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Synopsis du film

De quoi est fait l’engagement politique aujourd’hui ? est-il encore possible d’infléchir le cours fatal du monde ? C’est avec ces questions, dans un dialogue à la fois intime et politique avec son ami Daniel Bensaïd, philosophe et militant récemment disparu, que Carmen Castillo entreprend un voyage qui la mène vers ceux qui ont décidé de ne plus accepter le monde qu’on leur propose. Des sans domicile de Paris aux sans-terre brésiliens, des zapatistes mexicains aux quartiers nord de marseille, des guerriers de l’eau boliviens aux syndicalistes de saint-nazaire, les visages rencontrés dans ce chemin dessinent ensemble un portrait de l’engagement aujourd’hui, fait d’espoirs partagés, de rêves intimes, mais aussi de découragements et de défaites. Comme Daniel, ils disent : « l’histoire n’est pas écrite d’avance, c’est nous qui la faisons ». 

 

Le désir de réaliser ce film, une rencontre et quelques questions

« Jusqu’où faut-il accepter le monde tel qu’il est ? a partir de quand faut-il le refuser et s’insurger ? Faut-il y consacrer un moment, des années, une vie ? » mes amis chiliens avaient répondu en engageant leur vie… et en la perdant. la question « Cela valait-il la peine ? », je l’ai posée tout au long de mon film rue santa Fe . mais la lutte, fût-elle armée, contre une dictature brutale était une évidence. les évidences sont depuis longtemps finies. « Il n’y a plus d’avenir radieux, d’alternative claire, de chemin tracé, de cités parfaites avec appartements clés en mains ». avec la fin de notre religion de l’Histoire, d’une révolution inéluctable, beaucoup d’entre nous ont tourné la page et pris d’autres chemins, parfois celui de l’acceptation ou du renoncement. J’ai bien sûr aussi fléchi, traversé des moments où l’impuissance l’emportait. et pourtant, malgré moi, sans répit, entre l’amérique latine et la France, une rencontre venait m’arracher au confort d’une vie sans illusion. Face aux souffrances et au mépris, certains s’engageaient dans des ex- périences multiples. l’un me disait : « Il n’y a pas de fatalité, le présent peut toujours redistribuer les cartes. le dernier mot n’est jamais dit . » l’autre affirmait : « tant qu’on lutte, on est vivants ». ainsi de temps en temps me revenait la question du sens des vies engagées. elle est devenue urgente à la mort de Daniel Bensaïd. Daniel, lui, n’avait jamais renoncé. très jeune, il avait commencé à militer, « et quand on est embarqué, aimait-il dire en souriant, c’est pour longtemps ». Daniel m’avait accueillie en France en 1975. sans lui et d’autres amis, je n’aurais pas pu passer de la survie à l’existence. Comme si de rien n’était, au détour d’une conversation, il m’apprenait à faire de la mémoire des vaincus une énergie du présent. Pas de nostalgie ni de culte du sacrifice, on n’en a pas besoin. Plus tard, sans céder ni à la fatigue ni aux obstacles, par ses actes et ses écrits, à contre courant de l’air du temps, il a su « tenir vivante la longue durée des révoltes et des indignations, des principes et des exigences – en un mot de l’espérance ». Il aimait citer cette phrase : « résister, c’est résister à l’irrésistible ». et si c’était cela l’engagement aujourd’hui ? À sa mort, comme habitée par la musique de sa voix, je me suis mise en mouvement. Je voulais trouver, ici et ailleurs, la beauté de ces « inconnus indispensables » dont il parlait, ceux qui continuent à lutter sans certitude de gagner, dans l’obscurité souvent et la lumière parfois, car ce sont eux qui font la grandeur de la politique.

 

Conversations

Edwy Plenel – Carmen Castillo

Carmen Castillo

Dans ce film que j’ai voulu faire, après la mort de Daniel, sur l’engagement, ce qu’on gagne à s’engager, j’ai toujours senti sa présence parmi tous les militants que j’ai rencontrés sur ce chemin…

Edwy Plenel :

Daniel est présent dans ton film, mais ce n’est pas un film sur sa vie de façon anecdotique. Je pense que le film est surtout fidèle à ce qui a animé la vie de Daniel, quelqu’un qui ne pensait pas qu’on pouvait réfléchir enfermé entre quatre murs et qu’il fallait toujours se confronter à la réalité, à la société et aux injustices. C’est un film qui dit aux jeunes aujourd’hui : vous avez toujours raison de vous engager, vous avez toujours raison de dire non à l’injustice, à l’inégalité, vous avez toujours raison de faire un premier pas qui est ce « non », et en affirmant ce « non », vous inventerez le « oui » des causes communes. Il y a aussi dans le film quelque chose de très fort qui est la diversité, à la fois géographique, à la fois thématique, à la fois culturelle des luttes. De montrer que justement le ressort de l’égalité, la promesse de l’égalité des droits, d’égalité des possibles, c’est aussi celle des causes communes, c’est-à-dire du fait que nous ne sommes pas enfermés dans notre condition, dans notre identité, dans notre appartenance, dans notre lieu de naissance, que nous pouvons faire mouvement les uns vers les autres. en ce sens il y a, dans ces temps un peu obscurs qui sont les nôtres, parce que incertains, parce que sans mode d’emploi – comme disait René Char : « notre héritage n’est précédé d’aucun testament » –, il y a dans ce film un immense optimisme. l’optimisme de la volonté, l’optimisme du combat, l’optimisme de la résistance et les textes de Daniel montrent cette musique. Ce qui fait que nous avons tous aimé Daniel, c’est qu’il arrivait à lier humainement, dans un rapport d’empathie avec l’autre, cette réflexion intellectuelle sur le capitalisme, sur la lutte des classes, sur l’impérialisme et la sensibilité concrète aux individus qui font vivre les révoltes et les luttes.

Carmen Castillo :

Les luttes que j’ai rencontrées sont très diverses, plutôt des mouvements sociaux que des luttes menées par des organisations politiques, mais avec des engagements de très longue durée parfois. C’est un grand changement par rapport à ce que nous avions connu lors des périodes militantes de nos années de jeunesse, où nous avions un programme clair.

Edwy Plenel :

Ce côté qu’on pourrait dire un peu « mouvementiste » du film est aussi une façon de dire : avant d’avoir le programme tout cuit, avant d’avoir le parti flambant neuf, avant d’avoir résolu vos problèmes de motion de congrès ou de synthèses, déjà soyez au rendez-vous. soyez au rendez-vous des urgences. Car les révolutionnaires en chambre qui coupent les cheveux en quatre mais qui ne sont pas capables de tendre la main auprès de ceux qui sont opprimés, qui sont exploités, qui sont victimes d’injustices, et bien voilà, ils ne construiront pas grand-chose. nous sommes dans un contexte compliqué, dans cette époque de transition qui est la nôtre où, comme disait Gramsci : « le vieux a du mal à mourir, le neuf tarde à naître ». et dans cet entre-deux surgissent les phénomènes morbides les plus variés, c’est-à-dire les monstres du racisme, de la xénophobie, des guerres d’identité, des guerres de religion, des guerres de civilisation, etc. Donc dans ce moment là, bien malin serait celui ou celle qui prétendrait dire : voilà ce qu’il faut faire, voilà les réponses sur les questions d’organisation. Je crois au contraire qu’on est dans un moment où le neuf est réellement à inventer. et je crois qu’il y a un message permanent dans le film, ce que dit Daniel à un moment : « on s’engage et puis on voit », le côté pascalien de l’engagement… on ne sait pas s’il y aura des lendemains qui chantent, mais on accepte de faire le pari. Parce que c’est comme ça, de manière incertaine, que l’humanité avance, qu’elle crée son chemin. « Caminante, no hay camino… ». Il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant, dit le poème d’Antonio Machado. Il y a plusieurs moments bouleversants dans le film, parmi ceux-ci la séquence de Bolivie où oscar, ce syndicaliste qui a refusé de prendre des responsabilités gouvernementales, dit vouloir être un lutteur tout simplement et considère que les seuls combats qu’on perd, ce sont ceux qu’on ne mène pas.

 

Max Leroy – Carmen Castillo

Max Leroy :

Quelle a été l’impulsion de départ de votre film ?

Carmen Castillo :

La mort de Daniel Bensaïd. Quelques jours après l’hommage qu’on lui a rendu à la mutualité, en janvier 2010, Serge Lalou m’encourage dans mon désir de réaliser un film sur l’engagement politique, aujourd’hui, qui suivrait les lignes de la pensée de Daniel, cet infatigable militant. Ces lignes de pensée m’entraîneront tout naturellement vers les autres, certains que j’avais déjà rencontrés et d’autres que j’allais découvrir avec bonheur. sur ce chemin, Daniel m’accompagnerait avec ses actes, ses blessures, son rire, ses textes.

Max Leroy :

Vous avez donc entrepris ce voyage avec ses écrits. Comment avez-vous choisi les points de destination ?

Carmen Castillo :

Le monde est vaste et je voulais de l’ampleur. Partout, il se passait des choses surprenantes : les Indignés, les Printemps arabes… mais je ne suis pas journaliste, j’ai besoin de lenteur. alors je me suis tournée vers la France et l’amérique latine, mes deux lieux de vie. À l’affût des luttes ayant émergé après les années 1990 et se déroulant sur un long terme. Je savais que, dans la durée, on peut à la fois lutter et créer « autre chose » – et cela change toute la perspective. en amérique latine, j’avais déjà rencontré le sous-commandant Marcos au mexique. mais j’avais envie de partager les expériences des sans terre au Brésil, ce mouvement qui existe depuis 30 ans et qui a permis à tant de paysans de vivre une vraie vie. en Bolivie, l’élection d’Evo Morales, après des luttes souvent violentes, permettait de montrer un combat victorieux. en France, la tenacité des « sans » à ne pas accepter les injustices, la créativité des militants pour dresser la dignité face au mépris et à la misère, m’avait déjà amenée à les rencontrer dès 1996. J’avais appris auprès d’eux qu’on ne pense jamais tout seul, que tout le monde pense.

Max Leroy :

Vous n’étiez jamais allée au Brésil auparavant, ce qui peut paraître étonnant…

Carmen Castillo :

Le Brésil a été un pays très important pour Daniel. Il s’y est rendu plusieurs fois et a participé à la construction du Parti des travailleurs. C’est en suivant sa trace que j’ai rencontré le mouvement des sans terre. C’était tangible. Il s’agit d’une force politique très organisée ; ils tiennent à leur autonomie tout en dialoguant avec le P.T. Ils incarnent les expériences d’autogestion, de contrôle populaire et de démocratie participative. avec leurs écoles itinérantes, des instituteurs qui se déplacent sur les terres occupées, ils ont réussi à former deux générations de jeunes qui résistent avec succès aux sortilèges de la servitude volontaire. la perspective, ils l’appellent « écosocialisme » – un mot nouveau, mais dont le sens résonne de manière urgente aujourd’hui.

Max Leroy :

En Bolivie, vous avez voulu filmer une victoire ?

Carmen Castillo :

Ce qui est advenu en Bolivie en 2005 est une véritable révolution. Je voulais une victoire et celle-là était inespérée. nous avons écarté le pouvoir politique et sa figure emblématique, Evo Morales, pour aller chercher à Cochabamba les protagonistes (pour la plupart indiens illéttrés) de la Guerre de l’eau, victorieuse en l’an 2000 contre un gouvernement ultra-libéral et une multinationale française. J’ai rencontré oscar olivera, un des fondateurs de la Coordinadora, cette organisation qui regroupe tout un peuple livrant bataille et qui transmet sa manière de faire aux autres guerres, celles de la coca et du gaz. Oscar continue d’agir au sein des mouvements sociaux : il refuse toute implication gouvernementale. Dès que je l’ai vu, oscar m’a semblé familier. Pour moi, il y a une communauté des personnes en lutte. elles se ressemblent, elles sont d’une égale beauté. Comme les femmes de la Busserine, dans les quartiers nord de marseille !

Max Leroy :

Ce sont les révoltes des banlieues de 2005 qui vous ont amenée dans les Quartiers Nord de Marseille. Pourtant, il n’y a pas eu d’émeutes là-bas.

Carmen Castillo :

Justement, elles avaient eu lieu avant. Ces révoltes incomprises sont des baptêmes politiques. et dans ce lieu, le chiffon rouge des kalachnikov et de la drogue, que les médias et les politiques affichent en général, ne laisse rien voir de la réalité de ces lieux. J’ai rencontré Fadela par les réseaux militants et, auprès d’elle, il y avait Fatima et Karima. leur collectif agit dans les quartiers pour arrêter le cycle de la violence des jeunes tout en dénonçant la violence faite aux jeunes. Ils agissent dans des organismes d’aide sociale ou d’éducation tout en développant une pensée politique sans concession qui leur permet de proposer des alternatives. Ces femmes sont pour moi les véritables héroïnes de notre temps.

Max Leroy :

Vous donnez à entendre le Dal, une association qui a réussi à rendre légitime les réquisitions de logements privés vides, mais aussi une figure parfois négligée, voire décriée, de nos jours, au sein du mouvement social : les syndicats. Pourquoi ?

Carmen Castillo :

La lutte syndicale me semble, justement, essentielle. elle peut être porteuse de valeurs qu’on a eu tendance à oublier : la solidarité, le partage… elle rappelle, comme le dit Daniel, que la lutte des classes existe et qu’elle brise la fausse unité des races, des nations, des religions, car de l’autre côté, il y a toujours un autre soi-même. Ce sont vraiment des paroles que nous avons besoin d’entendre en ce moment. C’est en visionnant, sur Internet, l’assemblée générale de fin de la grève des retraites, à la raffinerie total de Donges, que j’ai découvert Christophe. Il disait, ému aux larmes, une phrase presque identique à celles que Daniel avait écrites : « Il y a des défaites qui ont le goût de victoires ». J’ai été bouleversée qu’un leader syndical fasse appel aussi à l’émotion pour trouver les mots d’une pensée politique si fondamentale. J’ai pensé qu’en finissant le film avec lui, on pourrait sortir du découragement et des défaites et avancer malgré tout.

Max Leroy :

Militer serait dès lors, comme l’a écrit Bensaïd, « le contraire d’une passion triste » ?

Carmen Castillo :

Tous ceux qui se trouvent liés à une action collective ressentent une sorte de joyeuse mélancolie. Je l’ai constaté souvent : il est rare que la joie de la victoire soit durable, le chemin restant à parcourir est toujours long, l’amertume peut survenir. mais sur ce chemin, ceux que nous rencontrons, ceux qui sont engagés avec nous pour un temps ou pour très longtemps, ceux avec qui nous vivons des expériences lumineuses, ce sont ceux-là qui font de l’engagement une passion joyeuse.

Max Leroy :

On a parfois tendance à croire qu’un film politique doit être le plus brut possible, sans aucun souci esthétique, pour être convaincant… Comment abordez-vous la question de la forme ?

Carmen Castillo :

Les gens que j’ai rencontrés étaient beaux. leurs rapports aux autres, à la nature, à leur environnement, quelqu’il soit, même dans un squat très pauvre comme à Sao Paulo, tout cela est transfiguré par leur implication, leur engagement, leur plaisir du collectif. Cette beauté, je voulais la donner à voir, à sentir, créer una canción , un chant des possibles. Un film est en lui-même un travail collectif. Dans le cas de celui-ci, c’était une aventure de plus de quatre ans, où chacun s’est impliqué profondément. J’espère que la beauté de cette aventure est visible à l’écran.

 

Les protagonistes du film

Au Brésil, au Paraná
Le mouvement des Sans Terre paysan Josefa Pereira, militante du mouvement des sans terre – sa famille a dû vendre sa terre pour payer les dettes. elle a connu la répression et les menaces, mais a gardé un bon sens, de l’humour et une simplicité qui lui permettent de se dresser contre l’injustice et l’inégalité. Nilda Aparecida Ramos barbosa, militante du mouvement des sans terre. malgré le danger à occuper de manière illégale les terres en friche des grands propriétaires, malgré la mort possible et le temps passé à se défendre et à cultiver les champs, elle exprime le bonheur d’une victoire qui leur a permis de se nourrir, de s’éduquer et de se développer.

Au Brésil, à Sao Paulo 
Le mouvement des Sans Terre urbain Luis Gonzagra da Sulva – militant du Parti des travailleurs depuis 33 ans, il juge insuffisantes les réformes des gouvernements de Lula et de Dilma Roussef. Il aspire à aller plus loin pour toucher au fondement du système de domination. Lúcia de Andrade – elle vit avec sa fille dans un squat du centre ville, elle n’a pas le choix. après des années de lutte pour un logement digne, elle est déçue, amère. sans espoir devant l’immensité des obstacles, seule la rencontre des autres lui permet d’envisager une route toujours à ouvrir.

En Bolivie, à Cochabamba
Militantes de la coopérative Arocaqua-Puntiti, ces « guerrières de l’eau » (dans la guerre de l’eau de l’an 2000) ont vécu comme une violation la loi de privatisation de leurs ressources d’eau et de leur travail de canalisation, votée par un gouvernement néolibéral au profit d’une multinationale française. elles racontent la dureté des combats, les rires succédant aux larmes et la joie de la victoire. Face aux menaces futures, l’ensemble des « guerriers » se disent toujours prêts à résister. Oscar Olivera, ouvrier, syndicaliste. la photo avec sa casquette a fait le tour du monde lors de la lutte du peuple de Cochabamba pour l’eau, dont il a été le leader charismatique. Un des créateurs de l’outil de l’émancipation, l’organisation « la Coordinadora », il a participé activement aux « guerres » de la coca et du gaz. C’est l’ampleur de ces luttes, ponctuées de morts, qui a mené à la victoire, lors de l’élection présidentielle, d’evo morales, un indien. oscar a refusé de devenir ministre, il fallait que certains restent loin du pouvoir politique pour maintenir vivant un horizon de sens au-delà des contradictions inéluctables.

En Bolivie, à El Alto
Marxa Chavez – jeune sociologue et militante, elle pense qu’une révolution a été gagnée mais qu’il reste encore beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne l’autonomie de certaines communautés indiennes et les problèmes environnementaux ouverts par une politique économique centrée sur l’extraction des richesses naturelles.

A Paris, La « Réquizz d’or » du DAL
Annie Pourre, fondatrice et militante des associations Droits au logement (Dal) et Droits Devant, pense que les nouveaux acteurs du changement se trouvent au sein des plus pauvres, les « sans ». les réquisitions d’immeubles vides, dit-elle, sont légitimes à défaut d’être légales. occuper, s’organiser, vivre en collectivité, ce sont des actes politiques, ils permettent au plus démunis de faire l’expérience de l’émancipation. Cet éveil de la conscience renforce la lutte pour la dignité.
Souhil boukhris, militant du DAL. Il avait 34 ans quand il s’est retrouvé dans la rue. C’est en participant, une caméra vidéo à la main, à la résistance acha rnée contre un délogement et à la répression violente qui s’en est suivie, qu’il a pris conscience de l’énergie de vie contenue dans les luttes. Il a trouvé dans l’engagement un sens profond à sa vie. N’Diaga Sall, africain d’origine, logé dans des centres d’hébergement nocturne, il se rapproche du DAL et organise un collectif qui mène la lutte pour l’ouverture de ces centres dans la journée. Bien qu’il ait obtenu pour lui un logement, il est actif dans les réquisitions du DAL car il y trouve une chaleur affective.

A Paris, le NPA
Olivier Besancenot, postier, dirigeant du Nouveau Parti Anticapitaliste. Il reste convaincu qu’il faut un changement radical, une rupture avec le capitalisme pour construire un autre monde. Dès son arrivée à la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire, précédant le NPA), il a rencontré Daniel. Devenu un ami proche, il dit avoir beaucoup appris de Daniel lors de ses multiples échanges. Ils ont aussi écrit ensemble Prenons parti. Alain Krivine, fondateur avec Daniel et Henri Weber de la LCR, il milite encore au NPA et n’a rien perdu de son enthousiasme et de ses révoltes d’origine. Il dit avoir plus de raisons objectives aujourd’hui qu’hier pour tenir un engagement politique radical.

Dans les quartiers Nord de Marseille 
Le collectif « quartiers Nord, quartiers forts » Trois femmes d’âges divers travaillent ensemble dans des associations de quartier, que ce soit dans le domaine de la culture, la politique de la ville ou de l’égalité des droits. Elles essaient de proposer aux jeunes des alternatives politiques à la violence et à la drogue. Fadela El Miri, jeune française d’origine marocaine. Engagée dans les luttes pour une citoyenneté active et une diversité culturelle, contre l’abstentionnisme et pour l’implication politique des habitants des banlieues. Elle est aussi militante d’extrême gauche. fatima mostefaoui, révoltée depuis le jour où, toute jeune, elle a vu mourir un ami, victime d’une bavure policière. Habitant dans le quartier des Flamants, elle en anime l’association de locataires qui veut imposer la participation des habitants aux décisions qui les concernent. Karima berriche a été émue dès l’enfance par les récits des luttes de libération nationale et anticoloniales que son père, militant du FLN algérien, lui racontait. Elle est directrice du centre social « l’Agora » à la Busserine, où elle organise des activités culturelles diverses pour contrer le désespoir, éveiller une conscience politique des habitants de ces quartiers, et leur montrer qu’il y a d’autres chemins que la drogue pour s’en sortir. mohamed bensaada, militant de longue date dans divers mouvements des banlieues et un des organisateurs de la manifestation du 1er juin 2013, où les habitants des quartiers sont venus pour la première fois manifester au centre de Marseille. Il témoigne aussi par l’écriture et tient des chroniques sans concession. D’une lucidité sans faille sur les difficultés et les obstacles à traverser, il persévère à mener le combat pour l’égalité des droits. Daouda Dananir, enfant des Quartiers Nord, trouve dans la poésie une manière de briser l’enfermement, tout en gardant ses racines et sa fidélité aux Quartiers. Jean Marc Rouillan, ancien dirigeant du groupe Action Directe. Après avoir effectué 28 ans de prison, il est actuellement en liberté conditionnelle. Originaire de Toulouse comme Daniel, il a correspondu avec lui lorsqu’il était en prison, notamment sur le problème de la violence.

A Saint-Nazaire 
Christophe Hiou, leader syndicaliste de la raffinerie Total à Donges. Issu d’une famille engagée, le fonctionnement collectif est pour lui naturel. C’est un leader charismatique et très médiatisé de la longue grève des retraites de 2010. La solidarité rencontrée et les liens d’affect noués lors du conflit l’ont bouleversé, et c’est de cette richesse, malgré la défaite politique, qu’il tire son énergie pour dépasser la fatigue et le découragement. fabien Privé Saint-Lanne, son ami et camarade du syndicat. Les militants de cette section syndicale fonctionnent comme une famille, en échanges politiques et culturels permanents. Pour lui, l’engagement politique permet de vivre debout.

 

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