La Commune au jour le jour. Vendredi 19 mai 1871

À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps publier du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour

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L’essentiel de la journée

Situation militaire

À l’ouest

Le rempart est bombardé avec une extrême violence, 75 boulets par minute, plus de 4000 coups par heure par les batteries de Montretout et par le Mont-Valérien, qui envoie des obus jusqu’au Trocadéro. Les travaux d’approche des Versaillais dans le bois de Boulogne ont été inquiétés de temps en temps par le feu des bastions. Les portes du Point-du-Jour et d’Auteuil sont dans un état de délabrement pitoyable.

Sur tous les points menacés on construit des barricades pour faire obstacle à leur entrée. Partout on sent que les forces des deux partis se massent pour un suprême combat. Selon le membre de la Commune venu les vérifier, les travaux du Point-du-Jour jusqu’à l’Arc de l’Étoile mettront en deux ou trois jours cette partie à l’abri de toute attaque, et obligeraient nos ennemis à un siège de plus d’un mois, avant de pouvoir entrer dans Paris.

 

Au sud

L’assaut du fort de Montrouge est renouvelé chaque nuit, mais il continue à résister. Les abords du fort de Vanves sont devenus intenables pour les fédérés.

Bataillon des éclaireurs fédérés

Le but de ce bataillon étant de prévenir toute surprise sur nos troupes, de harceler l’ennemi afin de donner des renseignements à l’état-major général sur les positions et les forces ennemies, les citoyens vraiment patriotes qui comprennent le mandat impérieux qui leur est imposé sont invités à prendre les renseignements nécessaires avant de contracter un engagement.

Le bataillon des éclaireurs fédérés suivra les traces des guérillas espagnoles.

Il faut affronter tous les périls, tous les dangers, toutes les privations ; il faut, enfin, tout sacrifier à la République.

Que celui qui se sent la force morale et physique de remplir cette mission se hâte de prendre place dans nos rangs.

La solde allouée aux volontaires est fixée à 2 fr. par jour et les vivres.

Les sous-officiers et les officiers auront la solde de la garde nationale.

Les femmes volontaires recevront la même indemnité que dans la garde nationale.

Enrôlement : rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, 10 (ancienne école des frères), de neuf heures du matin à cinq heures du soir.

Armement (chassepots), habillement, campement immédiats.

MERCIER, J. TRÈVES, DÉRRÉ, FONTAITE, DECHOLLES, Dr CONSTANTIN CHARALAMBO, chirurgien-major.

Vu et approuvé par ordre du général Eudes : Le colonel chef d’état-major, GOLLET, Paris, le 18 mai 1871.

 

Le Comité central de la garde nationale affirme son pouvoir renaissant

Il publie trois proclamations qui indiquent qu’il reprend un rôle central.

Dans la première, contre-signée par la Commission de la Commune il indique « entrer en fonction » dans l’administration de la guerre, préposé par le Comité de salut public, « lui qui a porté le drapeau de la révolution communale, n’a ni changé, ni dégénéré ».

Fédération républicaine de la garde nationale

COMITÉ CENTRAL

Au peuple de Paris,

A la garde nationale,

Des bruits de dissidence entre la majorité de la Commune et le Comité central ont été répandus par nos ennemis communs avec une persistance qu’il faut, une fois pour toutes, réduire à néant par une sorte de pacte public.

Le Comité central, préposé par le Comité de salut public à l’administration de la guerre, entre en fonctions à partir de ce jour.

Lui qui a porté le drapeau de la Révolution communale, n’a ni changé ni dégénéré. Il est à cette heure ce qu’il était hier : le défenseur de la Commune, la force qui se met en ses mains, l’ennemi armé de la guerre civile, la sentinelle mise par le peuple auprès des droits qu’il s’est conquis.

Au nom donc de la Commune et du Comité central, qui signent ce pacte de la bonne foi, que les soupçons et les calomnies inconscientes disparaissent, que les cœurs battent, que les bras s’arment et que la grande cause sociale pour laquelle nous combattons tous triomphe dans l’union et la fraternité.

Vive la République !

Vive la Commune !

Vive la Fédération communale !

La commission de la Commune : BERGERET, CHAMPY, GERESME, LEDROIT, LONCLAS, URBAIN.

Le comité central : MOREAU, PIAT, B. LACORRE, GEOFFROY, GOUHIER, PRUDHOMME, GAUDIER, FABRE, TIERSONNIER, BONNEFOY, LACORD, TOURNOIS, BAROUD, ROUSSEAU, LAROQUE, MARÉCHAL, BISSON, OUZELOT, BRIN, MARCEAU, L’ÉVÊQUE, CHOUTEAU, AVOINE fils, NAVARRE, HUSSON, LAGARDE, AUDOYNAUD, HANSER, SOUDRY, LAVALLETTE, CHATEAU, VALATS, PATRIS, FOUGERET, MILLET, BOULLENGER, BOUIT, DUCAMP, GRELIER, DEREVET.

Paris, 19 mai 1871.

La seconde proclamation affirme encore plus clairement ses projets  puisqu’elle affirme que c’est seulement dans la fédération de la garde nationale « que l’on peut trouver les puissants moyens d’action révolutionnaire et de contrôle efficace qui donneront aux décrets de la Commune et aux ordres de la Guerre la sanction qui leur a manquée jusqu’ici. Elle organise la présence de délégués des conseils de légions au rapport quotidien au ministère de la guerre.

Considérant qu’il importe de faire servir au succès de la Révolution du 18 mars toutes les ressources qu’offre la Fédération de la garde nationale ;

Considérant que c’est en elle seulement que l’on peut trouver les puissants moyens d’action révolutionnaire et de contrôle efficace qui donneront aux décrets de la Commune et aux ordres de la Guerre la sanction qui leur a manquée jusqu’ici.

Le Comité central

ARRÊTE :

Art. 1er. A partir du dimanche 21 mai, les conseils de légion enverront un délégué pour assister au rapport qui aura lieu chaque jour, à deux heures précises, au ministère de la guerre, salle de la Fédération.

Art. 2. Les divers corps ou fractions de corps de l’armée communale sont invités à se conformer aux principes de la Fédération, afin de solidariser leurs intérêts et d’en assurer la satisfaction.

La cavalerie, l’artillerie, le génie et le train ont le droit d’être représentés par un délégué au Comité central.

Pour le Comité central et par délégation : La commission d’organisation, BAROUD, LACORD, TOURNOIS, Paris, le 29 floréal an 79.

La troisième proclamation organise et limite les pouvoirs de ces délégués qui ne doivent pas intervenir dans les commandements et même tout faire pour fortifier l’autorité des chefs.

Administration de la guerre

Le Comité central, pour seconder énergiquement la défense et mener à bien la tâche que les circonstances lui ont imposée, réclame le concours de tous les délégués de la Fédération.

Mais il importe de mettre fin à la confusion qui règne dans les attributions de divers groupes de la Fédération de la garde nationale, confusion qui a pour résultat d’entraver la marche des divers services et de créer des dissensions graves entre les citoyens. Le comité central croit donc devoir rappeler en termes généraux quel est le rôle de la délégation.

Toute délégation ayant généralement pour but d’exprimer les désirs, les besoins, les plaintes et les revendications du groupe qu’elle représente, les délégués doivent, autant que possible, être choisis parmi les citoyens expérimentés et fermes. Ils doivent avoir bien plus en vue de pacifier les différends que de les aggraver. Sentinelles vigilantes du droit, leur rôle peut se résumer dans les mots suivants : contrôle, intermédiaire, justice.

Les délégués doivent profiter de l’autorité morale dont ils jouissent pour fortifier l’autorité des chefs, et tous les efforts doivent tendre à unir étroitement les chefs et les citoyens gardes. Ils ne sauraient en aucune circonstance intervenir dans le commandement ni dans l’exécution des ordres ; autrement, la position des chefs deviendrait intolérable, leur autorité nulle, la discipline impossible, et la perte de notre cause serait assurée. Voir et signaler, telles sont leurs fonctions ; être bienveillants, sans cependant cesser d’être énergiques, tels sont leurs devoirs.

En se conformant à ce rôle, les délégués peuvent rendre des services immédiats et inappréciables à la cause communale et républicaine.

Le Comité central prépare les moyens d’utiliser toutes les ressources de contrôle, toutes les forces morales et révolutionnaires que lui offre la Fédération.

Tous les cercles ou groupes de la fédération vont recevoir des instructions précises réglant leurs attributions propres, et établissant les relations nécessaires entre eux et le Comité central.

Pour le comité central et par délégation, La Commission d’organisation : BAROUD, E. LACORD, TOURNON, Paris, le 28 floréal an 79.

Ces modifications vident les fonctions de la Commune sur le terrain de l’action militaire. Un des nouveaux membres élus à la Commission militaire, Auguste Sicard, annonce sa démission de cette commission du fait de l’ingérence du Comité central dans ses fonctions, et la Commune décide de ne pas la rendre publique, ne voulant pas qu’une mise en cause du rôle du Comité central ne paraisse.

Le Comité dispose de la force armé. Dans cette situation de guerre, c’est bien lui qui, en réalité, possède le pouvoir dans l’affrontement à venir. C’est en conformité avec l’autorité qu’il a reconquise, qu’il s’arroge maintenant le droit de prendre des arrêtés.

Et Rastoul, dans la réunion de la Commune, affirme : « Le Comité central prétend être notre créateur et avoir fait la révolution du 18 mars. C’est une prétention qui n’est pas justifiée; il a été l’instrument et non la cause de ce mouvement. »

Qu’en est-il ? Sur les 36 membres du Comité central de la garde nationale qui a signé l’affiche d’appel au vote pour la Commune du 25 mars, 13 ont été élus à la Commune, 11 ont quitté le Comité central. Il ne reste donc que 13 personnes toujours membres du Comité central aujourd’hui. Celui-ci est composé de 40 membres, dont 27 nouveaux. La composition du Comité central de la garde nationale a donc été complètement bouleversée en moins de deux mois.

 

Nouvelle réunion de la Commune

Conformément à leur « déclaration », les membres de la minorité de la Commune n’assistent pas à la séance.

Un échange a lieu sur la composition de la Commission de Justice, composée de quatre membres seulement dont deux ne siègent pas. Lorsqu’il est proposé d’y adjoindre un membre de la minorité, Charles Longuet, sa nomination est refusée tant qu’une « interpellation » n’a pas été adressée à la minorité.

 

Sur les relations entre l’État et les théâtres

Une longue discussion est engagée à partir de la proposition d’Édouard Vaillant, délégué à l’instruction publique, que les théâtres, qui sont actuellement du ressort de la Sûreté qui veille à ce que la morale publique y soit respectée, relèvent de la délégation de l’Enseignement, car devant être considérés surtout comme de grands établissements d’instruction. Vaillant défend l’idée que, « de même que la Révolution de 89 a donné la terre au paysan, notre révolution du 18 mars doit assurer l’instrument de travail et de production à l’ouvrier. Les théâtres doivent appartenir à des fédérations d’artistes ».

Si tout le monde convient que la police ne peut avoir d’autorité sur les théâtres qu’au point de vue du bon ordre pendant les représentations, et seulement de ce point de vue, la question des relations entre l’état/la Commune et les théâtres est plus controversée.

Il y a ceux, comme Félix Pyat qui s’insurgent contre toute intervention de l’État dans les théâtres comme dans la littérature, pour lesquels la liberté de la pensée est essentielle ; pour lui, tracer un sillon officiel à la pensée, c’est une tyrannie, insupportable, mortelle. Il ne doit pas y avoir de patronage de littérature, de science d’État, comme il ne doit pas y avoir de religion d’État. Les Académies de médecine, de musique, telles qu’elles existent, doivent disparaître totalement; elles représentent pour l’art, la science, les lettres, une tyrannie identique à la tyrannie religieuse.

Il y a ceux qui défendent la perspective de faire des théâtres des lieux d’enseignement de toutes les vertus civiques ; et ainsi d’une nation de corrompus faire une nation de citoyens, par un contrôle sérieux et sévère sur cette branche de l’enseignement.

Vaillant est d’accord avec le fait qu’il ne doit pas y avoir d’art d’État. Pour lui l’intervention de la Commune doit se faire au nom de la justice et de la liberté, qu’il faut chercher à créer partout des établissements socialistes. Car dans les arts, l’exploitation est plus terrible peut-être que dans les ateliers et tout le personnel des théâtres est exploité depuis le haut jusqu’en bas : il faut appliquer aux théâtres un régime égalitaire, le régime de l’association.

Frankel a une position particulière :

« je trouve, en effet, qu’il est très défavorable à la cause socialiste que nous défendons, que les théâtres dépendent d’une délégation quelconque. La direction doit dépendre de ceux qui forment l’association ; c’est aux membres de cette association à nommer leur directeur. Maintenant, je ne suis pas d’accord avec le citoyen Félix Pyat, quand il dit qu’il ne faut jamais que l’État favorise une association, intervienne dans les théâtres. Un pouvoir, qui renferme les esprits dans des serres chaudes, comme celui de Napoléon III, doit évidemment n’intervenir en rien dans les affaires du peuple, auxquelles, il est étranger. Mais, quand l’État peut être considéré comme l’ensemble des individualités, son devoir est d’entrer dans les questions de littérature comme dans les questions d’enseignement. On nous a dit qu’il fallait que la pensée fût libre, que l’esprit ne devait être protégé par personne. Je citerai deux hommes en France: Diderot, soutenu par la Russie, et Voltaire, soutenu par Frédéric de Prusse. Pour me résumer, je crois que les théâtres doivent être placés sous la surveillance de la délégation de l’Enseignement, qui donnera aux associations toutes les facilités possibles. »

Le décret du citoyen Vaillant, amendé, est mis aux voix et adopté.

La Commune de Paris,

Conformément aux principes établis par la première République, et déterminés par la loi du 11 germinal an II,

DÉCRÈTE :

Les théâtres relèvent de la délégation à l’enseignement.

Toute subvention et monopole des théâtres sont supprimés.

La délégation est chargée de faire cesser, pour les théâtres, le régime de l’exploitation par un directeur ou une société, et d’y substituer, dans le plus bref délai, le régime de l’association.

 

Débat sur la liberté de la presse

Le citoyen Rastoul pense que le décret du Comité de salut public, supprimant un certain nombre de journaux plus ou moins réactionnaires, mais aussi plus ou moins républicains, est gros de conséquences regrettables. Il estime injuste de ne laisser subsister que les journaux qui vont faire le silence sur les fautes que la Commune peut commettre.

Et ce qui l’inquiète le plus est l’article : « Les attaques contre la République et la Commune seront déférées à la Cour martiale » qui lui semble gros de conséquences. Sont-ce les actes politiques qu’on veut rendre indiscutables?  Ce décret lui paraît vouloir établir l’infaillibilité de la Commune, puisqu’il a la prétention de ne laisser parler que les journaux qui lui plaisent. Une fois dans cette voie, il dit qu’on ne peut plus en sortir. « Nous verrons d’autres hécatombes de journaux. Nous verrons probablement la suppression de beaucoup d’autres journaux, même du Vengeur, et celle des réunions publiques. Car, si les journalistes ne peuvent écrire, ils iront parler dans les clubs ».

Les défenseurs du décret pensent qu’il faut tenir compte des circonstances exceptionnelles actuelles qui impose des mesures sévères, radicales, contre des gens qui ne sont autres que des espions de Versailles. Le décret n’aurait dû laisser subsister absolument que les journaux qui font vibrer la fibre patriotique.

La discussion se termine sans décision, entérinant de ce fait les décrets du Comité de salut public

 

Première réunion du Jury d’accusation

Ce jury est prévu par le décret d’accusation du décret du 5 avril sur les otages. Il a mis un certain temps à se mettre en place.

C’est seulement le 6 mai que le tirage au sort des gardes nationaux destinés à le constituer a été fait.

Le parquet avait été installé à la Préfecture et dans les bureaux de la Cour de cassation.

Ceux des détenus appelés à comparaître devant lui ont été classés en trois catégories

1° Gardes municipaux et gardiens de la paix.

2° Agents secrets de la police politique de l’Empire.

3° Affaire Chaudey, affaire Jecker, affaire Bonjean, affaire Chevriau, archevêque et ecclésiastiques détenus.

La première audience de ces assises révolutionnaires a eu lieu dans la grande salle des assises du nouveau Palais de Justice.

Dans une très brève allocution, le procureur de la Commune Raoul Rigault expliqua aux jurés que leur mission allait consister à déterminer, après débats, ceux des détenus qui devaient être considérés comme otages. Il lut aux jurés le décret du 5 avril.

Durant cette séance d’inauguration, Raoul Rigault intervint presque constamment pour quérir, bien que, dans l’organisation du travail adoptée par le parquet, cette mission était confiée aux substituts Breuillé, Huguenot et Martainville, puisque c’était eux qui étaient chargés en théorie des accusés de la première catégorie.

Un auditoire très nombreux est venu assister aux débats[1]. Le jury entre en séance à trois heures et se place, non plus sur les bancs qu’il occupait le matin, mais en demi-cercle, là où siégeaient anciennement les magistrats de la Cour d’assises.

Les quatre premiers accusés sont des sous-officiers de la garde républicaine, trois sont déclarés otages. Sur les cinq suivants, quatre sont déclarés otages, les cinq venant ensuite coupables le sont tous.
Le substitut Huguenot, avant que l’audience soit levée, déclare qu’à la prochaine audience, l’image du Christ aura disparu de la salle et sera remplacée par celle de la République.

 

Deux décrets pour la clarté dans le maniement des fonds publics

Considérant que dans les jours de Révolution, le peuple, inspiré par son instinct de justice et de moralité, a toujours proclamé cette maxime : « Mort aux voleurs ! »

La Commune

DÉCRÈTE

Art. 1er. Jusqu’à la fin de la guerre, tous les fonctionnaires ou fournisseurs accusés de concussion, déprédation, vol, seront traduits devant la cour martiale ; la seule peine appliquée à ceux qui seront reconnus coupables sera la peine de mort.

Art. 2. Aussitôt que les bandes versaillaises auront été vaincues, une enquête sera faite sur tous ceux qui, de près ou de loin, auront eu le maniement des fonds publics.

Paris, le 19 mai.

La Commune de Paris,

DÉCRÈTE :

Art. 1er. Une commission supérieure de comptabilité est instituée.

Art. 2. Elle se composera de quatre comptables, nommés par la Commune.

Art. 3. Elle sera chargée de la vérification générale des comptes des différentes administrations communales.

Art. 4. Elle devra fournir à la commune un rapport mensuel de ses travaux.

La Commune de Paris.

 

Du côté des Clubs

Club Saint-Pierre-de-Montrouge, dans l’église Saint-Pierre-de-Montrouge

Le club réclame « la déchéance de la Commune pas assez révolutionnaire ».

 

En bref

Les jurés des 1re et 2e sections sont convoqués pour lundi prochain, 22 mai. Les jurés des 3e et 4e sections sont convoqués pour mardi 23.

Direction des monnaies : les bureaux du change, pour l’achat des matières d’or et d’argent, sont ouverts tous les jours de neuf heures à trois heures, à l’hôtel des monnaies, quai Conti.

Les citoyennes désireuses de s’enrôler dans le service des ambulances fixes ou mobiles, sont invitées à venir se faire inscrire à la commission médicale, où une liste est ouverte, rue Saint-Dominique Saint-Germain, 86.

Les certificats ou livrets de bonnes mœurs sont exigibles, plus une attestation du commissaire de police du quartier, indiquant la demeure, l’âge et la profession.

Ouverture de la vente municipale de lait condensé, dans la cour de la caserne des sapeurs-pompiers, rue du Château-d’Eau, 78. La vente aura lieu de 6 heures à 10 heures. Prix : demi-litre 20 cent., un litre 40 cent. Il sera fait, en temps opportun, une distribution gratuite à qui de droit.

Le musée du Luxembourg n’est pas encore ouvert. Les toiles, que le gouvernement du 4 septembre avait fait rouler, sont étendues sur le parquet et reclouées sur leurs châssis ; mais les salles ne seront pas prêtes avant une semaine. La plupart des tableaux précédemment exposés sont conservés. On y joint quelques toiles trouvées dans les palais ex-impériaux et dans les appartements de la haute domesticité des Tuileries.

 

En débat

Extraits du Manifeste de la mairie du XVIIIème adressé aux révolu­tionnaires de Montmartre.

 De grandes et belles choses se sont accomplies depuis le 18 mars ;   mais notre œuvre n’est pas achevée, de plus grandes encore doivent s’accomplir et s’accompliront parce que nous poursuivrons notre tâche    sans trêve, sans crainte dans le présent ni dans l’avenir.

Mais pour cela il nous faut conserver tout le courage, toute    l’énergie que nous avons eue jusqu’à ce jour, et qui plus est, il faut nous préparer à de nouvelles abnégations, à tous les périls, à     tous les sacrifices : plus nous serons prêts à donner, moins il nous   en coûtera.

Le salut est à ce prix, et votre attitude prouve suffisamment que    vous l’avez compris.

Une guerre sans exemple dans l’histoire des peuples nous est faite ;     elle nous honore et flétrit nos ennemis.

Vous le savez, tout ce qui est vérité, justice ou liberté n’a jamais     pris sa place sous le soleil sans que le peuple ait rencontré devant  lui et armés jusqu’aux dents les intrigants, les ambitieux et les usurpateurs qui ont intérêt à étouffer nos légitimes aspirations.

Aujourd’hui, citoyens, vous êtes en présence de deux programmes.

Le premier, celui des royalistes de Versailles conduits par la chouannerie légitimiste et dominés par des généraux de coup d’État et des agents bonapartistes, trois partis qui se déchireraient eux-mêmes     après la victoire et se disputeraient les Tuileries.

Ce programme c’est l’esclavage à perpétuité, c’est l’avilissement de     tout ce qui est peuple ; c’est l’étouffement de l’intelligence et de      la justice ; c’est le travail mercenaire ; c’est le collier de misère rivé à vos cous ; c’est la menace à chaque ligne ; on y demande votre     sang, celui de vos femmes et de vos enfants, on y demande nos têtes     comme si nos têtes pouvaient boucher les trous qu’ils font dans vos     poitrines, comme si nos têtes tombées pouvaient ressusciter ceux   qu’ils vous ont tués.

Ce programme, c’est le peuple à l’état de bête de somme, ne     travaillant que pour un amas d’exploiteurs et de parasites, que pour engraisser des têtes couronnées, des ministres, des sénateurs, des   maréchaux, des archevêques et des Jésuites.

C’est Jacques Bonhomme à qui l’on vend depuis ses outils jusqu’aux   planches de sa cahute, depuis la jupe de sa ménagère jusqu’aux langes   de ses enfants pour payer les lourds impôts qui nourrissent le roi et    la noblesse, le prêtre et le gendarme.

L’autre programme, citoyens, c’est celui pour lequel vous avez fait trois révolutions, c’est celui pour lequel vous combattez aujourd’hui, c’est celui de la Commune, le vôtre, enfin.

Ce programme, c’est la revendication des droits de l’homme, c’est le     peuple maître de ses destinées ; c’est la justice et le droit de     vivre en travaillant ; c’est le sceptre des tyrans brisé sous le   marteau de l’ouvrier, c’est l’outil légal du capital, c’est l’intelligence punissant la ruse et la sottise, c’est l’égalité     d’après la naissance et la mort.

Et disons-le, citoyens, tout homme qui n’a pas son opinion faite     aujourd’hui n’est pas un homme ; tout indifférent qui ne prendra pas     part à la lutte ne pourra jouir en paix des bienfaits sociaux que    nous préparons sans avoir à en rougir devant ses enfants. […]

Ce n’est plus un 1830 ni un 48, c’est le soulèvement d’un grand   peuple qui veut vivre libre ou mourir.

Et il faut vaincre parce que la défaite ferait de vos veuves des     victimes pourchassées, maltraitées et vouées au courroux de   vainqueurs farouches, parce que vos orphelins seraient livrés à leur   merci et poursuivis comme de petits criminels, parce que Cayenne      serait repeuplé et que les travailleurs y finiraient leurs jours rivés à la même chaîne que les voleurs, les faussaires et les assassins, parce que demain les prisons seraient pleines et que les sergents de ville solliciteraient l’honneur d’être vos geôliers et les gendarmes vos gardes-chiourme, parce que les fusillades de juin    recommenceraient plus nombreuses et plus sanglantes.

Vainqueurs, c’est non seulement votre salut, celui de vos femmes, de      vos enfants, mais encore celui de la République et de tous les     peuples.

Pas d’équivoque, celui qui s’abstient ne peut même pas se dire républicain.

Courage donc, nous touchons au terme de nos souffrances, il ne se    peut pas que Paris s’abaisse au point de supposer qu’un Bonaparte le    reprenne d’assaut ; il ne se peut pas qu’on rentre ici régner sur des   ruines et sur des cadavres ; il ne se peut pas qu’on subisse le joug   des traîtres qui restèrent des mois entiers sans tirer sur les   Prussiens et qui ne restent pas une heure sans nous mitrailler.

Allons, pas d’inutiles ; que les femmes consolent les blessés, que   les vieillards encouragent les jeunes gens, que les hommes valides ne   regardent pas à quelques années près pour suivre leurs frères et   partager leurs périls.

Ceux qui ayant la force se disent hors d’âge se mettent dans le cas que la liberté les mette un jour hors la loi et quelle honte pour     ceux-là.[…]

Est-ce quand la France tout entière se lève et vous tend la main,    est-ce quand on a su souffrir si héroïquement pendant huit mois qu’on se fatiguerait de n’avoir plus que quelques jours à souffrir, surtout quand la liberté est au bout de la lutte ? Non, il faut vaincre et vaincre vite, et avec la paix le laboureur retournera à sa charrue,     l’artiste à ses pinceaux, l’ouvrier à son atelier, la terre    redeviendra féconde et le travail reprendra. Avec la paix nous     accrocherons nos fusils et reprendrons nos outils et heureux d’avoir     bien rempli notre devoir, nous aurons le droit de dire un jour : Je suis un soldat citoyen de la grande révolution.

Les Membres de la Commune : DEREURE, J.-B. CLÉMENT, VERMOREL, Paschal GROUSSET, CLUSERET, ARNOLD, Th. FERRÉ.

 

Notes

[1] Informations Gaston Da Costa.