérations

2003 ressemble à 1995 par la nature des attaques (la loi Fillon aligne la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle du privé), mais pas par la réaction syndicale ! Les confédérations, y compris FO et la CGT, acceptent bien davantage de jouer le jeu du « dialogue social », admettent la « nécessité d’une réforme », ne défendent pas de revendication claire, et surtout pas le retour de tous les salariés, public et privé, à 37,5 ans de cotisation. Même vide sidéral sur le plan de la mobilisation. Le gouvernement peut être tranquille, sauf surprise…

Surprise : la grève de l’Education nationale

Une journée d’action nationale a lieu dans l’Education nationale le 18 mars, contre la décentralisation des personnels ATOSS. Dans les semaines suivantes, des personnels, qui en ont ras-le-bol des journées saute-mouton, se mettent en grève reconductible, de façon minoritaire, dans des établissements du 93, de Toulouse, Marseille, Le Havre et Rouen, La Réunion, Bordeaux, etc. Ils constituent des AG quotidiennes, des comités de mobilisation, initient la « grève marchante » de bahut en bahut. L’initiative de ces foyers d’auto-organisation et de grève minoritaire militante, relayés ensuite par quelques sections départementales FSU, vient d’équipes locales combatives, dans lesquelles les militants d’extrême gauche de diverses « obédiences » (LCR, PT, LO, CNT, etc.) jouent un rôle certain.

A Toulouse et à Nantes, les AG réuniront jusqu’à 800 personnes. L’AG d’Ile-de-France, le 6 mai, plus de 500 grévistes représentant 220 collèges et lycées et des dizaines d’écoles ; en lien avec des AG départementales de 200 à 600, et des AG de ville. Une coordination nationale se réunira régulièrement, avec des représentants de centaines d’établissements scolaires et de 44 départements (même si tous ne sont pas délégués par des AG départementales). C’est un lieu de débats, d’élaboration d’une politique de la grève, l’embryon d’une direction nationale et démocratique du mouvement. Certes, elle ne rivalisera jamais réellement avec les directions syndicales nationales, faute d’une légitimité reconnue dans vraiment tout le pays, mais elle exerce une sacrée pression sur celles-ci, et propose une politique à des milliers de grévistes.

Le 6 mai, grosse journée de grève dans l’EN. Or le mouvement, qui n’est pas entaché de corporatisme (un des slogans les plus repris est : « Il y en a marre de ces guignols qui ferment les usines et cassent les écoles »), est conscient qu’il ne sera pas possible de gagner seul. Il  cherche à s’amplifier en mouvement de tous les salariés contre la réforme des retraites. Ceux-ci sont appelés à la grève par les confédérations le 13 mai.

Les grévistes de l’EN usent donc de la reconductible pour maintenir l’effervescence dans leur propre milieu, mais aussi pour s’adresser à d’autres secteurs, en diffusant des tracts devant les entreprises et en organisant des AG interprofessionnelles, où peuvent se rassembler plusieurs dizaines ou centaines de profs, cheminots, postiers, salariés du privé, chômeurs… L’espoir, à cette étape, est de voir basculer le reste du pays dans la grève comme en 1995, ou au moins de le voir à nouveau bloqué par une grève générale des transports. Qui n’est jamais venue.

Vers la grève générale ?

Le 15 mai, la CFDT de Chérèque signe un accord avec Fillon et annonce son retrait du mouvement. Mais la victoire de 1995 n’avait pas reposé sur l’unité syndicale. Rien n’est perdu. La CGT, qui apparaît fort radicale par rapport à la trahison ouverte de la CFDT, propose cependant un calendrier démobilisateur : manifestation nationale dimanche 25 mai, grève et manifs le 3 juin. Et aucun préavis de grève reconductible !

L’argumentation est pour le moins perverse. Une déclaration commune des confédérations CGT, FO, UNSA, FSU dit ainsi : « Seule une généralisation du mouvement, privé-public, et s’inscrivant dans la durée, pourra faire revenir le gouvernement sur ses choix néfastes. » Très bien ! Sauf que la CGT non seulement refuse d’appeler à la grève générale (tout comme FO), mais va expliquer aux cheminots qu’ils ne doivent pas se mettre en grève reconductible si les salariés du privé ne s’y mettent pas.

Le 13 mai, il y a autant de grévistes à la SNCF, à la RATP, à La Poste qu’en 1995. Le lendemain, la grève est reconduite très majoritairement dans les AG de certaines gares, à Marseille, Toulouse, Paris Gare du Nord, Rouen… Mais la CGT de Didier Le Reste, le successeur de Bernard Thibault (et aujourd’hui un dirigeant du Front de gauche), s’oppose directement à la reconduction. Un peu partout des équipes de permanents débarquent pour faire la leçon aux équipes CGT locales, des responsables appellent les cheminots à reprendre le travail… et se préparer à la manifestation nationale du dimanche 25 mai (sans grève) ! Ce calendrier coupe le souffle du mouvement, isole la grève de l’EN et étale la lutte pour mieux l’user. Refroidis, les grévistes se résignent à reprendre.

La manifestation nationale du 25 mai est un énorme succès, des centaines de milliers de gens défilant dans les rues de Paris. Avec la joie d’être nombreux, mais aussi l’inquiétude de ne pas voir la grève s’installer. A l’arrivée de la manif, sur la proposition de la coordination nationale des personnels de l’Education nationale, des dizaines de groupes de profs, avec leurs banderoles d’établissements en grève, font une haie d’honneur, en scandant « grève générale ». Le soir, l’intersyndicale n’appelle pas à la grève générale, et annonce un chiffrage modeste (vu l’ampleur de la démonstration de force du jour !) de 500 000 manifestants, très loin des habitudes syndicales… d’exagération.

Il y a décidément deux politiques !

L’échec du mouvement

Le 3 juin, nouvelle réussite, y compris chez les cheminots. Mais là encore, la CGT SNCF douche les foyers où s’allume la grève ; consent mollement à une reconductible mais avec interruption à la Pentecôte et reprise le 10… Elle impose des AG par secteurs pour les cloisonner et empêcher les effets d’entraînement, met en garde contre la venue d’éléments extérieurs (les enseignants principalement) dans les assemblées. Elle s’oppose consciemment aux méthodes de 1995 et noie la grève. Le 11 juin, elle appelle à la reprise. Terminée à la SNCF, la grève ne peut donc que s’arrêter aussi (au bout de trois mois !) dans l’EN, peu avant le bac.

Le 12 juin, un meeting CGT-FO se tient à Marseille. Un Blondel lyrique appelle de ses vœux une grève générale, ce qui ne lui coûte plus grand-chose. Thibault s’y refuse et se fait siffler par de nombreux militants. Mais le problème n’était pas seulement que la CGT ou FO n’aient pas clairement appelé à la grève générale, mais qu’ils aient surtout refusé délibérément de mener une politique de généralisation des grèves, de construction d’une épreuve de force véritable. Il ne fallait décidément pas compter, cette année-là, sur les confédés, mais sur les minorités militantes les plus combatives.

 

2010 : un mouvement puissant mais inachevé

Sarkozy annonce le report de l’âge légal de départ. La réforme, contrairement à 1995 et 2003, frappe clairement toutes les catégories de salariés à la fois. Il compte sur la résignation et un calendrier cynique : première esquisse de la réforme le 16 juin, pause estivale, puis vote rapide de la loi à l’automne. Mais cette fois, toutes les organisations syndicales se retrouvent pour rejeter la réforme. Sans pour autant être claires sur les objectifs et la détermination !

Le 24 juin, une journée d’action est déjà très suivie. Puis, après l’été, vient la surprise de la journée du 7 septembre : plus d’un million de personnes dans la rue. Surtout, toutes les catégories sont représentées dans la rue, y compris des salariés du privé, parfois dans des cortèges d’entreprise. Le mouvement s’annonce très général et très politique, l’expression de la colère contre la crise et la politique de la droite. Pendant deux mois, les journées de grève et de manifestations se succèdent : 23 septembre, 12 octobre, 19 octobre, 28 octobre… En octobre, plus de trois millions de personnes manifestent trois fois en moins de dix jours. Plus que tous les grands mouvements précédents ! La bataille de l’opinion est gagnée.

Grève générale ou grève par procuration ?

Mais chacun sent bien qu’une série de manifestations, même massives, ne peut suffire. La question de la grève se pose. Le lendemain de la journée du 12, une grève reconductible, appelée par certaines fédérations, démarre dans quelques secteurs : la SNCF, les agents territoriaux, les ports, les raffineries. Autre surprise de ce mouvement multiforme, une partie de la jeunesse scolarisée se mobilise, les lycéens descendent dans la rue.

Mais la grève ne s’installe que dans peu de secteurs. Un espoir se répand : et si les cheminots bloquaient le pays comme en 1995 ? Les cheminots vont faire effectivement jusqu’à 18 jours de grève reconductible. Le nombre de grévistes (60 % chez les « roulants », peut-être 30 % dans l’entreprise) est proche de 1995. Mais la direction de la SNCF, cette fois, réussit à faire circuler la moitié des trains de voyageurs, et la grève est faible à la RATP. Et après tout, les cheminots eux-mêmes ne peuvent être à eux tout seuls la grève nationale, les autres doivent s’y mettre.

Les espoirs de blocage se répercutent alors sur les raffineries, qui deviennent les bastions de la grève et reçoivent le soutien de centaines de grévistes d’autres secteurs. Les pénuries d’essence apparaissent un peu partout, et le pouvoir envoie ses CRS débloquer brutalement des dépôts de carburant.

La lutte des travailleurs de ces secteurs est décisive pour ancrer le mouvement, rendre possible une généralisation de la grève. Mais celle-ci ne peut justement pas se faire « par procuration », et elle ne peut pas l’emporter si elle reste cantonnée à quelques secteurs.

Le (petit) jeu syndical

Il faudrait alors un grand volontarisme des organisations syndicales. Non seulement qu’elles appellent clairement à la grève générale, mais aussi, puisque celle-ci ne se déclenche pas magiquement par un simple appel, qu’elles fassent tout leur possible pour, avec les équipes et les secteurs les plus combatifs, jeter les bases de la construction de cette grève.

Mais les confédérations, si elles ne font pas moins que ce qu’attendent la majorité des grévistes, n’ont pas l’intention de faire plus. Au moment où le mouvement atteint son sommet et son point critique, elles se retrouvent même d’accord… pour le laisser sans vraies perspectives. Le soir de la journée du 19 octobre, l’intersyndicale ne propose rien, puis attend le 21 pour proposer deux journées… lointaines (le 28 octobre et le 6 novembre).

C’est qu’elles ont d’une certaine façon atteint une partie de leurs objectifs. La réforme n’est pas retirée, mais elles ont rappelé leur force à la droite et au patronat, et les Thibault et Chérèque peuvent se flatter d’avoir été plus en phase avec leur base syndicale (la CFDT avait trahi le mouvement de 2003, la CGT avait sabordé celui de 2007 à la SNCF contre la réforme des « régimes spéciaux »).

Après le 28, le travail reprend progressivement à la SNCF, dans les ports, les raffineries et chez les territoriaux. Même si les éboueurs de la Ville de Paris, eux, ne lèvent leur blocage de l’incinérateur d’Ivry que le 8 novembre. La dernière manif, le samedi 6 novembre, voit encore des centaines de milliers de travailleurs défiler, fiers d’avoir tenu la dragée haute à Sarkozy.

Qui pour sa part va se satisfaire, à la télé pendant le journal télévisé de Claire Chazal du 16 novembre… de l’attitude des syndicats : « Hommage soit rendu aux forces syndicales dans notre pays, nous avons fait cette réforme considérable des retraites sans violence (…) Les syndicats ont été responsables. »

Des tentatives prometteuses

Si ces directions syndicales n’ont pas semblé cette fois s’opposer frontalement au mouvement lui-même, on ne pouvait décidément pas compter sur elles pour rendre possible la victoire. En revanche, des minorités combatives, des équipes syndicales (parfois liées à des courants d’opposition aux directions confédérales), dont des militants de l’extrême gauche, ont multiplié les initiatives. Même s’il n’y a pas eu cette fois des coordinations aussi importantes qu’en 2003 chez les profs, ou de vrais comités de grève à la SNCF, ici ou là il y a eu des expériences de coordinations interprofessionnelles.

Dans le 92, une AG interpro, à l’initiative d’enseignants et de postiers, a organisé des blocages et des manifs communes. A Toulouse, jusqu’à 600 personnes issues de tous les secteurs possibles ont bloqué ensemble des centres de logistique ou l’aéroport. A Rouen, une AG intersyndicale a coordonné toute sorte d’actions (blocage des accès de Rouen, soutien aux camarades de la raffinerie, etc.) et publié un bulletin de mobilisation. Et à Marseille, et ailleurs…

Il s’agissait de construire la reconductible dans son propre secteur, de mettre en place des embryons d’organisations démocratiques, d’établir des liens militants actifs entre gens de tous les secteurs. Ces embryons ont eu pour limites celles de l’extension du mouvement lui-même, sans doute aussi les limites des forces et de l’implantation des militants d’extrême gauche. Mais ce sont de telles initiatives qui rendront possible à l’avenir un mouvement  général.

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