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Marc Humbert rend hommage à l’économiste marxiste François Chesnais, disparu en octobre 2022, en rappelant sa contribution à la compréhension de la place de la technologie dans l’économie capitaliste et en revenant sur son analyse de l’évolution des forces productives.

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François Chesnais, au cours d’une certaine période de son activité professionnelle, a cherché, entre autres, à approfondir la compréhension de la manière dont le capitalisme poursuivait le développement des forces productives. Je l’ai fréquenté professionnellement à cette époque où il était économiste à l’OCDE et qui va pour moi de la fin des années soixante-dix au milieu des années quatre-vingt-dix.

J’ai souhaité lui rendre hommage en rappelant sa contribution à certaines réflexions qui ont fait évoluer l’opinion de nombre d’économistes à cette époque. Dans ce cadre, il a bien décrypté le jeu des firmes multinationales, appuyé par les États dominants, dans la mondialisation de l’industrie et de l’économie mondiale. L’un de ses partenaires dans ces réflexions en a dressé un bilan historique long, voyant là « Comment l’Occident s’est enrichi[1] », un titre ironique paraphrasant celui du célèbre ouvrage sur la Richesse des Nations, d’Adam Smith, le père de l’économie libérale.

Mon propos comprend deux sections, une première rappelle la contribution de François Chesnais à l’appréciation du rôle de la technologie dans l’économie, ceci dans le cadre de l’apparition d’une nouvelle approche hétérodoxe de la théorie économique standard. La seconde tend à montrer que même après la fin de cette période qui semblait marquer un désintérêt pour les réalités industrielles, François Chesnais lui accordait encore toute son importance. Il s’interrogeait ainsi récemment pour savoir si cette fois le développement des forces productives avaient effectivement rencontré des limites infranchissables.

I. Conceptions du rôle de la technologie dans l’évolution de l’économie

A) Les apories des théories économiques disponibles sur la question de la technologie

La théorie économique standard de l’équilibre économique général suppose que l’ensemble de tout ce qui est matériel et immatériel destiné à satisfaire la consommation, la demande solvable des populations, est mis à leur disposition par le libre fonctionnement des marchés.

C’est ce fonctionnement qui assure une allocation optimale des ressources et offre à ces populations, à l’économie dans son ensemble, de se trouver dans une situation pareto-optimale, impossible à dépasser. La production de biens, de services, de services producteurs se fait dans un état donné de la technologie, on ne voit même pas apparaître la catégorie firme ou entreprise ; le texte de Coase de 1937 qui montrait que la firme est la négation du rôle des marchés ne sera exhumé par des semi-hétérodoxes que bien plus tard sous l’influence de Williamson en 1975. La théorie standard est une microéconomie sans acteurs concrets, mais modélisée selon le souci de chaque avatar de maximiser sa satisfaction, son bénéfice, à la moindre peine, au coût le plus bas possible, sans aucune autre considération. Avatar qui a été appelé homo economicus[2].

Après la crise de 1929, les libéraux thuriféraires du capitalisme ont été secoués par l’interventionnisme du New Deal qui a évité l’effondrement ou/et la révolte sociale. Les économistes vont devoir s’adapter. Un interventionnisme raisonné des politiques a besoin d’indicateurs et c’est ainsi que va naître la comptabilité nationale. Elle sera aussi bien utile pour que les idées de macroéconomie portées par la théorie générale de Keynes[3] publiée en 1936 puissent devenir des pratiques nationales de politique économique après 1945.

Les idées Keynésiennes ont été hybridées par des économistes qui les ont transformées en une recette de stop and go ou de fine tuning par les dépenses publiques ou le déficit budgétaire : si la demande globale est excessive et provoque l’inflation, un coup de frein est donné, tant pis pour le chômage qu’il peut provoquer. Vice versa, si la demande est insuffisante, les dépenses publiques pourront augmenter et relancer la machine et l’emploi. Toutefois cela n’était pas suffisant pour les responsables politiques qui, après 1945, ne voulaient pas seulement éviter les crises, mais surtout faire croître le PIB dont on allait vérifier désormais chaque année le taux de croissance.

C’est lui qui va permettre de faire espérer aux masses une amélioration de leur niveau de vie et garantir ainsi leur adhésion au système libéral c’est-à-dire éviter qu’elles ne soient tentées par l’expérience communiste, en particulier celle qui avait cours à l’Est de l’Europe où régnait disait-on la pénurie. C’est aussi ce type de promesse faite par le président américain Truman[4] en 1949 qui va assurer que les pays nouvellement indépendants et tous les autres encore non industriels, bref le Tiers-Monde, attendent sagement leur tour comme les y incite Rostow[5] en 1960 et demeurent au sein du « monde libre ». Ils ont été accompagnés dans leur attente par la communauté internationale qui a lancé la première décennie du développement en 1962[6]. En l’absence répétée de toute réussite, cette première décennie a été suivie d’une série d’autres décennies et on est encore loin d’aboutir selon cette voie. Beaucoup de pays non occidentaux se sentent plus qu’impatients d’autant plus que pour raison écologique on leur demande de modérer leurs projets.

Mais comment mettre les économies sur un sentier de croissance ? Il n’y avait pas encore en 1945 de théorie de la croissance et les économistes patentés se sont alors mis au travail. Notamment des keynésiens plus ou moins dissidents des néoclassiques libéraux qui vont pondre l’objet attendu. C’est Robert Solow qui prend le leadership en 1956 avec une théorie macroéconomique de la croissance[7]. Ce qu’on y on appelle technologie, est un rapport entre les quantités de Capital K et les quantités de travail L mises en œuvre selon une certaine fonction de production macroéconomique pour donner comme résultat notre PIB.

Quand en 1962 Denison s’aventure à tester ce modèle sur les données concrètes de la croissance américaine entre 1929 et 1957, il s’aperçoit que l’évolution des quantités de capital et de travail employées n’explique que moins de 50% de la croissance américaine. Il essaie toutes les idées astucieuses possibles pour gonfler « avec du supposé progrès – technique – » les quantités de facteurs mais il lui reste encore un « résidu » de 20% de croissance inexpliquée[8]. En France des économètres macroéconomistes de renom se coltinent le même exercice et montrent en 1972, malgré des raffinements sophistiqués, qu’il reste 50% de la croissance française entre 1951 et 1959 qui ne peut être expliqué[9].

Pour les mêmes raisons de la non prise en considération directe de ce qu’on soupçonne être le progrès technologique, on ne peut expliquer les différentiels de croissance entre les économies nationales (Denison 1967)[10]. Si on regarde du côté de Marx, ses disciples n’étaient guère mieux équipés. Certes Marx a la vision que ce sont les changements technologiques – l’évolution des forces productives- qui ont fait évoluer le social. Bien que ces changements ne soient pas explicités et expliqués ils sont tenus pour déterminants. Les forces productives à l’évidence, malgré les contradictions croissantes attendues, n’avaient pas encore atteint leur stade ultime quand Lénine a voulu coupler la technologie capitaliste (l’électrification) aux soviets pour construire le socialisme. Pas plus en 1945. Ce stade ultime ne semble pas encore atteint aujourd’hui.

Plus benoîtement et objectivement, on peut remarquer que L’URSS, après un rattrapage (aidé après 1945 par un brain-drain des ingénieurs allemands) s’est retrouvée dans les années soixante à la traîne des changements technologiques accélérés dans les pays capitalistes keynésiens, hormis dans le militaire. Il n’y avait pas vraiment de pénuries à l’Est, mais le niveau de bien-être matériel offert aux masses, comparé à celui dont bénéficiaient en moyenne celles de l’Ouest, présentait un différentiel qui a mécontenté la masse ouvrière soviétique au moins autant que la quasi absence de libertés individuelles.

Les rapports sociaux caractéristiques de la domination bourgeoise d’après la révolution industrielle selon Marx, ne permettent pas d’expliquer de façon satisfaisante, à mon sens, ni le rythme ni le contenu de la révolution industrielle encore moins la manière dont se poursuivent ces changements technologiques. Le modèle de reproduction élargie de l’accumulation en deux sections dont une productrice de biens d’équipement ne nous renseigne guère sur la dynamique technologique.

L’élévation de la composition organique du capital ne dit rien sur ce que sont les machines et le capital constant – et ce qu’elles sont, ou sur ce que sont certains de leurs éléments qui jouent ou non un rôle crucial, de même rien sur les qualifications variées des travailleurs et leur organisation selon des modalités différentes de celles employées pour les travailleurs manuels. Certes la plupart des adeptes de cette vision scientificisée s’efforcent de concocter ce qui manque et cela permet à leurs yeux de rendre compatible la poursuite des changements technologiques et la théorie de Marx. Mais leurs résultats n’ont pas convaincu grand monde en dehors du cercle étroit de leurs fidèles.

En France l’école de la régulation, inspirée de marxisme et de keynésianisme, donne sa version de l’explication des crises avec une théorie des formes institutionnelles qui elle aussi n’a que faire de se pencher sur la manière dont sont produites et changent les technologies. En 1986, dans la synthèse qu’il dresse de dix ans de travaux collectifs, Robert Boyer[11], que François Chesnais et moi-même avons fréquenté et apprécié, écrit que c’est peut-être une voie parallèle que de s’en préoccuper. Sur les cent-trente pages de son ouvrage en forme de bilan, dix lignes évoquent parmi des projets qu’il dit similaires à la théorie de la régulation ceux « des spécialistes du changement technique qui sont à la recherche d’un modèle évolutionniste (R.R. Nelson, S.G. Winter) permettant de cerner simultanément changement technique et mutation dans les formes institutionnelles (G. Dosi, L. Orsenigo, G. Silverberg) ». Pour que certains contributeurs de la théorie de la régulation commencent à traiter de ces questions technologiques, il a fallu attendre le colloque de Barcelone en 1988. Là sera organisée une session intitulée « Les enjeux sociaux de la technologie » – à la quelle ma contribution[12] a été diversement appréciée (mais publiée par la revue Tiers-Monde en 1989).

De fait ce qu’on appelle le « capitalisme » ne s’est pas encore effondré. C’était pourtant ce que prédisaient de nombreux marxistes au début des années 1970. Mais, cinquante ans plus tard, le capitalisme parait n’avoir jamais été aussi puissant. La crise de 2008 a réveillé l’espoir mais il a été déçu jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, certains pensent que le capitalisme va très mal – et François Chesnais était de ceux-là – et qu’une reprise technologique serait cette fois peu assurée – François Chesnais était plus que dubitatif – et d’autres sont certains qu’une nouvelle crise plus importante est inévitable et va amplifier le déclin du capitalisme le rapprochant de son écroulement.

C’est bien possible. Personnellement je veux bien y croire car je suis fondamentalement opposé à la logique capitaliste. Mais il me semble que l’issue dramatique qui menace une grande partie de l’humanité pour les années 2070 c’est plus l’in-habitabilité de la Terre. Certes pour des raisons d’évolution des conditions écologiques dont est évidemment responsable l’évolution du capitalisme concret et l’oligarchie qui l’a pilotée, et qui la pilote encore à son profit. J’y reviendrai avec ce que j’en ai lu de François. Mais tout d’abord rappelons que si le capitalisme ne s’est pas effondré c’est en bonne partie en raison de son moteur technologique ce sur quoi François Chesnais m’était apparu tout à fait d’accord.

B) Les courants de pensée économique se saisissant de la question de la technologie

François Chesnais a fréquenté et travaillé avec les trois principaux leaders qui ont fait avancer la réflexion économique sur la question de la technologie. Il s’agit des regrettés Christopher Freeman, et Nathan Rosenberg – qui ont été au moins proches du marxisme à une certaine époque- ainsi que de Richard Nelson[13].

(i) Christopher Freeman

Christopher Freeman est un britannique (disparu en 2010 à l’âge de 88 ans) qui a consacré à temps plein sa vie d’économiste aux questions de la technologie à partir de la création en 1966 du Science Policy Research Unit de l’université du Sussex dont il a été le premier directeur fondateur. Il constitue une équipe avec laquelle il explore la création de nouvelles technologies dans tous les secteurs et dans de nombreux pays. Il accueille des doctorants de divers pays d’Europe (en particulier d’Italie) et d’Amérique Latine. Il publie seul et en collaboration, de nombreux articles, rapports, ouvrages.

Avec Giovanni Dosi, venu d’Italie, sera forgé le concept de paradigme technologique (1982) et l’hypothèse qu’est survenue dans l’industrie une innovation radicale avec l’invention des semi-conducteurs qui a provoqué une sorte de révolution diffusant peu à peu dans tous les secteurs d’activité[14]. Avec Carlotta Perez[15], venue du Venezuela (et qui fut un temps son épouse), il s’attache à développer l’idée des cycles longs héritée de Kondratiev[16] et interprétés par Schumpeter[17]. Le SPRU est visité également par Luc Soete qui fondera ensuite un centre un peu similaire à Maastricht.

De retour d’un séjour au Japon, Christopher Freeman se persuade qu’il faut concevoir que chaque pays organise de fait son système d’innovation et publie en 1987 un ouvrage en ce sens[18]. En 1988, avec Richard Nelson, Gerald Silberberg et Luc Soete, Freeman publie une somme collective sur l’introduction du changement technique dans la théorie économique et commande un chapitre à François Chesnais qu’il a fréquenté à l’OCDE[19]. Un autre familier du SPRU, Bengt-Åke Lunvall, un Suédois implanté à l’université de Aalborg au Danemark, s’empare du concept de système national d’innovation et sort en 1992 un ouvrage collectif auquel sera associé François Chesnais qui là encore publie un chapitre[20].

Parmi de nombreux chercheurs du monde entier qui ont été accueillis ou/et formés au SPRU et qui sont devenus des contributeurs notoires aux travaux sur le fonctionnement et le rôle de la technologie il faut nommer Helena Lastres et José Cassiolato. En raison de l’importance internationale de leurs contributions et aussi parce qu’ils y ont associé François Chesnais jusqu’à sa disparition.

Ces deux Brésiliens ont établi en 1997, dans leur université fédérale de Rio de Janeiro, à l’Institut d’économie industrielle, un réseau interdisciplinaire de recherche, inspiré en particulier du concept de système d’innovation. Il s’intitule Redesist, ce qui signifie « Réseau de Recherche sur les arrangements locaux d’innovation et de production » Ce réseau a fêté ses 20 ans d’existence en 2017[21] et poursuit sa dynamique. Il s’est développé avec des groupes participant répartis dans 27 universités de tout le Brésil et des groupes dans la plupart des pays d’Amérique Latine et des accords avec des groupes et des chercheurs individuels dans le monde, dont François Chesnais et moi-même. Ce réseau a organisé un grand nombre de colloques internationaux, et a réalisé un grand nombre de rapports pour soutenir des politiques de développement. Il a publié un très grand nombre d’études, d’analyses théoriques d’articles dans des revues scientifiques, coordonnant des ouvrages en portugais et en anglais.

En 2003 ils ont accueilli le premier colloque international d’un réseau plus vaste encore dont ils ont été les animateurs en assurant son secrétariat pendant de longues années. Il s’agit de GLOBELICS. Un réseau mondial (GLOBE) sur les systèmes d’apprentissage, d’innovation et de formation des capacités (Learning, Innovation, Competence Building) co-fondé par Bengt-Åke Lundvall et Luc Soete, préalablement cités[22]. Ces thèmes ont été considérés comme au cœur des questions du développement économique et le réseau a organisé des colloques mondiaux dans tous les continents et continue à le faire. Leur 20ème colloque aura lieu en octobre 2023 à Kérala en Inde[23] sur la transformation des économies du Sud global liée à des innovations entraînées par l’essor des connaissances.

José Cassiolato et Helena Lastres se sont assurés la collaboration de François Chesnais qu’ils ont fait intervenir très souvent dans des colloques et journées qu’ils ont organisés depuis 1997 et l’ont fréquemment publié et encore au cours de ces dernières années[24]. Ils lui ont permis également, en l’invitant régulièrement au Brésil d’y continuer ainsi ses relations de travail et de militance. Enfin, et ceci n’est pas le moins de leurs soutiens aux travaux de recherche de François Chesnais, ils ont organisé un hommage à son intention pour ses 80 ans, ce qui s’est concrétisé sous la forme d’un ouvrage collectif publié en 2014. Ils y ont accueilli un texte de Catherine Sauviat sa compagne et complice de nombreux travaux. Elle y présente (en anglais) ce qu’elle connait du parcours intellectuel de François Chesnais[25]. Les différents chapitres (en portugais) de l’ouvrage d’hommage présentent chacun un aspect de l’apport de la pensée de François au Brésil et aux chercheurs Brésiliens sur les questions du développement et de la mondialisation.

(ii) Nathan Rosenberg

Nathan Rosenberg (disparu en 2015 dans sa quatre-vingt-huitième année) était américain. Professeur d’histoire économique (à Stanford à partir de 1974), il s’est intéressé à comprendre comment la technologie s’est développée et a forgé le monde occidental. Un premier ouvrage[26]publié en 1976 qui met cette question en perspective a été très remarqué, tandis qu’un second[27] sorti en 1982 porte un titre provocateur. « Inside the black box ».

Pour la plupart des économistes de toutes obédiences, il y a des lois du système économique, mais celles-ci n’expliquent pas par le menu la production de puissance, la production de ce changement ou de ce progrès technique qui booste la machine. Personne (ou presque) ne se risque à soulever le capot, la machine est une boîte noire. Il sera invité en 1991, lors du grand colloque organisé pour les 25 ans du SPRU, à prononcer le discours inaugural[28]. Un colloque qui a réuni tous ceux qui avaient rejoint ce champ de travail depuis plus ou moins longtemps, comme François Chesnais qui appréciait beaucoup l’approche historique de Nathan Rosenberg. Je m’y trouvais aussi bien sûr.

(iii) Richard Nelson

Richard Nelson (né en 1930 – 93 ans), après s’être intéressé à l’économie de la recherche scientifique de base avec un article remarqué[29] en 1959, a voulu comprendre plus complétement le processus d’innovation, c’est-à-dire au sens de Rosenberg, soulever le capot.

Dès 1962 ses recherches se sont orientées dans cette direction[30]. Il publie en 1977 dans la revue du SPRU, avec son collègue Sidney Winter, un article[31] sur la manière de chercher une théorie pertinente de l’innovation. Dans la foulée ils publient en 1982 un ouvrage qui fera date en fondant les bases de ce qui sera dit une théorie économique évolutionnaire[32].

Il s’est emparé lui aussi du concept de système national d’innovation et publie en 1993 un ouvrage avec une mise en regard des systèmes de différents pays. Il a confié à François Chesnais le chapitre sur le système français d’innovation[33]. L’introduction de l’ouvrage est co-signé par Nelson et Rosenberg. Rosenberg signe le chapitre sur le système d’innovation des Etats-Unis avec David Mowery qui a été son étudiant. Bengt-Åke Lunvall co-signe un autre chapitre.

C) La relation a-typique de François Chesnais avec Schumpeter

Ce que je viens de rappeler montre l’existence d’une communauté de chercheurs derrière lesquels planent l’ombre de Schumpeter. C’est une communauté scientifique au sein de laquelle François Chesnais occupe une place à l’importance reconnue. Au moins depuis les années quatre-vingt jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix. Si cette communauté continue de fonctionner sur ce champ, François Chesnais s’en est éloigné quelque peu après 1995.

Mais auparavant et après une quinzaine d’années intenses en débats, colloques, publications – j’aurai moi aussi le plaisir de publier François dans l’ouvrage collectif que j’ai sorti en 1992 chez l’éditeur clé qui avait accompagné cette communauté, Frances Pinter[34] – François réalise un maître ouvrage dans le cadre de la Direction de la Science de la Technologie et de l’Industrie où il était à la manœuvre.

C’est lui qui fut la cheville ouvrière du Programme Technologie/ Economie lancé en 1988 avec un programme approuvé par les Ministres des pays membres en 1991. Une revue a été lancée, mais surtout il en est sorti un ouvrage publié[35] en 1992. Comme rarement dans les publications de ce type par l’OCDE, juste avant la signature du secrétaire général de l’institution est indiqué « François Chesnais a assuré la coordination générale et l’établissement du texte définitif ».

François a pu y insister sur tous les thèmes qui lui paraissaient essentiels, les questions d’investissement et de formation des compétences humaines, la complétion du marché mondial et les firmes multinationales, l’oligopolisation et les réseaux d’alliances entre firmes géantes, la compétitivité structurelle, les questions d’industrialisation tardive et les problèmes de l’environnement.

Mais il faut noter que dans la longue bibliographie de cet ouvrage ne figurent ni Marx ni le Schumpeter de 1911, de la théorie de l’évolution économique[36] ou celui sur les cycles[37] de 1939. Pourtant se trouve référencé le livre qui fera la renommée publique de Schumpeter et publié en 1942 sous le titre de « Capitalisme Socialisme et Démocratie[38]».

Schumpeter lui-même soulignait qu’il était un des rares économistes avec Marx et les marxistes à s’intéresser aux crises, à l’investissement ou l’accumulation du capital et aux grandes firmes et aux oligopoles. Mais si pour Marx le capitaliste bourgeois était l’homme aux écus qui précipitait la survenue des crises économiques, pour Schumpeter c’était l’entrepreneur qui se saisissait et provoquait des innovations et sortait l’économie des situations de crises.

Bien des marxistes et même des Keynésiens régulationnistes orthodoxes ou dissidents négligent Schumpeter. C’est par exemple le cas de notre ami Bernard Billaudot qui a cherché à repenser l’économie et à décrire l’ordre économique moderne[39]39. Il dit s’être plongé dans une relecture approfondie de tout ce qui comptait à ses yeux parmi des économistes, des historiens, des philosophes, des sociologues des politistes dont il mentionne une liste très longue. Schumpeter ne semble pas présenter d’intérêt à ses yeux, car il ne le mentionne à aucun moment au cours de son texte long de 1000 pages.

François Chesnais, quant à lui, ne l’a pas négligé. Tout en regrettant encore récemment (en 2019)[40], « le désintérêt des économistes marxistes pour la technologie, marqué aujourd’hui par la quasi-absence de travaux économiques sur l’informatisation et l’automatisation ». Certes et c’est aussi ma position, il ne trouve aucune raison pour supposer que les cycles à la Kondratieff pourraient s’imposer de manière externe et déterministe au fonctionnement de nos économies[41]. Mais Schumpeter et Marx sont à peu près d’accord avec ce que soulignait François dans un article[42]de 1967 « la loi de développement des forces productives propre au système capitaliste est celle d’un développement potentiellement illimité de ces forces ».

Pour Schumpeter, le capitalisme est le lieu où souffle un ouragan permanent de destruction créatrice[43]. Si la contradiction marxiste est supposée mener à une destruction, elle est aussi supposée être bientôt définitive, et non pas créatrice. Pourtant Schumpeter rejoint Marx sur l’issue finale, le capitalisme finira par s’effondrer.

François Chesnais n’emploie guère Marx dans ses travaux sur la technologie au sein de cette communauté de recherche, mais il n’hésite pas pour autant à le faire à l’occasion pour rappeler qu’il y a selon lui au-delà des comportements des firmes et autres acteurs, les déterminants du processus historique du développement capitaliste.

Ainsi il écrit p. 498 in Dosi et al. (1988)[44] : “ tandis que les FMN sont manifestement des agents actifs dans le processus d’internationalisation et même des architectes de certains aspects de ce processus, et qu’elles doivent en conséquence être analysées pour elles-mêmes, elles sont cependant dépendantes d’un ensemble global de facteurs sur lesquels elles n’ont en fait peu ou pas de prise et qui tous ont leur source dans les mécanismes de base qui emmènent le processus historique du développement capitaliste. L’un de ces mécanismes est le développement (de manière contradictoire, antagonique et inégale) des forces de production, parmi lesquels la science et la technologie jouent un rôle qui devient de plus en plus central ».

Je suis obligé de remarquer que cela revient à dire que le déterminisme historique laisse attendre la fin du capitalisme et s’accompagne de quelques degrés de liberté qui permet de reporter cette fin. Et que François Chesnais en deçà du déterminisme historique s’intéressait à la manière dont les firmes, les entrepreneurs s’employaient à s’emparer de ce que lui, considérait, de facto, comme de simples degrés de liberté. Mais il s’intéressait aussi au degré de liberté (?) des Etats. Bref la technologie en elle-même ne suffit pas pour sortir de crise (sauver le capitalisme ?), retrouver un cycle ascendant, il faut des entrepreneurs et des institutions, des conditions socioéconomiques.

C’était Ergas qui avait souligné, en amont de l’idée de système national d’innovation, l’importance des politiques technologiques[45]. On pourrait dire qu’à certains égards François Chesnais était proche d’une sorte de keynésianisme technologiste. Quand il se demande dans un texte publié en 2016 pour ses amis Brésiliens, si le capitalisme va à nouveau s’en sortir par la technologie, il pense que le hic se trouve dans le fait que les tendances actuelles laissent prévoir que le chômage devrait se développer massivement[46]. Comme il l’y rappelle, des études documentées l’avaient affirmé déjà en 2013. Mais dix ans plus tard, en 2023, le fait est, qu’en Europe et aux Etats-Unis, il n’est pas plus important qu’en 2008, il est même plus bas aux Etats-Unis, en revanche la « qualité » et le « niveau de rémunération » des emplois semblent s’être dégradés. L’armée de réserve tarde à se constituer. Pourtant au vu de l’évolution tendancielle de l’accumulation et des taux de profits, François Chesnais, en 2022, écrivait que le capitalisme mondial était dans l’impasse[47].

II. Adieu à l’industrie ?

A) La financialisation

A partir du milieu des années 1990, François Chesnais a été happé par les questions de la financiarisation mondialisée du Capital. Mes relations avec lui se sont espacées. Bien sûr il a cependant, en 2002, soutenu le réseau de chercheurs que j’ai lancé depuis la CEPAL à Santiago du Chili : PEKEA (Political and Ethical Knowledge in Economic Activities) pour construire une approche politique et éthique des activités économiques. Un réseau mondial qui a regroupé jusque 1 000 chercheurs et militants pour moitié économistes et d’autres sciences sociales, dans une cinquantaine de pays. Il l’approuvait lui qui considérait qu’il n’y avait pas de raison que l’économie ne soit pas une science sociale comme une autre.

Il a quitté en quelque sorte le champ où nous travaillions ensemble, tout en m’informant qu’il y reviendrait. C’est le sens de la dédicace qu’il m’a écrite– comme il m’a donné et dédicacé La technologie et l’économie et bien d’autres de ses ouvrages- sur l’exemplaire qu’il m’a confié de son ouvrage collectif de 1996 La mondialisation financière- Genèse, coût et enjeux. On peut y lire ce qui suit[48] : « nous sortons de l’économie industrielle pour mieux pouvoir y revenir après avoir un peu mieux compris l’environnement financier des firmes et l’identité des forces et des acteurs qui pèsent même sur les groupes les plus puissants ».

A vrai dire il en est resté apparemment assez loin même s’il a lui-même affirmé dans un entretien révélé récemment mais donné à Contretemps en 2014[49] :

« dans mes travaux récents j’essaie de corriger l’impression que certains ont pu avoir que, comme Aglietta, je donnais la primauté à la finance. Je suis vraiment revenu à l’internationalisation de la production et à la configuration des groupes industriels actuels, donc aux chaînes de valeur. »

C’est effectivement ce qu’il a fait dans son dernier grand ouvrage[50], en anglais, publié un peu après, en 2016. Il y montre bien que les banques ne dominent pas les grands groupes industriels, lesquels en revanche, interviennent sur les marchés financiers et restent les acteurs dynamiques de la mise en compétition planétaire acharné des salariés et des nations du monde. Certes l’imbrication des unes et des autres est bien réelle.

Mais tout n’est pas là pour comprendre la crise, cette crise de 2007-2008. Il ne faut pas en rester selon lui à des analyses maniant les variables usuelles du raisonnement. Cette crise dont on n’est pas encore sorti, pourrait être finale parce que le capitalisme aurait touché des limites infranchissables. C’est ce qu’il soutient dans la conclusion de l’ouvrage de 2016 que je viens de citer.

B)  Le capitalocène

Dans l’ouvrage qu’il avait publié en 1992 pour l’OCDE, François Chesnais avait consacré un chapitre entier aux questions environnementales qui y sont prises très au sérieux. Toutefois, François Chesnais, et moi-même, n’avons pris conscience que plus tardivement de la rupture quasi paradigmatique que signifiaient les alertes données de manière toujours plus forte depuis 1972 (Rapport Meadows et Sommet des Nations Unies à Stockholm) et les observations scientifiques de plus en plus alarmantes. Pour moi cette prise de conscience était quasi explicite lors du colloque PEKEA de Bangkok en 2004. Je ne sais quand exactement cela fut le cas pour François mais il écrivait déjà en 2008 que la crise climatique allait se combiner avec la crise du capital[51]. Et c’est dans cette suite qu’il en est arrivé, apparemment à partir de 2010 – à adopter et intégrer dans ses analyses le concept d’Anthropocène – signifiant que l’espèce humaine est responsable de l’entrée dans une nouvelle ère géologique.

Quand il écrit en février 2012 un texte fondé sur son intervention pour le colloque de 2011 organisé au Brésil par l’équipe de José Cassiolato, il indique[52] qu’il ajoute une section à ce qu’il avait présenté lors du colloque pour expliquer que la combinaison de la crise climatique à la crise économique, financière et sociale exige une « rupture copernicienne ». Il situe l’origine de la situation dans la rupture épistémique provoquée par l’essor du capitalisme aux XVIe et XVIIe siècle– essor dans lequel Marx aurait déjà perçu que pourrait surgir la menace présente aujourd’hui. Il adopte la qualification de l’entrée dans l’Anthropocène comment faisant suite à l’Holocène pour caractériser ce qui est la situation présente.

Pour en sortir il est nécessaire selon François Chesnais d’entreprendre une nouvelle rupture épistémique et des mutations institutionnelles et organisationnelles radicales. Il adoptera quelques années plus tard le concept de Capitalocène[53] proposé par Jason Moore et c’est une version renouvelée[54] du texte de 2012 (que je viens de citer) qu’il donne à nos amis Brésiliens. Dans cet ouvrage qui s’interroge sur le futur du développement, il donne comme titre à son chapitre une affirmation qui peut me servir pour m’essayer à quelques mots de conclusion sur cet hommage à François Chesnais à travers la relation de mon compagnonnage intellectuel avec lui. Après avoir étudié toutes ces années les changements en cours dans l’industrie voilà, écrit-il, qu’arrive le temps de « l’entrée dans une période historique totalement nouvelle ».

Si un véritable retour à l’industrie lui – nous – a été presque impossible, c’est en raison « du changement climatique et de l’épuisement de ressources naturelles vitales [qui, comme l’affirme Ernest Mandel[55] font que] « la lutte pour une issue socialiste prend l’importance d’une lutte pour la survie même de la civilisation humaine et de la race humaine ».

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Marc Humbert est professeur émérite d’économie politique, Université de Rennes.

Notes

[1] Nathan Rosenberg and L.E. Birdzell (1986) How the West grew rich, Nexw York, Basic Books, traduction française Nathan Rosenberg and L.E. Birdzell (1988) Comment l’Occident s’est enrichi, Paris, Fayard. Les auteurs montrent comment, selon eux, au cours de l’histoire, en Occident, le capitalisme économique a remplacé les pouvoirs politiques et religieux pour piloter le devenir des sociétés.

[2] Ronald Coase (1937) “The Nature of the Firm”, Economica, New series, vol. 4, N°16, p. 386-405. Oliver Williamson (1975) Market and Hierarchies: Analysis and Antitrust Implications : A Study in the Economics of Internal Organization, New York, The Free Press.

[3] John Maynard Keynes (1936) The General Theory of Employment, Interest and Money London, Macmillan.

[4] Le texte du discours à la nation de Harry Truman est disponible en ligne (dernière visite le 21 novembre 2020) ; https://www.presidency.ucsb.edu/documents/inaugural-address-4 .

[5] A la suite d’un article publié en 1959 : Walt Whitman Rostow (1959) “The stages of Economic Growth” The Economic History Review, Vol 12, n°1, p. 1-16. Il en sortira un ouvrage au sous-titre explicite et qui deviendra un best-seller mondial : Walt Whitman Rostow (1960) The stages of economic growth, a non-communist manifesto, Cambridge, Cambridge University Press.

[6] Voir p.vi, in U Thant (1962) The United Nations Development Decade – Proposals for action, Report of the Secretary General, New York, United Nations. Department of Economic and Social Affairs.

[7] Robert Solow (1956), “A contribution to the Theory of Economic Growth”, The Quarterly Journal of Economics, Vol 70, n°1, February, p. 65-94.

[8] Edward F. Denison (1962) The Sources of Economic Growth in the United States and the Alternatives before Us, New York, Committee for Economic Development.

[9] Jean-Jacques Carré, Paul Dubois, Edmond Malinvaud (1972) La Croissance française : un essai d’analyse économique causale de l’après-guerre, Paris, Le Seuil.

[10] Edward F. Denison (1967) Why Growth Rates Differ, Wahsington D.C., Brookings.

[11] Robert Boyer (1986) La théorie de la régulation- une analyse critique, Paris, La Découverte.

[12] Marc Humbert (1989) « Les régulations sociales face au système industriel mondial », Revue Tiers-Monde, T. XXX, n° 120, octobre-décembre, p. 823-846. Version réduite et révisée de la Communication au colloque La théorie de la régulation : bilan et perspective, session Enjeux sociaux de la technologie, Barcelone, 16-18 juin 1988, 30 pages.

[13] Ce qui suit n’est pas une présentation de la pensée de, et de tout ce qu’ont fait, ces trois contributeurs à la formation de ce courant économique hétérodoxe. Je n’en dis que le minimum pour les « situer » pour ceux qui ignorent ce courant et par ailleurs pour rappeler ce qui, à ma connaissance, témoigne de l’interaction de François Chesnais avec eux et faisant de lui un contributeur essentiel de ce courant.

[14] Christopher Freeman (1982) The Economics of Industrial Innovation, London, Pinter. Giovanni Dosi (1982) “Technological paradigms and technological trajectories. A suggested interpretation of the determinants and directions of technical change”, Research Policy, Vol 11; Issue 3, June, p. 147-162.

[15] Carlota Perez (1983)  » Structural change and the assimilation of new technologies in the economic and social system « , Futures, vol. 15, no. 5, pp. 357-375 et Carlota Perez (1985)  » Micro-electronics, Long Waves and World Structural Change « , World Development, vol. 13, no. 3, pp. 441-463.

[16] Nikolaï Kondratiev a conçu cette idée par ses observations statistiques au début des années 1920, son article en russe de 1925 a été partiellement traduit en 1926 en allemand dans Archiv fur Sozialwissenschaft und Sozialpolitik ce qui l’a fait connaître et permettra sa publication complète en anglais : Nikolaï Kondratiev (1935) « The Long Wave in Economic Life », Review of Economics and Statistics, n°17, p. 105-115.

[17] Joseph Schumpeter (1939) Business Cycles : A Theoretical, Historical, and Statistical Analysis of the Capitalist Process, New York and London, McGraw-Hill.

[18] Christopher Freeman (1987) Technology Policy and economic Performance: Lessons from Japan, London, Pinter.

[19] Giovanni Dosi, Christopher Freeman, Richard Nelson, Gerald Silverberg and Luc Soete (1988) Technical Change and Economic Theory, London, Pinter. François Chesnais y a écrit le chapitre 23 : “Multinational entreprises and the international diffusion of technology » p. 496-527.

[20] Bengt-Åke Lunvall (1992) National Systems of Innovation – Towards a Theory of Innovation and Interactive Learning, London, Pinter. François Chesnais y a écrit le chapitre 13 “National Systems of Innovation, Foreign Direct Investment and the Operations of Multinational Enterprises” p. 265- 295.

[21] Marcelo de Matos, José Cassiolato, Helena Lastres, Cristina Lemos, Marina Szapiro (org.) (2017) Arranjos Produtivos Locais, Referencial, experiências e politícas em 20 anos de Redesist (Arrangements productifs locaux, Référentiel, expériences et politiques en 20 années de Redesist), Rio de Janeiro, E-papers.

[22] Freeman a été un acteur important de ce réseau mondial et Nelson (voir ci-après) l’est encore.

[23] Voir https://www.conftool.org/globelics2023/register.php

[24] Voir par exemple : Helena Lastres, José Cassiolato, Gabriela Laplane et Fernando Sarti (Org.) (2016) O Fururo do Desenvolvimento – Ensaios em homenagem a Luciano Coutinho (Le futur du développement- Essais en hommage à Luciano Coutinho, professeur d’économie politique, directeur de la Banque nationale de développement du Brésil), Campinas, UJNICAMP. Francois Chesnais y a écrit (p. 38 – 57) le chapitre intitulé “ The entry in a totally new historical period ».

Ou encore : José Cassiolato, Maria Gabriela Podcameni, Maria Clara Soares (org.) (2015) Sustentabilidade sociambiental em um contexto de crise (soutenabilité socio envrionnementale dans un contexte de crise), Rio de Janeiro, Epapers. François Chesnais y a écrit p. 39 – 63 « Uma interpretação sobre a situação econômica mundial seguida por consideracções sobre a crise ambiental (Une interprétation de la situation économique mondiale suivie de considérations sur la crise environnementale »).

[25] José Eduardo Cassiolato, Marcelo Pessoa de Matos, Helena M. M. Lastres (2014) Desenvolvimento e mundialização O Brasil e o pensamento de François Chesnais (Développement et mondialisation, Le Brésil et la pensée de François Chesnais, Rio, E-Papers. Catherine Sauviat y a écrit p. 29-36 “ Some notes on what I know about François’s intellectual trajectory”.

[26] Nathan Rosenberg (1976) Perspectives on Technology, Cambridge, Cambridge University Press.

[27] Nathan Rosenberg (1982) Inside the Black Box :Technology and Economy, Cambridge, Cambridge University Press.

[28] Nathan Rosenberg (1991) “Critical Issues in Science Policy Research” [Opening Address to the SPRU 25th Anniversary Conference], Science and Public Policy, Vol 18, n°6, p. 335-346.

[29] Richard Nelson (1959) “The simple economics of basic scientific research”, Journal of Political Economy, n°67, p. 297–306.

[30] Richard Nelson (ed.) (1962) The Rate and Direction of Inventive Activity: Economic and Social Factors, NBER Special Conference Series, Princeton, Princeton University Press.

[31] Richard Nelson et Sidney G. Winter (1977), “In search of a useful theory of innovation”, Research Policy vol.6, n°1, p.36–76.

[32] Richard Nelson and Sidney G. Winter (1982) An Evolutionary Theory of Economic Change, Cambridge, Harvard University Press.

[33] Richard Nelson (ed) (1993) National Innovation Systems- A Comparative Analysis, Oxford, Oxford University Press. François Chesnais y a écrit “The French National System of Innovation”, p. 192-229.

[34] Marc Humbert (ed.) (1993) The Impact of Globalisation on Europe’s Firms and Industries, London, Pinter, François Chesnais y a écrit “Globalization, world oligopoly and some of their implication”, p. 12- 21.

[35] François Chesnais (coord.) (1992) La technologie et l’économie – les relations déterminantes, Paris, OCDE. Il avait aussi poussé à la création en 1986 d’une revue STI Science Technologie et Industrie publiée en français et en anglais (elle a disparu en tant que revue en 1994) voir François Chesnais (1986) « Science Technologie et Compétitivité » Revue STI n° 1, Automne.

[36] Schumpeter a écrit en 1911 Theorie der wirtschaftlichen Entwicklung, eine Untersuchung über Unternehmergewinn, Kapital, Kredit, Zins und den Konjunkturzyklus.( Théorie de l’évolution économique. Recherche sur le profit, le crédit, l’intérêt et les cycles) publié à Berlin en 1912 par Duncker et Humblot.

[37] Ouvrage déjà cité (Joseph Schumpeter,1939, op.cit.). Il n’y a pas un mot sur les cycles longs et sur les soixante-quatre que compte l’ouvrage il n’y a pas un seul encadré sur le sujet malgré le succès de cette référence parmi les économistes du courant néo-technologique et néo-schumpétérien, surtout après la publication de Christopher Freeman (1984) Long Waves in the World Economy, London, Pinter, ouvrage qui lui figure cependant en bibliographie.

[38] Joseph Schumpeter (1942) Capitalism Socialism and Democracy, New York, Harpers and Brothers.

[39] Bernard Billaudot (2022) Économie – Passé, présent, avenir, Paris, Classiques Garnier. Schumpeter ne figure pas dans l’index des Auteurs. Voir mon commentaire de son ouvrage : Marc Humbert (2023) « Etudier l’ordre économique moderne avec Bernard Billaudot » L’Economie Politique, n° 98, Mai, p. 104-112.

[40] Dans François Chesnais (2019) « Capitalisme, théorie des ondes longues et technologie contemporaine », Contretemps, Décembre, Il a noté que les ondes longues à la Kondratiev avaient été cependant en premier reprises par des marxistes comme Mandel l’avait revendiqué dans un ouvrage publié en 1980 (Ernst Mandel (1980) Long Waves of Capitalist Development, A Marxist Interpretation, Cambridge, Cambridge University Press) mais que seuls les néo-schumpétériens en ont fait usage.

[41] François Chesnais (1982) “Schumpeterian recovery and the Schumpeterian Perspective – Some Unsettled Issues and Alternative Interpretation” in Herbert Giersch (Ed.), Emerging Technologies: Consequences for Economic Growth, Structural Change and Employment, Tübingen J.C.B. Mohr.

[42] François Chesnais (1967) « La contradiction entre les forces productives et les rapports sociaux de production et ses traits spécifiques dans le cadre du système capitaliste », La Vérité, p 12- 22. La citation tirée de la page 17.

[43] Schumpeter introduit ce concept « d’ouragan de destruction créatrice » dans l’édition de 1950 de Capitalisme Socialisme et Démocratie.

[44] Je traduis ici ce passage qui a été écrit en anglais et où les italiques sont de l’auteur: « while MNEs are obviously active agents in the process of internationalization and even architects of some aspects of the process, and must consequently be analysed in their own right, they are, nonetheless, responding to an overall set of factors over which they have in fact little or no control and which all stem from the basic mechanisms driving the historical process of capitalist development. One of these mechanisms is the development (in a contradictory, antagonixtice and unequal manner) of the forces of production, among which science and technology play an increasingly quite central role”.

[45] Voir par exemple Henri Ergas (1984) “ Why Do Some Countries Innovate More Than Others” CEPS Paper, n°5, Centre for European Policies Studies, Bruxelles. Et encore: Henri Ergas (1987) “Does Technology Policy Matter” in B.R. Guile and H. Brooks eds, Technology and Global Industry, Washington National Academy Press.

[46] Entraînant une insuffisance de la demande ou dit autrement une crise de réalisation, voir p. 45 in Francois Chesnais (2016) “The entry in a totally new historical period » in Helena Lastres et al., op. cit..

[47] François Chesnais (2022) « De la stagnation à la régression ? Le capitalisme mondial dans l’impasse », Contretemps, Janvier.

[48] Note manuscrite à mon intention et de la part du collectif par François Chesnais sur l’exemplaire qu’il m’a donné de François Chesnais (Coord.) (1996) La mondialisation financière- Genèse, coût et enjeux, Paris, Syros.

[49] Entretien publié en janvier 2023 par la Revue en ligne Contretemps qui le livre comme un inédit de François Chesnais (2023) « François Chesnais, théoricien de la mondialisation du capital et de la finance », janvier.

[50] François Chesnais (2016) Finance Capital Today. Corporations and Banks in the Lasting Global Slump, Leiden and Boston, Brill.

[51] François Chesnais (2008) « La crise climatique va se combiner avec la crise du capital » Inprecor n°541-542, septembre-octobre.

[52] Il donne cette indication p. 39 dans son texte qui a été publié (p. 39-63) en 2015 in José Cassiolato et al., (2015) Sustentabilidade etc., op.cit.

[53] Il cite un article de Jason Moore (2014) où le concept avait tout d’abord été avancé et l’ouvrage de 2015 : Jason Moore (2015) Capitalism in the Web of Life, Ecology and the Accumulation of Capital, London, Verso.

[54] Ce texte déjà cité se trouve dans Francois Chesnais “ The entry in a totally new historical period ». (p. 38 – 57) in Helena Lastres et al. (2016) O Futuro do Desenvolvimento etc., op.cit.

[55] Je cite François Chesnais dans Chesnais (2019, op.cit.) au moment où il reprend une partie d’une citation un peu plus longue de Mandel, très éclairante et qui est la suivante, tirée de l’introduction de Mandel à l’édition anglaise du livre III du Capital :« La barbarie, comme résultat possible de l’effondrement du système, est aujourd’hui une perspective beaucoup plus concrète et précise qu’elle ne l’était dans les années vingt et trente. Même les horreurs d’Auschwitz et d’Hiroshima apparaîtront légères par rapport aux horreurs avec lesquelles une dégradation continue du système confrontera l’humanité. Dans ces circonstances, la lutte pour une issue socialiste prend l’importance d’une lutte pour la survie même de la civilisation humaine et de la race humaine.» Mandel, Introduction au livre III du Capital, Penguin, Londres, 1981, pp. 87-89. Traduction de François Chesnais.

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