
L’Union Européenne s’aligne sur Trump pour couvrir les crimes israéliens
Les dirigeants européens prétendent être les champions de l’ordre international libéral que Donald Trump répudie. Mais ils s’alignent sur Trump pour soutenir la reprise de l’assaut meurtrier d’Israël contre les civils palestiniens.
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Depuis que Donald Trump a brusquement modifié la politique états-unienne à l’égard de l’Ukraine, on a beaucoup parlé de la nécessité pour les pays européens de monter au créneau et de défendre l’ordre international libéral. Des hommes politiques comme le Français Emmanuel Macron et l’Allemand Friedrich Merz ont utilisé cet argument pour justifier une augmentation massive des dépenses militaires des États européens.
Cependant, lorsqu’il s’agit de la nouvelle attaque d’Israël contre la population de Gaza, les positions des États-Unis et de l’Union européenne (UE) ne tiennent pas dans un mouchoir bleu et jaune.
Lors de sa réunion du 20 mars, 2025, le Conseil européen, qui rassemble les premiers ministres de tous les États membres de l’UE, a publié la déclaration suivante :
« Le Conseil européen déplore la rupture du cessez-le-feu à Gaza, qui a fait un grand nombre de victimes civiles lors des récentes frappes aériennes. Il déplore le refus du Hamas de livrer les otages restants. Le Conseil européen appelle à un retour immédiat à la mise en œuvre intégrale de l’accord de cessez-le-feu et de libération des otages. »
Eve Geddie, d’Amnesty International a qualifié ce communiqué de « nouvelle tentative honteuse de justifier le génocide et les crimes de guerre d’Israël contre les Palestiniens ». Comme elle l’a souligné, le communiqué ne nomme même pas Israël, et le condamne encore moins pour avoir tué des centaines de personnes par des frappes aériennes conçues pour cibler des civils pendant leur repas du Ramadan avant l’aube.
Dévastation totale
Selon le Conseil européen, c’est « la rupture du cessez-le-feu à Gaza » qui a tué ces personnes, et non les bombes et les missiles israéliens qui les ont réduites en miettes. Bien que le Conseil n’ait pas dit directement qui était responsable de cette rupture, la phrase qui a suivi, déplorant « le refus du Hamas de livrer les otages restants », a clairement montré où se situait la responsabilité. L’organe le plus important de l’UE n’a rien trouvé à déplorer dans la conduite d’Israël ces derniers jours.
En réalité, comme le savent tous les dirigeants européens qui ont approuvé cette déclaration, c’est Israël qui a rompu unilatéralement le cessez-le-feu après avoir tenté de modifier les termes de l’accord qu’il avait signé en janvier. Si le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou voulait obtenir la libération des otages israéliens qui se trouvent toujours à Gaza, il n’avait qu’à respecter les engagements qu’il avait pris il y a deux mois.
M. Netanyahou a refusé de passer à la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu parce que cela signifierait un arrêt définitif de sa campagne de massacres. La reprise du massacre des civils palestiniens a satisfait ses partenaires de la coalition d’extrême droite et détourné l’attention de sa purge de l’armée et des services de renseignement israéliens.
La déclaration du Conseil européen est d’autant plus honteuse qu’elle a été publiée après le message à glacer le sang que le ministre de la Défense de Netanyahou, Israël Katz, a adressé à la population civile de Gaza, ne laissant aucune place à l’incompréhension :
« Résidents de Gaza, ceci est votre dernier avertissement. Le premier Sinwar a détruit Gaza, et le second Sinwar entraînera sa ruine totale. L’attaque de l’armée de l’air israélienne contre les terroristes du Hamas n’était que la première étape. Ce qui suivra sera bien plus dur, et vous en supporterez tout le coût. L’évacuation de la population des zones de combat reprendra bientôt.
Si tous les otages israéliens ne sont pas libérés et si le Hamas n’est pas chassé de Gaza, Israël agira avec une force que vous n’avez jamais connue auparavant. Suivez le conseil du président américain : rendez les otages et expulsez le Hamas, et de nouvelles options s’ouvriront à vous – y compris la relocalisation dans d’autres parties du monde pour ceux qui le souhaitent. L’alternative est la destruction et la dévastation totale. »[1]
Impunité pour les crimes de guerre
La déclaration de Katz a fourni des éléments supplémentaires aux juges et aux avocats qui travaillent sur des affaires contre son gouvernement à la Cour Internationale de Justice (CIJ) et à la Cour Pénale Internationale (CPI). Israël et ses dirigeants sont actuellement jugés pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, avec une montagne de preuves déjà accumulées.
Cela fait plus d’un an que la CIJ a émis une série d’ordonnances exigeant qu’Israël protège la population de Gaza de la menace de génocide, ordonnances qu’il a violées de manière flagrante depuis le premier jour. Cela fait plus de quatre mois que la CPI a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de Netanyahou et de son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant. Katz, qui a pris la relève de M. Gallant lorsque Netanyahou l’a limogé, a fait plus que ce qu’il fallait pour mériter un mandat d’arrêt à son tour.
Contrairement aux États-Unis, tous les États membres de l’Union Européenne ont signé le statut de Rome qui a institué la CPI. La Cour a son siège aux Pays-Bas, l’un des États fondateurs de l’UE. António Costa et Ursula Von der Leyen, respectivement présidents du Conseil européen et de la Commission européenne, ont publié le mois dernier des déclarations condamnant la décision de l’administration Trump d’imposer des sanctions à la CPI.
Cependant, alors qu’ils devraient condamner le génocide israélien à Gaza, les fonctionnaires européens agissent comme si le mandat d’arrêt contre Netanyahou n’existait tout simplement pas. Trois États européens – la France, l’Italie et la Grèce – ont même autorisé l’avion de Netanyahou à traverser leur espace aérien le mois dernier pour se rendre aux États-Unis et en revenir. Quelques jours plus tard, la déclaration d’Ursula von der Leyen sur la CPI affirmait que l’Europe « défendrait toujours la justice et le respect du droit international ».
Il n’y a pas de différence concrète entre, d’une part, s’insurger contre la CPI et, d’autre part, se féliciter de son rôle tout en rejetant ses décisions. Sous l’enrobage rhétorique, l’attitude de l’UE et de ses principaux États membres révèle le même mépris pour le droit international et la vie des civils palestiniens que l’administration Trump a affiché de manière si ostentatoire.
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Daniel Finn est rédacteur en chef adjoint de la New Left Review (Londres). Il est également collaborateur régulier de Jacobin, de la London Review of Books et du Monde diplomatique. Ses travaux portent notamment sur l’Irlande du Nord, les mouvements indépendantistes, les politiques impérialistes occidentales et les rapports entre gauche et nationalisme. Il est l’auteur de Par la poudre et par la plume : histoire politique de l’IRA.
Cet article a été initialement publié par Jacobin. Traduit de l’anglais par Christian Dubucq pour Contretemps.
Note
[1] Le terme « Sinwar » fait référence à Yahya Sinwar, chef du Hamas à Gaza depuis 2017. Ancien prisonnier libéré en 2011, il a été désigné comme l’architecte de l’attaque du 7 octobre 2023. Israël affirme l’avoir tué dans une frappe aérienne. Israël Katz utilise son nom ici comme symbole de destruction, en formulant une menace directe contre la population