La Commune au jour le jour
À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps va publier du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour.
***
La Commune de Paris, mythifiée par les révolutionnaires tout en étant largement inconnue du grand public, est la première expérience d’un pouvoir des exploité·es et des opprimé·es. À ce titre, elle est une référence incontournable. Elle a eu un impact considérable sur le mouvement ouvrier en construction, elle a été l’objet de débats intenses parmi tou·tes les partisan·nes de la révolution, de la République sociale, de la République universelle, parmi toutes celles et tous ceux qui veulent changer ce monde.
Pour Marx, elle a montré que la « condition première de toute révolution populaire réelle » est le démantèlement de la machinerie bureaucratique et militaire de l’état bourgeois donnant naissance à une forme de pouvoir d’une autre nature. Engels dira lors du 20ème anniversaire de la commune « Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat. ». L’histoire raconte que Lénine a esquissé quelques pas de danse soixante-treize jours après le 7 novembre, parce que la révolution russe avait alors « tenu » un jour de plus que la Commune de Paris.
Cette irruption violente des masses parisiennes dans le domaine où se règlent leurs propres destinées a interrompu radicalement le cours des choses, et par là même a produit une dynamique des événements déterminée par des conversions rapides, intenses et passionnées. La révolution commence par le refus de supporter l’ancien régime, la Second Empire, sans programme de transformation sociale « clefs en mains », et s’oriente par approximations successives, tant les résultats de l’action politique sont incertains, des bifurcations se multipliant à tous les moments décisifs.
L’objectif de la publication de « La Commune au jour le jour » est redonner son épaisseur au temps, de tenter de déchiffrer les événements en partant de la façon dont ses acteurs et actrices, connu·es et méconnu·es, vivent cette révolution dans son quotidien, dans l’action, les interrogations.
Rien n’était écrit d’avance par une sorte de déterminisme implacable, et c’est un des objets de cette « Commune au jour le jour » de chercher à déceler les possibles inachevés. Chaque jour, chaque heure, des décisions sont prises, des actes accomplis, qui toutes et tous sont sujets à des débats, des controverses, des affrontements politiques et humains. Aux logiques politiques multiples des acteurs, qu’iels soient jacobins, blanquistes, internationalistes mutuellistes ou collectivistes, socialistes, communistes, s’ajoutent la détermination, ou les interrogations, les hésitations de celles et ceux d’en bas qui ont fait cette révolution, tout ce que nous révèle la richesse du peuple parisien en révolution.
Tou·tes sont confronté·es à des questions stratégiques majeures. Certaines sont spécifiques à l’époque de la Commune de Paris, d’autres se sont retrouvées et se retrouvent dans tous les processus révolutionnaires. Un grand nombre de ces questions ont été comme effacées par les conceptions dominantes du « rôle dirigeant du parti » des partis de la Deuxième Internationale (socialiste) puis de la Troisième Internationale (communiste). Ce n’est pas parce qu’elles ne sont pas advenues qu’elles ne sont pas utiles pour l’élaboration d’une stratégie révolutionnaire écosocialiste du XXIe siècle.
La façon dont la Commune pose la question de l’exercice du pouvoir, de la démocratie, de l’équilibre entre la démocratie représentative et la démocratie directe, par en bas, la façon dont les actrices et acteurs veulent s’autogouverner peut aujourd’hui encore nourrir une réflexion utile, car un des bilans du XXe siècle est que la prise du pouvoir ne garantit aucunement la victoire du communisme en tant qu’objectif stratégique, la destruction en profondeur de l’ordre ancien, l’extinction de l’État et l’instauration du pouvoir réel de la population.
En présentant cette « Commune au jour le jour », en rendant hommage à ces combattant·es, nous participons à la réflexion sur nos tâches actuelles, convaincu comme Daniel Bensaid que
« la révolution profane ne relève pas d’une dynamique compulsive des désirs mais d’une dialectique des besoins. Elle n’obéit pas aux caprices du désir mais à l’impératif raisonné de changer le monde – de le révolutionner – avant qu’il ne s’effondre dans le fracas des idoles de cendre. Ce besoin n’est pas une passion triste, acharnée à combler un manque irréductible, mais la passion joyeuse d’une révolution en permanence, où se nouent la durée et l’événement, les conditions déterminées de la situation historique et les incertitudes de l’action politique qui s’emploie à transformer le champ des possibles »
Chaque jour, à partir du 18 mars 2021, on vivra les événements qui se succèdent à une vitesse impressionnante, à Paris bien sûr, mais aussi ailleurs, on suivra les débats entre les actrices et les acteurs, à partir des multiples ouvrages et mémoires écrites, des documents de l’époque, comme le « Journal officiel de la Commune de Paris », qui paraît du 20 mars au 24 mai 1871, avec une partie officielle et une partie « non officielle » qui aborde de multiples questions.
Bibliographie
Jules ANDRIEU, Notes pour servir à l’histoire de la Commune de Paris, Libertalia 2016
Arthur ARNOULD, Histoire populaire et parlementaire de la commune de Paris, Dittmar 2006
Adolphe De BALATHIER BRAGUELONNE, Paris insurgé Histoire illustrée, ed 1872, « Source gallica.bnf.fr / BnF ».
Auguste BLANQUI, Maintenant il faut des armes (textes choisis et présentés par Dominique le Nuz), La fabrique 2006
Victorine BROCHER, Souvenirs d’une morte vivante, Libertalia 2017-2019
Marc CESAR, La commune de Narbonne (mars 1871), https://books.openedition.org/pupvd/3869
Maurice CHOURY, La commune au quartier latin, Éditions Club des amis du livre progressiste 1961
Michel CORDILLOT, Eugène Varlin, chronique d’un espoir assassiné, Éditions ouvrières 1991
Michel CORDILLOT (coord.), La Commune de Paris, les acteurs, les événements, les lieux, Éditions de l’Atelier 2021
Gaston DA COSTA, La commune vécue, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k37296p.texteImage
Frédéric DAME, La résistance, les maires les députés de Paris et le Comité central du 18 au 26 mars, « Source gallica.bnf.fr / BnF ».
Jean DAUTRY et Lucien SCHELER, Le Comité Central Républicain des vingt arrondissements de Paris, Éditions Sociales 1960 https://archivesautonomies.org/IMG/pdf/commune/communedeparis/dautry-scheler.pdf
Quentin DELUERMOZ, Commune(s) 1870-1871, Seuil 2020
Maurice DOMMANGET, Eugène Pottier, membre de la commune et chantre de l’internationale, EDI 1971
Charles FELD, Paris au front d’insurgé – La commune en images, Centre du livre de diffusion et de la presse 1970
Eric FOURNIER, La commune n’est pas morte, Libertalia 2013
Jeanne GAILLARD, Communes de province, commune de Paris 1870-1871, Flammarion 1971
de GASTYNE Jules, Mémoires secrets du comité central et de la Commune, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54476558.pdf
Julien CHUZEVILLE, Léo Frankel Communard sans frontières, Libertalia 2021
Paul LANJALLEY et Paul Corriez, Histoire de la Révolution du 18 mars, Paris, Lacroix-Verboeckhoven, En ligne (Université de Harvard).
Henri LEFEBVRE, La proclamation de la commune 26 mars 1871, La Fabrique 2018
Gustave LEFRANCAIS, Souvenirs d’un révolutionnaire, La fabrique 2013
Gustave LEFRANCAIS, Étude sur le mouvement communaliste à Paris en 1871, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6559k
Jean LEGOY, Le peuple du Havre et son histoire, Éditions Ville du Havre 1984
Gérard LEIDET et Colette DROGOZ, 1870-1871 Autour de la commune de Marseille, Syllepse et Promeno 2013
Paul LEJEUNE, Eugène Varlin, Pratique militante et écrits d’un ouvrier communard, Maspero 1977
Prosper-Olivier LISSAGARAY, Histoire de la commune de 1871, Maspero 1982
Prosper-Olivier LISSAGARAY, Les huit journées de mai derrière les barricades, Éditions critiques, 2017
Gwladys LONGEARD, « L’Imprimerie nationale pendant la Commune de 1871 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2005/1 n° 52-1
Karl MARX, La guerre civile en France, Editions sociales 1968
Louise MICHEL, La commune, Stock, 1898, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8539374.image
Louise MICHEL, Mémoires, Tribord 2003
Benoit MALON, La troisième défaite du prolétariat français, Guillaume Fils Neufchatel, 1871, https://ccfr.bnf.fr/portailccfr/ark:/06871/00110767492
Catulle MENDES, Les 73 journées de la Commune du 18 mars au 29 mai 1871, Lachaud Paris 1871, 4e édition, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6484868z
Gilbert PAGO, L’insurrection de Martinique 1870-1871, Syllepse, 2011.
Alis PAYEN, C’est la nuit surtout que le combat devient furieux, Libertalia 2020
Elie RECLUS, La Commune de Paris au jour le jour, 1871, 19 mars-28 mai, Schleicher frères paris 1908, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k627505/f2.planchecontact
Jules ROCHER, Lettres de communards et de militants de la Ire Internationale à Marx, Engels et autres dans les journées de la Commune de Paris en 1871, Bureau d’éditions Paris 1934, https://pandor.u-bourgogne.fr/
Kristin ROSS, L’imaginaire de la Commune, La fabrique 2015
Louis Nathaniel ROSSEL, Mémoires, procès et correspondance, Jean jacques Pauvert 1960
Jacques ROUGERIE, La commune et les communards, Gallimard 2018
Jacques ROUGERIE, Paris Insurgé La commune de 1871, gallimard 1995
Jacques ROUGERIE, Paris libre 1871, Seuil 1971
Jacques ROUGERIE, Procès des communards, Collection archives Julliard 1964
Jacques ROUGERIE, « Quelques documents nouveaux pour l’histoire du Comité central républicain des vingt arrondissements », in Le Mouvement social, oct-nov 1961, https://archivesautonomies.org/IMG/pdf/commune/communedeparis/rougerie.pdf
Jacques ROUGERIE, « L’AIT et le mouvement ouvrier à Paris pendant les événements de 1870-1871 » https://bataillesocialiste.files.wordpress.com/2008/07/rougerie-la-i-t-et-le-mouvement-ouvrier-c3a0-paris-pendant-les-c3a9vc3a9nements-de-1870e280931871.pdf
Alain RUSTENHOLZ, Paris ouvrier – des sublimes aux camarades, Parigramme 2003
Martial SENISSE, Les carnets d’un fédéré 1871, Saint Just 1965.
C. TALES, La commune de 1871, Spartacus 1998
Edith THOMAS, Rossel, Gallimard 1967
Robert TOMBS, Paris, bivouac des révolutions, la commune de 1871, Libertalia 2014
Jules VALLES, L’insurgé, ed français réunis 1973
Eugène VARLIN, Pratique militante et écrits d’un ouvrier communard, Maspero 1977
Maxime VUILLAUME. Mes cahiers rouges au temps de la commune, Le club français du livre 1953.
En ligne
Blog de Michèle Audin : https://macommunedeparis.com/
Dictionnaire biographique, biographies, cartes de Paris, clubs, brasseries : https://maitron.fr/
Site https://archivesautonomies.org/
Journal officiel durant la Commune de Paris et procès verbaux de la Commune de Paris : https://archivesautonomies.org/spip.php?rubrique13
Les séances officielles de l’Internationale à Paris pendant le siège et pendant la Commune, 3e édition 1872 ed Lachaud, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k405721d.texteImage
Journaux :
- L’Ami du Peuple
- La Commune
- Le Cri du Peuple
- Le Drapeau
- Le Fils du Père Duchêne
- La Montagne
- Le Père Duchêne
- Le Père Fouettard
- Le Prolétaire
- Le Salut Public
- La Sociale
- Le Tribun du Peuple
Photographies et documents sur le site : http://jeanpaulachard.com/Commune1871/index.html
Site de l’Association des Amies et Amis de la Commune : https://www.commune1871.org/
Discours Victor Hugo : www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/victor-hugo-8-mars-1871
Les clubs rouges pendant la commune de paris : https://play.google.com/books/reader?id=tZJRAAAAcAAJ&hl=fr&pg=GBS.PA4
La patrie en danger blanqui : https://play.google.com/books/reader?id=tZJRAAAAcAAJ&hl=fr&pg=GBS.PA4