Lire hors-ligne :

Les expériences de récupération d’entreprises et d’usines par leurs salariéEs en Argentine est l’une des formes de mobilisation sociale à avoir attiré considérablement l’attention ces dernières années[1]. On définit ainsi une pratique combinant l’occupation des salariéEs d’une entreprise en faillite ou hautement endettée avec la gestion de la production par les salariéEs eux-mêmes et elles-mêmes. Les occupations des espaces productifs intègrent le répertoire des actions des salariéEs argentinEs depuis la fin des années 50 (Lobato et Suriano, 2003). Dans certains cas exceptionnels, ces actions ont incorporé des processus de contrôle ouvrier ou de gestion de la production par les salariéEs (Partenio, Garcia Allegrone et Fernandez Alvarez, 2004). C’est en 1950 que ces occupations d’espaces productifs ont commencé. Impulsées par l’Union Ouvrière Métallurgique (UOM), elles concernaient essentiellement des entreprises métallurgiques de la banlieue sud de Buenos Aires.

 Cette organisation syndicale a promu l’occupation des espaces de production et la mise en place de coopératives de travail pour lutter contre les processus de fermeture ou de faillite des entreprises (Perelman et Davalos, 2003). Pourtant, à partir de la deuxième moitié des années 1990 et du début des années 2000, l’occupation avec gestion de la production sous contrôle des salariéEs est devenue une modalité régulière qui a pris des caractéristiques singulières et se voit définie ainsi comme un mode spécifique de revendication pour l’outil de travail (Fernández Álvarez, 2006; Fernández Alvarez et Wilkis, 2007).

 

Dans l’aire urbaine de la province de Buenos Aires, région où ces expériences ont été considérablement nombreuses entre les années 2001 et 2003,  73 cas ont eu lieu dans des communes liées historiquement à des zones industrielles (Wilkis, et. Al., 2004)[2]. Bien qu’elle se soit diffusée principalement autour de Buenos Aires, une vague de récupération d’usines s’est propagée dans différentes régions, où les occupations se multiplient encore ces dernières années[3]. La plupart de ces expériences de récupération des usines ou des entreprises ne concerne que le secteur de petites et moyennes entreprises, quoique l’existence d‘espaces productifs de taille majeure soit pourtant significative. Différents sondages estiment que la moyenne de salariéEs par usine atteint entre 50 et 60 personnes et démontrent que ceux et celles qui ont mené les processus font partie des secteurs de production, signalant une faible participation du personnel administratif, de vente ou des secteurs de la direction. Les activités productives concernent, pour la plupart, la branche industrielle et à moindre échelle les services, se concentrant dans les secteurs métallurgique, frigorifique, textile, du plastique, alimentaire et graphique (Facultad Abierta, 2005; Fajn, 2003; Rebón, 2007; Ruggeri, 2009).

 

Quoique le début des récupérations ait répondu à des motifs divers – dettes salariales, renvois, cessations de payement, menaces de fermeture – donnant suite à des parcours divers, avec des conflits plus ou moins difficiles – expulsions ou répression policière – la constitution de coopératives de travail, les négociations avec le procureur pour obtenir l’administration des biens et les demandes d’expropriation ont obtenu un caractère régulier, se constituant comme la marche à suivre pour les salariéEs qui aspiraient à récupérer leur usine et à « conserver leurs outils de travail ».

A partir de perspectives différentes, ces processus ont attiré l’attention de nombreuses recherches empiriques. Dans leur ensemble, ces études ont signalé comme caractéristique  centrale la modification de la durée et des activités qui composent la ‘journée de travail’. Dans ce sens, certaines études ont analysé les changements du processus de travail, mettant en avant ce qui concerne le rythme de production, les fonctions et la division des tâches (Fajn y Rebón, 2005, Rebón, 2007). Dans notre cas, nous menons, depuis 2002, une recherche ethnographique sur les entreprises et usines récupérées de la ville de Buenos Aires et de sa banlieue[4]. Nos observations de terrain ont mis en lumière qu’une caractéristique essentielle de ces processus de récupération se rapporte à la façon dont les activités productives se sont articulées avec des actions de revendication, ou plutôt à la façon dont la production en elle-même est devenue action de revendication (Fernández Álvarez, 2006).

 

Cette particularité a entraîné une série de modifications de l’espace et du temps de travail. D’une part, les tâches réalisées se sont diversifiées, au sein du processus productif au sens strict mais aussi en incorporant de nouvelles activités : à celles qui concernent la gestion de l’entreprise – administration, vente et commercialisation – se sont rajoutées des actions de revendication, des négociations avec des agents d’Etat, des réunions avec des représentants d’autres entreprises récupérées, etc. D’autre part, les salariéEs ont dû rester de longues journées dans l’usine afin de « veiller sur et de défendre leur outils de travail ». Ces modifications ont entraîné une redéfinition des frontières entre ‘l’espace productif’ et ‘ l’espace reproductif/ménager’ qui a redéfini les temps et les espaces de vie.

 

Dans ce cadre, nous avons constaté que ces redéfinitions ont eu de conséquences différentes pour les femmes et pour les hommes qui menaient ces récupérations. Bien que certaines études aient abordé la gestion des entreprises récupérées en montrant ses implications genrées[5], la plupart a analysé ces processus comme ‘asexués’. A partir de nos recherches, il nous a semblé important de développer une approche problématique s’appuyant sur le genre et de façon spécifique la situation des femmes dans ces usines.

 

Dans cet article en particulier, nous proposons d’analyser les conséquences des redéfinitions de ces espaces sur les femmes. Ainsi, nos réflexions reprennent la perspective critique des études de genre sur les dichotomies entre les sphères de production et de reproduction, les espaces public et privé. Nous partons d’une vision intégrale du travail des femmes qui tient compte des interrelations entre travail ménager et travail extra-ménager (Kergoat, 2003; García y Oliveira, 2004). Cette démarche, loin de supposer une forme d’essentialisme (Ciriza, 2008), reprend une problématique amplement signalée par les études historiques (Perrot, 2008; Lobato, 2007; Barrancos, 2007) sur les particularités de l’expérience du travail des femmes – en général estompée dans l’histoire du travail – et la reconnaissance de l’illégitimité historique du travail extra-ménager des femmes. Cela suppose la problématisation de la signification des différences de sexe/genre articulées à d’autres différences (classe, âge, sexualité, nationalité) et construire une analyse qui nous permette d’interroger comment ces espaces de travail – les entreprises récupérées – s’insèrent dans des formes complexes de domination patriarcale et capitaliste.

 

La ‘ journée de travail’ dans les entreprises récupérées : une (re)construction quotidienne

 

Comme nous l’avons évoqué, les modifications de la ‘journée de travail’ ont redéfini les limites de la durée du travail comme de l’espace de production. Cette modification s’est manifestée de deux façons : le genre de tâches et d’activités développées d’une part et les façons d’habiter l’usine d’une autre. La description d’une journée de travail dans l’une des usines récupérées[6] peut nous aider à illustrer cette question :

 

8h30 du matin on éteint la lumière. De la même manière et comme s’il s’agissait d’une chorégraphie délicatement répétée, chacunE arrête son activité, celle qu’il-elle est en train de faire depuis six heures du matin. Le bruit des machines cède sa place à celui des pas à la recherche du mate, de la yerba, des tasses et du thé pour préparer le petit-déjeuner. Une table réunit des salariéEs qui disposent au milieu du pain et des gâteaux. Dans cet espace, destiné aux repas depuis que la production est sous leur gestion, l’on partage également des discussions concernant l’organisation du travail, des demandes de subventions ou l’ordre du jour de la prochaine assemblée. Une demi-heure après, on rallume la lumière et les machines fonctionnent à nouveau.

UnE par unE, les salariéEs reprennent leurs postes de travail, réinitialisant la production. Carolina s’occupe d’une tâche qu’elle connait bien même si elle reste assez différente de celle établie par son poste à l’usine, tandis que son fils fait sa sieste. Malgré le bruit constant des machines, Lucas dort tranquille. Sa mère n’est plus obligée de partir en courant le matin pour l’amener chez sa belle sœur et elle peut ainsi l’allaiter plus fréquemment. Près d’elle, Manuela poursuit sa tâche habituelle à laquelle elle intercale dorénavant des activités d’administration, de vente ou des démarches bancaires. De son côté, Julia travaille avec une machine dont elle ne s’était jamais servie jusqu’à présent sous le regard méfiant d’Adriana. Depuis la récupération, Adriana a dû se débrouiller pour changer de machine et « prêter » quelquefois la « sienne ». Mais ce n’est pas la seule chose qui a changé dans sa vie depuis. Elle a dû négocier les gardes avec son copain pendant ses quelques nuits à l’usine et apprendre à parler lors des assemblées.

Au milieu du salon, un groupe s’apprête à distribuer les biens intermédiaires de production qui viennent d’arriver. Tout le monde arrête son travail pour s’occuper de cette tâche qui devient la priorité. Dans un coin, José discute avec Maria d’une nouvelle commande. Derrière eux, on peut lire sur un tableau : « Vendredi, 14h : Assemblée générale ». Dolores sait déjà que ce jour-là elle rentrera plus tard que d’habitude chez elle. Elle devra alors prévoir quelqu’un pour aller chercher sa fille ainée à l’école.

Le déjeuner a lieu à douze heures moins dix. La scène du petit déjeuner se reproduit. Quelque temps après, la reprise de la production, mais à rythme ralenti. Inés, Pedro, Julia et Beatriz discutent sur la visite au Ministère qui a lieu ce jour-là. Vers 15 h, la lumière s’éteint annonçant la fin de la journée de production. Tandis que certains rentrent chez eux, Diana, Julia, Rosana et Pedro s’apprêtent à assister à une réunion avec d’autres usines récupérées. Inés et Manuela, révisent les comptes de la semaine au premier étage tandis que Sofia reçoit un client au rez-de-chaussée. Près d’elle, Dolores et Roberto racontent encore une fois « leur histoire » à un média local indépendant. Ce jour-là, ils seront les derniers à enlever leur tenue de travail.

 

Cette routine, reproduite chaque jour avec de légères variations, montre à grands traits la journée dans une usine récupérée. Les activités quotidiennes des salariéEs loin de se voir réduites à la répétition d’une opération ponctuelle, intègrent désormais une ample diversité de tâches. La ‘journée de travail’, délimitée auparavant par la lumière éteinte, se voit élargie au delà de ces limites, comprenant parfois les week-ends. En même temps, la ‘disparition’ des postes administratifs et hiérarchiques, avec la réduction du nombre de salariéEs[7] a entraîné la multiplication des tâches effectuées par chacunE des employéEs.

Par conséquent, les limites de l’espace de l’usine comme celui du travail en lui-même se sont vues redéfinies. Les implications sont diverses. Elles concernent le type de tâches et d’activités développées, le rythme et le temps de travail ainsi que la façon d’habiter l’usine et le déplacement entre celle-ci et la maison.

 

Tout d’abord, à partir de la récupération, « le travail » a inclus des tâches qui ont dépassé les activités strictement liées à la production, comme la visite à des organismes publics, des réunions avec des législateurs, la participation à des assemblées ou à des réunions avec des collègues d’autres usines récupérées, des interviews, des manifestations, etc. Les veilles ou les campements afin de garantir la surveillance de l’usine ont été l’une des activités les plus importantes, constituant même des groupes stables de salariéEs pour bien mener ces actions. Dans certains cas, les salariéEs ont habité l’usine. C’est le cas d’Agustín qui y habite encore avec sa mère et ses frères et sœurs ; il n’a pas d’enfant et se trouve au chômage depuis 2001. Il a commencé par accompagner sa mère aux gestions et aux manifestations lors de la première période pour ensuite assurer « des gardes dans la tente », ce qui l’amené – selon ses mots – « à passer mon temps ici et à y investir une partie de ma jeunesse ». Un autre cas concerne Martin, 27 ans, qui a travaillé dans une usine alimentaire de 1994 jusqu’à sa fermeture en 2001. Pendant la durée de « la prise » de l’usine, il y est resté sur place, « s’arrangeant » avec ses collègues pour rentrer à la maison : « ma femme me disait que je manquais à mon fils. Mais bon, il fallait être ici et ils devaient le comprendre ».

Ainsi défini, considéré, réglementé, cet ensemble de tâches fait maintenant partie de la routine du travail, les salariéEs devant désormais l’inclure dans leur ‘journée de travail’. Cette particularité a pris une signification majeure à la lumière du processus de revendication du maintien de « l’outil de travail ». Ce processus a été soutenu par une série d’arguments qui ont articulé droit et mérite à partir de la catégorie de travail digne et par une série d’actions qui ont transformé à leur tour cette catégorie en action (Fernández Álvarez, 2006; 2007)[8]. Cela a exigé de se montrer en tant que travailleurs-euses, exposer publiquement certaines compétences comme l’aptitude à produire et les connaissances du métier, la volonté de lutte et la responsabilité au travail, la prédisposition à l’effort et au sacrifice, la souffrance face à la menace du chômage. Des compétences qu’il a fallu démontrer à des législateurs et aux procureurs  chargés d’appliquer les lois d’expropriation ou d’accorder le permis de rester dans l’usine. La quotidienneté ‘du travail’ s’inscrit ainsi dans un processus plus large de mobilisation sociale : la gestion sous leur contrôle leur a permis de rester des travailleurs-euses, de se maintenir productifs, de démontrer leur capacité à gérer l’usine.

 

Un deuxième élément concerne l’extension de la « journée de travail ». Constituée  de taches ponctuelles à accomplir à des horaires précis et délimités, elle a inclus de nouvelles activités qui se déroulent dans et à l’extérieur de l’usine et qui dépassent l’horaire destiné à la production. En certaines occasions, le rythme de travail s’est vu altéré par des actions qui ont eu lieu en dehors de l’usine. En ce sens, les limites de la ‘journée de travail’ se sont vues effacées, dépassant ‘ l’horaire de production’. Comme en témoigne l’une des salariées : « Aujourd’hui on fait beaucoup de choses dans la journée et les heures passent vite. Avant, il fallait rester toute la journée face à la machine ou faire des aller-retour sans aucune responsabilité ». Les veilles ont commencé une fois le travail terminé et se sont prolongées jusqu’au lendemain. De cette façon, ‘la journée de travail’ durait 24h pour ceux et celles qui les faisaient. Cela devenait compliqué pour certainEs qui ne pouvaient pas assurer les veilles et demandaient à un membre de leur famille ou à unE autre salariéE de les remplacer. Contrairement aux hommes, les femmes accomplissaient cette activité accompagnées de leurs enfants.

Durant les premières phases des récupérations, emmener les enfants à l’usine a permis de résoudre le problème de la garde des enfants. Pendant les moments qui ont suivi la récupération et quand la situation légale est devenue stable, ce problème restait encore sans solution : les salariées continuaient à emmener les enfants à l’usine et à travailler pendant qu’eux jouaient ou dormaient[9]. Voici, par exemple, le témoignage de Gabriela, 39 ans et salariée d’usine textile du quartier de Lanus : « J’ai toujours beaucoup travaillé depuis la naissance de mes trois enfants. A la naissance de ma dernière, je suis restée à la maison jusqu’à ses trois mois, ensuite je l’ai ramenée ici, à l’usine. Je reste face à la machine à coudre de 7h à 16h, ou plus, selon les activités de la coopérative et elle reste ici à mes côtés, dans sa poussette. Elle va s’habituer ainsi au travail [rires]».

 

Finalement, les salariéEs ont dû réorganiser les espaces de l’usine en fonction des besoins productifs, favorisant les échanges entre les différents secteurs. Par exemple, certains secteurs ont été restructurés afin d’améliorer le rythme de la production. Cette modification a amélioré la communication entre les différents secteurs de l’usine, ce qui a facilité la résolution de problèmes et la transmission de connaissances. Les façons d’habiter l’usine se sont vues également modifiées : les veilles ont contraint certainEs salariéEs à rester une partie de la semaine dans l’usine afin de réduire le coût du transport, certainEs parmi eux-elles s’y sont même installéEs pour habiter.

Cette question a été particulièrement évidente les premiers mois. Même si dans la plupart des cas, les travailleurs-euses ont rencontré des difficultés  à « expliquer » dans leurs familles « qu’il fallait rester dans l’usine », ils-elles ont décidé d’y rester et d’y participer, mais cette situation s’est présentée de façon hétérogène. Voici, par exemple, le cas de Ruben, salarié d’une usine textile récupérée de la ville de Buenos Aires. Il avait 35 ans au moment de la récupération et occupait le poste de « repasseur ». Pendant la première phase, il s’est occupé des ventes.  Il se rappelle d’un des premiers moments de la récupération quand l’une de ses collègues a dû partir car « son mari ne lui avait pas permis de rester à l’occupation de l’usine ». Ruben a connu une situation similaire, mais il a décidé de « déménager » au sixième étage de l’usine, tandis que sa famille est restée dans la banlieue de Buenos Aires : « J’habite maintenant ici, car ma famille ne me soutient pas. Mais c’est normal, ça fait déjà neuf mois que ça dure et ce n’est pas facile pour la famille. Il faut être tout le temps ici, il y en a beaucoup à faire (…) et je suis fatigué de ma journée, alors je préfère y rester. Tout cela a créé des conflits dans ma famille ». C’est pour cette raison qu’il a pris la décision de s’installer à l’usine, étant donné que sa femme « ne comprenait pas » sa lutte. Cette décision l’a mené à combiner « son poste de ventes » avec des tâches de sécurité et partager le restant de son temps avec sa fille de deux ans qui reste quelquefois dans l’usine.

 

Pour résumer, l’usine est devenue en même temps un ‘espace de vie’ dans lequel on mange, on dort et on peut vivre avec sa famille. Dans ce processus, le rapport même entre ‘maison’ et ‘travail’ a été redéfini, instaurant de sens nouveaux aux façons d’habiter et de parcourir les distances entre un espace et l’autre, en termes physiques et matériels comme symboliques et affectifs. L’une des salariées explique : « le changement a été positif, car nous avons maintenant plus d’engagements qu’avant. Avant, on partait au moment de finir le travail et l’on se détachait de l’usine, il ne fallait plus penser à rien. Par contre, maintenant, nous sommes les responsables de l’usine… ».

 

 

Travailler… et lutter : les conséquences de la modification de la ‘journée de travail’ pour les femmes.

 

Quelles ont été les conséquences de ces changements pour les femmes qui ont participé de ces récupérations ? Selon nos observations, ces changements ont été vécus et assumés différemment pour chacune d’elles. Ils ont fait apparaitre une série de tensions et redéfini le processus de déstructuration/restructuration de hiérarchies. Par conséquent, aborder cette question exige de considérer les situations particulières de chacune d’elles, en tenant compte de leurs trajectoires professionnelles ou associatives, de leur âge, de leur nationalité, de l’état civil, du nombre d’enfants à charge et des revenus du foyer. Cette diversité de situations a particulièrement influencé les négociations concernant la façon de participer à la récupération de l’usine, principalement aux activités qui avaient lieu ‘en dehors’ de l’horaire de production.

Dans certains cas, les femmes ont du faire face aux questionnements de leur partenaire. Par exemple, Ana, salariée d’une usine textile de Buenos Aires, âgée de 35 ans, et actuellement séparée, nous fait part du dilemme devant lequel son couple s’est retrouvé au commencement de la récupération de l’usine[10] :  « J’ai du demander à une copine d’appeler Marcos [son actuel ex-mari] pour lui dire que j’allais passer la nuit à l’usine, que j’allais lui expliquer pourquoi plus tard. Alors il m’a téléphoné et m’a dit “Tu fais quoi-là ? Pars tout de suite de là ! Si tu y restes alors oublie-moi ! C’est l’usine ou moi !” Alors je lui ai dit : “L’usine ou toi ? Très bien, je préfère garder l’usine !” ». Durant la première phase de la récupération Ana est tombée enceinte et quitte alors le travail, malgré les revenus « instables » de son mari. Quelques mois plus tard, elle décide de se séparer de son mari qui était devenu violent et commence à « chercher du travail ». Ses collègues la reprennent à l’usine à condition qu’elle s’engage dans les activités concernant l’occupation : « Ce n’était plus difficile de m’engager à faire tout cela – poursuit Ana – car je me sentais libre, puisque quand j’étais en couple je n’étais pas libre dans mes décisions ». Elle a repris le travail dans cette situation, tandis que sa sœur gardait sa fille. Ana est fière d’avoir réintégrée l’usine, fin 2003, avec sa sœur et de faire partie actuellement de la coopérative, malgré le faible équilibre financier.

Dans d’autres cas, une série de tensions concernant les ‘tâches ménagères’, telles la garde des enfants ou le ménage se sont ajoutées. D’un côté, les tâches ménagères sont devenues une surcharge de plus à la ‘journée de travail’, principalement pour les mères célibataires.  Voici le cas de Rosana, âgée de 37 ans, avec 4 enfants à charge et son partenaire au chômage au début de la récupération de l’usine : « On a des responsabilités envers nos enfants qui vont en plus à l’école… tout ça, ça fait beaucoup. Beaucoup plus qu’avant. Car avant, on avait un patron, on venait à l’usine, on avait un horaire et après on rentrait à la maison et on s’occupait de nos enfants. Maintenant les responsabilités s’entassent au travail comme à la maison ». Nous avons observé dans ces entretiens que ces femmes donnent une importance particulière au fait d’avoir le ‘soutien’ de leur partenaire afin de pouvoir combiner ‘la lutte pour l’usine’ et ‘la garde des enfants’.

D’un autre côté, ces tensions ont donné lieu à des questionnements de l’entourage concernant la ‘responsabilité’ sur la garde des enfants. Voici les termes de Celeste, qui avait 33 ans au moment de la récupération et trois enfants à charge, à propos des critiques de la maitresse de l’école de ses enfants, qui trouvait qu’elle ne s’occupait pas suffisamment d’eux à cause du temps consacré à l’usine : « C’est peut-être de ma faute car je consacre beaucoup de temps à la lutte pour l’usine et je dois délaisser ainsi mes enfants. Je crois que je me sens un peu coupable ».

En même temps, la participation au processus de récupération a permis à ces salariées d’acquérir de l’autonomie et de l’estime de soi. Mabel, qui avait 42 ans au début de la récupération et deux enfants, raconte : « dans mon cas, mon mari n’est pas possessif, mais il n’a pas d’initiative. Au début, il n’aimait pas que je fasse les gardes à l’usine, mais un jour je lui ai dit : « j’y vais et toi occupes-toi de la maison ! », c’est la seule chose que j’ai du dire et il a tout compris ».

Dans certains cas où le processus de récupération a été long, l’incertitude a mis les salariéEs face au besoin de justifier leur participation devant la famille ou dans leur couple. Pour cela, ils et elles ont dû se servir de différents arguments, principalement face à l’impossibilité de toucher un salaire, des justifications qui ont dû faire face à des stéréotypes de genre, les leurs et ceux des autres.

En ce sens, l’expérience de Monica, qui avait 47 ans au début de la récupération, a été différente. Son mari « n’a jamais rien accepté de cette lutte » et elle n’a pas voulu emmener ses enfants à la tente de l’occupation pour qu’ils ne voient pas « comment cela se passait ». Son mari considérait que la « tente » n’était pas un endroit pour une femme.  Elle expliquait dans son récit qu’elle a dû faire face aux reproches de son mari : « Il ne voulait pas que je vienne à l’usine, mais je l’ai fait quand-même, je lui ai dit que je le faisais parce que j’avais un travail,  pas comme lui et qu’alors je devais protéger le mien ».

Ce récit met en lumière que la justification par le « besoin » a permis à plusieurs salariées – comme explique Lobato (2007) – de calmer les tensions et de rendre légitime le fait de ‘rester’ dans l’usine et même dans les « campements ». Le cas de Monica est devenu plus délicat quand la justification ne pouvait plus se fonder sur son salaire comme seul revenu du foyer. Cette situation l’a conduite à renier le « devoir-être féminin » (Barrancos, 2007) et à soutenir la « lutte » qu’elle voyait presque comme un défi personnel, car elle ne pouvait pas dire à ces enfants : « Je rentre à la maison… j’ai perdu ».

 

Questions autour du temps

 

Comme en rendent compte les paragraphes précédents, l’une des principales limites à la participation des femmes aux processus de récupération des usines est liée aux ‘responsabilités’ du ‘monde privé’. Cette question se pose différemment selon les conditions de vie des salariées ainsi que leurs expériences antérieures. Cette diversité de situations révèle une complexe articulation entre le temps consacré à la récupération de l’usine et celui dédié aux exigences de l’espace ménager. Comme en rendent compte les récits antérieurs, cette participation s’est traduite par une série de tensions au sein de ‘l’espace ménager’. Dans certains cas, cela s’est traduit par des reculs en terme d’autonomie des femmes mais dans d’autres, ces conflits ont au contraire permis de l’augmenter. Face à cette situation, les femmes ont édifié délicatement des « équilibres de temps, d’espaces et d’énergie » (De Barbieri, 2003).

Aborder la participation des femmes aux récupérations d’usines, en tant que développement d’une pratique politique spécifique, nous oblige à réfléchir sur un problème crucial : la question de la gestion du temps. Certaines auteures comme  Inés Izquierdo (1988 ; 1999 ; 2003) ont développé des réflexions importantes sur le problème du temps des femmes remarquant qu’il présente un caractère continu, s’organisant selon les besoins des autres, tandis que le temps des hommes se présente comme un temps discontinu[11]. Dans ce sens, Teresa Torns (2000 ; 2001) propose une analyse en termes de dichotomie/synchronie, c’est-à-dire, la dichotomie entre le temps de travail et celui de non travail vécue par les hommes en opposition à la synchronie temporelle qui gère la vie quotidienne des femmes. Dans cette perspective, elle problématise les politiques qui visent la « conciliation » sans questionner les « politiques de temps » et sans examiner le contrat social entre les genres.

Les frontières qui délimitaient antérieurement des espaces et des temps bien différenciés entre le foyer et l’usine ou la production et la politique se sont vues entremêlées. Les processus de récupération d’usines, ont eu et ont encore des conséquences particulières dans la gestion du temps de ces femmes. Cela a supposé d’acquérir des compétences afin de négocier leur temps entre « le travail », « le foyer » et la « lutte ». A propos des « régulations temporelles », Dora Barrancos (2006) soutient que tandis que pour les hommes la participation politique représente un « investissement » de temps, pour les femmes gérer le temps à consacrer à « la politique » devient le problème principal à résoudre. Quand les femmes décident de s’engager et de participer de la vie publique, elles doivent faire face à ces contraintes. Face à ce défit, afin de pouvoir faire passer ce qu’elles désirent faire devant ce qu’on attend d’elles à la maison, à l’usine ou lors de l’activité politique, elles doivent passer par un processus d’apprentissage.

Finalement, cet apprentissage a articulé une pratique à la fois productive et politique. Comme nous l’avons observé, continuer la production et rester en tant que salariéEs a représenté une forme spécifique de « lutte » redéfinissant les frontières entre le temps et l’espace de la vie et du travail. Apprendre à négocier le temps, dans leur couple, avec leurs collèges et familles a été pour ces femmes une condition indispensable : un apprentissage qui a permis d’autres négociations et de nouvelles conquêtes.

 

 

* Article paru in  Revista Tabula Rasa. N 12, Julio 2010. Bogotá, Colombie. ISSN 1794-2489.

 

Traduit de l’espagnol par Bettina Ghio et Fanny Gallot.

 

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[1] Nous employons des italiques pour des termes qui désignent des catégories sociales, des double-guillemets pour les cites textuelles et des guillemets simples pour relativiser ou souligner des termes.

[2] 60% des entreprises récupérées se trouvent dans cette région, les autres processus sont concentrés principalement dans les provinces  Cordoba et Santa Fe et d’autres provinces comme Corrientes, Jujuy et Neuquén ont de même connu des cas de récupération d’usines.

[3] Nous pouvons citer, par exemple les cas d’Arrufat, Indugraf, Febatex ou Torgelone qui ont eu lieu entre la fin 2008 et début 2009.

 

 

 

[4] Ces études ont intégré nos recherches doctorales et ont été centrées sur la reconstruction des trajectoires de vie et des traits des rapports sociaux et politiques. Dans le cadre de ces recherches, nous avons reconstruit différents processus de récupérations d’usines, particulièrement des secteurs alimentaire, métallurgique et couturier depuis 2002 jusqu’à 2008 (Fernández Álvarez, 2006; 2007; Partenio, 2005; 2006). Pour cet article, nous avons utilisé des données de terrain (observations et entretiens) prises dans ces entreprises.

[5] Voir: Di Marco et Moro, 2004 et Fernández, et. al. 2006.

[6] La description correspond aux notes de terrain prises en 2005 dans une entreprise récupérée de la ville de Buenos Aires.

 

[7] Dans la plupart de cas, ceux et celles qui ont mené ces récupérations d’usines étaient des ouvriers et des ouvrières.

[8] Dans l’aire urbaine de  Buenos Aires, où notre travail s’est focalisé, l’un des axes premiers des revendications était de maintenir les sites de production par l’expropriation des entreprises (en faillite) donnant comme argument le droit à un « travail digne ». Contrairement aux revendications des organisations des usines et des entreprises récupérées, l’expropriation n’a pas eu lieu de façon générale (par une loi spécifique appliquée à l’ensemble des entreprises récupérées) mais par des mesures ponctuelles au cas par cas, élaborées et appliquées spécifiquement pour cet ensemble de personnes. Par conséquent, les salariéEs ont dû faire preuve d’une série de conditions nécessaires pour mériter l’application de ces mesures. Cela a exigé de la part des salariéEs de mener une série d’actions qui ont dépassé les expressions publiques de protestation – comme les manifestations ou les piquets de rue – en intégrant des réunions avec des législateurs, conseillers, etc et cherchant à établir un lien direct avec ceux et celles qu’il fallait convaincre du mérite de l’application des mesures.

[9] Cette question a donné lieu à des débats et à des propositions parmi certaines salariées, comme la création de crèches dans l’usine. Pourtant ces expériences ont été assez marginales. Voir Partenio, 2008.

 

[10] Note du traducteur : nous avons raccourci légèrement les récits de témoignage par rapport au texte original.

[11] L’auteure soutient qu’en termes de performativité, les catégories « homme » et « femme » n’ont pas d’existence antérieure aux rapports sociaux. Dans ce sens, être femme représente « jouer à être femme » et être homme « jouer à être homme », où chacun des rôles a besoin de l’autre (Izquierdo, 2003). Ces pratiques ritualisées garantissent la performance effective du genre. Le temps dépend de cette assignation des espaces et des lieux différents, valorisés inégalement : « Le travail des femmes au foyer n’est ni rémunéré ni gratuit, car la femme au foyer reçoit les moyens qui rendent possible sa subsistance. Le travail salarié se produit dans des conditions qui génèrent l’aliénation du travailleur. Le travail des femmes au foyer ne produit pas leur aliénation en tant que travailleuses, mais en tant qu’être humain. J’ai pu constater cette particularité du travail ménager lors d’une recherche sur la gestion du temps. Les différences entre le travail ménager et le travail salarié ne résident pas entre la production – vie humaine directement ou indirectement – mais entre les conditions de production ». (Izquierdo, 1999 : 36-37).

 

 

 

 

 

[1]

Lire hors-ligne :