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Un repas de soutien à la Rôtisserie nous a permis de largement financer la venue exceptionnelle de Haneen Maikey et Ramzi Kumsieh.

Ces militant·es palestinien·nes sont membres de l’association Al-Qaws pour la diversité sexuelle et de genre dans la société palestinienne, et participent activement à la campagne Palestinian Queers for BDS (appel de la société civile palestinienne au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre l’apartheid et l’occupation de la Palestine).

 

L’Europe entière est le terrain d’une large opération de cooptation des mouvements féministes, queers et « LGBT » blancs par les forces réactionnaires à l’offensive contre les musulmans, les immigrés, et toutes les personnes non-blanches en général. The Guardian a notamment souligné que la formation d’extrême droite britannique English Defense League compte plus de 115 membres au sein de sa commission gay.

D’autre part, en Allemagne, la Fédération gay et lesbienne a émis des déclarations qui pointent explicitement les musulman·es comme les ennemi·es de la « communauté gay ». En France, par exemple, le 7 mai 2011 le mouvement des identitaires appelait à un kiss-in devant la « grande mosquée » de Lyon pour « combattre l’homophobie dans les pays islamiques, et l’homophobie d’une petite minorité de musulmans en France ».

Plus largement, l’argument qui associe l’homophobie et le sexisme aux communautés issues de la colonisation participe d’une nouvelle dynamique raciste, et tend à opposer durablement les combats antiracistes aux luttes contre les oppressions sexuelles et de genre. Et il ne faudrait pas sous-estimer la part active des groupes « LGBT » dans l’élaboration de ce dispositif idéologique : ce qu’il faut mettre en discussion, c’est tout un répertoire de tactiques qui s’inscrivent dans un militantisme occidental hégémonique, des modes de visibilisations aux solidarités internationales.

Car cet alignement se fait aussi en appui du redéploiement de l’impérialisme. Bien au-delà de l’Europe, cette rhétorique s’érige déjà en stratégie de guerre. Selon The New York Times, dès 2005, et ce avec l’aide de directeurs marketing américains, le gouvernement israélien a déployé une vaste campagne, « Brand Israel », en direction principalement des hommes entre 18 et 34 ans : cette campagne a été mise en œuvre en vue d’offrir à cet État colonial un visage attractif et moderne. En 2009 The Israel Project a publié un dictionnaire des « mots qui marchent » pour défendre la politique d’Israël en mettant l’accent sur le fait que la « démocratie » israélienne respecte « les droits des femmes ». Ce plan marketing s’est progressivement dirigé à l’attention de la « communauté LGBT ». Dès lors, en 2010, ce sont 90 millions de dollars qui ont été investi par l’office de tourisme de Tel Aviv pour se donner des allures de destination de vacances sur mesure pour les gays du monde entier.

Ce type de financement fleurit, souvent à la faveur d’un arsenal culturel, pour donner un visage gay-friendly à Israël. Les ambassades israéliennes financent des festivals de films gays et lesbiens, aux États?Unis comme en Europe. En France, la venue d’une cinéaste israélienne au festival de films féministes et lesbiens Cineffable avait donné lieu à un partenariat entre les organisateurs et organisatrices du festival et l’ambassade d’Israël – l’ambassade finançait en effet la venue de la cinéaste. La campagne pour le Boycott culturel de l’État d’Israël (PACBI) a révélé en 2008 que les contrats qui relient les artistes israélien·nes à leur gouvernement, lorsque celui?ci finance leur déplacement, contiennent une clause qui définit le but de la collaboration : « promouvoir les intérêts politiques de l’État d’Israël […] et créer une image positive d’Israël ».

Un mouvement grandissant à l’échelle internationale dénonce cette tactique de pinkwashing : une stratégie délibérée pour occulter la violation systématique des droits des Palestinien·nes derrière un visage moderne, symbolisé par la vitalité des espaces gay en Israël.

Ces redéploiements impérialistes comme cette régénérescence du racisme impliquent de nouvelles analyses et des discussions stratégiques pour questionner les modes d’organisation LGBT et féministes occidentaux hégémoniques. C’est à cette nécessaire remise en cause que s’attelle Al-Qaws depuis la Palestine et au sein d’un réseau plus large de mouvements queer arabes.

 

Rencontre-débat avec

Haneen Maikey et Ramzy Kumsieh

le mardi 20 mars 2012 à 19h

au Vieux-Saumur (1er étage), 10 rue de Belleville 75020 Paris (M° Belleville)

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