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Bien que le concept de fémonationalisme soit peu usité en France, il fait écho aux nombreux débats sur l’instrumentalisation de la rhétorique de l’égalité entre hommes et femmes à des fins racistes. Cette notion pourrait bien prendre une actualité à l’heure où le discours « paternaliste » envers les femmes voilées qu’évoque Farris dans son article se mue en actes et en violences racistes. Dans cet article, Sara Farris propose d’éclairer le phénomène fémonationaliste à travers les transformations de la place des migrant-e-s sur le marché du travail globalisé et les nouvelles différenciations entre hommes et femmes immigré-e-s.

 

Introduction

Le Premier Monde endosse le rôle traditionnellement dévolu à l’homme dans la famille – gâté, doté de tous les droits, incapable de cuisiner, de nettoyer ou de trouver ses chaussettes. Les pays pauvres se comportent comme la femme traditionnelle – patiente, nourricière et effacée. Une division des tâches que les féministes critiquaient lorsqu’elle était « locale » mais qui, maintenant, métaphoriquement, est devenue globale1.

Cette représentation de la relation entre le Premier Monde et le Tiers Monde en termes de division sexuelle du travail dans le cadre du foyer ne devrait pas être comprise comme une simple métaphore des relations de pouvoir et du développement inégal engendré par la mondialisation néolibérale. Elle devrait plutôt être analysée littéralement : les pays pauvres fournissent de plus en plus  de « nounous » et de domestiques qui travaillent dans les pays riches. A l’échelle mondiale, les femmes représentent la moitié de la population migrante, comme l’indiquent Morrison, Schiff et Sjoeblom, auteurs du premier rapport de la Banque Mondiale sur la migration internationale des femmes2. La hausse dramatique des flux de migration féminine est due en grande partie à la demande croissante de travailleurs dans le secteur des soins, notamment en Europe. Néanmoins, l’image de l’immigrant en tant que Gastarbeiter [travailleur invité] masculin, qui fut diffusé dans les années 1950 et 1960, n’a pas été remplacée par l’image de l’immigré comme femme domestique. Au contraire, lorsque les migrantes sont mentionnées, elles sont dépeintes en tant qu’objets orientalistes, voilés et opprimés. Le débat public sur le rôle de la migration et sur le statut de l’Europe contemporaine en tant que « laboratoire multiculturel » a bel et bien été dominé par une stratégie discursive insidieuse qui a tendance à obscurcir l’importance de ces femmes en tant que travailleuses domestiques et les représente plutôt comme victimes de leur propre « culture ».   

Le « fémonationalisme », compris comme la mobilisation contemporaine des idées féministes par les partis nationalistes et les gouvernements néolibéraux sous la bannière de la guerre contre le patriarcat supposé de l’Islam en particulier, et des migrants du Tiers monde en général, constitue la stratégie discursive complexe que cet article vise à déconstruire.

De récents discours sur le multiculturalisme et l’intégration des migrants, en particulier quand ils prennent pour objet les musulmans, ont été fortement marqués par l’exigence imposée à ces migrants de s’adapter à la culture occidentale et à ses valeurs. Il importe de noter qu’un élément essentiel dans l’éventail de ces valeurs est l’égalité des genres3. La mobilisation, ou plutôt l’instrumentalisation, de la notion d’égalité entre hommes et femmes, à la fois par les partis nationalistes et xénophobes et par les gouvernements néolibéraux, constitue un des plus importants aspects qui caractérise la conjoncture politique actuelle, particulièrement en Europe. Des déclarations récentes de Marine Le Pen en défense des français « blancs », et sur les risques encourus par les femmes et les homosexuels dans les banlieues, jusqu’aux attaques récurrentes contre les immigrants par la Ligue du Nord italienne et par le British National Party, en passant par les affirmations répandues selon lesquelles l’entrée d’une Turquie prétendument « musulmane » dans l’Europe constituerait un danger pour les femmes européennes, ou encore les films de Geert Wilders dépeignant l’Islam sous les traits d’une religion et d’une culture diaboliques et misogynes, la défense proclamée des femmes constitue un dénominateur commun d’une nouvelle extrême droite européenne ainsi qu’un argument insidieux qui est de plus en plus utilisé par les gouvernements néolibéraux et les médias à travers le continent.

Cette mobilisation a divisé intellectuelles et militantes féministes, conduisant à des ruptures au sein des mouvements. D’une part, certaines féministes – par exemple Alice Schwarzer en Allemagne, Elisabeth Badinter en France, Cisca Dresselhuys aux  Pays-Bas – ont approuvé l’idée que l’Islam est fondamentalement misogyne. Etant donné qu’elle est vue comme une religion qui affirme le rôle subordonné des femmes dans la société et qui exerce un contrôle strict sur leur sexualité, l’Islam est considéré comme étant opposé à l’émancipation des femmes. Ses représentants masculins ainsi que ses pratiques culturelles et religieuses doivent donc être réprimés. D’autre part, d’autres féministes – on peut penser ici à Christine Delphy en France, Annamaria Rivera en Italie et Anja Meulenbelt aux Pays Bas – ont critiqué une telle caractérisation globalisante de l’Islam, mettant en garde contre ses implications potentiellement « racistes ». En particulier, elles soulignent le besoin de soutenir les initiatives autonomes propres aux femmes musulmanes contre ce qu’elles perçoivent comme du paternalisme, et dénoncent l’hypocrisie des partis nationalistes–xénophobes et des gouvernements néolibéraux,  concernés par les droits des femmes dans la seule mesure où cela permet d’exacerber le climat islamophobe. Je dois admettre que, depuis le début, ma position est proche de celle du dernier groupe. La construction d’une opposition entre les musulmans et les musulmanes, avec ces dernières dans le rôle de victimes passives de violence conjugale de la part d’hommes non-occidentaux, et ayant besoin de protection, peut être perçue comme représentant la forme contemporaine d’une mythologie occidentale bien connue, ou un « ancien stratagème » tel que Leila Ahmed le nomme4, en l’occurrence celui de « l’homme blanc [qui se perçoit] sauvant les femmes basanées des hommes basanés », pour utiliser la célèbre phrase de Spivak5. Par exemple, bien que les médias et les discours politiques actuels se concentrent sur les hommes musulmans en tant qu’oppresseurs, on peut se souvenir que le « danger des migrants masculins » dans les années 1990 était censé venir de l’Est. Les mauvais immigrés étaient alors incarnés par les hommes d’Europe de l’Est, souvent représentés comme des criminels, tandis que les femmes de ces pays étaient souvent vues comme victimes d’une culture arriérée6. Comme Helma Lutz l’a dûment noté, c’est à travers des « discours de différences ‘raciales’, ethniques et nationales, plutôt qu’à travers les différences sexuelles, que l’antagonisme entre les ‘européennes’ et les ‘autres’ femmes est souligné. Dans ce binôme, les européennes sont le standard à partir duquel on peut comparer les femmes qui viennent d’ailleurs »7. L’image des femmes migrantes venant des pays non-occidentaux, en tant que victimes passives de violences patriarcales héritées de leur culture, a donc une longue histoire ; on pourrait soutenir que, dans le contexte présent, les musulmanes jouent le rôle d’une synecdoque pour le stéréotype européen de la femme immigrante « représentée comme une sorte particulière de déviation de la féminité ‘européenne’ – fonctionnant sans doute inconsciemment comme une contre-image de celle-ci »8.

En gardant ces perspectives historiques en mémoire, je vise dans cette intervention à étendre la critique de l’instrumentalisation actuelle des « thèmes féministes » au-delà des termes largement « culturalistes » qui ont été prépondérants dans les débats récents. En particulier, j’espère ouvrir une discussion à propos de la dimension politico-économique de ces procédés, qui me semble avoir été soit négligée, soit insuffisamment analysée. Je vais donc analyser les diverses tentatives d’utilisation du « genre » dans les discussions contemporaines sur l’intégration des migrants et surtout des musulman-e-s à travers certains outils conceptuels offerts par les remarques de Marx dans Le Capital sur « l’armée de réserve de travailleurs » et leur actualisation. 

 

Qu’est-ce que le fémonationalisme ?

Pour analyser l’économie politique des discours sur l’égalité de genre sous-tendus par les sentiments anti-musulmans et anti-immigrés des partis nationalistes, de certaines féministes et des gouvernements néo-libéraux, je propose d’employer le concept de « fémonationalisme ». Ce terme s’inspire jusqu’à un certain point de la notion d’ « homonationalisme » de Jasbir Puar. Puar utilise cette notion pour identifier la « tactique discursive qui éloigne les homosexuels américains des autres races et des autres sexualités, mettant au premier plan une collusion entre l’homosexualité et le nationalisme américain qui est généré à la fois par les rhétoriques nationales d’inclusion patriotique et par les homosexuels eux-mêmes »9. Cette collusion se forge dans l’opposition au terrorisme (islamique), considéré comme homophobe et ennemi de la civilisation américaine. 

De la même façon, le fémonationalisme décrit les tentatives des partis européens de droite (entre autres) d’intégrer les idéaux féministes dans des campagnes anti-immigrés et anti-Islam. Cependant, le concept de fémonationalisme n’implique pas de « collusion » ou  d’alliance délibérée entre les féministes et les nationalistes, et n’attribue pas non plus les rhétoriques patriotiques nationales à un agent indistinct comme l’Europe ou à une entité supposée que constitueraient les gouvernements européens. D’une part, malgré le fait que certaines intellectuelles féministes européennes bien connues ont soutenu des propos contre l’Islam et ont appelé à l’interdiction du voile, leurs raisons sont entièrement différentes de celles qui animent les partis nationalistes. D’autre part, malgré la montée des différentes formes de patriotisme, j’utilise la notion de nationalisme pour indiquer l’idéologie déployée explicitement par les partis de droite en Europe et de manière plus sélective par les gouvernements néo-libéraux ; cette idéologie allie chauvinisme, mythe d’une parenté ethnique commune et xénophobie.    

Mais pourquoi est-ce important de fournir une analyse du fémonationalisme sur un plan politico-économique ? Et que signifierait tracer ses contours politico-économiques ? Nous pouvons commencer par la première question. Malgré le fait que plusieurs auteurs ont identifié et critiqué l’usage d’un certain lexique « féministe » par des nationalistes européens contemporains, je crois que la plupart des tentatives critiques ont porté très peu d’attention aux éléments politico-économiques. D’une part, plusieurs auteurs ont fourni d’utiles descriptions du processus à l’œuvre dans cette instrumentalisation10, ce qui a eu pour effet de dévoiler les contradictions des discours des partis nationalistes-xénophobes et des législations mises en place par les gouvernements. D’autre part, d’autres écrits ont tenté de comprendre la mobilisation actuelle du « genre » en tant que couverture idéologique et instrumentale des projets néo-impérialistes et même fondamentalistes. Ainsi, certains auteurs ont maintenu que les revendications pour libérer les musulmanes en les dévoilant est une position classiquement colonialiste/missionnaire. Derrière la supercherie des nouvelles expéditions missionnaires qui sont représentées comme philanthropiques – ou plutôt « phylogénistes » – ces auteurs détectent d’importantes traces de projets néo-colonialiste et assimilationnistes. De plus, des notions telles que le « fondamentalisme des Lumières »11 et l’« humanisme séculaire »12 ont suggéré que les héritages des Lumières et de la sécularisation des sociétés posés comme  « la fondation de la culture de l’Europe de l’ouest »13 sont employés d’une manière fondamentaliste14. Ainsi donc, ces auteurs soulignent combien, derrière les revendications « phylogénistes », le fondamentalisme séculaire occidental, qui n’est pas très différent dans ce contexte du fondamentalisme religieux, vise à redéfinir les rôles de genre.

Néanmoins, malgré l’importance cruciale de ces analyses, j’aimerais proposer que nous allions plus loin et posions les questions suivantes : a) Pourquoi l’« égalité des genres » en particulier est-elle mobilisée contre l’Islam, plutôt qu’une autre arme dans l’arsenal occidental des valeurs universelles? b) Y a-t-il quelque chose de spécifique aux femmes, particulièrement aux femmes non-occidentales, et plus précisément quelque chose de spécifique quant aux rôles politico-économiques qu’elles occupent dans la conjoncture actuelle, qui expliquerait pourquoi elles ont été décrites par les discours fémonationalistes comme potentiellement opposées aux hommes non-occidentaux ? 

 

La dimension « genrée » de l’intégration

Une des modalités principale selon laquelle le « fondamentalisme occidental des Lumières » essaye d’imposer son idée de l’égalité des genres et de la libération des femmes aux immigrantes non-occidentales et musulmanes, passe par l’idée que leur adoption du mode de vie féminin occidental faciliterait non seulement leur propre intégration dans la société occidentale, mais aussi l’intégration de leur communauté d’appartenance. Dans cette perspective, les femmes sont perçues comme les « vecteurs de l’intégration »15, sur un mode proche de l’assimilation. Il est nécessaire, pourtant, d’analyser les manières spécifiques dont les appels à une telle intégration/assimilation sont adressés différemment aux hommes et aux femmes des communautés migrantes. 

Les discours concernant l’intégration des migrants, qu’il s’agisse de ceux des partis nationalistes-xénophobes ou de ceux, plus traditionnels, diffusés par les médias, s’appuient sur une analyse genrée. Dans ces témoignages, ce sont les hommes, et non les femmes, qui créent des problèmes dans le processus d’intégration, et ce de plusieurs manières16. Premièrement, les hommes sont perçus comme des obstacles réels à « l’intégration sociale et culturelle », représentant un danger culturel pour l’Europe entière. Même lorsque  la femme voilée semble perçue comme un danger culturel, lorsqu’elle refuse d’enlever le hijab et donc de s’adapter aux normes culturelles sécularisées, elle est représentée comme le faisant non pas par choix personnel – puisque les musulmanes, dans ce cas, se voient refuser tout libre-arbitre – mais parce qu’elle est opprimée par les hommes. Deuxièmement, et sans doute plus important encore, les hommes et les femmes sont perçus de manière différente et souvent opposée quant à leur « intégration économique ». Les slogans xénophobes-nationalistes qui défendent le « travail pour les nationaux »  devraient être lus comme : « le travail pour les hommes nationaux ».

Une analyse plus approfondie des différences entre les migrants et les migrantes, musulmans et non-musulmans, dans l’arène économique européenne nous permettra d’éclairer certaines des raisons politico-économiques de la « sympathie fourbe » des mouvements nationalistes européens envers les revendications féministes. 

 

La particularité des travailleuses migrantes

Les hommes migrants travaillant dans les économies occidentales jouent le rôle de ce que Marx appelle une « armée de réserve de travailleurs », c’est-à-dire d’un surplus d’ouvriers sans emploi ou sous-employés dont l’existence est « un produit nécessaire » à l’accumulation capitaliste et dont la reproduction constante est utilisée par les employeurs pour maintenir les salaires bas. De nos jours, particulièrement dans le sud de l’Europe, les migrants sont fréquemment perçus comme une réserve de main-d’œuvre bon marché dont la présence menace les emplois et les salaires des travailleurs nationaux. Pourtant, les travailleuses migrantes et les musulmanes en particulier ne sont ni présentées ni perçues de la même manière. Pourquoi ?    

La moitié de la population migrante actuelle dans le monde occidental est constituée de femmes17. En Europe, par exemple, des estimations révèlent que les femmes constituent un peu plus de la moitié du stock de migrants dans l’Europe des 2718. Un grand nombre de migrantes, musulmanes ou non, sont employées dans une seule branche de l’économie, à savoir le secteur domestique et des soins (care). L’augmentation de la  participation des femmes « nationales » dans l’économie « productive » après la Seconde Guerre Mondiale, le déclin du taux de natalité et la hausse du nombre de personnes âgées, couplés à l’érosion, l’insuffisance ou simplement la non-existence de services de soins publics et abordables, ont eu comme résultat la marchandisation de la prétendue main-d’œuvre « reproductive », qui est surtout fournie par les migrantes. La demande de main-d’œuvre dans ce secteur a tant augmenté durant les dix dernières années qu’elle est maintenant considérée comme la raison principale, derrière la féminisation, de la migration19.   

Pour pouvoir comprendre l’ « exception » que représentent les immigrées dans l’Europe contemporaine, qui ne semblent pas constituer un danger d’ordre économique ou culturel,  – en d’autre termes, afin de déchiffrer une des justifications sur laquelle s’appuie le fémonationalisme – nous devons  observer de plus près le secteur des soins et le secteur domestique.

 

La matérialité non-jetable du travail affectif/reproductif

Qu’est-ce qui distingue le secteur des soins du secteur domestique, où les femmes migrantes sont principalement employées, des autres secteurs qui emploient principalement des hommes migrants ?

Premièrement, le secteur des services domestiques est sans doute le plus genré des marchés du travail dans la mesure où les compétences, la culture et l’identité professionnelles qui y sont associées renvoient à une féminité socialement construite20. Comme le soutient Helma Lutz, le travail des soins/domestique « n’est pas juste un autre marché du travail »21, en ce sens que ce n’est pas simplement du travail, mais une activité basée sur des stéréotypes sexistes, dans lesquels la sous-traitance à une autre femme du travail domestique et des soins est largement acceptée, et participe ainsi à la perpétuation d’un sexisme institutionnalisé22. De plus, l’ « affectif » est un composant fondamental – quoique non-exclusif – du travail des soins/domestique ou « reproductif »23. La nature intime du contexte dans lequel il est effectué (le foyer), le caractère extrêmement émotionnel des tâches (prendre soin des enfants et/ou des personnes âgées, la cuisine, l’entretien de la maison, c’est-à-dire l’intimité des employeurs) et donc l’importance de la confiance dans la relation de travail, sont des aspects qui rendent plus difficile le remplacement du travailleur une fois qu’une relation de confiance s’est installée. Cette caractéristique extrêmement « affective » du travail des soins/domestique est aussi une des difficultés principales rencontrées par les tentatives de le mécaniser et de l’automatiser. Comme l’explique  Silvia Federici :

« Contrairement à la production de marchandises, la reproduction des êtres humains est en grande partie irréductible à la mécanisation, étant donné la satisfaction des besoins complexes, dans lesquels les éléments physiques et affectifs sont inextricablement combinés, nécessitant un haut degré d’interactions humaines et un procédé de travail des plus intenses. Ceci est le plus évident dans les soins prodigués aux enfants et aux personnes âgées ou même la dimension plus physique qui requiert de satisfaire une sensation de sécurité, anticipant les peurs et les désirs. Aucune de ces activités n’est purement « matérielle » ni « immatérielle », et elles ne peuvent pas non plus être décomposées de manière à rendre possible leur mécanisation ou leur remplacement par le monde virtuel des communications. »24

Une des conséquences de cette résistance à la mécanisation est d’une part, que le travail dans le domaine des soins, ou le domaine domestique, a été redistribué principalement aux femmes migrantes ou partiellement commercialisé. D’autre part, l’analyse de Marx sur l’armée de réserve de travailleurs ne peut être facilement appliquée. La discussion sur la création d’un surplus de population ouvrière, ou armée de réserve, est intimement lié à l’analyse de Marx concernant la composition organique du capital et la tendance qu’a l’accumulation capitaliste à encourager l’augmentation du « capital social, qui réduit simultanément la grandeur proportionnelle de sa partie variable »25, à savoir, l’augmentation de la masse et de la valeur des moyens de production par rapport au coût de la masse et des valeurs de la main-d’œuvre vivante employée dans le processus de production. Un élément crucial dans la réduction du capital variable est effectivement le développement technique et l’automatisation, qui, parmi d’autres facteurs, conduit à l’expulsion d’un certain nombre de travailleurs du processus productif et donc à la création d’une armée de réserve. Cependant, la résistance du travail des soins et du travail domestique à la mécanisation signifie que seule une portion du travail peut être remplacée par le développement des moyens de production. L’essentiel doit être accompli par de la main-d’œuvre vivante, soit à travers le recrutement de travailleurs dans le secteur des soins-domestique dans des foyers privés, soit à travers la croissance des services commerciaux (fast-food, blanchisserie et ainsi de suite), ou effectué « gratuitement » par des membres de la famille ou du ménage.

Par conséquent, la demande du travail des soins/domestique dans les foyers privés, particulièrement dans une situation où les tâches reproductives sont massivement sous-traitées ou devenues marchandises, est destinée à augmenter dramatiquement dans les prochaines années26. Ce n’est donc pas par hasard qu’un récent rapport de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) sur l’impact de la crise économique globale sur les travailleurs migrants démontre que les secteurs qui emploient le plus de migrantes « n’ont pas été affectés par la crise » ; en effet, ces secteurs ont « connu une croissance, même dans ce contexte. C’est le cas du secteur des soins et celui du travail social, qui sont les plus grands employeurs de travailleuses migrantes, ainsi que les services sociaux et personnels, et les services éducatifs »27. Comme le rapport l’explique davantage, la migration des femmes travailleuses pourrait avoir été moins affectée que celle des hommes.

 

Fournisseur d’emplois et d’aide sociale

Comme je l’ai mentionné précédemment, la hausse de la participation des femmes au marché du travail dans les vingt dernières années, qui ne fut suivie ni par une augmentation des soins publics ni par un changement dans la division sexuelle des tâches dans les foyers, a certainement été l’une des raisons de la demande croissante d’aide privée ou d’aide à domicile, et d’un élan important pour la féminisation des flux  migratoires contemporains. Pourtant, comme Williams et Gavanas le constatent clairement, « ce n’est pas simplement un manque d’approvisionnement public qui influence la demande pour la garde d’enfants [et de personnes âgées], mais la nature même du soutien apporté par l’Etat »28. Dans des pays tels que la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Finlande et la France, des politiques d’aide financière ou de crédit d’impôts  ont été introduites afin de soutenir financièrement la garde d’enfants. De plus, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Italie et en Autriche, par exemple, des formes de paiement direct ont été mis à disposition pour permettre aux personnes âgées ou handicapées de se procurer un soutien et une assistance. Cela a eu pour effet d’encourager le développement de la « marchandisation des soins » ou des travaux domestiques, dans un marché où les femmes migrantes constituent la plus grande portion de l’offre29.

La demande croissante pour le travail des soins et le travail domestique en Europe, qui est liée aussi bien à la privatisation généralisée des services de soins qu’aux taux plus élevés de participation des femmes « nationales » sur le marché du travail, sont des facteurs très importants pour expliquer pourquoi les travailleuses migrantes ne reçoivent pas le même traitement que leurs homologues masculins. Cela peut être mis en évidence par les différentes manières dont les campagnes et les législations actuelles contre l’immigration illégale influent sur les hommes et les femmes. A cet égard, les cas de l’Italie et de l’Allemagne sont particulièrement emblématiques car ils démontrent comment différentes législations présentent des similitudes à propos de l’immigration clandestine lorsque les services de soins et les services domestiques sont en jeu.

En 2009, le gouvernement italien a accordé une amnistie seulement pour les immigrants illégaux travaillant comme soignants et comme travailleurs domestiques, donc principalement des femmes, ces secteurs étant considérés comme les seuls domaines où la demande de main-d’œuvre ne pouvait pas être satisfaite par l’offre nationale30. En Allemagne, par contre, Helma Lutz décrit l’attitude de l’Etat envers les migrants illégaux travaillant dans le secteur des soins en terme de « semi-conformité ». Par exemple, les européens de l’Est (qui constituent la majorité des travailleurs des soins domestiques en Allemagne) ont un permis de séjour mais pas de permis de travail, de telle manière que la violation des droits est limitée aux lois du travail et non du séjour. « Le gouvernement Allemand, comme Lutz et  Palenga-Möllenbeck le décrivent, semble développer une politique d’intervention de facto relativement libérale »31. L’exemple suprême est le comportement de l’Etat allemand en 2004, quand il a introduit une unité opérationnelle pour traiter le travail des migrants sans-papiers. Les policiers ont traqué l’emploi illégal sur les lieux de travail publics, mais pas dans les foyers privés. Les problèmes auxquels étaient confrontées les familles qui devaient s’occuper d’un enfant ou soigner une personne âgée rencontrèrent la « compréhension » des fonctionnaires d’Etat qui, par conséquent, n’ont « pas perçu l’emploi de soignantes sans-papiers comme étant ‘punissable’ »32.

N’étant plus perçues comme celles qui volent le travail ou profitent des aides sociales, les femmes migrantes sont les « domestiques » qui aident à maintenir le bien-être des familles et des individus européens. Elles sont les fournisseurs de travail et d’intérêts, celles qui, en aidant les femmes européennes à défaire les genres en se substituant à elles dans le foyer, permettent à ces femmes « nationales » de devenir des travailleuses sur le marché du travail « productif ». De plus, elles sont celles qui contribuent à l’éducation des enfants et aux soins physiques et émotionnels des personnes âgées, fournissant ainsi un état de bien-être, de moins en moins pris en charge par l’Etat.

 

Une armée de travailleurs réguliers appelée les femmes migrantes

La main-d’œuvre féminine migrante semble donc ne pas être cantonnée dans la position d’une sorte d’« armée de réserve », constamment menacée par le chômage et  l’expulsion et utilisée de façon à maintenir une discipline salariale, mais mise dans une  situation d’« armée régulière de main-d’œuvre extrêmement bon marché ». En un certain sens, cette idée semble aller à l’encontre du soi-disant « débat sur le travail domestique » engagé par les féministes à la fin des années 1970 et 198033. Dans ce contexte, le concept d’armée de réserve de travailleurs était utilisé de façon à expliquer les distorsions salariales structurelles et les conditions de travail et de contrats précaires des femmes qui, à l’époque, entraient de façon croissante sur le marché du travail34. Comme Floya Anthias l’a souligné, c’était devenu « une chose courante que de représenter les femmes en tant qu’armée de réserve de travailleurs »35, particulièrement dans les discussions féministes marxistes.

La contradiction entre ces deux approches est, cependant, plus apparente que réelle puisque l’unité d’analyse à laquelle les deux concepts sont appliqués – armée de réserve et armée régulière – est différente. Tandis que les féministes qui débattaient du concept d’armée de réserve dans les années 1970 et 1980 faisaient référence aux femmes en tant que salariées extra-domestiques, je propose d’utiliser la notion d’armée régulière pour décrire ce qui arrive aux femmes migrantes engagées dans la marchandisation du travail reproductif. Ce changement de point de vue nous permet de voir non seulement que le secteur économique est différencié de façon interne, mais aussi que les femmes auxquelles les deux concepts font référence n’appartiennent pas à une même féminité, supposée homogène et universelle. Elles vivent plutôt dans des mondes aux expériences diverses, fortement marquées par des différences sociales et raciales.

Dans la mesure où les femmes employées dans le secteur des soins domestiques sont des immigrées venant essentiellement du Tiers Monde et des anciens pays d’Europe de l’Est, le terme le plus approprié pour comprendre leurs conditions de travail n’est ni l’abstraction indéterminée du travail salarié en général ni celui du travail des femmes en particulier, mais plutôt l’abstraction déterminée du travail d’immigrées. Le travail des migrants en Europe contemporaine et dans les sociétés occidentales est organisé selon des formes bien spécifiques : c’est du « travail en mouvement », en raison du développement inégal provoqué par ce que David Harvey appelle l’« accumulation par dépossession » ; c’est aussi du « travail jetable » avec un statut économique et politique distinct36. Cependant, dans le monde des travailleurs migrants, il semble que le travail des femmes migrantes obéisse à ses propres règles. D’une part, il obéit aux « règles » liées au genre et au contrat sexuel au sein du ménage37, qui établit que les femmes sont toujours en charge de la reproduction et des soins. D’autre part, il suit les « règles » du « contrat racial »38, selon lequel les minorités ethniques et les « gens de couleur » (people of color) sont toujours ceux qui effectuent les tâches les moins désirables et les moins valorisées de la société. Les femmes migrantes composent ainsi les rangs de cette armée régulière de travailleurs reproductifs qui est la fondation de toute collectivité, car c’est cette « activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde inclut nos corps, nos individualités, et notre environnement »39.

 

Conclusion

Le rôle « utile » que les travailleuses migrantes jouent dans la restructuration contemporaine des régimes de bien-être, et la féminisation de secteurs clés dans l’économie des services, bénéficient d’une certaine indulgence des gouvernements néo-libéraux et de la compassion trompeuse des partis nationalistes envers les femmes migrantes, comparativement aux hommes migrants. Nous pourrions constater qu’en plus d’être extrêmement utiles en tant que « travailleuses reproductives », les femmes migrantes sont aussi des « organismes reproductifs » dont le taux de natalité est plus du double de celui des femmes autochtones40. Malgré des tentatives de « rétablir l’avantage démographique national »41 – telles que Judith Butler les présente – comme on le voit depuis quelques années dans certains pays de l’UE, des appels à l’assimilation adressés aux femmes migrantes – musulmanes ou non-musulmanes – signalent le rôle spécifique qu’elles jouent dans la société contemporaine européenne. Dans la mesure où elles sont considérées comme les corps utiles aux  générations futures, en tant que mères jouant un rôle crucial dans le processus de transmission des « valeur sociétales », en tant que remplaçantes des femmes nationales dans le secteur reproductif, mais aussi en tant qu’épouses potentielles pour les hommes européens, les femmes migrantes semblent devenir les cibles d’une campagne de bienveillance trompeuse dans laquelle elles sont «  nécessaires » en tant que travailleuses, « tolérées » en tant que migrantes et « encouragées » à se conformer aux valeurs occidentales en tant que femmes.

Deux autres éléments doivent être évoqués brièvement. Considérer le placement spécifique des femmes sur le marché économique est important pour une critique du fémonationalisme, non seulement quant au rôle des femmes en tant que productrices et reproductrices, mais aussi quand nous les considérons comme consommatrices et même comme marchandises.

Comme le souligne Hester Eisenstein, « si le but de la globalisation est de créer des opportunités d’investissement et de marketing, et donc l’acception des produits occidentaux avec les normes occidentales, alors dans ce contexte l’image d’une femme occidentale libérée devient un argument de vente. (…) Le féminisme, défini comme la libération des femmes des contraintes patriarcales, est rendu équivalent à la participation sur le marché en tant qu’individu libéré »42. L’expansion capitaliste continue dans le Tiers Monde aussi bien que l’incorporation complète de tous les individus dans la logique des pays riches implique une extension et une re-articulation de l’idéologie que Macpherson a appelé l’« individualisme possessif ». Selon ce principe, les migrants intégrés dans la société occidentale – et particulièrement les femmes migrantes – devraient concevoir leur liberté vis-à-vis des groupes communautaires et leur capacité à satisfaire un désir consumériste infini.

Les femmes migrantes, cependant, sont aussi des marchandises, puisque l’on exige d’elles qu’elles se comportent conformément aux valeurs supposées des femmes occidentales émancipées. Ici, en considérant le fémonationalisme contemporain comme une construction idéologique éclairant les processus de marchandisation des femmes non-européennes, je considère que nous avons besoin de poursuivre la logique proposée par Alain Badiou il y a quelques années. Après le vote de la loi contre le hijab dans les écoles publiques en France – une loi qui a concentré le débat sur l’équation entre l’Islam et l’oppression des femmes –, le philosophe français l’avait définie comme « une loi capitaliste pure ». Pour que la féminité opère sous le capitalisme, le corps féminin doit être exposé pour pouvoir circuler « sous un paradigme marchand »43. Une fille musulmane doit donc montrer « ce qu’elle a à vendre ». En d’autres mots, elle doit accepter et soutenir activement sa propre marchandisation. L’insistance sur le dévoilement des musulmanes en Europe combine donc à la fois le rêve durable des hommes occidentaux de « découvrir » la femme de leurs ennemis, ou des colonisés, ainsi que la demande d’en finir avec l’incongruité du corps féminin caché en tant qu’exception à la règle générale selon laquelle elles devraient circuler comme des « valeurs franches »44.

La montée en puissance du fémonationalisme doit être enfin conçue comme symptomatique de la position distincte des femmes occidentales et non-occidentales dans la chaine matérielle de production et de reproduction économique et politique au sens large. Les tentatives d’appropriation par les discours nationalistes-xénophobes des idéaux féministes d’égalité et de liberté ont émergé de la reconfiguration spécifique du marché du travail, de la migration et des mouvements de la force de travail produits par les dynamiques de la globalisation néo-libérale des trente dernières années. Se confronter au fémonationalisme nécessite donc non seulement un travail de réfutation idéologique, mais aussi une analyse concrète de ses fondements politico-économiques.

 


 

Sara Farris est Assistant Professor de sociologie à Goldsmiths, Université de Londres. Elle a publié sur les enjeux de théorie sociologique, de sociologie politique, sur l’orientalisme, les migrations internationales, le féminisme et les études de genre. Plus récemment, elle a publié l’ouvrage Max Weber’s Theory of Personality. Individuation, Politics and Orientalism in the Sociology of Religion (Brill, 2013). Elle est en train de terminer un second ouvrage, provisoirement intitulé, The Political Economy of Femonationalism.

Traduit de l’anglais par Marie-Gabrielle de Liedekerke.

Source : Sara Farris, « Femonationalism and the ‘Reserve’ Army of Labor Called Migrant Women », History of the Present, 2(2), 2012, pp. 184-199.

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références

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1 Barbara Ehrenreich et Russell Arlie Hochschild, eds, Global Woman: Nannies, Maids, and Sex Workers in The New Economy, (2003), 11-12. Traduction par Mercedes Limon, disponible sur http://www.enjeux-internationaux.org/articles/num17/EI17_P32-33.pdf
2 Schiff, Maurice, Andrew R. Morrison et Mirja Sjoeblom, The International Migration of Women, (2007).
3 Cf. Hester Eisenstein, Feminism Seduced: How Global Elites Use Women’s Labor and Ideas to Exploit the World, (2009); Liz Fekete, “Enlightened Fundamentalism? Immigration, Feminism and the Right,” Race and Class, 48 (2006); Sherene H. Razack, Casting Out: The Eviction of Muslims from Western Law and Politics, (2008); Joan W. Scott, The Politics of the Veil (2007); Anna C. Korteweg, “The Murder of Theo van Gogh: Gender, Religion, and the Struggle over Immigrant Integration in the Netherlands,” dans Migration, Citizenship, Ethnos: Incorporation Regimes in Germany, Western Europe and North America, ed. Michal Y. Bodemann et Yurdakul Gökçe (2006).
4 Leila Ahmed, “Feminism, Colonialism and Islamophobia. Treacherous Sympathy with Muslim Women”, Qantara.de, 18 Août 2011, consulté le 24 Août 2011, http://en.qantara.de/Treacherous-Sympathy-with-Muslim-Women/16963c17398i1p9/index.html
5 Gayatri Chakravorty Spivak, “Can The Subaltern Speak?”, dans Marxism and the Interpretation of Culture, ed. Cary Nelson et Lawrence Grossberg (1988), traduction française, Les subalternes peuvent-elles parler ?, Editions Amsterdam, Paris, 2009.
6 Pour un apercu de ces débats voir Eleonore Kofman et al. (eds) Gender and International Migration in Europe: Employment, Welfare and Politics (2000).
7 Helma Lutz, “The Limits of European-ness: Immigrant women in Fortress Europe” Feminist Review, N. 57, Automne (1997), 96.
8 Lutz, “The Limits of European-ness”, p. 97.
9 Jasbir K. Puar, Terrorist Assemblages: Homonationalism in Queer Times, (2007), 39.
10 Sherene H. Razack, Casting Out: The Eviction of Muslims from Western Law and Politics (2008); Birgit Sauer, “Headscarf Regimes in Europe: Diversity Policies at the Intersection of Gender, Culture and Religion,” Comparative European Politics, 7 (2009).
11 Fekete, “Enlightened Fundamentalism?”.
12 Saba Mahmood, “Feminist Theory, Embodiment, and the Docile Agent: Some Reflections on the Egyptian Islamic Revival,” Cultural Anthropology, 16 (2001).
13 Fekete “Enlightened Fundamentalism?”. 8.
14 Pour une explication des caractéristiques « intolérantes » du sécularisme et de sa relation avec le droit des femmes, voir en particulier Scott, The Politics of the Veil et Joan W. Scott, “Sexularism” (Article présenté au Robert Schuman Centre for Advanced Studies, à la conférence annuelle d’Ursula Hirschman sur le Genre et l’Europe, 2009).
15 Eleanore Kofman et al., Gender and International Migration in Europe: Employment, Welfare and Politics, (2000) ; Sara R. Farris et al., La straniera. Informazioni, sito-bibliografie e ragionamenti su razzismo e sessismo, (2009).
16 Ce traitement différentiel des migrants et des migrantes dans les medias européens a été souligné dans plusieurs études. Par exemple, pour l’Allemagne et la France voyez respectivement  Paul Scheibelhofer, “Die Lokalisierung des Globalen Patriarchen: Zur diskursiven Produktion des „türkisch-muslimischen Mannes“ in Deutschland,” Mann wird man. Geschlechtliche Identitäten im Spannungsfeld von Migration und Islam, ed. Lydia Potts and Jan Kühnemund, (2008);. et Thomas Deltombe et Mathieu Rigouste, « L’ennemi intérieur: la construction médiatique de la figure de l’ “Arabe” », in La fracture coloniale. La société française au prisme de l’héritage coloniale, Pascal Blanchard et al. (2005).
17 Cf. Jorgen Carling, “Gender Dimension of International Migration,” Global Migration Perspectives, 35 (2005) ; Sara R. Farris, “Interregional Migration: The Challenge for Gender and Development,” Development, 53 (2010).
18 Ronald Ayres et Tamsin Barbe, “Statistical Analysis of Female Migration and Labor Market Integration in the EU,” Document de Travail du Integration of Female Immigrants in Labor Market and Society, (2006).
19 Helma Lutz, ed., Migration and Domestic Work. A European Perspective on a Global Theme, (2008); Saskia Sassen, “Globalization or Denationalization?”, Review of International Political Economy, 10 (2003).
20 Cf. Veronica Beechey, 1988, “Rethinking the Definition of Work,” dans Feminization of the Labor Force: Paradoxes and Promises, ed. Jane Jenson et al., (1988).
21 Lutz, Migration and Domestic Work, 1.
22 Lutz, Migration and Domestic Work, 48.
23 Pour une discussion sur le travail affectif voir en particulier, Michael Hardt, “Affective Labor”, Boundary2, 26 (1999); A.M. Ducey, H. Gautney, D. Wetzel, “Regulating Affective Labor Communication Skills Training in the Health Care Industry,” The Sociology of Job Training. Research in the Sociology of Work, 12 (2003).
24 Silvia Federici, “The Reproduction of Labor-Power in the Global Economy, Marxist Theory and the Unfinished Feminist Revolution,” Globalizations, 3 (2006), 13.
25 Karl Marx, Capital, in Marx Engels Collected Works Volume 35 (1996), 623.
26 Emanuele Pavolini et Costanzo Ranci, “Restructuring the Welfare State: Reforms in Long-Term Care in Western European countries”, Journal of European Social Policy, 18 (2008).
27 Ibrahim Awad, “The Global Economic Crisis and Migrant Workers: Impact and Response,” International Labor Office, International Migration Programme, Geneva: ILO, (2009), 43.
28 Fiona Williams et Anna Gavanas, “The Intersection of Child Care Regimes and Migration Regimes: a Three-Country Study,” dans Migration and Domestic Work. A European Perspective on a Global Theme, ed. Helma Lutz, (2008), 14.
29 Cf. Clare Ungerson, “Commodified Care Work in European Labor Markets,” European Societies, 5 (2003); Pavolini and Ranci, “Restructuring the Welfare State”.
30 Cf. Sabrina Marchetti, “Che senso ha parlare di badanti?”, dernière consultation le 10 Juin 2011, http://www.zeroviolenzadonne.it/index.php?option=com_content&view=article&id=12069:che-senso-ha-parlare-di-badanti&catid=34&Itemid=54.
31 Helma Lutz et Ewa Palenga-Moellenback, “Care Work Migration in Germany: Semi-Compliance and Complicity,” Social Policy & Society, 9 (2010).
32 Lutz and Palenga-Moellenback, “Care Work Migration in Germany”, 426.
33 Pour un apercu de ce débat, voir Lise Vogel, “Domestic Labour Debate”, Historical Materialism, 16 (2008).
34 Veronica Beechey, “Some Notes on Female Wage Labour,” Capital and Class, 3 (1977); Floya Anthias, “Women and the Reserve Army of Labour: A Critique of Veronica Beechey,” Capital and Class, 4 (1980).
35 Anthias, “Women and the Reserve Army”, 50.
36 Par exemple, voir la thèse de Mezzadra “autonomy of migrations”, Sandro Mezzadra, “Capitalisme, migration et luttes Sociales. Notes préliminaires pour une théorie de l’autonomie des migrations,” Multitudes, 19 (2004).
37 Carole Pateman, The Sexual Contract, (1988).
38 Charles W. Mills, The Racial Contract, (2007).
39 Joan Tronto, Moral Boundaries: A Political Argument for an Ethic of Care, (1993), 103. Traduction disponible sur http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index.php?ean13=9782707157119 
40 Cf. Charles Westoff et Thomas Frejka, “Religiousness and Fertility Among European Muslims,” Population and Development Review, 33 (2007).
41 Cf. Judith Butler, “Feminism Should not Resign in the Face of such Instrumentalization”.
42 Hester Eisenstein, Feminism Seduced, 195.
43 Alain Badiou, “Derrière la Loi foulardière, la peur,” Le Monde, 24 février (2004).
44 Franz Fanon, “Algeria Unveiled,”dans The New Left Reader, ed. Carl Oglesby (1969), 167. Version originale disponible sur http://www.comiteactionpalestine.org/modules/news/article.php?storyid=172