Le modèle agricole de la Macronie, ou le triomphe annoncé de l’agribusiness

L’agriculture est une chose trop sérieuse et importante pour être laissée au capitalisme, en particulier pour des raisons environnementales. Pourtant, c’est bien un capitalisme agricole qui ne cesse de s’approfondir en France et ailleurs, en séparant les travailleurs·ses agricoles de la terre et des fruits de leur travail. Le macronisme ne fait à cet égard que prolonger cette tendance, en proposant une énième version de la « modernisation agricole » qui consiste à soumettre encore davantage l’agriculture française aux logiques de maximisation du profit. 

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À l’occasion des annonces présidentielles autour d’un plan d’investissement de 30 milliards d’euros le 12 octobre dernier, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a annoncé un investissement de plus de 2 milliards d’euros par le gouvernement dans une « troisième révolution agricole » qui viendrait compléter les révolutions mécanique et chimique déjà vécues par l’agriculture française au 20ème siècle. Il a précisé que cette nouvelle révolution agricole passerait par un triptyque : « numérique, robotique et génétique ». En même temps, il a réalisé le tour de force d’inscrire ce triptyque dans la continuité de l’objectif affiché du ministère depuis 2014 de développer les « transitions agroécologiques ».

Jusqu’à récemment, le vocable d’agroécologie n’était l’apanage que des milieux dits alternatifs de défense de l’agriculture paysanne et de l’environnement. Si sa définition précise peut être fluctuante, il repose sur l’idée d’une production agricole réalisée par des agriculteurs coopérant avec les autres composantes du vivant[1] sur leur ferme au lieu de lutter contre une nature rétive à la production agricole qu’il faudrait dompter pour pouvoir nourrir l’humanité. Dans les discours politiques, l’agroécologie est généralement utilisée pour signifier le contraire de l’agriculture industrielle.

Le terme a été préempté en 2014 par le ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, à l’occasion de la loi dite d’avenir agricole et forestier. Si le préambule de cette loi affichait de belles intentions autour de ce concept d’agroécologie, rien dans le reste du texte n’encourageait vraiment l’agriculture à plus de coopération avec le vivant afin de permettre de résoudre les désordres de l’agriculture capitaliste et de son paradigme technique, l’agro-industrie (pollutions et impacts sanitaires en tout genre, contribution au réchauffement climatique et à la 6ème extinction de masse des espèces, alimentation de piètre qualité, gaspillages alimentaires, inégalité sociale dans l’accès à l’alimentation, dépendance alimentaire aux importations et au pétrole, fragilité des fermes face aux aléas climatique et économique, etc.).

Dans une tradition de « novlangue » dont la Macronie est devenue coutumière, Julien Denormandie vient parachever l’œuvre de Stéphane Le Foll en utilisant le terme d’agroécologie pour lui faire dire l’inverse de son sens admis. Mais l’actuel ministre de l’Agriculture semble vouloir parachever aussi l’autre œuvre menée par l’État français depuis le mitan du 20e siècle : la « modernisation agricole », qui consiste à faire rentrer définitivement l’agriculture française dans le capitalisme. Le discours gouvernemental se pare bien évidemment d’atours sociaux et environnementaux de rigueur, mais il ne s’agit que d’un enrobage de circonstance pour coller aux attentes sociales du moment.

J’esquisse ici une analyse des origines et des implications de ce triptyque « numérique, robotique et génétique » pour tenter de mieux voir à travers ce vernis. Nous verrons qu’au final, le but du ministre n’est ni la santé et l’alimentation humaine, ni la restauration de la fonctionnalité des écosystèmes, mais le maintien d’une sacro-sainte compétitivité de l’agriculture française à même de maintenir les profits dans les filières liées à ce secteur d’activité.

 

Le capitalisme agricole sépare les travailleur·ses[2] de la terre et des fruits de son travail

Un des phénomènes fondateurs du capitalisme est la séparation des travailleur·ses de la terre par les enclosures, ce que l’on appelle leur prolétarisation. Les paysan·nes éloigné·es de l’accès à leur moyen de subsistance principal sont alors obligé·es de vendre leur force de travail.

Cette séparation a bien eu lieu en France. Ainsi, le nombre d’actifs agricoles, et plus particulièrement d’actives agricoles, a drastiquement baissé en France dans la seconde moitié du 20ème siècle. Il y a aujourd’hui quarante fois moins d’agriculteur·rices en France qu’il y a quarante ans et ces dernier·es sont passé·es de 7,1 % des emplois en France en 1982 à 1,5 % en 2019 (Insee 2020). Cette main-d’œuvre a été libérée pour fournir d’abord des bras à l’industrie française, et depuis l’avènement du néolibéralisme le contingent des chômeur·ses, armées de réserve qui a permis de limiter les prétentions des salarié·es sur leurs conditions de travail. Ces enfants des familles paysannes ont été clairement éloignés de l’agriculture et de la terre.

Cependant, dans le monde, et particulièrement France, les unités de productions agricoles restent encore aujourd’hui en grande partie des exploitations « familiales ». Je reprends ici sa définition donnée par l’agroéconomiste Hubert Cochet :

« le caractère « familial » de l’unité de production, en France et ailleurs dans le monde, repose d’abord sur le fait que l’essentiel du travail nécessaire est fourni par l’agriculteur lui-même et, le cas échéant, sa femme, ses enfants voire des représentants de la génération précédente. Il repose ensuite sur la réunion, dans la même main, des deux facteurs de production que sont le travail et le capital[3]. »

Dans ces « exploitations agricoles », selon la terminologie du code rural, le travail est donc effectué majoritairement par des agriculteur·rices qui participent activement et majoritairement au travail, et non pas par des salarié·es. Ces agriculteur·rices, appelé·es « chef·fes d’exploitation » dans le code rural, possèdent des droits pérennes d’accès à la terre, que ce soit par la propriété privée ou des formes contractuelles comme la location sous le statut du fermage[4]. Ainsi, il n’y a pas, ou pas encore, eu une transition capitaliste totale dans l’agriculture française, c’est-à-dire une séparation claire entre capital et travail, amenant à l’exploitation de ceux qui effectuent le second par ceux qui détiennent le premier.

Par contre cette transition a eu lieu de manière beaucoup plus poussée dans d’autres secteurs de l’économie française et même dans les secteurs connexes de l’agriculture que sont la transformation et la distribution agro-alimentaire ou encore « l’agrofourniture » (matériel agricole, semences, produits chimiques, etc.). Enfin, les fermes d’aujourd’hui ne sont plus celle du 19ème siècle. Les entreprises de production, même « familiales », nécessitent toujours plus de capitaux pour réunir les facteurs de production : foncier bâti ou non, matériel, semences, droits à produire privés ou publics, marques et clientèle en vente directe et circuit court, stocks, cheptel, trésorerie d’avance pour faire face aux aléas climatiques et économiques, etc. L’augmentation de ce capital face à une baisse du travail humain mobilisé dans les entreprises de production agricole est une des manifestations de la transition d’un secteur économique vers un régime capitaliste.

Ainsi, les agriculteur·rices restent pour l’instant en grande partie propriétaires de ces facteurs de production. Tout cela n’est possible que grâce au crédit et à un recours grandissant à l’endettement. Dans un très grand nombre de cas presque 100 % du capital d’exploitation est financé par de la dette. Ce mouvement est encore plus poussé dans d’autres pays comme les Pays-Bas ou la Nouvelle-Zélande où le capital d’exploitation est financé sur des prêts « in fine » reconductibles. Les emprunteur·ses ne remboursent jamais le capital, ils ne payent que les intérêts, et transmettent leurs dettes avec leurs fermes. L’agriculture familiale où les facteurs de production restent la propriété des chef·fes d’exploitation est devenue en grande partie une fiction. L’entreprise est en grande partie comme empruntée aux banques.

Ces dernières gagnent ainsi un pouvoir énorme sur le pilotage des unités de production agricole, selon le taux d’intérêt et la capacité des exploitations à payer ces intérêts à due échéance. Les conditions d’octroi ou de prolongement des prêts peuvent être aussi conditionnées à certaines pratiques agricoles que la banque considérera comme plus sûres pour garantir ses intérêts. Le reste (bien être humain et animal, soutenabilité de l’activité par le vivant, rémunération du travail, production d’une alimentation de qualité) devient secondaire. Cette « schizophrénie »[5] entre l’image d’agriculteur·rices petit·es entrepreneur·ses indépendant·es et la réalité d’un travail en fait aliéné[6] hétéronome, c’est-à-dire où les travaileur·ses sont éloigné·es et dépossédé·es des fruits de leur travail, contribue à faire de la profession la catégorie socio-professionnelle où le risque de suicide est le plus important.

Ainsi dans l’agriculture française, la prolétarisation n’est pas passée directement par le salariat, mais d’abord par la financiarisation. Pour autant, si le nombre de salarié·es agricoles n’augmente pas en France ces dernières années, sa proportion croit puisque le nombre de chef·fe d’exploitation diminue. Dans les exploitations agricoles françaises, la proportion d’heures travaillées réalisées par des salarié·es est passée d’environ 18 % en 1988 à 32 % en 2007[7]. De plus, il y a de plus en plus d’investissements extérieurs, venant de l’extérieur de la « famille agricole », dans la production agricole en France. La tendance en France est à un « nouveau capitalisme agricole », basé sur des firmes et non des fermes[8], où le travail et le capital sont séparés d’une manière bien plus classique du point de vue de l’analyse marxiste du capitalisme.

 

La « modernisation agricole » ou la transition de l’agriculture française vers le capitalisme

Cette transition capitaliste de l’agriculture française, et ses corollaires de prolétarisation et d’aliénation du travail agricole, ne se sont pas réalisés sans résistance. La levée des obstacles à cette transition a été l’objet de ce que l’on appelle la modernisation agricole, un processus d’innovation technique, sociale et juridique avec l’appui déterminant de l’État français.

Libérer des bras agricoles pour l’industrie n’a été possible que grâce au développement d’une agriculture industrielle à même de faire des gains de productivité énormes. C’est certainement la partie la plus connue et la plus visible de la modernisation agricole : l’arrivée massive de la mécanisation et de la chimie dans les campagnes, mais aussi le développement de la sélection génétique jusqu’aux biotechnologies. Une partie de ces nouvelles techniques et technologies ont permis, ou du moins promis, de soulager le dur labeur paysan. Mais elles n’ont pas forcément été bien accueillies dans les campagnes. En effet, elles bousculaient des hiérarchies sociales établies et mettaient en jeu l’autonomie des paysan·nes sur leur travail[9]. Pour vaincre ces résistances, un discours offensif de la modernisation agricole a été mis en œuvre. Ce discours était basé sur l’idée de « l’arriération » de l’agriculture française et la nécessité de professionnalisation des agriculteurs ; un discours somme toute classique de la modernité qui voit dans le progrès technique la garantie du progrès social.

Pour rendre ce processus politiquement et socialement acceptable, l’État a mobilisé une fraction des agriculteurs érigée en élite professionnelle, notamment après la seconde guerre mondiale derrière le Cercle national des jeunes agriculteurs (CNJA) et la Jeunesse catholique agricole (JAC). Ces organisations professionnelles agricoles se sont jetées à corps perdu dans la modernisation agricole, notamment avec la sincère ambition de se libérer des carcans de traditions familiales qui étaient certainement étouffantes. Le terme de « paysan » est alors devenu une insulte dans les cours de récréation, tandis que le travail de la terre acquérait une connotation de saleté. Une part substantielle du vivant dans les campagnes a été considéré comme nuisible, les savoirs paysans empiriques ont été disqualifiés, les savoirs agricoles ont été réduits à des « recettes » agronomiques[10] et réservés aux sphères académiques et industrielles.

Cette « ingénierie » politique et sociale est passée par la promotion du récit glorieux de la « modernisation » par les organisations collectives du monde rural. Mais elle s’est aussi appuyée sur des politiques publiques très proactives. Ainsi, l’évolution du droit rural s’est polarisée sur deux axes majeurs tout le long du 20ème siècle. Tout d’abord, il fallait limiter le pouvoir des propriétaires foncier·es. Ces dernier·es n’avaient pas particulièrement intérêt à la modernisation, bridaient les potentiels gains de productivité agricole en accaparant une rente (loyer des terres) et limitaient ainsi l’efficacité économique de l’investissement capitaliste dans l’agriculture[11]. Puis, il fallait sélectionner les bon·nes agriculteur·rices qui acceptaient de se professionnaliser et évincer les autres.

Ces politiques ont connu une continuité étonnante, entre les réformes poursuivies dans les années 1930, puis sous Vichy, à la Libération et presque sans discontinuer jusqu’à nos jours. Elles ont été portées par des ministres de droite, mais aussi de gauche, même si ces derniers, François Tanguy-Pringent (en 1946) et Edgard Pisani (en 1960 et 1962), intervenaient dans des gouvernements dirigés par Charles de Gaulle. Ces législations sont celles du fermage qui limite drastiquement le pouvoir des propriétaires fonciers ; du remembrement qui rationalise l’espace d’exploitation ; du contrôle des structures et des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) qui orientent et définissent qui a le droit d’accéder à la terre ; ou encore les politiques d’installation qui définissent qui est prioritaire pour s’installer en agriculture et d’obtenir un soutien de l’État pour cette installation[12].

Le point culminant de ces politiques a été atteint au cours dans les années 1960 avec la mise en place d’indemnités viagères de départ (IVD) qui poussaient explicitement des paysan·nes à cesser leur activité, et à permettre l’agrandissement de leurs voisin·es plus modernisé·es, contre le versement de primes. Enfin, ces politiques ont été soutenues par des institutions internationales, d’abord par la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union européenne dès les années 1960, mais aussi à travers l’intégration de l’agriculture dans les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dans les années 1990. Ces politiques ont à chaque fois suscité des réactions d’organisation agricoles et rurales et donné lieu à de nombreuses manifestations qui s’inscrivent parfois dans une longue tradition agricole française d’action directe violente[13]. Les motifs de ces manifestations ont pu être divergents, entre réaction conservatrice pour maintenir les anciennes hiérarchies de pouvoir ou critique du manque de justice sociale et environnementale contenu dans les réformes.

Au-delà du droit, l’État a aussi façonné l’encadrement agricole par un continuum allant de la recherche agronomique publique (Inra, devenue depuis peu Inrae) jusqu’au conseil agricole, d’abord prodigué directement par des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, ensuite délégué aux Chambres d’agriculture avec le soutien actif de l’élite syndicale agricole. Ce soutien mutuel entre État et syndicalisme agricole dit majoritaire, car il gagne presque toujours les élections professionnelles agricoles, est appelé la cogestion. Dans le développement du capitalisme agricole, cette cogestion a réalisé le travail que la main invisible du marché n’a pas su accomplir. À tel point que le crédit en agriculture a été développé grâce au soutien financier de l’État.

La production agricole étant peu profitable, jusque dans les années 1960, les caisses du Crédit agricole, dirigée par l’élite syndicale agricole vont emprunter leurs fonds directement auprès de l’État français[14]. L’État a d’ailleurs refinancé le Crédit agricole après la crise économique de 1928, bien avant celle de 2009. Jusque dans les années 2010, l’État a aussi bonifié les prêts aux jeunes agriculteur·rices pour leur installation, mais contre l’engagement d’acheter du matériel neuf. L’achat de matériel d’occasion était exclu de ces prêts.

Certes, le rôle de l’État n’a pas été univoque et des politiques publiques agricoles sociales et environnementales, pouvant parfois freiner le développement du capitalisme agricole, ont également été mises en œuvre. Mais jamais avec les mêmes moyens et la même intensité. L’exemple le plus flagrant est l’actuelle politique agricole commune (PAC) séparée en deux piliers. Le premier, chargé de soutenir la compétitivité de l’économie agricole, est doté de 80 % du budget de la PAC. Le second, en charge des politiques sociales et environnementales, n’est doté que du 20 % restant. Par ailleurs, l’architecture de ce second pilier est régulièrement jugée inefficace pour réaliser les objectifs qui lui sont fixés. Ces critiques sont même adressées par les Cours des comptes française et européenne, peu suspectes de gauchisme ou de radicalisme écologique. Le projet de nouvelle PAC en cours de finalisation ne semble pas devoir changer la donne en la matière.

Ainsi, l’entrée de l’agriculture française dans le capitalisme est un processus qui remonte à plus d’un siècle et demeure encore inachevé. Cette transition agricole française vers le capitalisme a été hétérogène : il existe encore une grande diversité d’unités de production. Cependant, la tendance est clairement à des exploitations de plus en plus capitalisées, nécessitant toujours moins de main d’œuvre, mais, en proportion, de plus en plus de travail salarié.

Il n’est pas ici question de nier certaines évolutions positives : la pénibilité physique du travail a été aménagée, les revenus agricoles par actif ont augmenté en moyenne, la nourriture a été produite à un prix bas. Mais le prix de ces quelques avancées a été lourd : dévitalisation sociale des campagnes, éviction de leur lieu de vie de nombreuses personnes humaines, mais aussi d’espèces animales et végétales sauvages ou domestiques qui peuplaient les campagnes, destructions environnementales en tout genre, atteinte à la santé humaine des agriculteur·rices, de leurs voisin·es et des mangeurs.

Le bilan de la modernisation agricole est sombre. Le mal-être paysan se nourrit d’un sentiment d’exclusion et se traduit par un taux de suicide supérieur à celui de tout autre profession. De plus, selon les chiffres de l’INSEE datant de 2018, 18 % des agriculteur·rices vivent sous le seuil de pauvreté contre 13 % de la population en général. Du côté de la consommation, les files d’attente de l’aide alimentaire s’allongent[15] et 22 % des ménages avec enfants souffrent d’insuffisance alimentaire (étude Inca3, Anses 2017). Enfin, les populations d’oiseaux des campagnes s’effondrent (Observatoire national de la biodiversité 2018) et 92% des cours d’eau surveillés sont pollués[16].

Par ailleurs, le modèle agricole français est entièrement dépendant du pétrole dans une période où ce dernier est sujet à de fortes tensions internationales. Mais la dépendance agricole n’est pas qu’énergétique. Malgré les gains de productivité de l’agriculture moderne, l’Europe dépend du reste du monde pour se nourrir. Ainsi, l’UE importe en net l’équivalent de la production agricole qui pourrait être réalisée sur la surface de l’Allemagne. À lire ce constat, il est difficile de percevoir l’entrée de l’agriculture dans le capitalisme comme un succès, et, à l’inverse, raisonnable de penser que d’autres évolutions de l’agriculture française auraient pu donner de meilleurs résultats en termes de bien être des humains et de préservation des écosystèmes.

 

Achever la modernisation agricole ou la prolonger sans fin

Une fois ce paysage de la modernisation agricole et de ses effets dépeint, revenons aux annonces ministérielles. L’annonce d’investissements d’État massifs pour faire avancer le progrès technique (numérique, robotique et génétique) en agriculture se place dans la continuité parfaite de la modernisation agricole à la française.

Le numérique et la robotique sont en ce moment à la mode et nullement réservés à l’agriculture[17]. Ils répondent pleinement à l’objectif d’accroître la capitalisation de l’activité agricole et d’augmenter la productivité économique du secteur en remplaçant encore plus de main d’œuvre humaine par des machines. La génétique remplit le même office avec une différence : la capitalisation ne passe pas par l’immobilisation de capital sur du matériel, elle s’effectue par « l’immatériel », en l’occurrence les brevets qui permettent aux semenciers de rentabiliser leur investissement.

À bien y réfléchir, le numérique et la robotique jouent aussi la carte de l’immatériel. Il y a peu de chance que les technologies qui doivent être développées le soient sous licence libre (open source)[18]. Les enclosures du savoir[19] s’ajoutent à celles de la terre. Les brevets sur le vivant, les machines et les logiciels existaient déjà au 20ème siècle. Cependant, l’évolution technologique permet aujourd’hui d’envisager la réalisation du rêve (ou du cauchemar) prométhéen de la substitution intégrale du travail par des machines pleinement autonomes. La prétendue « intelligence artificielle » gavée aux données de masse (big data) serait plus efficace que le pilotage de l’activité par des êtres humains. Tout cela s’insère parfaitement dans le récit d’un progrès technologique libérateur du travail humain.

Le ministre justifie ce choix par un besoin de compétitivité, mais aussi par celui d’une agriculture plus écologique et économe en ressource. Ainsi, les désordres environnementaux de l’agriculture moderne seraient dus à des humains inattentifs, incapables d’appréhender tous les paramètres nécessaires à l’agriculture du 21ème siècle et à une nature insuffisamment « performante » pour s’adapter d’elle-même à l’évolution fulgurante des besoins de l’humanité, ou du moins à ceux des capitalistes. Il faudrait donc des robots pour analyser les besoins en nutriments des plantes et des animaux, ou encore pour régler les buses des pulvérisateurs de produits chimiques. Il faudrait aussi fabriquer à l’aide de biotechnologies des plantes qui résistent mieux aux ravageurs, aux produits chimiques de synthèse et aux aléas climatiques. En ajustant les intrants tout juste aux besoins physiologiques des plantes et des animaux, d’énormes économies de matière et d’énergie pourraient de plus être réalisées[20].

Cette vision s’appuie sur l’idée fausse que le numérique serait un secteur d’activité immatériel. Or, rien n’est plus faux. Les ordinateurs et les robots qui accueilleront les logiciels que le ministre de l’Agriculture veut développer nécessiteront une quantité faramineuse de matières premières, notamment de terres rares, mais aussi d’énergie, ne serait-ce que pour faire fonctionner les serveurs qui accueilleront les données à traiter[21]. Les nuages informatiques ne sont pas constitués de vapeur d’eau, mais de puces électroniques et d’énergie nécessaire pour les faire fonctionner et refroidir les machines dont elles font partie.

Il n’aura échappé à personne que les marchés des puces électroniques et de l’énergie sont actuellement en tension et risquent de l’être encore pour un moment. Pour que cela soit stratégiquement supportable, il faudrait relocaliser la production de puces électroniques en France ou en Europe, ce qui les renchérirait fortement. Il faudrait également produire massivement de l’énergie locale. Or, on ne sait pas trop comment s’y prendre, car, n’en déplaise aux promoteurs du nucléaire et de la Françafrique, l’uranium n’est pas extrait en France. Il s’agit donc ni plus ni moins que d’assujettir davantage encore l’agriculture française aux aléas économiques et géopolitiques.

La promesse de réduction de l’utilisation de produits chimiques de synthèse soulève une question intéressante, mais elle fait fi de l’évolution de la toxicologie avec la découverte des perturbateurs endocriniens, classe dont nombre de produits utilisés dans l’agriculture industrielle font partie. Or, pour ces produits, la dose ne fait pas le poison : une quantité infime peut avoir des effets importants voire parfois plus importants que des grandes doses. La réduction des doses n’aura donc que peu d’efficacité. D’un point de vue sanitaire et écologique, la seule solution est de les interdire.

Pour ce qui est de la génétique, le ministre s’est bien gardé de parler du recours à des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Il sait parfaitement de l’opinion publique y est massivement opposée. En effet, quelques décennies de recul sur ces technologies ont montré que leurs bénéfices économiques et environnementaux étaient limités, voire nuls, et leurs effets pervers nombreux. Le ministre parle donc dans son discours du 14 octobre 2021 de « sélection variétale […], quelque chose qui existe depuis que l’homme s’est sédentarisé ». Mais il ajoute ensuite : « on a des nouvelles techniques qui permettent d’accélérer ces sélections variétales et de trouver encore plus rapidement ces plantes qui nous intéressent ». Le ministre fait référence ici aux “NBT” ou “New Breeding Techniques”, plus communément appelées « nouveaux OGM ». Avec force lobbying et communication, les industries semencières tentent de restreindre le terme d’OGM aux premières générations d’OGM (obtenus par transgenèse). Le ministre ne fait que reprendre les éléments de langage de ces lobbys. La révolution agricole agroécologique annoncée s’appuiera donc bien sur des OGM.

Conjoncturellement, ces annonces visent, assez classiquement, à relancer l’innovation technologique pour maintenir la compétitivité de l’agriculture française, c’est-à-dire le taux de profit des acteurs des filières agricoles en France. Vraisemblablement, les agriculteur·rices encore travailleur·ses indépendant·es qui voudront les acquérir devront s’endetter encore un peu plus, jusqu’à ne plus pouvoir rembourser leurs dettes à l’échelle de leur carrière professionnelle. Cela accélérera le processus du passage de fermes « familiales » à des firmes salariales. D’ailleurs, si jamais les taux d’intérêt remontaient, l’État devrait peut-être revenir à la bonification des prêts agricoles pour soutenir ce processus.

Le contexte actuel de crise écologique et de chômage important est par contre très différent de celui des années 1960. Cela oblige le ministre à une communication prudente, parfois contradictoire avec les objectifs recherchés (écologie et maintien du taux de profit ne sont matériellement pas compatibles à long terme) et même, on l’a vu, mensongère. S’il est tactiquement raisonnable pour le gouvernement d’espérer convaincre une frange importante des agriculteurs·rices par un discours technophile, la pilule sociale et environnementale risque d’être dure à avaler pour une autre partie des agriculteurs·rices, désormais consciente des impacts de l’agriculture industrielle.

Il en sera de même pour une part croissante de la population française. Les questions agricoles et alimentaires font désormais partie de l’agenda médiatique et des préoccupations des Français·es. Enrôler des humains dans une activité qui détruit sciemment leur milieu de vie n’est pas une mince affaire. Séparer physiquement les travailleur·ses de la terre, implique d’arriver également de les en séparer symboliquement. L’espèce sapiens sapiens a la fichue habitude de mettre du sens partout. En partant de là, le triptyque « numérique, robotique, génétique » peut-être analysé aussi comme le développement d’interfaces artificielles symboliques visant à augmenter la distance entre les travailleur·ses de la terre, et plus généralement la société, et la terre ; c’est-à-dire leur milieu de vie. Pour reprendre et prolonger les termes de Karl Polanyi, il s’agirait de désencastrer un peu plus l’économie de la société, et la société de son environnement. C’est probablement le seul moyen de prolonger encore l’accumulation sans fin du capital dans le secteur agricole en France.

 

L’agriculture macronienne et après ?

On ne peut pas dire qu’Emmanuel Macron candidat à l’élection présidentielle de 2017 avait une vision agricole précise. D’ailleurs, une fois élu, il n’avait jusqu’à récemment pas choisi de ministre de l’Agriculture ayant une grande envergure politique. Le rôle politique des ministres successifs – Didier Guillaume et Stéphane Travert – était plutôt celui de « prises de guerre » venant du Parti socialiste. Jusqu’ici la politique du quinquennat qui s’achève se mouvait dans un certain entre-deux, entre le soutien traditionnel au syndicalisme majoritaire et quelques tentatives d’évolution de la régulation d’accès au foncier agricole, le tout saupoudré d’affichage environnemental.

Si le gouvernement n’a pas réalisé la grande réforme foncière agricole qu’il avait promis à plusieurs reprises, il a instauré récemment la régulation de l’accès au foncier par l’achat de parts de société, un moyen devenu classique de contourner le contrôle de l’accès au foncier par les Safer. Contradictoirement à cela, il a essayé à deux reprises de supprimer le contrôle des structures qui régulent l’accès à la terre par la location. À chaque fois, ce projet a suscité une levée de bouclier unanime du syndicalisme agricole, tant et si bien qu’il a été abandonné. Du côté environnemental, le gouvernement avait réussi à interdire les néonicotinoïdes[22], avant de plier face aux lobbies betteraviers et chimiques et de revenir en arrière. Malgré une communication tonitruante, il n’a toujours pas réussi à faire interdire le glyphosate[23]. Pour ce qui est de la réforme de la PAC, le ministère de l’Agriculture a tenu une position immobiliste tout au long des négociations européennes des dernières années. La PAC de demain ressemblera à s’y méprendre à la PAC d’hier.

Difficile de lire dans ces quelques exemples les lignes directrices d’une politique agricole cohérente. La nomination au ministère de l’Agriculture en juillet 2020 d’un membre de la jeune garde rapprochée d’Emmanuel Macron, Julien Denormandie, est-il le signal d’une reprise en main du sujet et du développement d’une doctrine macronienne en matière d’agriculture à l’approche des présidentielles de 2022 ? Les annonces d’octobre peuvent le laisser penser. Le triptyque numérique, robotique et génétique est pour une fois particulièrement cohérent avec les marottes du président et de sa « startup nation ». Mais elles sont à confirmer dans les faits et dans le programme du candidat putatif Macron pour 2022.

Certaines interventions récentes de proches de l’actuel président de la République peuvent montrer la voie. En 2016, le groupe SOS a intégré dans son giron l’association Fermes d’avenir qui, tout en parlant d’agroécologie, a développé un partenariat avec le réseau Pour une agriculture du vivant. Comme son nom ne l’indique pas, il s’agit d’une nébuleuse d’organisations agricoles et para-agricoles qui défendent l’agriculture de conservation, c’est-à-dire l’utilisation d’herbicides très nocifs tel que le glyphosate pour ne pas avoir à labourer le sol. Par ailleurs, le cabinet Auxilia, une autre composante du groupe SOS, réalise pour le compte des collectivités territoriales des études de projets alimentaires territoriaux.

Le groupe SOS a été fondé et dirigé par Jean-Marc Borrelo, délégué général adjoint de La république en marche et éminence grise de Macron. Enfin, récemment, Xavier Niel, fondateur de Free, s’est associée avec Audrey Bourolleau, ancienne conseillère agriculture de Macron pour créer une école d’agriculture privée appelée Hectar. Cette école entend mettre au centre de son enseignement le « digital » dans l’agriculture, ce qui rappelle très fortement les deux premiers éléments du triptyque numérique, robotique et génétique. À l’heure où l’enseignement agricole public perd des moyens, ce projet privé a reçu un soutien public important de la part du Conseil régional d’Île de France.

Ces acteurs proches du président n’ont pas de lien historique avec le syndicalisme agricole. La « troisième révolution agricole » proposée par Julien Denormandie est-elle une tentative de continuer la modernisation agricole, mais sans les agriculteurs ? Ou bien sera-t-elle l’occasion de confirmer une élite professionnelle qui adhérerait au récit gouvernemental, voire de faire émerger une nouvelle élite professionnelle agricole ? Il sera intéressant d’analyser le futur programme agricole de la République en Marche avec cette grille de lecture et les positionnements qui seront adoptés par les acteurs des filières agricoles sur ces sujets au moment du prochain salon de l’agriculture, a priori le moment médiatique le plus fort pour ce secteur d’ici à l’élection présidentielle.

Pour conclure, gardons en tête que la normalisation de l’agriculture française dans le capitalisme ne dépendra pas de la réélection ou non d’Emmanuel Macron et que la tendance à l’œuvre est bien plus profonde[24]. Il n’en reste pas moins que le moment « agripolitique » que nous vivons aujourd’hui constitue un cas d’école et vaut le coup d’être examiné attentivement dans ce sens. Non pas pour se complaire dans notre impuissance face à un capitalisme agricole triomphant, mais pour formuler des propositions solides pour l’agriculture[25] dans nos stratégies anticapitalistes pour le 21ème siècle[26].

 

Notes

[1] J’emploie ici le terme de « vivant » pour ne pas avoir recours à celui de « nature ». En effet, ce dernier est relié dans l’inconscient collectif à l’idée que l’espèce humaine se serait extraite de son milieu de vie pour le dominer. L’ampleur des crises environnementales d’origine humaines et des catastrophes qui en découle nous appelle à l’humilité et justifie ce pas de côté langagier.

[2] Dans une perspective féministe, j’utilise le point médian « · » comme signe d’abréviation pour éviter de répéter les substantifs et les adjectifs se rapportant à des personnes physiques pouvant être d’un genre ou de l’autre. J’utilise ainsi « travailleur·ses » pour ne pas alourdir le texte en écrivant « travailleuses et travailleurs ».

[3] Cochet (2017), « Séparation capital/travail, flexibilité et rémunération des facteurs de production La fin de l’exploitation agricole familiale ? », in Économie Rurale 357-358/Janvier-Mars 2017 – Considérant que ce type d’agriculture repose de moins en moins sur la cellule familiale en France, un certain nombre d’acteurs utilise aujourd’hui aussi le terme d’agriculture paysanne.

[4] Statut encadrant la location agricole dans le Code rural depuis 1946. Il est assez protecteur du fermier (locataire) face à son bailleur (propriétaire), notamment avec une durée minimale de location de 9 ans et des conditions très restrictives pour que le bailleur puisse donner congé à son fermier à l’échéance du bail.

[5] Je prolonge ici l’utilisation du terme schizophrénie pour décrire la condition des travailleur·ses en régime capitaliste par Cornélius Castoriadis dans le deuxième volume de L’expérience du mouvement ouvrier, Prolétariat et organisation, paru en 1974.

[6] Au sens de l’aliénation du travail selon Karl Marx, par exemple dans les Manuscrits de 1844.

[7] Éric Cahuzac et Cécile Détang-Dessendre (2011), « Le salariat agricole. Une part croissante dans l’emploi des expitations mais une précarité des statuts », Économie rurale. La livraison du recensement agricole en fin d’année 2021 donnera des chiffres plus récents, mais la lecture des données annuelles de la MSA semble indiquer que cette tendance s’est prolongée jusqu’à aujourd’hui.

[8] François Purseigle, Geneviève Nguyen et Pierre Blanc (2017), Le nouveau capitalisme agricole : De la ferme à la fir, Paris, Presses de Sciences Po.

[9] Sans aucunement idéaliser les dures conditions de vie dans les agricultures précapitalistes, l’avènement du capitalisme dans l’agriculture a la spécificité que la classe dominante se mêle systématiquement d’expliquer aux travlleur·ses agricoles comment travailler.

[10] Bernard Chevassus-au-Louis (2006), Refonder la recherche agronomique, in Les défis de l’agriculture au XXIe siècle. Les leçons inaugurales du groupe ESA.

[11] Sur le conflit et les divergences d’intérêt entre propriétaires foncier·es et capitalistes lire David Harvey (2019), Les limites du capital, Paris, Éditions Amsterdam (pour la traduction française).

[12] Pour une liste exhaustive de l’évolution du droit rural pour mettre en œuvre ces politiques lire Patrick Gervaiseau, Danièle Vienot (1988), « Historique des principales dispositions postérieures au Code civil », in: Études rurales, n°110-112 : La Terre : succession et héritage.

[13] Violence physique contre les biens et non directement les personnes. Lire Edouard Lynch (2019), Insurrections paysannes. De la terre à la rue. Usages de la violence au XXe siècle, Vendémiaire.

[14] William Loveluck (2017), L’agriculture à crédit Une analyse socio-historique de l’évolution du crédit en agriculture en France à l’aune des évolutions du capital fictif, Mémoire de Master 2 à l’EHESS sous la direction d’Eve Chiapello.

[15]elon un rapport sénatorial de 2018, le recours à l’aide alimentaire est passé de 2,8 millions de personnes en 2008 à 5,5 millions en 2017. Le ministre de la Santé Olivier Véran parle même de 8 millions de personne en 2021 suite à l’épidémie de Covid 19.

[16] Aurélie Dubois (2015), « Les pesticides dans les cours d’eau français en 2013 », Commissariat général au développement durable, Chiffres & statistiques n° 697.

[17] Par exemple avec le développement de la voiture autonome.

[18] La production de technologies agricoles, matérielles et logicielles, sous licence libre est prometteuse, mais encore émergente. Quentin Chance et Morgan Meyer, « L’agriculture libre », Techniques & Culture [En ligne], Suppléments au n°67.

[19] Hélène Tordjman analyse notamment les semences dites augmentées en agriculture sous le prisme de l’enclosure ; Hélène Tordjman (2021), La croissance verte contre la nature, Critique de l’écologie marchande, La Découverte.

[20] On peut relier un tel discours au concept de « honte prométhéenne » de l’humain imparfait face à la machine parfaite qu’il a su construire. Il a été théorisé par le philosophe Günther Anders dans L’obsolescence de l’homme en 1956.

[21] Pour s’en convaincre on peut notamment lire : Guillaume Pitron (2019), La guerre des métaux rares, Les liens qui libèrent et Guillaume Pitron (2021), L’enfer numérique Les liens qui libèrent.

[22] Classe d’insecticide notamment incriminée dans l’effondrement des populations des insectes pollinisateurs.

[23] Molécule très polluante utilisée dans des herbicides, notamment le Round up de la firme Monsanto.

[24]  l’agriculture « familiale » et la petite paysannerie nourrissent la majorité de la population mondiale, donnant pour l’instant tort aux prédictions de Karl Marx. Rien ne permet d’affirmer qu’elles seront un jour remplacées par une agriculture de firme avec une main d’œuvre salariée. Il est tout à fait possible que dans un certain nombre de configuration du régime capitaliste, il soit plus profitable aux capitalistes que cette transition n’ait pas lieu.

[25] On retrouve des pistes prometteuses dans Reprendre la terre aux machines de l’Atelier paysan publié en 2021 au Seuil et j’en évoquais quelques autres en 2019 dans un article paru sur le site de Contretemps intitulé « Sortir de l’indigestion capitaliste ».

[26] Erik Olin Wright (2020), Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle, La Découverte.