Lire hors-ligne :

Avec la Première guerre mondiale la France fit face à une énorme demande aussi bien de soldats que de travailleurs, pour replacer ceux qui avaient été envoyés dans les tranchées. Bien que l’empire français n’ait pas été créé dans ce but (et l’immigration n’avait jusque-là pas été encouragée [1]), il était naturel que les dirigeants français se tournent vers les colonies [2]. On estime qu’entre 1914 et 1918 jusqu’à 900 000 hommes furent entraînés dans le conflit européen – plus d’un demi de soldats, au moins 250 000 d’Afrique du Nord et plusieurs milliers d’Indochine, plus quelques 220 000 travailleurs [3].

Asiatiques, Africains et Antillais furent envoyés au massacre avec encore plus de cynisme que les travailleurs français [4]. Mais ceux qui survécurent furent initiés à un nouveau mode vie – comme le dit la vieille chanson perspicace : « Comment allez vous continuez à les retenir à la ferme une fois qu’ils ont vu Paree ? » Les autorités françaises mirent tous les obstacles sur le chemin des habitants des colonies qui souhaitaient rester dans un pays qui avait été si enthousiaste à les inviter en premier lieu [5]. Néanmoins, en 1924, il y avait quelques centaines de milliers de Nord-africains en France, tout comme plusieurs milliers d’Africains et d’Asiatiques. Il y avait également un petit nombre d’étudiants d’Afrique du nord et d’Indochine [6].

Pour le Parti communiste français (PCF) naissant, l’existence d’une substantielle population immigrée était un défi auquel plusieurs réponses étaient possibles. Alors que pour certains dans le PCF les immigrants étaient sans aucun doute perçus comme un « problème », pour d’autres ils faisaient partie de la solution et offraient une précieuse opportunité pour se battre pour une politique internationaliste, aussi bien au sein des migrants que de la classe ouvrière française.

Le PCF avait été formé par la décision du congrès de Tours du parti socialiste (SFIO) en décembre 1920 de s’affilier à l’Internationale communiste. L’affiliation du parti de masse de la classe ouvrière française était sans conteste une victoire majeure pour le Comintern – mais elle impliquait aussi de sérieux problèmes. Ce n’est pas en un vote qu’on transforme des réformistes en révolutionnaires. La direction de la SFIO avait soutenu la guerre en 1914, et la plupart de ses membres s’inscrivaient dans la tradition du nationalisme jacobin qui dominait la gauche française depuis deux siècles.

La huitième des fameuses 21 conditions pour l’affiliation au Comintern exigeait des partis communistes

« de dévoiler impitoyablement les prouesses de ”ses” impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimés et d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux. » [7].

En fait la direction du Comintern dut constamment batailler avec le PCF pour lui faire reconnaître ses obligations. Ainsi dans la résolution du Quatrième congrès mondial (rédigée par Trotsky), le Comintern condamnait le « point de vue d’esclavagiste des colons communistes en Algérie, et pressait le PCF d’accorder beaucoup plus d’attention et d’allouer beaucoup plus de forces et de ressources que ce qu’il avait fait jusque-là sur la question coloniale. » [8] Ainsi une responsabilité particulière incombait à la minorité du Parti composée d’internationalistes consistants – notamment ceux issues de la tradition du syndicalisme révolutionnaire, avec ses campagnes antimilitaristes, et en particulier le groupe autour de Vie ouvrière qui s’était opposé à la guerre depuis le premier jour et avait joué un rôle clé pour organiser le soutien Français à Zimmervald [9] [10].

Lors du Congrès de Tours, un jeune intervenant indochinois prit la parole et raconta à l’assemblée des délégués comment ses compatriotes étaient « honteusement opprimés et exploités », en même temps qu’ « empoisonnés » par l’alcool et l’opium. Les prisons étaient plus nombreuses que les écoles, et la liberté d’expression n’existait pas. Il insista en disant  que « le Parti doit faire une propagande socialiste dans toutes les colonies », et conclut par l’appel : « Camarades, sauvez-nous ! ».

L’intervenant – qui devait être plus tard connut mondialement sous le nom de Ho Chi Minh – fut applaudi, mais il toucha clairement un certain nombre de cordes sensibles. Il fut interrompu deux fois. La première fois, Jean Longuet, le petit-fils de Marx, poussa de hauts cris en justification de sa propre réputation : « je suis intervenu pour défendre les indigènes ! ». Un peu plus tard un délégué anonyme l’interrompit bruyamment pour demander si Ho ne serait pas en train de coopérer avec Enver Pasha [11]. Ho répondit par un cinglant « Silence, les parlementaires ! » [12]

La réponse du PCF fut d’établir une organisation pour ceux d’origine coloniale vivant en France [13] – l’Union intercoloniale (UIC) – et, à partir d’avril 1922, une publication Le PariaLe Paria était quelque peu miteux et clairement sous-financé, et sa diffusion fut toujours faible. Néanmoins il mit en contact un petit mais dévoué groupe de camarades impliqué dans la lutte anti-impérialiste. Cela incluait non seulement Ho Chi Minh mais également Hadjali Abdelkader, qui avec Messali Hadj fonda l’Étoile Nord-Africaine, la première organisation nationaliste algérienne. Le Paria sema ainsi au moins quelques-unes des graines de deux des plus grandes guerres de libération nationale qui devaient dominer la politique française dans les deux décennies suivant la Seconde guerre mondiale.

 

1. Journal

Trente-six numéros du Paria sortirent entre 1922 et 1936. [14] Tous les numéros à l’exception d’un étaient imprimés sur une unique page de grand format. Le titre Le Paria était flanqué de caractères chinois et arabes. Le prix par numéro était de 25 centimes (à peu près l’équivalent d’un quotidien) et les abonnements étaient de 3 francs pour une année (augmentant à 5 francs en 1925).

Le principal centre d’intérêt du journal était la situation dans l’empire colonial français. Nguyen-Ai-Quac [15] (le nom alors utilisé par Ho Chi Minh) décrivait l’ « incroyable cruauté » d’un « fonctionnaire sadique » dans l’administration coloniale [16], et contrastait la barbarie de la pratique coloniale de la France avec l’imagerie traditionnelle de la politique républicaine :

Il est d’une douloureuse ironie de constater que la civilisation, symbolisée en ses différentes formes, liberté, justice, etc. – par la douce image de la femme, et agencée par une catégorie d’hommes réputés champions de la galanterie – fasse subir à son emblème vivant les traitements les plus ignobles, et l’atteigne honteusement dans ses moeurs, dans sa pudeur et dans sa vie [17] [18].

Samuel Stéphany attaqua l’utilisation de pousse-pousse et de palanquins à Madagascar, en faisant remarquer que les véhicules à traction à cheval ou à moteur pouvaient aller partout où ces équipages à traction humaine allaient [19].

Une attention particulière était accordée à l’oppression économique de la population indigène ; c’est ainsi que Lamine Senghor rendit compte des nouvelles règles qui imposaient effectivement le travail forcé aux travailleurs indigènes de l’Afrique de l’ouest française. Les travailleurs africains devaient être liés par des contrats en français, alors que le système d’éducation ne leur apprenait pas le français [20].

Mais une attention égale était dévolue à la lutte pour les libertés politiques, notamment la liberté de la presse, et il y avait une protestation contre le service postal interférant avec la correspondance pour Le Paria [21]. Et le journal encourageait diverses campagnes, en particulier les manifestations contre la visite à Paris de l’empereur d’Annam Kaï Dinh. [22]

Cependant, comme l’a montré Philippe Dewitte, Le Paria ne soulevait que rarement la revendication d’indépendance pour les territoires des colonies. [23] L’idée maîtresse des revendications du journal était pour une fin de la répression et des brutalités dans les colonies et pour les populations coloniales d’avoir des droits égaux à ceux des citoyens de France métropolitaine.

C’est ainsi qu’en 1922, « Hadj Bicot » (Hadjali Abdelkader) expliquait-il pourquoi Le Paria rejetait les propositions d’une représentation parlementaire pour la population indigène d’Algérie :

Parce nous ne voulons pas de représentation à part; parce que nous considérons que c’est une duperie que de faire croire aux indigènes que, lorsqu’ils seront représentés par deux ou trois béni-oui-oui, ou par un agitateur ambitieux comme Khaled [24], que l’œuvre de justice à laquelle ils aspirent et que nous réclamons de toutes nos forces sera réalisée.

Nous disons au contraire que ce sera un surcroît de misère et de persécution pour les indigènes. Nous ne voulons pas de cloison étanche entre Français et les indigènes ; nous disons que toutes nos souffrances viennent de ce fait. Les indigènes souffrent davantage des parasites qui s’interposent entre eux et l’Administration algérienne que de l’Administration elle-même.

Nous disons que, tant que l’on considère que les intérêts des indigènes et ceux des Européens dans les colonies sont différents, et qu’ils doivent être représentés séparément au Parlement, on ne cherche pas à concilier ces intérêts, mais, au contraire, on les oppose.

Ce qu’il faut, en Algérie, c’est étendre le décret Crémieux [25] à tous les indigènes [26].

Il y avait deux raisons pour lesquelles la question de l’indépendance nationale n’était pas mise au premier plan. Tout d’abord, la perspective politique du Comintern et de ses sections nationales était encore, jusqu’à l’échec de la révolution allemande en 1923, d’une imminente révolution en Europe. Dans un tel contexte, il était tout à fait sensé pour les communistes des territoires coloniaux, non pas de demander la séparation immédiate, mais plutôt de viser à développer une nouvelle forme d’association avec les états prolétaires d’Europe.

Mais, deuxièmement, comme on verra plus bas, que la plupart des militants autour du Paria étaient issues de couches relativement privilégiées des populations coloniales, des jeunes gens éduqués qui pouvaient prétendre à la citoyenneté française et à l’assimilation à l’ordre existant. D’où la contradiction latente au cœur du Paria.

Ainsi en 1922, Le Paria publia un article de Louis Morpeau, un inspecteur académique dans les Antilles. Au milieu d’une attaque pleinement légitime de l’idée qu’il exista des différences raciales en matière d’intelligence, il exalta l’exemple de la ville de Philadelphie aux États-Unis, où il y  avait plus d’une centaine de docteurs et de dentistes noirs, plus de quarante avocats noirs et une banque noire faisant plus de cinq millions de dollars de bénéfices par an [27]. Si cela aidait sans aucun doute à battre en brèche le mythe de l’infériorité biologique, cet exemple offrait une vision plus attrayante pour un ambitieux étudiant noir que pour l’ouvrier manuel des colonies.

Le plus souvent, cependant, Le Paria s’adressait au prolétariat colonial. Max Clainville-Bloncourt affirmait que le prolétariat colonial était une partie essentielle du prolétariat mondial et qu’il était nécessaire de détruire les illusions de la bourgeoisie pour qui « les populations noires et jaunes de l’empire colonial consentiront à oeuvrer militairement contre la classe ouvrière métropolitaine en lutte contre ses exploiteurs » [28]. Le Paria  contenait des extraits d’un document de RILU datant de juin 1923 sur la nécessité de construire des syndicats dans les pays coloniaux [29].

En 1924 Le Paria publia un article au vitriol sur l’« infamie de la bourgeoisie algérienne », faisant référence aux « marabouts débauchés, … caïds serviles chefs et … élus indigènes répugnant de lâcheté et de trahison » qui « étaient les agents de l’impérialisme français ». L’article concluait :

Il apparaît donc indéniable que l’émancipation des indigènes algériens sera l’œuvre des exploités eux-mêmes [30].

Tandis qu’en 1925, Lamine Senghor rendit compte d’une grève de quatre jours des chemins de fer au Sénégal. La compagnie avait proposé des augmentations de salaire pour les travailleurs européens, en compensant par des coupes pour les travailleurs indigènes. « Par une conscience admirable de classe », les travailleurs européens refusèrent. La grève gagna la demande originelle d’augmentations pour les travailleurs européens et indigènes [31].

Le Paria défendait l’unité entre travailleurs métropolitains et coloniaux. Dans un « APPEL aux populations des colonies » datant de 1922 il  exhortait:

En face du Capitalisme et de l’Impérialisme, nos intérêts sont les mêmes; souvenez-vous des paroles de Karl Marx : prolétaires de tous pays, unissez-vous [32].

Et Clainville-Bloncourt insistait :

Frères des colonies, il est indispensable que vous vous rendiez compte qu’il n’est pour vous aucun salut possible en dehors de la conquête du pouvoir politique en Europe par les masses laborieuses [33].

En pratique, les choses n’étaient pas aussi simples. Dans un article pour L’Humanité, adressé aux membres du PCF et à ses sympathisants, Nguyen-Ai-Quac reconnaissait la profondeur de l’ignorance et des préjugés qui existaient aussi bien parmi les travailleurs métropolitains que ceux des colonies. Citant Lénine sur la nécessité pour les travailleurs métropolitains de soutenir les luttes dans les nations assujetties, il observait avec tristesse :

Malheureusement, nombreux sont encore les militants qui croient qu’une colonie n’est autre chose qu’un pays plein de sable en bas et de soleil en haut ; quelques cocotiers verts et quelques hommes de couleur, c’est tout.

En même temps la plupart des habitants des colonies étaient soit rebutés par l’idée du bolchevisme, soit l’identifiaient simplement à du nationalisme. Quant à la minorité éduquée, il se peut qu’elle ait compris ce que signifiait le communisme, mais elle n’avait aucun intérêt à ce qu’il s’établisse : « comme le chien de la fable, elle préfère porter la marque du collier et avoir son morceau d’os »[34]. C’est pourquoi, affirmait-il,

De l’ignorance mutuelle des deux prolétariats sont nés les préjugés. Pour l’ouvrier français, l’indigène est un être inférieur, négligeable, incapable de comprendre et encore moins d’agir. Pour l’indigène les Français – quels qu’ils soient — sont tous de méchants exploiteurs. L’impérialisme et le capitalisme ne manquent pas de profiter de cette méfiance réciproque et de cette hiérarchie artificielle de races pour empêcher la propagande et pour diviser les forces qui doivent s’unir.

Et il concluait:

Devant ces difficultés, que doit faire le Parti? Intensifier sa propagande pour les vaincre [35] [36].

Le Paria ne négligea pas le rôle crucial des immigrés des colonies vivant désormais en France. Il y avait de nombreux petits articles traitant d’injustices spécifiques – l’expulsion de leurs logements d’un certain nombre de camarades de la Guadeloupe [37], ou la révélation qu’une organisation mise en place pour recruter des domestiques en Martinique était maintenant poursuivie pour fraude [38].

Dans un article ironiquement intitulé « PARIS…Ville lumière ! », Ali Baba (Hadjali Abdelkader) donna une description que beaucoup d’immigrants de dernière date reconnaîtront :

Et pourtant, il y en a, des Algériens à Paris. Ils sont des dizaines et des dizaines de milliers qui se tuent dans les usines, qui dépérissent dans les quartiers de Grenelle, dans les bouges du boulevard de la Gare, de la Villette…

… Ils vivent seuls, sans femme, imbus de leurs moeurs patriarcales. Ils ne peuvent amener celles qu’ils ont laissées là-bas. Ils préfèrent vivre dans l’abstinence, rogner sur le nécessaire pour envoyer  à leurs enfants, aux vieux parents qu’ils ont laissés sous la botte du colonialisme[39].  

Comme l’expliquait Georges Chennevière, un des contributeurs du journal qui était né en France, les employeurs français étaient « très heureux de trouver les Algériens qu’ils paient mal pour remplacer la main-d’oeuvre française qu’ils se refusent à payer »[40].

Un travailleur, signant du nom de « Said », décrivait les conditions à Billancourt :

Dans l’immense forteresse que ce gredin de Renault possède à Billancourt, 27.000 hommes et femmes sont honteusement exploités. Dans ce nombre figurent 3.000 parias coloniaux; ils subissent un sort encore plus misérable. Pourquoi?

Parce que la majorité de mes camarades algériens sont moins instruits. Et Renault en profite pour les faire travailler à des salaires plus bas [41].

Le Paria ne se cantonnait pas à la description. Un article signé « El Djazaïri [42] » commentait ainsi une récente campagne de presse insultant les travailleurs algériens en France:

Déjà, en France, le Parti Communiste organise les travailleurs nord-africains, non seulement politiquement, mais économiquement. Il les soutient dans leur lutte contre le capital. Partout les indigènes adhèrent aux syndicats unitaires [43] et montrent par là  leur conscience de classe.

Ces indigènes se sont rangés au côté de leurs camarades français dans les grèves du Gaz, de Citroën, des laveurs de taxis, des mines de Saint-Étienne, du Nord, etc.

Les résultats sont si éloquents que le PC, en accord avec la CGTU, a organisé pour eux le Congrès du 7 décembre dernier. Les délégués ouvriers  nord-africains de la région parisienne ont apporté leurs suggestions sur les directives de lutte contre les lois iniques et contre l’exploitation dont ils souffrent [44].

Aussi, Le Paria comportait des slogans exhortant ses lecteurs :

CAMARADE TRAVAILLEUR COLONIAL, SI TU VEUX T’EMANCIPER, ADHERE AU SYNDICAT DE TA PROFESSION.

ORIGINAIRES DES COLONIES, POUR VOTRE AFFRANCHISSEMENT ADHEREZ AU PARTI COMMUNISTE [45].

Le journal contenait des articles humoristiques. Nguyen-Ai-Quac envoya un papier intitulé « Zoologie » qui prétendait décrire la découverte de nouvelles espèces, les coloniae Indigena :

Quelques-unes de ses qualités utilitaires sont supérieures à celles de nos bêtes domestiques. Une fois apprivoisé, il se laisse tondre comme un mouton, charger comme un âne et envoyer à la boucherie comme un veau [46].

L’infatigable Nguyen-Ai-Quac se doublait d’être un dessinateur. Un dessin assez didactique montrait un gros monsieur allongé dans une chaise roulante et poussé par un Asiatique très mince. Le passager disant : « Fais voir que tu as du loyalisme !! Nom de Dieu !!!  » Sur les six rayons de la roue on peut lire : « civilisation, oppression, association, assimilation, protection, exploitation. »[47]

Le ton du journal n’était pas non plus dogmatique, du genre à voir tout salut résider dans le parti révolutionnaire. Un court article conseillait aux travailleurs d’apprendre l’Espéranto afin d’avoir des contacts directs avec les travailleurs d’autres pays [48] [49].

Pourtant, alors que Le Paria se préoccupait de la situation des travailleurs immigrés, il ne semble pas s’être principalement adressé à eux. Les articles étaient courts, clairs et concrets, mais ils étaient généralement écrits dans un style visant un lectorat relativement éduqué [50]. Quand un court article sur les profits et la politique de bas salaires d’un colon français à Tananarive avait pour titre une citation latine (« Verba Volent Scripta Manent ») [51], il était clair qu’aussi bien les auteurs que les lecteurs appartenaient à la petite élite d’habitants des colonies qui avait bénéficié du système d’éducation français. Une publicité pour le ‘Club du Faubourg’ énumérait des conférences sur Freud et Einstein et un débat « Pour et contre la chasteté » [52].

Cette hypothèse d’une direction de la classe moyenne semble être confirmée par les rapports de police sur la Ligue malgache, dont certain des membres, notamment Samuel Stéphany, allaient s’impliquer dans Le Paria. La majorité de ses 200 membres étaient d’anciens soldats d’infanterie de Madagascar, mais

…ses dirigeants et militants importants appartiennent presque tous aux professions libérales ou à des milieux très assimilés. Tous, ou presque, sont mariés ou vivent maritalement avec des Françaises…[53]

De plus, la dynamique principale du Paria était dirigée en direction des colonies. Son tirage initial semble avoir été de 1000 exemplaires, allant jusqu’à atteindre 3000. Mais la majorité de ces exemplaires allaient aux colonies ; sur 2000 copies seules 500 restaient en France, tandis que 500 allaient à Madagascar, 400 au Dahomey, 200 au Maghreb, 100 en Océanie et 200 en Indochine. Puisque que la distribution était clandestine, et les copies fréquemment saisies par les autorités, il est difficile de savoir dans quelle proportion le journal était en fait distribué [54].

Tout aussi problématique était la relation précise entre Le Paria et le PCF. Toute l’opération était faite à peu de frais ; Le Paria ne paraissait jamais régulièrement, la promesse d’apparaître deux fois par mois à partir de l’automne 1922 ne se matérialisa pas [55]. En fait, la régularité avec laquelle le journal apparaissait déclina ; il y eut seulement 10 numéros en 1924 et seulement cinq en 1925. La principale explication était financière. Le journal avait de grandes difficultés à honorer ses coûts d’impression, et il semble raisonnable d’assumer que relativement peu d’argent trouvait son chemin depuis les colonies. Pourtant, en 1923 la commission coloniale du PCF décida de donner à l’UIC une subvention de tout juste 100 francs [56] [57]. Le PCF n’était pas riche et avait beaucoup de sollicitations pour ses finances ; mais il avait un nombre de membres relativement important et un peu d’aide financière de Russie [58] : il était capable de produire un quotidien vivant et bien distribué. Il est difficile de ne pas suspecter que beaucoup des anciens réformistes du PCF ne considéraient pas le fait d’attiser le mécontentement dans les colonies comme une des priorités majeures du Parti.

 

2. Cadre

Cependant, Le Paria réussit certainement à construire une équipe de militants enthousiastes qui soutinrent le journal malgré la relative apathie des couches plus larges des adhérents du PCF.

Samuel Stéphany, le premier directeur commercial du Paria, était né à Madagascar en 1890 dans une famille intellectuelle. Il combattit pendant la Première guerre mondiale et fut gazé en Serbie, souffrant de 35% d’invalidité. Il resta en France et devint professeur en Malagasy à l’École des langues orientales. Il était membre de la SFIO et rejoignit le PCF après Tours, mais il était également membre de la Ligue des droits de l’homme (étroitement lié au parti radical et à la franc-maçonnerie), et en fait certainement un franc-maçon lui-même.

Jean Raliamongo, né en 1884, était également de Madagascar : enfant il fut vendu comme esclave, mais après avoir été formé par des missionnaires protestants, il devint instituteur. Il se battit pendant la Première guerre mondiale avec l’infanterie de Madagascar par enthousiasme pour la cause française. Pourtant, quand il demanda à rester en France après la fin de la guerre, on le lui refusa à six reprises avant qu’un ami député n’intervienne. Il était lui aussi  membre fondateur du PCF — mais aussi membre de la Ligue des droits de l’homme et probablement franc-maçon.

Hadjali Abdelkader (né en 1883) devint citoyen français en 1911 et épousa une Française. Il arriva à Paris avant 1914 et gagna sa vie comme colporteur. Appelé en 1914, il fut blessé à Bordeaux avant le combat. Il retourna à Paris après la guerre, rejoignit la SFIO et devint membre fondateur du PCF puis de l’UIC. Il contribua régulièrement au Paria sous des pseudonymes tels que « Ali baba » et « Hadj Bicot » [59].

Mais la force directrice du Paria était sans aucun doute Nguyen-Ai-Quac. Né en Indochine en 1890, le jeune Nguyen reçu une éducation privilégiée. Il aurait raconté qu’aussitôt qu’il entendit le slogan «  liberté, égalité, fraternité », il eut envie de voir la France [60]. Il quitta l’Indochine et partit d’abord pour Londres, puis pour Paris. Il rejoignit la SFIO, fit un discours à Tours et devint membre du PCF. Il écrivit abondamment pour Le Paria et d’autres publications, non seulement sur l’Indochine mais aussi sur une série de sujets ayant rapport avec le colonialisme. Il composait également des bandes dessinées, emballait les copies à envoyer à l’étranger, et était connu comme étant le meilleur vendeur du journal [61]. Quand le journal organisa un concours du premier lecteur à obtenir vingt-cinq abonnements, le prix était « un superbe agrandissement photographique…travail artistique de notre camarade Nguyen Ai Quâc » [62].

Nguyen attira vite l’attention des autorités. En août 1922 il publia une lettre ouverte ironique au ministre des Colonies, membre du parti radical, Albert Sarraut. Il lui offrait d’épargner l’argent du gouvernement consacré à la surveillance des Indochinois de Paris en lui donnant un communiqué quotidien de ses activités [63]. Quand il fut dénoncé par un courrier anonyme dans La Dépêche coloniale, son compatriote Nguyen The Truyen écrivit un article en sa défense intitulé « un Bolchevick jaune » [64].

On a suggéré que Nguyen a toujours été un nationaliste indochinois plutôt qu’un communiste [65]. À un moment donné, il a apparemment voulu changer son pseudonyme pour Nguyen ô Pháp — « Nguyen qui hait les Français » — mais en fut dissuadé par une étoile montante du travail anticolonial du parti, le futur fasciste Jacques Doriot. [66] [67] En fait l’intérêt de Nguyen portait beaucoup plus loin que l’Indochine — il était par exemple un partisan enthousiaste de l’indépendance irlandaise. Mais sa conduite n’était pas toujours celle d’un communiste orthodoxe ; ainsi en juin 1922 Nguyen fut initié à la Franc-maçonnerie, même s’il l’abandonna seulement quelques mois plus tard [68] [69]. En mai 1921 il écrivit un article sur les perspectives du communisme en Asie. Il les estimait favorables en raison des traditions confucéenne et annamite du point de vue des modèles de propriété de la terre, mais il n’y avait aucune référence à Marx ou au marxisme à aucun moment dans l’article [70].

Il faut également noter que les premiers contacts de Nguyen en arrivant en France semblent avoir été avec la gauche syndicaliste. Il se rendit à la Librairie du travail sur le quai Jemmapes, à ce qui avait été les bureaux de La Vie ouvrière de Pierre Monatte et Alfred Rosmer. On raconte qu’il avait passé une annonce pour proposer ses services en tant que photographe dans la Vie ouvrière, même si je n’ai pas été en mesure de trouver la dite annonce [71]. Ce n’est peut-être pas surprenant qu’un jeune homme cherchant des alliés dans la lutte contre l’impérialisme français se soit tourné vers ceux qui avaient été les internationalistes les plus conséquents, avant, pendant et après la Première guerre mondiale.

Que Nguyen garde quelques réserves à propos de l’engagement du PCF dans l’anti-impérialisme après Tours est démontré par deux articles qu’il écrivit en 1921 pour le journal anarchiste Le Libertaire. Les articles traitaient de l’impérialisme français et de l’Indochine [72], et ne présentaient aucun indice que Nguyen eût la moindre sympathie anarchiste ; mais le simple fait qu’il les écrivit montre qu’il n’était pas totalement convaincu que le PCF était anti-impérialiste de façon conséquente, et qu’il pouvait avoir besoin d’amis dans la gauche libertaire, même si la lune de miel entre l’anarchisme et la Russie révolutionnaire venait de prendre fin après Kronstadt et la défaite de Makhno. Le PCF ne semble pas avoir discipliné Nguyen en aucune manière — témoignant d’une ouverture politique qui allait bientôt disparaître.

Une autre figure significative qui s’associa au Paria fut Lamine Senghor. Senghor — à ne pas confondre avec son lointain cousin [73] Léopold Sedar Senghor, qui devint plus tard le premier président du Sénégal indépendant — était né dans une famille paysanne en 1889. Il se porta volontaire pour combattre en 1914, servit avec l’infanterie sénégalaise à Verdun et dans la Somme, fut blessé et obtint la Croix de guerre. Il rentra en France en 1921 et prit un emploi à la poste. C’est seulement en 1924 qu’il rejoignit le PCF mais il devint rapidement un militant de premier plan. Un rapport de l’organe gouvernemental de Contrôle et assistance des Indigènes datant de 1926 montrait que Senghor était sur le point de devenir ce qu’aucun de ses prédécesseurs dans le groupe du Paria n’avait été, un véritable dirigeant ouvrier :

Durant les quelques jours qu’il a passés à Marseille, il déploya une activité prodigieuse, si l’on songe qu’il a 100% d’invalidité. Malgré les quelques échecs qu’il a dû subir, il fait preuve d’une opiniâtreté déconcertante et se dépensa sans compter en faveur du but poursuivi. Se transportant de bateau à bateau, d’établissement à établissement, et se rendant partout où il pouvait trouver un homme de couleur, il se fit une telle publicité que beaucoup de Noirs le regardent déjà comme leur futur libérateur. Il semble que des mesures urgentes devraient être envisagées contre cet agitateur, afin de l’empêcher d’intensifier sa pernicieuse propagande dont les conséquences pourraient être regrettables [74].

Et le style de vie de Senghor était également beaucoup plus prolétaire que celui du cercle original du Paria :

… son style de vie ressemble beaucoup à celui d’un ouvrier français… et ce musulman n’hésite pas à boire de l’alcool. Lamine Senghor, s’il n’est pas un assimilé complet comme le sont beaucoup de ses camarades antillais, n’en est pas moins très intégré à la société métropolitaine.

À la différence de la plupart des militants nègres qui ont leurs quartiers généraux sur la rive gauche, Lamine Senghor vit rue Myrrha, dans le 18e arrondissement, au cœur du quartier populaire de la Goutte d’or [75] [76].

En 1925, Senghor se présenta comme candidat aux élections municipales de Paris. S’il ne s’était pas ruiné la santé à force de surmenage et n’était pas mort de tuberculose en 1927 avant l’âge de quarante ans, il serait devenu sans le moindre doute un des premiers grands dirigeants ouvriers noirs en France.

Tous les contributeurs du Paria n’étaient pas d’origine coloniale. Robert Louzon, qui écrivit des articles sur le déclin de la puissance britannique en Egypte et la tentative de l’impérialisme de corrompre le clergé musulman [77], avait été associé au groupe Vie ouvrière avant la Première guerre mondiale et partageait son internationalisme conséquent. Il avait été un des fondateurs de l’organisation communiste en Tunisie, et avait lancé la première publication communiste en langue arabe de l’empire français. Pour sa peine, il fut expulsé du territoire [78].

Cela rendit Louzon particulièrement qualifié pour intervenir dans le débat sur la politique coloniale. En décembre 1922, le Bulletin communiste publia un article sur « Le communisme et la question coloniale » [79] qui était apparu au congrès des communistes algériens [80].

Il défendait l’idée que la huitième condition était trop générale, puisque certaines populations indigènes n’étaient pas encore prêtes pour l’indépendance. En particulier en Algérie, les Indigènes étaient encore trop arriérés pour s’émanciper : ils avaient besoin d’être dirigés par les communistes européens, d’où le fait qu’il soit prématuré d’essayer de faire de la propagande communiste parmi les masses arabes.

Cette position consternante suscita deux réponses. La première [81], de Hadjali, ne remit pas en cause les camarades algériens directement (indication peut être qu’il se trouvait dans une position marginalisée).  Mais il demanda à ce que le parti soutienne les revendications immédiates de la population indigène, et avertit que si la propagande n’était pas faite immédiatement au sein des populations indigènes, celles-ci seraient mobilisées pour écraser tout mouvement révolutionnaire en France.

Louzon n’était pas homme à y aller de main morte, et il intitula sa réponse « Une honte » [82]. Il accusait les colons communistes d’Algérie de « phraséologie hypocrite » et de reproduire les préjugés impérialistes. Ils défendaient l’idée que les habitants indigènes en Algérie n’étaient pas prêts pour l’autoémancipation parce que beaucoup d’entre eux étaient illettrés, adoptaient des opinions religieuses, avaient des conceptions arriérées en matière de position de la femme et un faible niveau de syndicalisation. Louzon fit remarquer que les mêmes critiques s’appliquaient à la classe ouvrière française, mais cela ne la rendait pas inapte au communisme ; et puisque la domination française avait échoué à élever les Indigènes algériens hors de l’ignorance et du fanatisme, alors on ne pouvait attendre de la continuation de la domination française qu’elle puisse les assister.

Louzon dénonça avec vigueur la manière dont les colons communistes accusaient les Arabes de « nationalisme » :

Il n’y a pas équivalence entre le nationalisme de l’Anglais qui veut continuer à gouverner l’Irlande, et le nationalisme de l’Irlandais qui veut se gouverner lui-même. Dans le premier cas, nationalisme signifie impérialisme, dans le second il signifie indépendance.

Et il finissait par une attaque dévastatrice contre la mentalité des colons qui se révélait être selon lui une des plus représentatives de l’authentique courant internationaliste au PCF [83] :

N’aurait rien de commun avec le communisme la politique qui ne tendrait qu’à obtenir des augmentations de traitements et de privilèges pour des fonctionnaires français de l’Afrique du Nord, tout fiers de porter faux col et d’avoir été à l’école.

 

3. Interventions

Malgré sa petite taille et le manque d’enthousiasme d’une bonne partie des membres du PCF, le groupe du Paria rendit néanmoins possible des interventions significatives. En 1923, le gouvernement français envahit la Ruhr en réponse à l’incapacité de l’Allemagne de payer les réparations. Cela fournit l’occasion pour la plus belle heure du PCF, sa réponse authentiquement internationaliste à l’invasion.

Une caractéristique notable de l’invasion était l’utilisation de troupes nord-africaine et sénégalaise, qui, dans certains quartiers provoqua des réactions ouvertement racistes [84]. Le PCF devait se démarquer bien clairement d’un tel racisme, tout en défendant dans le même temps l’idée que les troupes noires ne devaient pas être utilisées contre les travailleurs allemands [85]. La propagande distribuée aux Sénégalais tentait de faire le lien entre la lutte des travailleurs allemands et celle du peuple sénégalais pour l’indépendance. La tâche n’était pas rendue plus facile du fait  que beaucoup parmi les troupes noires étaient illettrés, preuve du faible niveau d’éducation en vigueur dans l’empire français. Pour faire face à cette situation des méthodes de propagande innovantes telles que les images furent utilisées [86].

Ben Lakhal Mahmoud, né d’une une famille prospère d’Alger en 1894, était membre du comité éditorial du Paria depuis 1923. Il fut désigné responsable de la propagande parmi les troupes Nord-africaines dans la Ruhr, et produisit une édition en arabe du journal anti-militariste du PCF, La Caserne.

À la suite de ses activités d’appel à la fraternisation, Ben Lakhal fut emprisonné le 18 décembre 1923 et au procès de Mainz, en juin 1924, il fut condamné à cinq ans de prison. Il avait été arrêté à cause de la trahison d’un caporal tunisien, Mustapha Matari, et de fausses preuves présentées par l’adjudant Bognon. Après son arrestation Ben Lakhal fut victime de mauvais traitements et d’insultes racistes : le colonel de la 28ème brigade d’infanterie le frappa à coups de pieds en le traitant de « sale arabe » et de « sale bicot ». Quand Ben Lakhal dit au colonel que c’était le peuple français qui lui avait appris la doctrine de la libération, le colonel lui rétorqua en hurlant : « Ce sont de mauvais Français. » Plus tard à la prison militaire de Siegburg, il fut laissé sans nourriture pendant plusieurs jours [87].

Les avocats désignés pour la défense ne firent pas non plus leur travail. Maître Neumann, l’avocat de la défense, reconnu effectivement dans sa plaidoirie finale les charges de l’accusation :

Il a expliqué comment tous les inculpés, les uns fanatiques du communisme, les autres, tout jeunes et plutôt inconscients, n’ont fait qu’exécuter des ordres. Il a demandé aux juges de ne pas tenir compte de l’attitude des accusés qui ne se sont maintenus dans le mutisme le plus complet que parce que les défenseurs qu’ils avaient choisis s’étaient retirés [88].

Ben Lakhal et tous les autres accusés furent relâchés le 13 août 1924, après une vigoureuse campagne du PCF. Et comme l’écrivit Le Paria : « la liberté dont jouit, pour le moment, Mahmoud ben Lekhal n’a été arrachée que par l’action de la classe ouvrière française [89]. »

Le PCF dirigea également une campagne électorale pour promouvoir sa politique anticoloniale. En mai 1924, le PCF présenta Hadjali Abdelkader comme candidat aux élections parlementaires pour le deuxième secteur de Paris (Hadjali avait la citoyenneté française et était donc éligible.) Un communiqué dans l’Humanitéexposait les objectifs du parti :

Il faut en effet que tous nos camarades se persuadent bien que quelle que soit l’origine ou la couleur d’un travailleur, il appartient  avant tout à la classe ouvrière. Le préjugé de la race est de ceux qu’un ouvrier conscient doit rejeter loin de lui. En ignorant, ou ce qui est pire, en méprisant l’ouvrier embauché aux colonies, parce qu’il a d’autres coutumes, le travailleur français fait le jeu de son exploiteur.

Le capitalisme s’efforce, justement, d’exaspérer ces antagonismes de race pour mieux briser l’action de classe des travailleurs.

Le capitalisme français tient en réserve ses sujets coloniaux, comme briseurs de grève, comme troupes à lancer au besoin contre les travailleurs français [90].

Que les membres du PCF dans leur ensemble aient été aussi conséquents dans leur antiracisme que cette citation le suggère est pour le moins douteux. Claude Liauzu affirme que la décision de présenter Hadjali fut imposée par une « poignée d’activistes, quasi marginaux », et que les communistes du deuxième secteur étaient peu disposés à l’accepter [91].

Quelques preuves viennent confirmer les affirmations de Liauzu. Quand la première liste du deuxième secteur fut publiée, le nom de Hadjali ne s’y trouvait pas [92]. La première intention avait été que la liste soit conduite par Jacques Sadoul et Henri Guilbeaux, tous deux sous le coup d’une condamnation à mort in absentia. Trois semaines plus tard, les autorités déclarèrent ces noms inéligibles, et une liste révisée fut publiée, incluant Hadjali. L’annonce initiale de la nouvelle liste dans l’Humanité ne donnait aucune explication à l’addition de Hadjali, et ne faisait référence à lui en tant que « représentant en quincaillerie syndiqué », sans référence à son statut ethnique [93].  Et lorsque le PCF l’annonça le 1er mai, moins de quinze jours avant les élections, il devait y avoir seize meetings simultanés à Paris, chacun avec six intervenants, et Hadjali n’était pas annoncé pour parler dans aucun d’entre eux. Ce n’est que la dernière semaine de la campagne qu’il parla dans un certain nombre de meetings de sa propre circonscription [94] [95].

Le résultat des élections refléta la position ambiguë de Hadjali. Deux communistes furent élus parmi les onze membres de la circonscription, Hadjali obtint le score le plus bas de la liste [96]. Les deux communistes élus obtinrent 41 601 votes 40 805 votes respectivement ; la moyenne de la liste était 40 781, et Hadjali obtint 40 569 [97] [98]. La performance relativement médiocre de Hadjali peut être attribuée au manque d’enthousiasme du PCF à promouvoir sa candidature et au racisme résiduel parmi les électeurs blancs (très peu de sujets coloniaux avaient le droit de vote.)

Mais le résultat était loin d’être désastreux. Le candidat communiste le mieux élu, Garchery, obtint 800 votes de plus que n’importe qui d’autre sur la liste, sans doute dus à quelques partisans personnels. Mais Hadjali réalisa 97,52% du vote de Garchery et 99,48% de la moyenne de la liste. Comme le remarque Benjamin Stora, pour de jeunes Algériens — y compris l’ami de Hadjali, Messali Hadj — l’important était à quel point il s’était bien débrouillé [99].

 

4. Conclusions

Le PCF adopta une position internationaliste ferme sur la guerre du Rif en 1925. En octobre, le PCF et la CGTU appelèrent à une grève générale d’un jour contre la guerre. L‘Humanité publia des appels de soutien de la grève en italien, polonais, arménien, tchèque et roumain, appelant ses lecteurs à les montrer aux collègues parlant ces langues. Cela démontrait une nouvelle orientation en direction des travailleurs immigrés européens.

Mais le PCF était déjà en train de changer. À la fin de 1924, Monatte et Rosmer, vétérans du mouvement de Zimmerwald et représentants de l’internationalisme le plus intransigeant, furent expulsés, avant d’être suivis par ceux qui étaient arrivés au communisme par le syndicalisme révolutionnaire. La « bolchevisation » bureaucratique de Zinoviev mena à d’autres conflits et purges, et prépara la route pour la totale stalinisation du PCF à partir de la fin de la décennie.

Le Paria ne survécut pas à ce processus. Il disparut virtuellement après septembre 1925, avec seulement un numéro final en avril 1926. Il y avait de plus en plus de conflits entre le minuscule cadre colonial du parti et l’appareil bureaucratique. Lentement mais sûrement, le cadre enthousiaste et  courageux qui avait construit Le Paria fut dispersé. Samuel Stéphany était déjà retourné à la SFIO dès 1923; Jean Ralaimongo rentra à Madagascar en 1922 et plus tard lança son propre journal L’Opinion. Hadjali fut élu au comité central du PCF, mais plus tard, selon un rapport de la police, il fut exclu du PCF pour s’être présenté à des élections municipales sans permission. En 1948, il soutint Ferhat Abbas. Ben Lakhal démissionna de la commission coloniale du PCF en 1926; après 1930, il retourna à Alger et devint propriétaire d’un bain turc. Lamine Senghor mourut. Seul Nguyen-Ai-Quac/Ho Chi Minh fut envoyé en quatrième vitesse à Moscou pour être transformé en staliniste à vie [100].

À partir du début des années 1960, presque tout l’empire colonial français avait gagné son indépendance (à quelques notables exceptions telles que la Nouvelle-Calédonie, la Martinique et la Guadeloupe), même si l’Indochine était toujours bloquée dans une lutte implacable contre l’impérialisme américain. Certains germes de  cette libération avaient été sans aucun doute plantés dans la période de l’immédiate première après-guerre mondiale, mais à partir des années 1930 le seul choix pour la libération coloniale semblait être entre le stalinisme et le nationalisme bourgeois. L’esprit de l’internationalisme prolétarien qui informait la petite bande des pionniers du Paria devait être largement perdu  pendant deux générations et plus, et il fut effectivement rayé de l’histoire. [101]

Pourtant, malgré ses limitations, Le Paria fut une entreprise qui en valut la peine et qui suggéra sincèrement une alternative internationaliste aux crimes et à la brutalité de l’impérialisme, et il mérite qu’on s’en souvienne. Le courant authentiquement internationaliste dans le PCF fut toujours une minorité, et le stalinisme, particulièrement pendant la période du Front populaire, ne fit simplement que renforcer le nationalisme jacobin qui enserrait toujours la majorité du parti. Mais la minorité internationaliste exista, et elle peut offrir des leçons positives pour notre présent.

 

Traduit de l’anglais par Danièle Obono, novembre 2006.

 


[1]              Ainsi en Indochine la loi coloniale interdisait aux Indigènes de quitter le pays; la seule façon dont le jeune Ho Chi Minh put aller en Europe c’est en prenant un boulot sur un bateau. (C. Pasquel Rageau, Ho Chi Minh (Paris, 1970), p 23.)

[2]              L’Algérie n’était techniquement parlant pas une colonie, mais depuis 1870 une partie intégrale de la France métropolitaine. En pratique c’était une colonie, et sera désignée comme telle pour les besoins de cet article.

[3]           C. Liauzu, Aux Origines des tiers-mondismes (Paris, 1982), p 100.

[4]              Sur les 157 000 troupes de Noirs africains envoyés en Europe, 30 000 furent tués, ce qui est une proportion très importante. Certaines troupes de Sénégalais « moururent littéralement de froid », vu que l’armée française n’avait fourni aucune alternative aux habits tropicaux qu’ils portaient chez eux. Après les mutineries de l’armée française de 1917 un plus grand usage fut fait des troupes africaines afin d’épargner les soldats blancs. (Voir V.G. Kiernan, ‘Colonial Africa and its Armies’, in B. Bond & I. Roy (eds.), War and Societyvolume II (London, 1977), pp 20-39)

[5]              Jean Ralaimongo, dans un article à moitié ironique, défendit l’idée que l’armée était le “meilleur patron” puisqu’elle ne faisait pas de discrimination envers les travailleurs des colonies. Il raconta comment un de ses compatriotes de Madagascar avait postulé pour un travail dans une compagnie ferroviaire et avait eu comme réponse: “Le fait d’avoir servi dans l’armée française ne signifie pas que vous soyez Français.” (Le Paria, No. 2, mai 1922, p 1).

[6]           Liauzu, op cit, pp 101, 141.

[7]           J. Degras, The Communist International (London, 1971), I 170.

[8]           L. Trotsky, The First Five Years of the Communist International volume II (New York, 1953), p 284.

[9]           Voir A Rosmer, “A Little Island; La Vie ouvrière”, Revolutionary History 7/4 (2000), pp 40?46.

[10]            Même La Vie ouvrière n’était pas entièrement libre de préjugé impérialiste. Le 13 février 1920, ce journal publia un article de Raymond Lefebvre pointant les dangers de l’utilisation de troupes africaines contre la classe ouvrière française. Deux semaines plus tard le journal contenait une réponse, signée par quelque vingt camarades sénégalais, déclarant qu’ils ne tireraient pas sur leurs frères blancs. (La Vie ouvrière, 13 & 27 février, 1920)

[11]            Enver Pasha, un général turc nationaliste, qui tenta brièvement et sans succès une alliance avec les Bolchéviks au Congrès de Baku des peuples orientaux en 1920. (Voir A Rosmer, Lenin’s Moscow, London, 1987, p 104.

[12]          Tiré des Écrits de Ho, (Hanoi, 1971) in Thu Trang Gaspard, Ho Chi  Minh à Paris (1917?1923)  (Paris, 1992), pp 121-2. Une autre version de son discours apparaît dans La Vie ouvrière, 31 décembre 1920, p 3.

[13]            Là où les sources ne sont pas données pour des détails biographiques, elles sont prises de l’inestimable J. Maitron & C Pennetier, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, (Paris, 1964ff), et, dans le cas des camarades algériens, de B. Stora, Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens(Paris, 1985).

[14]            Numérotés de 1 à 38, avec deux numéros doubles (6/7 et 36/37). Cet article est basé sur un dossier incomplet (23 numéros) conservé à la Bibliothèque Nationale, Paris.

[15]            Une combinaison d’imprimeurs bon marché et de culture eurocentrique signifiait qu’il y avait très souvent des variations et des inexactitudes dans l’épellation de noms non européens. J’ai construit un modèle standard cela afin de minimiser la confusion.

[16]          Le Paria, n° 4, juillet 1922, p 2.

[17]          Le Paria, n° 5, août 1922, p 1.

[18]            Beaucoup des compte-rendus de Nguyen-Ai-Quac sur les atrocités en Indochine furent compilés dans le volume Le Procès de la colonisation française (Paris, 1925; réimpression Pantin, 1998).

[19]          Le Paria, n° 9, décembre 1922, p 1.

[20]          Le Paria, n° 36-37, septembre-octobre 1925.

[21]          Le Paria, n° 6-7, septembre-octobre 1922, p 2.

[22]          Le Paria, n° 5, août1922, p 1.

[23]          P. Dewitte, Les Mouvements nègres en France 1919-1939, (Paris, 1985), p 101

[24]            Emir Khaled, dirigeant du Bloc des Musulmans Algériens Elus. En 1924 le PCF changea de position et coopéra avec Khaled.

[25]            Le décret Crémieux de 1870 donnait la pleine nationalité française aux Juifs algériens.

[26]          Le Paria, n° 9, décembre 1922, p 1.

[27]          Le Paria, n° 4, juillet 1922, p 1.

[28]          Le Paria, n° 6-7, septembre-octobre 1922, p 1.

[29]          Le Paria, n° 20, novembre 1923, p 2.

[30]          Le Paria, n° 23, février 1924, p 1.

[31]          Le Paria, n° 33, avril-mai 1925, p 1.

[32]          Le Paria, n° 5, août 1922, p 1.

[33]          Le Paria, n° 6-7, septembre-octobre 1922, p 1.

[34]            La référence renvoie à la fable de La Fontaine Le Loup et le chien, révélant la familiarité du jeune Ho avec les classiques de la culture française.

[35]          L’Humanité, 25 mai 1922, p 4.

[36]            Étrangement, l’article ne contient aucune référence au Le Paria, alors qu’on peut présumer qu’il était considéré comme une des armes requises pour la propagande.

[37]          Le Paria, n° 20, novembre 1923, p 1.

[38]          Le Paria, n° 23, février 1924, p 2.

[39]          Le Paria, n° 22, janvier 1924, p 1.

[40]          Le Paria, n° 20, novembre 1923, p 2.

[41]          Le Paria, n° 33, avril-mai 1925, p 2.

[42]            Selon Maitron & Pennetier op. cit. ce pseudonyme — signifiant « L’ Algérien » — renvoyait parfois à Menouar Abdelaziz, un syndicaliste de l’usine Renault.

[43]            Syndicats affiliés à la Confédération générale du travail unitaire, formée par l’aile révolutionnaire de la CGT après la rupture de 1922.

[44]          Le Paria, n° 31, novembre-décembre 1924, p 2.

[45]          Le Paria, n° 22, janvier 1924, p 2.

[46]          Le Paria, n° 2, mai 1922, p 1.

[47]          Le Paria, n° 5, août 1922, p 1.

[48]          Le Paria, n° 22, janvier 1924, p2.

[49]            L’intérêt envers l’Espéranto en tant qu’outil de l’internationalisme, piétiné et éjecté du mouvement communiste par le stalinisme, persista pendant quelque temps dans le mouvement trotskiste; voir lettre de Ralph Dumain dans Revolutionary History 7/4, pp 240-42.

[50]            Un journal ultérieur, La Race nègre, lancé par Lamine Senghor en 1927, comportait des articles en « français?tirailleur », c’est-à-dire, le langage parlé de la recrue africaine dans l’armée française. (Dewitte, op cit, pp 158-9.)

[51]          Le Paria, n° 2, mai 1922, p 2.

[52]          Le Paria, n° 2, mai 1922, p 2.

[53]          Dewitte, op cit, p 65.

[54]          Liauzu, op cit, p 110.

[55]          Le Paria, n°  5, août 1922, p 1.

[56]            Selon un calcul approximatif, l’équivalent de 525 francs ou juste un peu plus de £50 en monnaies actuels.

[57]          Liauzu, op cit, p 109.

[58]            Au début des années 1920 l’aide financière était relativement modeste; la direction française était soucieuse de préserver son indépendance politique. L’affirmation de Barbé selon laquelle le parti reçu un million de francs (£500.000 en monnaie actuelle) par mois pour le travail anti-militariste et anti-colonial est écartée par Robert Wohl comme « sûrement une exagération » ; cet argent n’atteignait pas en tous cas Le Paria. (Voir R Wohl, French Communism in the Making, Stanford, 1966, pp 404-5, 503)

[59]            ‘Bicot’ est un terme raciste extrêmement insultant désignant un arabe. Hadj Ali fut ainsi un pionnier de la technique des opprimés renvoyant à la face des oppresseurs leur propre langage.

[60]          Thu Trang Gaspard, op cit, p 52.

[61]          Liauzu, op cit, p 108.

[62]          Le Paria, n° 6-7, septembre-octobre 1922, p 2.

[63]          Le Paria, n° 5, août 1922, p 1.

[64]            Le Paria, no 9, décembre 1922, p 2.

[65]            En 1951, La Révolution prolétarienne publia un article d’un certain Jacques Sternel, qui avait connu Ho dans sa période parisienne. Sternel s’identifiait politiquement avec La Révolution prolétarienne et était clairement anti?Stalinien, mais il défendit l’idée selon laquelle il trouvait hautement improbable que Ho ait pu être coupable du meurtre de Trotskistes, puisqu’il se rappelait de lui davantage comme d’un « sentimental » que comme d’un « sanguinaire ». Le principal axe de son argumentation était que Ho avait toujours été pour une bonne part nationaliste, et s’était tourné vers le communisme simplement comme un moyen à cette fin. (J. Sternel, ‘ A Propos d’Ho Chi Minh’, La Révolution prolétarienne, février 1951, pp 72-4.)

[66]          Thu Trang Gaspard, op cit, p 75.

[67]            Un compte rendu assez embrouillé de cette histoire est donné par Ruth Fischer, qui connut Ho à Moscou. Elle confond les dates et affirme, à tort, que Messali Hadj était impliqué dans in Le Paria. (R Fischer,Von Lenin zu Mao (Düsseldorf/Cologne, 1956), p 178.

[68]          Thu Trang Gaspard, op cit, pp 159-60.

[69]            Le quatrième congrès du Comintern déclara que : « Le second congrès de l’Internationale communiste n’incluait pas de point spécial de l’incompatibilité entre le communisme et la franc-maçonnerie parmi les conditions d’admission simplement parce que le principe avait déjà été formulé dans une résolution spéciale passée à l’unanimité par le congrès. » Cependant, divers membres dirigeants du PCF étaient franc-maçons et le quatrième congrès leur enjoignit de rompre tous les liens avec la franc-maçonnerie au 1er janvier 1923. Il existe un compte rendu précis fait par Radek détaillant comment Trotsky, lors d’une réunion pendant le congrès, confronta Ker à l’accusation qu’il était franc-maçon: « Ker pâlit et baissa la tête », avant d’admettre l’accusation. (R Wohl, French Communism in the Making, pp 297-8)

[70]          Nguyen-Ai-Quac, ‘Indochine’, La Revue communiste No 15, May 1921, pp 204-6.

[71]            Dans un microfilm de très pauvre qualité.

[72]          Le Libertaire, 30 septembre 1921, p 3 & 7 octobre, 1921, p 3; reproduit dans J. Maitron, ‘Hô Chi Minh anarchiste’, Le Mouvement social n° 83, (1973), pp 57-61.

[73]          J. Suret-Canale, Afrique noire: ère coloniale (Paris, 1964), pp 562-3.

[74]          Dewitte, op cit, p 128.

[75]          Dewitte, op cit, p 129.

[76]            Au milieu du 19ème siècle le quartier de la Goutte d’or hébergeait des travailleurs venus des provinces françaises vers Paris, comme cela est décrit de manière si vivante dans le roman de Zola,L’Assommoir (1877). Dans la seconde moitié du 20ème siècle, il était largement peuplé de Nord-Africains.

[77]          Le Paria, n° 22, January 1924, p 1 & No 26, June 1924, p 1.

[78]          Liauzu, op cit, p 17.

[79]          Bulletin communiste, décembre 7, pp 939-40; décembre 14, pp 954-5.

[80]            Le Bulletin communiste présenta par la suite ses excuses pour avoir publié l’article, expliquant qu’il avait été imprimé alors que la revue était dans les mains de la fraction du centre ; tandis qu’un camarade algérien prétendit que l’article était un brouillon et ne représentait pas une orientation politique. (Bulletin communiste, 4 janvier 1923, p 15 ; 25 janvier, p 61.)

[81]          Bulletin communiste, 14 décembre 1922, p 956.

[82]          Bulletin communiste, 4  janvier 1923, pp 15-16.

[83]            En 1960, alors âgé de plus de soixante-dix ans, Louzon signa le « Manifeste des 121 » en soutien aux actions illégales menées contre la guerre d’Algérie.

[84]            Morgan Philips Price remarqua qu’en Rhénanie la classe moyenne réagit avec hostilité et racisme, mais que les travailleurs fraternisèrent avec les troupes qu’ils voyaient comme « non pas un ennemi mais un ami ». Les troupes noires qui n’étaient pas en service avaient l’habitude de jouer avec les enfants de la classe ouvrière allemande. (M Philips Price, Dispatches from the Weimar Republic, London, 1999, pp 108-9) Il est alors troublant de lire chez un historien de gauche comme VG Kiernan affirmer que « l’utilisation des troupes africaines […] doit avoir encouragé le racisme que Hitler exploita. » (European Empires from Conquest to Collapse, London, 1982, p 185)

[85]            Dans une brochure publiée peu de temps après, le PCF lança le slogan général “Pas de soldats blancs aux colonies, pas de soldats de couleur en France ». (J. Doriot, L’Armée et la défense du capitalisme, Paris, 1924 [?], p 34.

[86]          V. Vouïovitch, L’I.C.J. en lutte contre l’occupation de la Ruhr et la guerre (Moscow, 1924), p 11.

[87]          Interview avec Ben Lakhal, L’Humanité, 24 août 1924, p 1.

[88]          Le Temps, 7 juin 1924, p 1.

[89]          Le Paria, n° 29, septembre 1924, p 1.

[90]          L’Humanité, 28 avril 1924, p 2.

[91]          Liauzu, op cit, p 18.

[92]          L’Humanité, 5 avril 1924, p 4.

[93]          L’Humanité, 25 avril 1924, p 2.

[94]          L’Humanité, 28-29 avril, 7, 8, 9 mai 1924.

[95]            Un article plutôt plus enthousiaste dans Le Paria rappelait que la Guadeloupe avait envoyé deux députés noirs à la Convention de 1794, et faisait référence à l’élection de Saklatvala en Angleterre en 1922. (n° 25, mai 1924, p 1)

[96]            Voter s’opérer par un système de liste complexe. Chaque parti présentait des listes pour des circonscriptions à plusieurs membres. Les électeurs votaient pour des individus, sur plus d’une liste s’ils le souhaitaient. Les sièges étaient attribués proportionnellement sur la base de la moyenne des votes obtenus par la liste, mais c’étaient les individus avec le plus de voix qui étaient choisis pour représenter la liste.

[97]          L’Humanité, 13 mai 1924, p 1; Le Temps, 13 mai 1924, p 8.

[98]            Les chiffres publiés dans Le Paria (n° 26, juin 1924, p 1) étaient inexacts et suggéraient que Hadjali avait manqué l’élection de seulement vingt voix, une affirmation souvent répétée. Étant donné le faible niveau de la qualité d’impression dans Le Paria, cela peut être attribué plus à de l’incompétence qu’à une tentative délibérée d’induire en erreur.

[99]          B. Stora, Messali Hadj (Paris, 1986), pp 52-5.

[100]           Pour ce qui est du stalinisme post-1945 de Ho, voir Revolutionary History 3/4 (1990), pp 20-43, et Ngo Van, Revolutionaries They Could Not Break (London, 1995).

[101]           C’est ainsi que l’étude, par ailleurs utile, de Jacob Moneta, Le PCF et la question coloniale (Paris 1971), ne contient aucune mention du Paria  et de l’activité autour de lui. Ce n’est pas mentionné par Robert Wohl et son enquête sur la presse du PCF dans les notes bibliographiques à French Communism in the Making, p 516. Philippe Robrieux donne un bref aperçu du début de la carrière de Ho, mais le décrit comme un « militant relativement obscur » durant son séjour à Paris, et ne fait pas mention du Paria. (Histoire intérieure duparti communiste volume I, Paris, 1980, pp 36-7.)

 

 

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