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Dans cet article, Ashley Smith propose une analyse critique du programme économique de Joe Biden qu’il qualifie de « keynésianisme impérialiste ». Si les mesures prises par Biden amélioreront sans doute la vie des classes populaires, sur le court terme et de manière somme toute relative, Smith montre qu’elles visent d’abord à redynamiser le capitalisme étasunien et à renforcer l’hégémonie impérialiste des États-Unis sur la scène mondiale.

C’est pourquoi, l’auteur appelle la gauche radicale étasunienne à une opposition franche au programme économique de Biden, ainsi qu’à la poursuite des luttes de masse, seules à même de tirer vers des réformes réellement progressistes.

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Dans son discours au Congrès, Joe Biden a fait la promotion de son plan de sauvetage étasunien et de ses plans « American Jobs » et « American Families ». Les médias capitalistes ont déclaré que c’était la fin de la Reaganomics (économie reaganienne) et un retour au libéralisme du New Deal de Franklin Delano Roosevelt.

Les libéraux de longue date et les convertis récents ont accueilli le programme de Biden avec une exaltation à couper le souffle. Joan Walsh a déclaré que Biden :

« a rassemblé le New Deal de F.D. Roosevelt et la Great Society de Lyndon B. Johnson, plus les bonnes idées d’Obama et certaines des meilleures idées du sénateur Bernie Sanders, dans un programme de justice raciale et économique imprégné par [sa ville de] Scranton. Cela va au-delà de tout ce qu’il avait promis en se présentant à la présidence »[1].

Même des secteurs de la gauche ont fait part de leur surprise et n’ont pu s’empêcher d’exprimer leur soutien à Biden. Faiz Shakir, directeur de campagne de Bernie Sanders, l’a félicité d’avoir « investi dans [l’avenir des] travailleurs à une échelle que nous n’avons pas vue depuis FDR »[2]. Si les socialistes doivent saluer nombre de ses réformes, nous ne devons pas devenir les supporters naïfs de cette administration.

Le tournant keynésien de Biden est une tentative de surmonter l’échec du néolibéralisme à restaurer la rentabilité et la compétitivité du capitalisme étatsunien après la Grande Récession. Les politiques néolibérales ont certes permis aux capitalistes d’accumuler des richesses fictives sur le marché boursier. Mais elles n’ont pas relancé l’économie réelle et elles ont sous-financé l’entretien des infrastructures, créant des crises dans des institutions clés essentielles à la reproduction sociale du système, comme l’éducation, les soins de santé et la garde d’enfants.

L’échec du néolibéralisme a sapé la capacité du capitalisme étatsunien à être compétitif au sein du système mondial et, par extension, à le dominer. C’est pourquoi le virage de Biden bénéficie d’un large soutien de la part des élites économiques et de l’establishment politique et c’est pourquoi il est illusoire de le présenter comme une concession à la gauche. Son keynésianisme impérialiste est conçu pour recoller les morceaux d’une nation profondément divisée, réhabiliter les fondements du capitalisme et réaffirmer l’hégémonie des États-Unis sur le système étatique mondial – en particulier contre la Chine, son rival impérial en pleine ascension.

 

Crises systémiques de l’impérialisme étasunien

Comme Biden l’a clairement indiqué dans son discours, Washington est confronté à un ensemble sans précédent de crises interconnectées. La plus importante d’entre elles – celle qui détermine les priorités de la classe dirigeante et des gestionnaires de l’État – est la faible rentabilité du capitalisme étasunien.

Leur tentative de rétablir le taux de profit après la Grande Récession a échoué. Bush, Obama et Trump ont renfloué les entreprises, réduit leurs impôts, maintenu les taux d’intérêt à zéro et imposé l’austérité aux travailleurs. Au lieu de résoudre les problèmes du système, ces mesures les ont aggravés. Plutôt que d’éliminer le capital non compétitif, ils l’ont maintenu en vie sous la forme de sociétés zombies[3], qui ont dû contracter des prêts uniquement pour payer les intérêts de leur dette. L’espace pour les investissements rentables étant bouché, même les entreprises en bonne santé ont hésité à dépenser de l’argent dans l’économie réelle et ont préféré acheter leurs propres actions, générant une énorme bulle boursière.

Le problème de la suraccumulation et de la faible rentabilité a été la cause sous-jacente de la grande récession et de la faible reprise de la dernière décennie. Le système mondial est enfermé dans ce que Michael Roberts appelle une « longue dépression »[4] et David McNally une « panne globale »[5] faite de récessions oscillantes et de faibles reprises dans un système en déclin. Ce marasme a accentué la crise impériale de Washington. À la suite de ses défaites en Irak et en Afghanistan ainsi que de la Grande Récession, l’État étasunien et ses entreprises ont subi un déclin relatif face au capitalisme chinois géré par l’État.

Pékin pilote désormais la deuxième plus grande économie du monde, compte plus d’entreprises dans le classement Fortune 500 que les États-Unis[6] et s’affirme de plus en plus sur le plan économique et géopolitique. Washington et ses commentateurs[7] considèrent désormais la Chine comme une puissance montante qui menace sa domination mondiale. Cette nouvelle rivalité impériale a bloqué toute solution de la troisième grande crise, celle du changement climatique. Sous la pression systémique visant à garantir la croissance et la rentabilité, les États capitalistes – en particulier les États-Unis et la Chine[8] – refusent d’adopter les réformes environnementales dont ils ont désespérément besoin et qui réduisent leurs bénéfices, tandis que le réchauffement climatique accru déstabilise les sociétés du monde entier, poussant les gens à quitter leur pays pour devenir des réfugiés climatiques.

 

Les maladies du déclin impérial

Aux États-Unis, ces trois grandes crises ont aggravé les déjà dramatiques divisions sociales et de classe provoquées par quatre décennies de néolibéralisme. La guerre incessante et unilatérale des patrons contre les travailleurs et les groupes opprimés, en particulier les Noirs, a créé des inégalités jamais vues depuis l’époque des barons voleurs[9].

Ces inégalités ont déclenché une polarisation politique extrême. Une nouvelle gauche socialiste a émergé d’une vague de luttes, depuis Occupy Wall Street jusqu’à la révolte des enseignants des États rouges, en passant par #MeToo et le soulèvement pour les vies noires (Black Lives Matter). Ces mouvements ont trouvé une expression électorale à l’intérieur du Parti démocrate, à travers les campagnes de politiciens et politiciennes comme Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez.

À l’autre bout de l’échiquier politique, Trump a galvanisé une nouvelle droite nationaliste blanche, enracinée dans la petite bourgeoisie enragée, inquiète pour ses entreprises précaires, et dans les secteurs de la classe ouvrière frappés par la désindustrialisation, la misère économique et les maladies du désespoir qui l’accompagnent, comme la dépendance aux opiacés. Trump a balayé l’establishment républicain, battu Hillary Clinton et imposé une combinaison toxique de cadeaux aux entreprises étasuniennes, de politiques intérieures et internationales racistes, et une rupture nationaliste avec le projet de Washington de superviser le capitalisme mondial.

La pandémie – elle-même un dérivé du capitalisme mondial et du changement climatique – a intensifié tous ces problèmes. L’ensemble de l’establishment politique – non seulement Trump et les Républicains, mais aussi les Démocrates comme le gouverneur de New York Andrew Cuomo – n’a pas réussi à empêcher le Covid-19 de déferler sur les États-Unis, rendant malades des millions de personnes, en tuant des centaines de milliers, et plongeant une économie faible, déjà au bord de la récession, dans le plus profond déclin depuis des décennies.

Alors que la société étatsunienne commençait à s’effondrer, le meurtre raciste de George Floyd par la police a déclenché une rébellion multiraciale menée par les Noirs et réunissant quelque 26 millions de personnes, qui a paralysé les villes du pays et lancé des campagnes pour le démantèlement et l’abolition de la police. Les actions de grève des travailleurs essentiels, des infirmières aux enseignants en passant par les travailleurs de l’industrie de la viande et les ouvriers agricoles immigrés, ont encore ébranlé le système.

Pour couronner le tout, les sbires d’extrême droite de Trump ont mis en scène leur insurrection contre l’élection, prenant brièvement le contrôle du Capitole et menaçant la sécurité des principaux dirigeants de la classe politique. Aux yeux du monde entier, les États-Unis sont apparus comme un cas désespéré en proie à la crise.

 

À la recherche désespérée d’une nouvelle stratégie

Tous ces développements ont forcé la classe dirigeante étasunienne, la bureaucratie d’État de Washington et ses gestionnaires des institutions du capitalisme mondial à prendre conscience de la situation. Leur économie néolibérale et leur stratégie impériale ne fonctionnaient pas et ils étaient confrontés à une crise de légitimité nationale et internationale croissante. Ainsi, leurs think tanks et leurs instituts, et non ceux de la gauche, ont commencé à envisager de nouvelles stratégies pour relancer l’accumulation capitaliste et restaurer le pouvoir impérial étasunien.

Les capitalistes – de Warren Buffet à la Business Roundtable[10] en passant par la Chambre de commerce – ont fait savoir qu’ils étaient ouverts aux politiques économiques de redistribution pour apaiser le ressentiment. Les dirigeants d’entreprise ont pris conscience que le changement climatique constitue une menace pour leur système et pour les possibilités d’investissement. Même le Pentagone s’inquiète de ce que le réchauffement climatique remette en cause sa capacité à faire respecter les diktats de Washington. Les grands capitaux étatsuniens continuent à se sentir menacées par la montée en puissance de la Chine. Certaines industries à orientation plus nationale, comme l’acier, soutiennent le protectionnisme contre leurs concurrents en Chine. D’autres, comme les entreprises technologiques, se plaignent des conditions imposées par la Chine pour accéder à son énorme marché, de sa violation des droits de propriété intellectuelle et de son soutien aux champions nationaux de la technologie. Elles font pression sur l’État étasunien pour obliger la Chine à se conformer aux conditions néolibérales de l’OMC et à ouvrir son marché.

Toujours redevables au capital, la bureaucratie d’État et la classe politique de Washington se sont nettement retournées contre la Chine. Le Pentagone, le Département d’État et les deux partis politiques ont abandonné la vision de Pékin en tant que « partenaire stratégique » et le considèrent désormais comme un « rival stratégique » et une menace pour le soi-disant « ordre international libéral et fondé sur des règles » que les États-Unis supervisent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Toute une série d’économistes – comme les anciens économistes en chef de la Banque mondiale, Joseph Stieglitz et Paul Krugman, qui avaient passé des décennies à débattre des problèmes de l’ordre mondial néolibéral, de la montée de la Chine et de la nécessité d’une politique industrielle nationale – ont commencé à militer pour un retour au keynésianisme comme stratégie de croissance capitaliste. Ils ont été rejoints par le FMI et la Banque mondiale qui, au plus profond de la récession pandémique, ont appelé à des dépenses publiques massives. Cela a conduit le Financial Times à annoncer les « funérailles de l’austérité » et la renaissance de « l’activisme fiscal ».

La combinaison des quatre années de gestion incompétente de Trump, de la prise de contrôle du Parti républicain par l’extrême droite et de son insurrection contre l’élection, ainsi que du soulèvement Black Lives Matters a focalisé les esprits de l’establishment du Parti démocrate. Ils ont réalisé qu’ils ne pouvaient plus gouverner selon la vieille méthode néolibérale. Par une série d’articles de Joe Biden, Antony Blinken, Kurt Campbell et Hillary Clinton dans Foreign Affairs et d’autres organes de l’establishment impérial, l’éminence grise du Parti démocrate a concocté le keynésianisme impérialiste en tant que nouvelle stratégie. Au début de 2020, avant de devenir le conseiller à la sécurité nationale de Biden, Jake Sullivan a écrit un article intitulé « American Needs a New Economic Philosophy » dans lequel il affirme que :

« les États-Unis doivent dépasser l’idéologie économique dominante de ces dernières décennies (parfois imparfaitement appelée néolibéralisme) et repenser le fonctionnement de l’économie, les objectifs qu’elle doit servir et la manière dont elle doit être restructurée pour servir ces objectifs – il s’agit d’un impératif géopolitique aussi bien qu’économique »[11].

La nouvelle direction Biden a consulté les maîtres des grandes entreprises – qui avaient été complètement marginalisés par Trump – tout au long du processus et surtout lors de la rédaction de ses plans.

 

Le programme impérialiste keynésien de Biden

Biden se rend compte que Washington ne peut pas maintenir son hégémonie mondiale lorsqu’elle ressemble non pas à une exceptionnelle « ville étincelante sur une colline », mais à un « trou à rats » avec des infrastructures en ruine, de profondes inégalités, des divisions politiques insolubles et un État incapable de sauver la vie même de ses propres sujets. Les politiques de l’administration sont conçues pour relancer la compétitivité des États-Unis tout en prévenant une nouvelle agitation parmi les travailleurs et les opprimés.

La première initiative de Biden a été de déployer un plan rationnel pour vacciner les États-Unis. Bénéficiant de l’opération Warp Speed de Trump, la nouvelle administration disposait d’une grande quantité de vaccins pour vacciner la population, permettant aux gouvernements des États et aux collectivités locales d’ouvrir les écoles, de pousser les gens à travailler et à consommer comme d’habitude, et de stabiliser le capitalisme étasunien après son effondrement de 2020.

Bien sûr, le déploiement de vaccins de Biden était axé presque uniquement sur les États-Unis. Comme d’autres États capitalistes avancés, son administration a accumulé des vaccins, a initialement protégé les droits de propriété intellectuelle et les profits de Big Pharma, et a empêché les États du Sud de fabriquer leurs propres vaccins.

Il a fallu une pression massive de la part de militants de la santé, d’une alliance d’États du tiers monde et de divers instituts de santé mondiale pour obliger Biden à changer de position et à soutenir la suspension des droits de propriété intellectuelle. Mais comme l’a rapporté le Financial Times[12], il a adopté cette nouvelle position non pas principalement pour sauver des vies, mais pour améliorer la position géopolitique de Washington face à la Chine et à d’autres États qui ont été beaucoup plus généreux dans la distribution de vaccins vers les pays en voie de développement.

La deuxième partie du plan Biden était son Plan de sauvetage étasunien de 1 900 milliards de dollars. Suivant le précédent créé par la loi CARES de Trump – elle-même preuve de l’appétit préexistant de la classe dirigeante pour une intervention fiscale massive face à la crise économique – Biden a rompu avec la réponse d’Obama à la Grande Récession, lorsque ce dernier, selon les mots d’Occupy, a renfloué les banques et vendu les travailleurs.
Au lieu de cela, Biden a envoyé des chèques de 1 400 dollars à chaque citoyen, a étendu temporairement les crédits d’impôt pour les enfants, a augmenté l’assurance chômage et a déboursé 350 milliards de dollars pour renflouer les gouvernements des États et les municipalités afin de couvrir les déficits budgétaires. Ce soutien à la demande des consommateurs a stimulé l’économie étasunienne qui commençait déjà à se redresser. On s’attend maintenant à ce que la croissance atteigne 6,5 % cette année (même si c’est en comparaison de la contraction en 2020).

 

Rendre le capitalisme US apte à la concurrence (avec la Chine)

Biden a ensuite proposé le Programme étatsunien pour l’emploi, d’une valeur de 2 700 milliards de dollars en tant qu’alternative de l’establishment au Green New Deal, qu’il a rejeté. Il s’agit, selon les termes de l’administration, d’« un investissement qui créera des millions de bons emplois, reconstruira l’infrastructure de notre pays et positionnera les États-Unis pour être plus concurrentiels que la Chine ».

Il prévoit de consacrer 621 milliards de dollars à des investissements dans les infrastructures nationales – routes, ponts et systèmes de transport en commun. Il affecte 590 milliards de dollars au financement de la recherche et du développement dans le secteur manufacturier national, au soutien des États à l’industrie étasunienne et à la formation professionnelle. Ces mesures constituent la base d’une nouvelle politique industrielle visant à assurer la domination du capital des États-Unis dans le domaine de la technologie ainsi que l’indépendance du complexe militaro-industriel du Pentagone vis-à-vis des chaînes d’approvisionnement chinoises. Il propose de consacrer 328 milliards de dollars supplémentaires à la rénovation écologique des maisons, des écoles et des bâtiments publics. Enfin, il alloue 311 milliards de dollars à l’expansion du haut débit, à l’amélioration du réseau électrique et à l’approvisionnement en eau potable de villes comme Jackson, dans le Mississippi, et Flint, dans le Michigan. Bon nombre de ces mesures profiteront aux collectivités ouvrières, en particulier à celles des zones à prédominance noire.

Dans son discours au Congrès, Biden a annoncé une troisième initiative majeure : le Plan pour les familles étasuniennes, doté de 1 800 milliards de dollars. Selon son administration, ce plan investit « dans l’avenir de l’économie étasunienne et des travailleurs étasuniens, et aidera les États-Unis à être plus compétitifs que la Chine et d’autres pays dans le monde ». Il est conçu pour consolider l’infrastructure sociale des États-Unis, une société qui a été mise en pièces par le néolibéralisme. Il vise à garantir des services gratuits de garde d’enfants de moins de 5 ans (pre-K), la gratuité de deux années d’études supérieures dans les collèges communautaires, l’augmentation des aides pour les programmes de quatre ans d’études supérieures, l’augmentation des subventions aux bourses étudiantes appelées Pell Grants et l’augmentation du financement de la formation des enseignants.

Toutes ces mesures sont axées sur les disciplines scientifiques, technologiques, mathématiques et d’ingénierie, afin de fournir au capital étasunien les travailleurs dont il a besoin pour la bataille de la haute technologie avec la Chine. Ce plan promet également des congés familiaux payés, des dépenses de santé maternelle et des améliorations pour renforcer l’Obamacare au lieu d’adopter Medicare for All. Bien que d’importantes réformes soient présentées comme féministes, la motivation première de Biden en les proposant est de faire en sorte que les femmes, qui avaient quitté la main-d’œuvre rémunérée en nombre record pour s’occuper des enfants pendant la récession pandémique, reprennent leur travail de fabrication de produits, de prestation de services et de réalisation de profits pour le capital. Le dernier volet de ce plan prévoit un allégement fiscal pour les ouvriers. Il rend permanents les crédits d’impôt pour les parents qui s’occupent d’enfants handicapés, prolonge de cinq ans les crédits d’impôt temporaires pour enfants et accorde des crédits d’impôt aux salariés à bas salaire sans enfant.

Enfin, Biden a proposé le plan fiscal Made in America pour payer ce programme fiscal de 6 000 milliards de dollars. Il promet d’augmenter les impôts des plus riches pour les ramener à un niveau antérieur à Trump de 39,6 %, d’imposer davantage les plus-values des riches, de porter le taux d’imposition des sociétés à 38 %, de financer l’agence du gouvernement fédéral qui collecte l’impôt sur le revenu et les taxes diverses (Internal Revenue Service, IRS) pour s’en prendre aux riches fraudeurs fiscaux et aux sociétés fiscales qui placent leurs profits dans des paradis fiscaux internationaux, et offrir des incitatifs fiscaux aux investissements, à la production et aux profits aux États-Unis.

 

Insuffisances et limites des plans de Biden

Il ne fait aucun doute que le programme de Biden représente une rupture avec l’allégeance du Parti démocrate au consensus de Washington, qui se caractérise par la privatisation, la réduction de l’État-providence, la déréglementation et la mondialisation. Cependant, malgré le triomphalisme de la gauche libérale et la panique de la droite, le projet keynésien de Biden est tout à fait inadéquat pour redresser les profondes inégalités systémiques du capitalisme étasunien et pour stopper le changement climatique, encore moins pour l’inverser.

Alors que le plan de sauvetage étasunien a constitué un stimulus immédiat et sans précédent pour relancer la demande des consommateurs et soutenir les budgets des États et des collectivités locales, les 6 000 milliards de dollars pour les infrastructures, l’emploi et les dépenses sociales sont en réalité, comme l’a analysé Adam Tooze[13], largement insuffisants, surtout si l’on considère que la majeure partie de cette somme est étalée sur huit ans. L’augmentation des dépenses de l’État-providence proposée par Biden ne contribuera guère à atténuer les profondes inégalités sociales aux États-Unis. Comme l’affirme Susan Watkins, si ces plans sont adoptés, ils ne permettront même pas à l’État-providence étasunien d’atteindre le niveau actuel de ceux d’Europe, qui ont eux-mêmes été ravagés par les coupes néolibérales. Elle souligne :

« Le plan de sauvetage étasunien est en train de rattraper son retard. Les allocations de chômage étasuniennes sont désespérément basses par rapport aux normes de l’OCDE – moins d’un dixième de celles du Royaume-Uni. En proportion du PIB, les dépenses sociales en France et en Italie sont environ 50 % plus élevées qu’aux États-Unis. Les dépenses publiques pour les familles étasuniennes représentent à peine un quart des niveaux allemands, français et britanniques. »[14]

Les dépenses consacrées à la lutte contre le changement climatique sont dérisoires par rapport aux 10 000 milliards de dollars alloués dans le cadre du Green New Deal, elles ne correspondent pas à l’ampleur de la crise et ne contribueront guère à la résoudre. Comme l’affirme Brett Hartl, du Center for Biological Diversity :

« Le plan d’infrastructure de Biden, favorable à l’industrie, gaspille l’une de nos dernières et meilleures chances d’arrêter l’urgence climatique. Au lieu d’un plan Marshall qui permettrait à notre économie de se tourner vers les énergies renouvelables, il subventionne les techniques-gadget de capture du carbone, il illusionne sur le marché libre qui nous sauverait et ne prend pas de mesures cruciales et ambitieuses pour éliminer progressivement les combustibles fossiles. Biden s’est engagé à réduire de 50 % les émissions de carbone et à décarboniser notre secteur de l’électricité, mais cette proposition ne s’en approche même pas. »[15]

Malgré les plaintes des entreprises concernant l’augmentation de leur charge fiscale, le New York Times souligne que « si toutes les augmentations d’impôts proposées par Biden étaient adoptées (…) le taux d’imposition fédéral total des riches resterait nettement inférieur à ce qu’il était dans les années 1940, 1950 et 1960. Il resterait également quelque peu inférieur à ce qu’il était au milieu des années 1990 »[16].

Enfin, l’augmentation de la fiscalité ne modifiera en rien les structures de classe de la société étasunienne. Comme l’affirme Michael Roberts « parce que l’inégalité des richesses découle de la concentration des moyens de production et de la finance entre les mains de quelques-uns, et parce que cette structure de propriété reste intacte, aucune augmentation des impôts sur la fortune ne parviendra pas à modifier de manière irréversible la répartition des richesses et des revenus dans les sociétés modernes »[17].

Biden a résumé les limites de son bricolage libéral avec le système quand il a dit à ses bailleurs de fonds de Wall Street que :

« lorsque l’inégalité des revenus est aussi grande qu’aux États-Unis aujourd’hui, cela crée et alimente la discorde politique et les idées de révolution. Cela permet aux démagogues d’intervenir et de blâmer “l’autre” (…). Vous savez tous dans vos tripes ce qu’il faut faire. Nous pouvons être en désaccord à la marge. Mais la vérité, c’est que tout est dans nos cordes et que personne ne doit être puni. Personne ne verra son niveau de vie changer, rien ne changera fondamentalement »[18].

 

Forger un nouveau consensus nationaliste (contre la Chine)

Néanmoins, Biden tente d’utiliser ses plans pour atteindre plusieurs objectifs, à la fois politiques, économiques et impérialistes. Un article récent du New York Times sur le discours de Biden au Congrès, intitulé « Le discours de Biden appelle les États-Unis à entrer dans une nouvelle lutte pour le pouvoir suprême », a bien saisi cette dynamique :

« Le président Biden a justifié son vaste projet de refonte de l’économie étasunienne (…) comme une étape nécessaire pour survivre à long terme à la concurrence avec la Chine, une course dans laquelle les États-Unis doivent prouver non seulement que les démocraties peuvent tenir leurs promesses, mais aussi qu’elles peuvent continuer à innover et à surpasser l’État autoritaire le plus prospère du monde »[19].

Sur le plan intérieur, Biden veut éviter la polarisation qui menace la stabilité capitaliste. Pour miner la droite, il espère reconquérir la base de Trump dans des secteurs de la classe ouvrière en créant des emplois et en finançant des services, notamment dans les zones désindustrialisées et dévastées du pays.

Biden veut également coopter le « mouvement progressiste », en particulier ses représentants parlementaires, et neutraliser la croissance de la gauche. Son administration doit définitivement rétablir un certain contrôle sur un processus persistant de radicalisation, symbolisé par les campagnes de Sanders et incarné par l’ampleur, la profondeur et la puissance de la rébellion antiraciste de masse durant l’été 2020. À cette fin, Biden et les dirigeants du Parti démocrate feront de leur mieux pour marginaliser et, s’ils le peuvent, faire taire les appels à des revendications telles que le Green New Deal, Medicare for All [santé pour tous.tes] et, surtout, Defund the Police[20]. Ses réformes libérales modérées sont conçues pour contourner ces revendications et, en même temps, pour s’assurer le soutien des ONGs libérales et de la bureaucratie syndicale[21], afin qu’elles fassent participer leurs membres aux élections de mi-mandat en 2022.

Biden a déjà remporté quelques succès dans la cooptation de la gauche. Par rapport à la résistance sous Trump, les luttes ont reculé de façon vertigineuse depuis que Biden est entré en fonction. Il a également obtenu pour ses projets le soutien sans faille de Sanders, d’Alexandria Ocasio-Cortez et du reste de l’aile libérale[22] du Parti démocrate. Sanders est allé jusqu’à qualifier l’administration Biden d’être « la plus progressiste depuis Roosevelt »[23].

Biden peut utiliser leur soutien pour obtenir un nouveau consensus nationaliste afin de consolider les fondements de l’impérialisme étasunien. La façon de nommer ses quatre initiatives majeures est délibérée : le plan de sauvetage étasunien, le plan pour l’emploi étasunien, le plan pour les familles étasuniennes et le plan fiscal Made in America. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une version libérale du « America First » de Trump.

Biden espère ainsi gagner l’hégémonie parmi les alliés de Washington, qui avaient été éloignés par Trump, et construire une « ligue des démocraties » pour discipliner la Chine ainsi que d’autres États comme la Russie et l’Iran. Malheureusement, Sanders ainsi que la plupart des Démocrates progressistes soutiennent cet impérialisme multilatéral.

 

Le keynésianisme impérialiste fonctionnera-t-il ?

La question reste de savoir si le keynésianisme impérialiste de Biden va fonctionner. Il est confronté à deux problèmes qui pourraient compromettre l’ensemble du projet. Premièrement, on ne sait pas s’il sera en mesure de faire passer ses plans pour l’emploi, les familles et les impôts au Congrès. Car pour ce faire, il devrait :

– soit mettre fin à l’obstruction parlementaire, ce qu’il a jusqu’à présent hésité à préconiser de peur de s’aliéner des Démocrates de droite comme Joe Manchin,

– soit passer par le processus de réconciliation, comme il l’a fait avec le plan de sauvetage étasunien. Même dans ce cas, il devrait conclure des accords avec Manchin et d’autres pour faire passer un paquet, compromettant ainsi des réformes déjà insuffisantes.

Pourtant, il y a de bonnes chances qu’il parvienne à faire adopter son programme par le Congrès. Ses propositions sont extrêmement populaires auprès de l’électorat. Et le capital, représenté par la Chambre de commerce et la Business Roundtable, malgré ses plaintes concernant les augmentations d’impôts même mineures, soutient l’activisme fiscal de Biden. Signe du soutien des entreprises, le marché boursier a atteint des niveaux records, dépassant les cent premiers jours de tous les présidents, de Truman à Trump.

Le plus gros problème de Biden c’est que ses politiques keynésiennes ne peuvent pas surmonter le problème persistant de suraccumulation et de faible taux de profit du capitalisme étasunien. Malgré des histoires à dormir debout, trop souvent reprises par des secteurs de la gauche, selon lesquelles le keynésianisme est une solution à la crise capitaliste, les méthodes keynésiennes n’ont pas réussi à sortir les États-Unis des deux dernières grandes crises du système. En effet, le New Deal de Roosevelt n’a pas relancé le système pendant la Grande Dépression. En fait, ce sont les faillites massives de l’époque qui l’ont fait ; elles ont éliminé le capital non compétitif, rétabli le taux de profit et permis aux entreprises rentables d’investir à nouveau. Les programmes de Roosevelt et surtout ses dépenses de guerre ont permis de stimuler l’économie parce qu’elle était déjà en train de se redresser. Et la destruction de l’Europe et de l’Asie par la guerre a libéré davantage d’espace pour des investissements rentables, ce qui a conduit au long boom de l’après-guerre.

Pendant la crise des années 1970, le keynésianisme n’avait pas de réponse à la stagflation – croissance stagnante accompagnée d’une forte inflation – qui trouvait son origine dans la suraccumulation et la faible rentabilité. Malgré les tentatives répétées de Richard Nixon – qui déclarait « nous sommes tous des keynésiens maintenant » – d’utiliser les dépenses publiques pour déclencher la croissance, la stratégie a échoué. C’est pourquoi la classe dirigeante, d’abord sous Jimmy Carter, puis de manière décisive sous Ronald Reagan, s’est tournée vers le néolibéralisme comme nouvelle stratégie.

Aujourd’hui, la campagne de vaccination nationale de Biden et les chèques de relance ont déclenché un regain de croissance. Mais cette reprise, comme l’a fait valoir Michael Roberts, ne sera probablement qu’une sorte d’hyperglycémie, suivi d’un retour à l’économie stagnante qui prévalait avant la récession pandémique[24].

En réalité, tout comme lors des précédentes grandes crises du système, le keynésianisme de Biden ne déclenchera pas un nouveau boom. Aucun montant de dépenses publiques, en particulier les montants relativement faibles proposés par Biden, ne peut compenser le faible niveau d’investissement du capital privé causé par la faible rentabilité. Pire encore, les dépenses publiques de Biden pourraient exacerber les problèmes du système. Par exemple, l’engagement de la Réserve fédérale de maintenir les taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas, alors même que l’économie se redresse, continue à faire vivre les prêts bon marché accordés aux sociétés zombies. Cela bloque l’élimination du capital non compétitif du système et empêche la restauration du taux de profit. La folie dépensière de Biden pourrait également causer de nouveaux problèmes au système. Elle risque de faire augmenter la demande alors que l’offre est limitée du fait de la réticence du capital à investir. Cet excès de demande pourrait déclencher une poussée d’inflation dans un contexte de croissance relativement stagnante – un retour au cauchemar de la stagflation des années 1970. L’inflation est déjà en train de grimper et si elle continue, la Réserve fédérale sera obligée d’augmenter les taux d’intérêt pour empêcher la surchauffe de l’économie, ce qui rendra difficile pour les zombies de se permettre de nouveaux prêts et les mettra ainsi en danger de faillite. Si cela se produit, le capital pourrait se retourner contre Biden et soutenir les Républicains pour faire passer des mesures d’austérité aux dépens des travailleurs et des opprimés.

 

Les socialistes ne doivent pas devenir un appendice du libéralisme de Biden

Mais pour l’instant le keynésianisme impérialiste de Biden connaît ses jours de gloire. Il a été adopté par la base du Parti démocrate et a pris la gauche socialiste par surprise, sans qu’elle sache comment réagir. La nouvelle gauche, principalement au sein de la DSA, s’est radicalisée en s’opposant aux Démocrates néolibéraux et aux Républicains de droite, mais n’était pas préparée à gérer le keynésianisme de Biden. Pire encore, Sanders a assimilé le socialisme au libéralisme du New Deal et, avec Alexandria Ocasio-Cortez et le Squad[25], soutient Biden dans sa mise en œuvre.

Cela peut amener la gauche à devenir un appendice du keynésianisme impérialiste de Biden. Sans surprise, les libéraux ont adopté une position de soutien jubilatoire à Biden, et certaines sections de la gauche les ont rejoints. Ils croient – à tort – que Biden nous écoute et adopte même notre programme. Ce n’est pas le cas. Il applique un programme impérialiste libéral conçu par l’establishment de Washington pour renforcer le capitalisme étasunien.

D’autres sont devenus des partisans critiques des programmes de Biden, pensant que c’est tout ce qu’on peut obtenir du Congrès maintenant. Au mieux, ils font campagne pour des améliorations superficielles de ces programmes. Cette politique du réalisme finit par piéger la gauche dans le soutien à des réformes totalement inadéquates – alors que nous devrions nous opposer à des parties essentielles de ces réformes – et nous détourne de la lutte pour des réformes plus radicales.

Certains, qui critiquent Biden, tentent de séparer le programme keynésien, qu’ils soutiennent, de son objectif impérialiste de confrontation avec la Chine, auquel ils s’opposent[26]. Mais il n’y a aucun moyen de le faire ; la conception entière des programmes de Biden, comme lui et tous les membres de son administration l’ont souligné à plusieurs reprises, vise à améliorer la position concurrentielle des États-Unis dans l’économie mondiale contre la Chine.

Sur la base de ces positions erronées, la majorité de la gauche croit maintenant ou accepte implicitement l’argument selon lequel voter et se présenter en tant que Démocrates sont la clé pour changer la société. En réalité, c’est la lutte de masse, perturbatrice et même illégale, en dehors ou même opposée au Parti démocrate, qui représente le meilleur moyen pour la gauche de faire pression pour les réformes nécessaires.

Il ne faut pas oublier que :

– Occupy a imposé le thème de l’inégalité des classes dans le débat public.

– Les grèves du syndicat des enseignants de Chicago, des enseignants unis de Los Angeles et les grèves illégales des enseignants dans les États rouges ont contraint l’establishment à répondre aux doléances des enseignants, des étudiants et de la communauté.

– Et surtout, le soulèvement de Black Lives Matter a forcé l’establishment démocrate à reconnaître au moins rhétoriquement le problème du racisme systémique.

 

Une alternative socialiste au keynésianisme impérialiste

En tant que socialistes nous devons résister à l’appel des sirènes de Biden à s’aligner derrière son administration et, au contraire, maintenir notre indépendance, rejoindre et organiser des luttes pour des réformes radicales, et construire une alternative socialiste à Biden et aux Démocrates.

Bien sûr, nous devons éviter le piège de l’ultra-gauche qui consiste à rejeter les réformes libérales de Biden comme étant dénuées de sens ; bien que ce ne soit pas leur objectif premier, elles amélioreront la vie des gens. Mais plutôt que de les soutenir telles quelles, nous devrions exiger leur expansion spectaculaire et lutter pour l’inclusion de ceux qui sont actuellement exclus du projet nationaliste de l’administration – en particulier les immigrants sans papiers.

En même temps, nous devons nous opposer à la tentative de Biden de pousser la gauche à soutenir des mesures libérales réactionnaires. Nous devrions nous joindre au Movement for Black Lives pour dénoncer la dite loi George Floyd, qui, comme d’autres projets de réforme de la police, renforcera les services de police racistes au lieu de les éliminer[27].

Nous devons suivre l’exemple des militants pour la justice des migrants en faisant campagne contre la loi sur la modernisation des travailleurs agricoles, qui, sous couvert de réforme de l’immigration, empêche la régularisation, étend les programmes de travailleurs invités exploités et pousse les travailleurs à la clandestinité en imposant de nouveaux contrôles E-Verify sur leur statut d’immigration.

Nous devrions également insister sur le rejet par principe des politiques impérialistes des États-Unis, y compris leur soutien à des États clients comme la Colombie et l’État d’apartheid d’Israël, et aux politiques de nettoyage ethnique de ce dernier. Et peut-être le plus important, nous devons nous opposer à la réaffirmation par Biden de l’hégémonie étasunienne sur le monde et contre la Chine. Notre tâche, en tant qu’internationalistes, est de construire une solidarité au-delà des frontières, et non de prendre parti dans une lutte entre la puissance impérialiste dominante du monde et son rival moins important mais non moins réactionnaire.

Enfin, nous devons intensifier la lutte pour notre programme de revendications radicales, que les Démocrates, au mieux, n’approuvent que pour la forme et, le plus souvent, rejettent. Il s’agit de revendications telles que la loi sur la protection du droit syndical (PRO Act), la gratuité de l’enseignement supérieur, l’assurance maladie Medicare for All, le Green New Deal, la réduction du budget du Pentagone, Defund the Police et la suppression de l’agence fédérale du contrôle de l’immigration (ICE). La seule façon de faire réaliser ces revendications passe par l’organisation de manifestations et de grèves massives, perturbatrices et même illégales, semblables à celles qui ont permis d’obtenir des changements radicaux dans les années 1930 et 1960.

Pour mener ces luttes, nous devons éviter le piège dans lequel nos aînés sont tombés : la dissolution de la gauche dans le Parti démocrate. Nous devons réaffirmer la nécessité de construire notre propre parti pour lutter pour des réformes radicales sur la voie du remplacement du système capitaliste défaillant par le socialisme international, une société qui place, partout dans le monde, les vies avant le profit.

Burlington, 18 mai 2021

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Ashley Smith est membre des Democratic Socialists of America (DSA) à Burlington (Vermont) et rédacteur en chef de la revue en ligne Spectre. Il collabore avec de nombreuses revues anglophones, dont Jacobin, Tempest et New Politics. Cet article est d’abord paru sur le site de la revue Tempest, puis repris par la revue Inprecor n°687-688 de juillet-août 2021.

Traduction de l’anglais par JM.

Illustration : Stan Honda

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Notes :

[1] Cf. Joan Walsh, « Last Night Was Joe Biden’s Moment. May There Be Many More », The Nation du 28 avril 2021, https://www.thenation.com/article/politics/biden-american-jobs-families-plan/

[2] Cf. Lauren Gambino, « Biden’s FDR moment ? President in New deal-loke push that could cement his legacy », The Guardian du 6 mars 2021, https://www.theguardian.com/us-news/2021/mar/06/biden-new-deal-economic-infrastructure-plan-politics

[3] Cf. Michael Roberts, « Beware the zombies », https://thenextrecession.wordpress.com/2017/01/23/beware-the-zombies/

[4] Michael Roberts, The Long Depression – Marxism and the Global Crisis of Capitalism, Haymarket Books, Chicago 2016.

[5] David McNally, Panne Globale : crise, austérité et croissance, Écosociété, Montréal 2013

[6] https://fortune.com/2020/08/10/fortune-global-500-china-rise-ceo-daily/

[7] Cf. Thomas L. Friedman, « Is There a War Coming Between China and the U.S.? », The New York Times du 27 avril 2021.

[8] Cf. Paul Fleckenstein, « Adressing the climate emergency with a Biden government », Tempest, 8 mars 2021 (https://www.tempestmag.org/2021/03/addressing-the-climate-emergency-with-a-biden-government/) et Richard Smith, China’s Engine of Environmental Collapse, Pluto Press, London 2020.

[9] « Barons voleurs » est un terme péjoratif qu’on trouve dans la critique sociale et la littérature économique pour caractériser certains hommes d’affaires riches et puissants des États-Unis au XIXe siècle. L’expression apparaît dans la presse étasunienne, en août 1870, dans le magazine The Atlantic Monthly, pour désigner les entrepreneurs pratiquant l’exploitation pour accumuler leurs richesses. Leurs pratiques incluent le contrôle des ressources nationales, l’influence sur les hauts fonctionnaires, le paiement de salaires extrêmement bas, l’écrasement de leurs concurrents par leur acquisition en vue de créer des monopoles et de pousser les prix à la hausse, ainsi que la manipulation des cours des actions vers des prix artificiellement hauts.

[10] La Businesss Roundtable (Table ronde du business) est un lobby conservateur des dirigeants des grandes entreprises étasuniennes créé en 1972 par les PDG du groupe Alcoa et de General Electric pour faire pression sur les politiques publiques et le gouvernement fédéral des États-Unis.

[11] Jennifer Harris & Jake Sullivan, « American Needs a New Economic Philosophy. Foreign Policy Experts Can Help », Foreign Policy du 7 février 2020, https://foreignpolicy.com/2020/02/07/america-needs-a-new-economic-philosophy-foreign-policy-experts-can-help/

[12] Kiran Stacey & Aime Williams, « Vaccine diplomacy : inside Biden’s decision on Covid patents », Financial Times du 8 mai 2021, https://www.ft.com/content/7046b35a-7c6a-4ad4-8b9c-cc9a367da865

[13] Cf. interview sur Novare Media : https://soundcloud.com/novaramedia/downstream-how-radical-is-president-joe-biden-w-adam-tooze

[14] Susan Watkins, « Paradigm shifts », New Lef Review n° 128, mars-avril 2021 : https://newleftreview.org/issues/ii128/articles/susan-watkins-paradigm-shifts

[15]  https://www.commondreams.org/news/2021/03/31/critics-warn-biden-infrastructure-plan-falls-woefully-short-climate-crisis

[16] « Biden’s Modest Tax Plan », New York Times du 4 mai 2021.

[17] Michael Roberts, « Wealth inequality », https://thenextrecession.wordpress.com/2021/05/02/wealth-inequality/

[18] Jennifer Epstein, « Biden Tells Elite Donors He Doesent Want to “Deminize” the Riche », Bloomberg, 19 juin 2019.

[19] « Biden Speech Calls for U.S. To Enter a New Super Power Struggle », New York Times du 29 avril 2021.

[20] Lors des manifestations Black Lives Matter de 2020, les Noir∙es et les progressistes (gauche modérée) ont appelé à « dé-financer la police » (« defund the police »), c’est-à-dire au transfert des crédits pour la police vers d’autres domaines tels que les programmes de santé mentale. La gauche radicale, y compris les socialistes démocratiques d’Amérique (DSA), préconisent l’abolition de la police. Mais seule une poignée de villes ont réduit leurs budgets de police et aucune ville n’a aboli la police. Une majorité d’électeur∙es noirs s’opposent à des coupes budgétaires drastiques ou à l’abolition de la police, car beaucoup vivent dans des quartiers à forte criminalité. Les Démocrates progressistes ne soutiennent pas non plus l’abolition de la police.

[21] Steven Greenhouse, « Biden stakes claim to being America’s most pro-union president ever », The Guardian, 2 mai 2021.

[22] Par « libéral » il faut entendre ici le courant gauche, humaniste, du Parti démocrate, et non partageant l’orientation de l’économie libérale.

[23] Interview de B. Sanders à l’émission « Good Morning America », ABC News le 20 janvier 2021.

[24] Michael Roberts, « The sugar rush economy », https://thenextrecession.wordpress.com/2021/03/21/the-sugar-rush-economy/

[25] « The Squad » est le nom informel d’un groupe de six élus à la Chambre de représentants. Composé initialement par quatre femmes élues en 2018 – Alexandria Ocasio-Cortez, Ulhan Omar, Ayanna Presley et Rashida Tlaib – il a été rejoint par Jamaal Bowman et Cori Bush élu·es en 2020.

[26] Voir, par exemple, Max. B. Sawicky : « Biden’s First 100 Days Have Been a Tale of Two Precidencies », In Theses Times, 29 avril 2021.

[27] « Le Movement for Black Lives [Mouvement pour les Vies Noires], s’oppose au George Floyd Justice in Policing Act [Loi “George Floyd” sur la justice dans les services policiers], arguant que ce projet de loi reprend des stratégies réformistes qui ont historiquement échoué (…) Il demande au Congrès d’élaborer une nouvelle législation complète pour faire face au désinvestissement, à l’incarcération massive et au racisme systémique aux États-Unis », Associated Press du 17 mars 2021.

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