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Rose-Marie Lagrave, Se ressaisir. Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe, Paris, La Découverte, 2021

Ressaisissant son parcours en sociologue et en féministe, Rose-Marie Lagrave remet en cause les récits dominants sur la méritocratie, les stéréotypes associés aux transfuges de classe, le mythe d’un « ascenseur social » décollant par la grâce de talents ou de dons exceptionnels. Cet ouvrage retrace une migration sociale faite de multiples aléas et bifurcations, où domination de classe et domination de genre s’entremêlent : le parcours d’une fille de famille nombreuse, enracinée en milieu rural, que rien ne prédestinait à s’asseoir sur les bancs de la Sorbonne puis à devenir directrice d’études à l’EHESS.

Pour mener cette enquête, l’autrice réalise un « recueil de données disparates, de matériaux hétérogènes et discontinus. Des photographies, des lettres, des carnets, six agendas (sorte de livres de raison tenus par [s]a mère), les archives de l’école primaire, les archives départementales, [s]on dossier personnel à l’EHESS et celui rempli pour [s]a retraite, et une série d’entretiens avec les membres de [s]a fratrie et avec [s]es deux fils sont les pièces qui donnent une assise empirique à des souvenirs vivaces ou estompés. ». 

Contre les injonctions de « réussir » et de « rester soi », ce livre invite à imaginer de nouvelles formes d’émancipation par la socioanalyse : se ressaisir, c’est acquérir un pouvoir d’agir, commun aux transfuges de classe et aux féministes, permettant de critiquer les hiérarchies sociales et de les transgresser. 

Conclusion ( p. 375-390)

Ceci n’est pas une panacée sociale

En retraçant ma migration, de ma classe d’origine à ma classe d’accueil, je donne prise à une lecture inclinée à conclure hâtivement que « j’ai réussi », voire, si l’on tire un peu sur la corde, que mon cas est exemplaire. À cette perspective téléologique qui ne s’embarrasse pas du travail et du coût que supposent les changements de place, qui minimise le poids du contexte social et politique des années de l’après-Seconde Guerre mondiale sur ces trajectoires, et qui ne se préoccupe nullement des occasions fortuites et des coups de pouce des alliés d’ascension, j’oppose le récit d’un itinéraire sur un chemin escarpé menant à une clairière où le soleil ne brille pas pour tous de la même façon.

En restituant les états successifs de mon parcours (boursière, oblate, universitaire) inscrits dans leurs différents contextes, j’ai ainsi pu retracer l’ensemble de ma pente ascendante. Ce faisant, j’ai rendu compte fidèlement de mon déplacement, dont toutes les étapes sont importantes pour en comprendre le sens et en apprécier le terme, car « qui songerait à évoquer un voyage sans avoir une idée du paysage dans lequel il s’accomplit 1 ? ». En rembobinant mon parcours, et en le comparant à ceux d’autres transfuges de classe, rien d’absolument exceptionnel n’apparaît. Subsiste pourtant quelque chose de singulier : je ne me suis jamais sentie déchirée entre deux univers.

S’en sortir

Je reprends l’expression « tu t’en es bien sortie » parce qu’elle m’est souvent adressée, en guise de compliment. Elle est d’autant plus plausible que mes interlocuteurs font un lien direct et immédiat entre une école de village et l’EHESS. Ce raccourci suggère l’idée d’une éjection en ligne droite, d’école à école. Cette représentation est fondée sur une méconnaissance de ce qu’est une école de village des années 1950, de ce qu’est l’EHESS, et plus encore de ce qu’est une « mobilité sociale2 ». Cette vision en flèche d’un parcours tout fléché me laisse pantoise, le temps du moins de savoir de quoi au juste je me suis sortie. À coup sûr, du poids des socialisations familiales, du catholicisme, et de la violence symbolique des contraintes du monde social qui empêche les gens de peu d’envisager d’autres destins sociaux que ceux de leurs parents.

En ce sens, le « s’en sortir » est collectif : mes sœurs et mon frère sont également parvenus, par des voies différentes, à s’extraire de ces conditions – dessinant ainsi une mobilité générationnelle3 qui nous a permis d’échapper aux sorts des autres enfants du village, pour intégrer l’une des fractions de la bourgeoisie. Mais sortir du village, sortir de ses gonds, sortir de l’enfance, c’était une nécessité matérielle. Faire de nécessité vertu, telle est l’armature de ma pente ascensionnelle. Mon fil conducteur pour détecter des opportunités, et ne pas les laisser passer. C’est la nécessité financière qui m’a valu d’être boursière, et m’a conduite à être coursière dans une entreprise de bijoux. C’est elle encore qui m’a donné l’audace de solliciter un travail aux Hautes Études, après une rupture conjugale – moment déterminant de ma trajectoire, et signe qu’un divorce peut être une aubaine biographique. Trois embranchements ont ainsi été décisifs : l’accès à l’examen d’entrée en sixième et l’obtention d’une bourse, l’entrée aux Hautes Études sur un coup de tête, et l’arrivée aux Relations internationales de cette institution après une vingtaine d’années de stagnation au Centre de sociologie rurale. Certes, ces bonnes fortunes ne doivent rien au hasard ; chacune à sa manière a fait décoller ma trajectoire, en lui imprimant des orientations auxquelles je n’avais jamais songé. Pour m’arracher à ces déterminations, il m’a fallu nombre de bouées de sauvetage : mes instituteurs, certaines professeures, être boursière – l’école, en un mot, et la générosité de l’État-providence, encore actif à l’époque –, ce qui dément formellement qu’on peut s’en sortir seule, et « à la seule force du poignet ». Je ne suis pas une self-made woman, comme le voudrait une vulgate libérale bien ancrée dans les mentalités, prétendant que chacun et chacune est l’auteur libre et responsable de son parcours.

C’est alors que suit tout à trac un deuxième poncif : méritante. Ce qualificatif, qui fleure bon sa IIIe République, est censé saluer quelque don caché que les autres élèves de mon village n’auraient pas reçu, au lieu que je dois mon salut scolaire à la sollicitude de mes instituteurs. Un autre lieu commun vient à son tour compléter les premiers : la vertu de l’effort. Or j’ai sans doute eu moins d’efforts à faire que mes camarades d’école primaire. Faute d’une vue synoptique du système scolaire, les attributs qui me sont accolés témoignent d’une méconnaissance des conditions de l’émancipation sociale par l’école. Le mérite et l’effort, érigés en exception individualisée, sont le cache-misère des inégalités sociales et scolaires, invisibilisées par une égalité de droit formelle4. Encenser le mérite, c’est faire porter le poids d’une hypothétique réussite sur les individus, en gommant la fonction de reproduction sociale de l’école. Encenser le mérite, c’est donner bonne conscience à ceux et celles qui mettent l’accent sur une école aplanissant les inégalités sociales, et ne cessent d’agiter les exceptions pour confirmer la règle. Je ne veux pas, avec mon cas, leur donner bonne conscience.

Qui, au demeurant, est légitime pour définir le mérite et garant de ses usages ? Le système scolaire dans son ensemble, qui n’a de cesse de détecter les potentiels méritants, de les fabriquer, de les honorer, pour mieux asseoir sa légitimité. Le mérite distingue de surcroît depuis plusieurs décennies les boursiers entre eux : « L’aide au mérite est un complément de la bourse sur critères sociaux. Elle est accordée aux étudiants les plus méritants qui ont obtenu une mention « Très Bien » au baccalauréat 5 », après examen par les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), et en dernier ressort après décision des recteurs d’académie. Dirait-on d’un héritier, reçu avec la mention « très bien » au baccalauréat, qu’il est méritant ? Non, il est brillant, et n’a que ce qu’il mérite depuis des lustres. Les boursiers sont désormais différenciés des méritants, créant un clivage entre deux catégories ainsi mises en concurrence, histoire de les stimuler encore davantage. Je ne veux pas que ma trajectoire soit un argument supplémentaire pour conforter cette vision méritocratique qui ne s’adresse qu’aux filles et aux fils du Peuple, pour parler comme Michelet. Au moment où j’écris ces lignes, vendredi 11 septembre 2020, j’entends cette phrase prononcée par le président de la République : « Je veux retrouver la sève du mérite, pour que chacun ait la place qui lui revient, en fonction de son mérite, pas de ses origines. » Une sainte colère m’agite. Explication de texte : si le mérite n’a rien à voir avec les origines, d’où vient le mérite, et d’où vient cette sève que l’on est censé retrouver ? Comment appréhender la place qui nous revient ? Cette phrase méconnaît que les places sont inscrites dans l’ordre social ; la sève du mérite n’est pas une pollinisation tombée du ciel, mais une pollution puisqu’elle ne concerne que les gens de peu. Que veut dire le mérite pour celles et ceux qui n’ont même pas eu la chance de mettre les deux pieds dans l’école, de bénéficier d’un stage ou d’une formation professionnelle ? Pour devenir méritant, il faut être dans le bain, et ne pas être laissé au bord de la piscine. Il faut donc créer une autre distinction : les méritants et les postulants ou les exclus du mérite.

Mon emportement ne serait-il pas une fureur digne de ma classe d’arrivée, dont je reprendrais tout le mépris à l’égard des méritants ? Je suis sur le fil ténu des contradictions vécues par les transfuges. Je fustige une école reproductrice des inégalités sociales, tout en montrant qu’elle fut mon salut. D’un côté, en tant que boursière, je suis une méritante (dont le mérite revient à l’État) ; je suis de surcroît élevée au rang d’officier (le féminin est absent du parchemin) de l’ordre du Mérite et des Palmes académiques 6, envoyées par deux présidents de l’EHESS qui s’excusèrent presque de les avoir demandées, sachant mon peu de goût pour les « honneurs » ; et j’ai, à la demande de Pierre-Cyril Hautcœur, président de l’EHESS, remis les Palmes académiques à une dizaine de collègues ingénieurs d’études, le 25 avril 2013. De l’autre, j’entrevois toute la violence symbolique de consécrations qui, sous couvert de reconnaissance, masquent les bas salaires de toute une vie de labeur au service de l’État. Mes instituteurs en sont la preuve formelle, gratifiés par les Palmes académiques et contraints d’être secrétaires de mairie pour boucler les fins de mois. Je n’ai, pour autant, aucun dédain pour celles et ceux décorés du mérite – je le redis, j’en fais partie –, mais ces primes sont, selon moi, des monnaies de singe. Méritante je suis, méritante je reste ; mais s’en sortir en tant que méritante, est-ce vraiment la panacée ? Ou plutôt, de quelle « réussite » peut se prévaloir une méritante, à vie et consacrée comme telle ?

Réussir

Au regard des probabilités incertaines d’accès à une classe supérieure, ma migration dans l’espace social vers une fraction cultivée de la bourgeoisie est objectivement une réussite. Qu’il faut néanmoins passer au peigne fin. Réussir, en effet, est fonction du lieu à partir duquel on appréhende le tracé de l’ascension : la famille d’origine ou l’univers d’accueil. Jouer sur la variation spatiale des regards ou l’« effet de lieu », dirait Bourdieu, c’est reconstituer le spectre des points de vue qui qualifient mon parcours.

Du point de vue de ma famille, en tant qu’intellectuelle de première génération, je suis parvenue à un déplacement significatif. Dans les yeux de ma mère, j’ai réussi, puisque je suis maintenant propriétaire de mon appartement, critère qui manquait d’après elle à mon succès lorsque je l’avais informée de mon élection aux fonctions de directrice d’études. À sa décharge, elle ignorait tout de ce statut, et sa réaction venait de loin, de son besoin de sécurité matérielle. En comparant les métiers et les salaires des membres de ma fratrie et le mien, je me classe dans le haut du panier, avec une amplitude de déplacement plus accentuée que les autres, nonobstant les mobilités sociales ascendantes acquises par le mariage. Plus probant encore : en une génération, je suis arrivée à « fabriquer deux héritiers », mes fils, dont les titres scolaires et les professions ne figuraient pas, avant eux, dans l’histoire familiale, même si depuis lors ils ont fait des émules chez mes nièces et neveux. Par leur scolarisation, l’accès aux livres très jeunes, par la transmission parentale d’une vision politique du monde, ils ont pu revendiquer leur autonomie et construire leur propre trajectoire. Parce qu’ils sont des héritiers, ils ont pu s’engager dans des carrières aléatoires et risquées, choix impensable pour moi. Ne suis-je maintenant pas en train d’encenser les héritiers, et de fustiger les transfuges ? En réalité être transfuge n’est ni une gloire, ni une infamie. Pourquoi, alors, suis-je fière de mes fils et pas de moi ? Parce que dans le monde que j’ai rejoint, il n’y a pas de quoi être fière.

Pour mes collègues universitaires, surchargés par les enseignements et les tâches administratives, être élue à l’EHESS, quelle que soit la position occupée, c’est avoir réussi. Aux Hautes Études, la notion de réussite tombe à plat ; nul ne se dit et dit aux autres qu’il a réussi, puisque cela va sans dire. Or un même titre ou statut recouvre des voies d’accès et de progression de carrière très différentes. La voie royale est celle des normaliennes et normaliens, pour qui l’entrée à l’EHESS – et pour quelques rares élus, au Collège de France ou à l’Institut de France – ratifie l’évidence de l’excellence scolaire antérieure. Rentrer par effraction et par la petite porte, puis gravir tous les échelons en interne, me positionne dans la fraction inférieure des enseignants, autre façon de dire qu’on peut évoluer dans les espaces les plus prestigieux de l’univers académique, tout en étant déclassée. Parce que « les trajectoires ascendantes n’amènent pas ceux qui les accomplissent à la même position ou au même statut que ceux qui les occupent depuis toujours ou depuis longtemps7 », mon insertion à l’EHESS m’a paradoxalement fait comprendre et ressentir ce que veut dire être reclassée/déclassée, c’est-à-dire pas totalement assimilable et assimilée. Le passage d’un monde dominé à un espace dominé dans un monde dominant confirme la règle de la reproduction sociale, tout en prenant en compte ses exceptions. Ces consécrations paradoxales attestent combien l’entre-soi du monde académique ne peut se maintenir qu’en distinguant les « grands hommes » des seconds couteaux, dont le travail et la croyance fascinée construisent à leur tour cette autarcie de l’excellence. Cela ne se voit jamais tant que dans mon rapport d’« oblate » à l’institution, et dans mon désir éperdu de reconnaissance. La raréfaction de trajectoires atypiques comme la mienne au profit d’un formatage par les filières d’élite pourrait bien s’avérer un mauvais calcul. À l’EHESS, les recrutements se font majoritairement parmi le vivier des héritiers, ce qui ne fut pas toujours le cas : c’était « une institution qui faisait litière des hiérarchies entre les rangs de la noblesse universitaire, offrant un asile tout à fait unique aux chercheurs qui, du fait de leur origine étrangère, ou pour tout autre raison, n’avaient pas suivi le cursus canonique, École normale et agrégation8 ». Renouer avec des recrutements hérétiques mettrait un coin dans les débats scientifiques désormais trop huilés parce que animés par des étudiants et des chercheurs issus des mêmes formations dispensant les mêmes rhétoriques, et changerait les manières de s’investir dans l’institution et d’envisager les politiques scientifiques.

Depuis que j’ai intégré une élite académique, à la logique de la nécessité s’est substituée celle de la reconnaissance, calquée sur l’insinuation du doute concernant ma légitimité. Ce désir de reconnaissance m’a empoisonné la vie, aliénée que j’étais au jugement de mes pairs, dont j’attendais qu’ils effaçassent par magie ce sentiment d’illégitimité. J’espérais un acquiescement, un signe d’intérêt, ces petits riens encourageants qui réassurent sur le bon droit à occuper une place. J’attribuais à mes collègues une fonction qui n’était pas la leur, puisqu’il m’appartenait de chercher en moi les raisons de cette impression, et de comprendre pourquoi je leur conférais le pouvoir de détenir la légitimité. Des jugements à l’emporte-pièce m’ont blessée. Je me souviens de ces mots prononcés mezza voce par une collègue, lors d’une réunion, me qualifiant de « sociologue empirique », c’est-à-dire pas théoricienne pour un sou – jugement assez juste au demeurant. Cette appréciation a résonné dans ma tête comme le « elle a l’air modeste » dans celle de Lydie Salvayre : « Je sais seulement que ces mots, en apparence anodins mais qui venaient objectiver une différence de catégorie comme aurait dit ma mère, une différence de caste, une différence de milieu que j’avais crue imperceptible et dont je découvrais qu’elle était inscrite à tout jamais sur ma gueule et dans mes façons d’être en dépit des bonnes manières que j’avais laborieusement acquises9. »

J’avais l’impression, moi aussi, que je trimballais mes origines comme une ombre, alors qu’aucun collègue ne s’enquiert des origines sociales de quiconque. Mais elles sont là, incorporées, visibles et agissantes, provoquant une alternance contrastée de gestuelles et de comportements qui tantôt me portent à aller de l’avant ou à me mettre en retrait, à parler sans détour ou à me censurer, toujours soucieuse de trouver la position ajustée. À chaque situation, j’oscille entre plusieurs attitudes pour ne pas être socialement repérable, car « le sentiment d’ambivalence à l’égard du monde intellectuel qui s’enracine dans ces dispositions est au principe d’une double distance10 ». Comportement épuisant et formateur, puisque finalement j’ai été sur-adaptée à cette institution. Pour lutter contre mon sentiment d’illégitimité, ma seule tactique fut l’investissement sans relâche dans le travail, seul capital à faire valoir. Le bonheur de mes années aux Hautes Études a impliqué de nombreux efforts pour « être à la hauteur » comme on dit, jusqu’au moment où, la sociologie et le féminisme aidant, j’ai compris qu’il était vain de courir après des chimères.

Revenir aux conditions matérielles de ma socialisation, aux dispositions qu’elles ont engendrées m’ont amenée à plus de prosaïsme. Ma position au sein de l’élite académique m’a épargné le jeu des concurrences entre collègues, faute d’avoir les bonnes cartes en main. L’énergie qu’ils déployaient dans la lutte pour leur consécration, je l’ai quant à moi investie dans des opérations collectives, telles les relations internationales avec les pays de l’Est européen ou la création du master « Genre, politique, sexualité ». Cette position « au ras du sol11 », qui permet d’observer d’en bas les jeux sociaux, m’a peu à peu convaincue que ce monde tant désiré n’était pas aussi désirable que je le croyais. Je découvrais que la confrontation entre les classes sociales continuait à structurer l’espace académique, alors que je m’attendais à son dépérissement, puisque les inégalités sociales faisaient l’objet de nombreuses recherches, qui en dénonçaient la reproduction. Je m’apercevais que l’EHESS ne retourne pas sur elle-même les outils critiques qu’elle forge, en témoigne sa cécité à l’égard de la parité dans l’accès aux postes d’enseignants et aux consécrations entre les femmes et les hommes. L’espèce de lucidité acquise par tout transfuge s’est ainsi exercée sur l’institution que j’admirais. Mon expérience décalée fut à l’origine de mon engagement syndical, et un stimulant pour parvenir à ce que des thématiques peu orthodoxes, telles les études sur le genre, y soient reconnues. En cessant de comparer mon parcours aux trajectoires idéales ou idéalisées de mes collègues, oui, sans doute, j’ai réussi. Ma migration sociale de « petite ampleur » est, en effet, conforme aux anticipations que ma famille d’origine et mes investissements scolaires laissaient entrevoir. En ce sens, elle s’inscrit plus généralement dans la « concordance des attentes et des probabilités, des anticipations et des réalisations, [qui] est au principe de cette sorte de « réalisme », comme sens de la réalité et des réalités qui fait que, par-delà les rêves et les révoltes, chacun tend à vivre « conformément à sa condition », … et à se faire inconsciemment le complice des processus qui tendent à réaliser le probable 12 ». Ce sens des réalités m’a permis d’avoir une relation plus ajustée à l’institution, même si l’anxiété et l’angoisse de « ne pas y arriver » m’ont toujours étreinte. Elles furent mes compagnes d’ascension, le prix à payer pour avoir franchi des frontières sociales, sorte d’octroi pour me maintenir dans le champ académique. Ce désir naïf de reconnaissance ne s’est toutefois pas étanché, parce que j’en ai débusqué les raisons et objectivé les conditions d’impossibilité ; il ne s’est pas non plus transformé en revanche sociale, ni en rébellion à l’égard de l’EHESS ou à l’égard de ma famille.

Concilier les deux mondes

La philosophe Chantal Jaquet a magistralement restitué les affects et les expériences contradictoires qui accompagnent la métamorphose progressive des transclasses13, analysant une gamme de situations dans lesquelles ils et elles se débattent, tels des papillons pris au piège de vents contraires. Certains se rebellent, d’autres se conforment aux attentes et aux manières de leur univers d’accueil, d’autres encore sont ballottés entre deux mondes, pétris de contradictions, dans un éternel entre-deux. Hoggart enracine la cassure entre deux univers dans la figure du « boursier [qui] appartient en effet à deux mondes qui n’ont presque rien en commun, celui de l’école et du foyer. Une fois au lycée, il apprend vite à utiliser deux accents, peut-être même à se composer deux personnages et à obéir alternativement à deux codes culturels14 ». Didier Éribon creuse plus profondément encore cet écart en écrivant qu’« il s’agissait d’une rupture de classe avec [son] milieu15 », et Annie Ernaux se dit « coupée en deux… Le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine, il fallait bien choisir. Même si je voulais, je ne pourrais plus. Parler comme eux, c’est trop tard16 ». Et c’est la lettre lui annonçant son acceptation au lycée Madeleine Michelis qui déclenche la distanciation finale d’Édouard Louis avec sa famille : « J’étais déjà loin, je n’appartenais plus à leur monde désormais, la lettre le disait17. » Pour la majorité des transfuges de classe les univers d’origine et d’accueil sont irréconciliables, irréductibles, irréversibles. Bourdieu suggère que cette incompatibilité est la source d’une « expérience duale [qui] ne [peut] que concourir à l’effet durable d’un très fort décalage entre une haute consécration scolaire et une basse extraction sociale, c’est-à-dire l’habitus clivé, habité par les tensions et les contradictions18 ». Pourtant, la notion d’habitus clivé est partiellement contredite par Bourdieu lui-même : à l’anthropologue Emmanuel Terray, qui lui avait demandé comment, pendant un match, des footballeurs réagiraient si on les faisait jouer avec deux ballons, il avait répondu « ils s’en sortiraient », disant ainsi que l’habitus, exposé à des situations inédites, sait s’adapter. L’expérience duale et la notion d’habitus clivé sont à réinscrire dans l’« amplitude du déplacement » et dans la « haute consécration scolaire » dont Bourdieu a bénéficié19. D’un village béarnais au Collège de France, la distance est incommensurable, et l’habitus clivé rend compte de cette irréductibilité.

Dans tous ces miroirs analytiques qui me sont tendus, j’ai quelque difficulté à reconnaître la manière dont j’ai moi-même vécu ces tensions entre deux univers. Je n’ai nullement l’impression d’avoir fait le grand écart, et, à cet égard, mon expérience présente d’autres façons de couturer les distances entre deux mondes. Dans mon cas, en raison d’une moindre amplitude, il ne s’agit pas d’habitus clivé. Les conditions de ma socialisation ont consolidé un habitus primaire marqué durablement par l’incorporation de la structure inégalitaire du monde social, au sens où, très précocement, j’ai perçu la société à travers les inégalités de classe, et un habitus secondaire qui a poli et repoli le premier en fonction des univers sociaux traversés. Mon habitus s’est réajusté, remanié et unifié en agrégeant des bribes de socialisation selon les contraintes de ces différents milieux. Ainsi, loin de se cliver, en circulant dans différents univers il s’est au contraire unifié. Tantôt en consonance, tantôt en dissonance, il s’est remodelé selon les diverses situations et styles de vie, car j’ai toujours su que c’était à moi de m’adapter. Une transfuge a-t-elle d’autres alternatives ? Pour m’en sortir et réussir, tous mes efforts ont été guidés par le désir d’être acceptée et intégrée – que ce soit dans l’entreprise de bijoux ou aux Hautes Études. Mon habitus est le résultat d’un métissage dû à une fréquentation alternée et permanente de deux mondes, qui m’a préservée de toute « névrose de classe20 ».

Je n’ai pas cessé, en effet, de vivre dans l’un et l’autre, de sorte que je n’ai connu ni le choc d’un retour dans l’univers familial, ni une distance incommensurable. Cette présence régulière et la familiarité qu’elle modèle m’ont préservée d’une dissociation de moi-même et de la honte de mon milieu d’origine. En raison de la maladie de mon père et du handicap de mon frère aîné, comme mes autres sœurs, j’ai fait de constants « retours » dans la maison familiale, pour prendre ma part du travail de soutien. Je n’ai ainsi jamais ressenti un sentiment d’étrangeté à l’égard de ma famille et, à l’inverse d’autres transfuges, je n’ai pas eu à me réconcilier avec cet univers, parce que je ne m’en suis jamais vraiment éloignée. Le déracinement à l’égard des transmissions et socialisations parentales ne m’a pas conduite à une rupture. Au contraire, plus j’avançais dans la maîtrise de la pensée sociologique et dans l’incorporation d’une appréhension politique et féministe du monde, plus je comprenais, sans les justifier, les conditions matérielles et les effets qui ont façonné mes parents en ascendants coercitifs. Je n’ai donc pas été fidèle à mon milieu d’origine, mais j’ai essayé d’en comprendre les logiques, en le prenant notamment comme objet d’étude, sans jamais le prendre de haut. Sans l’invasion de la maladie, peut-être aurais-je été rebelle. La maladie, élément structurant et durable de ma famille, m’a prémunie aussi contre la honte sociale : j’aurais eu honte d’avoir honte face à mon frère handicapé ou à mon père cloué au lit. J’ai transposé certains traits de mon habitus primaire dans mon univers d’accueil, et mes nouveaux savoirs à celui d’origine pour en comprendre les ressorts. Par exemple, la règle familiale interdisant l’expression d’un « faux orgueil » m’a prémunie contre une ambition démesurée ; la fréquentation du milieu intellectuel m’a préservée de tout jugement misérabiliste sur ma famille, en me donnant les moyens de l’objectiver, et en constatant que l’univers académique était lui aussi traversé par la violence sociale. Je n’ai jamais eu honte de ma famille, parce que dans mon enfance elle était respectable aux yeux des autres villageois, et plus tard, après analyse, parce qu’elle s’est révélée conforme à ses conditions matérielles d’existence. Ni envol social, ni rétroflexion, ma trajectoire est un entre-deux, participant des deux mondes, réconciliés21

À l’EHESS, si je me suis toujours sentie illégitime, je n’ai jamais ressenti de honte. J’ai été maladroite, mal adaptée à certains codes de l’entre-soi, et souvent irritée face à des classements hautains ou méprisants entre collègues, mais j’avais honte pour eux, pas de moi. Le raisonnement sociologique m’a fait comprendre qu’on ne peut attribuer aux seuls individus les effets de leur trajectoire, aux héritiers comme aux autres. En réajustant mes aspirations à mesure de ma progression de place en place, j’ai jugulé la honte sociale ressentie à mon arrivée au lycée en l’appréhendant comme le résultat d’une violence symbolique, dont je me suis libérée par la connaissance sociologique et le féminisme. Me ressaisir, à l’occasion de ce livre, m’a permis de comprendre que le métissage des deux univers m’a aussi prémunie contre toute inclinaison à jouer un double jeu.

Rester ou ne pas rester soi

Telle n’est pas la question, mais « rester soi » revient avec tant d’acharnement dans les écrits des transfuges que je suis bien obligée de me la poser. Elle a, il est vrai, ses lettres de noblesse, depuis que Jules Michelet lui-même en a fixé la formule : « Presque toujours, ceux qui montent, y perdent, parce qu’ils se transforment ; ils deviennent mixtes, bâtards ; ils perdent l’originalité de leur classe, sans gagner celle d’une autre. Le difficile n’est pas de monter, mais en montant, de rester soi22. » L’historien, transfuge avant la lettre, donne une grammaire de la migration de classe marquée par des contradictions et utile pour mettre en lumière la singularité de ma « montée ». Sans vouloir jouer à qui perd gagne, on peut lui opposer que toute transformation ne se traduit pas par une perte, et que « rester soi » suppose d’abord qu’on devienne soi, ou que l’on sache à quel stade du soi on doit rester (celui de l’adolescence, de l’âge mûr, de la vieillesse ?)23. Tous les récits de transfuges postérieurs à celui de Michelet, et ma propre enquête, font la preuve qu’il « est difficile de monter », point n’est besoin de le démontrer à nouveau, mais l’idée selon laquelle « ceux qui montent, y perdent, parce qu’ils se transforment » me semble, elle, sujette à caution. À moins de conférer au peuple une originalité par essence, la classe dans laquelle j’ai grandi n’atteste aucune originalité remarquable, si ce n’est celle, commune aux subalternes, d’être en grande partie privée de l’accès à une scolarité longue et aux biens culturels. L’originalité par la privation s’appelle destin de classe. Comme pour de nombreux transfuges, c’est l’école qui, avec son cortège de paradoxes, m’a permis de passer « d’une réalité diminuée à une réalité augmentée », réalisant « une extension de [m]oi » selon les termes de Bernard Lahire24. Augmentée, dans tous les sens du terme : par les consécrations scolaires et professionnelles, par la fréquentation de milieux socialement très divers, par mes engagements féministes et politiques, par l’amplitude de mes voyages dans de nombreux pays à la faveur de l’enseignement.

J’ai le sentiment de n’avoir rien perdu et tout gagné, tout en me heurtant cependant à un fossé infranchissable : en reprenant les termes de Michelet, je n’ai pas gagné l’originalité de mon univers d’accueil. En tant qu’espace dominant du monde académique, les Hautes Études sont peuplées d’héritiers qui donnent le ton aux relations sociales qui s’y nouent. Son originalité tient à l’aisance sociale, aux talents oratoires, à l’assurance d’une excellence partagée qui creusent une distance avec ceux et celles sans privilège de naissance. Avec ceux de haute extraction, mais pas comme eux, j’ai acquis une plus grande aisance sociale, sans toutefois me sentir à l’aise dans cet entregent qui soulignait ma gaucherie. J’ai préféré pourtant être gauche plutôt que de singer les manières de cette aristocratie scolaire, à la manière d’une parvenue. Ma lucidité acquise chemin faisant m’a prémunie de faire la femme savante et de vouloir m’identifier au gratin scientifique. Elle m’a libérée des déterminismes de mes origines, mais aussi de devoir reprendre à mon compte la superbe des dominants. Garder ses distances joue à double sens, et j’ai gardé les miennes. Marquer l’écart, ce n’est cependant pas « rester soi » : c’est le résultat d’un travail militant et politique pour ne pas reproduire les façons parfois inconscientes que la violence symbolique de cette noblesse du savoir continue de diffuser. Ne s’en faire ni complice, ni alliée introduit à une contradiction majeure des transfuges.

En appeler au travail politique sur soi n’est-ce pas une façon élégante de reconvertir à peu de frais mon incapacité à jouer le jeu des dominants ? L’inclination des outsiders à se prendre à ce jeu est telle qu’il faut une bonne dose de contre-feux militants pour n’y pas céder. Je n’ai jamais oublié les effets du vouloir paraître de ma mère, qui avait tant incorporé les manières bourgeoises de ses employeurs qu’elle nous en transmettait le penchant. Le frottement avec différents univers sociaux à Paris, l’exposition à la distinction des classes sociales cultivées à l’EHESS, et ma lecture politique du monde m’ont préservée d’adopter un ethos et des manières petits-bourgeois. Même si je n’ai pas totalement assimilé la culture légitime, j’en maîtrise assez les codes et les faux-semblants pour ne pas dériver vers la prétention et les pratiques ostentatoires, ni vers une célébration des styles de vie des classes subalternes. En cela, j’ai réalisé l’un des préceptes de mon père consistant à « ne pas être prétentieuse ou orgueilleuse ». S’en sortir, n’est donc pas « rester soi », puisque c’est par hybridation des classes sociales traversées que je suis parvenue à migrer socialement, sans devenir une parvenue, à intégrer la bourgeoisie cultivée, sans pour autant en adopter l’ethos. Là sans doute résident la force et l’énergie des transfuges : arriver à ne se laisser piéger ni par les attraits et attractions des dominants, ni par une sublimation des pratiques des gens de peu. En prendre et en laisser, telle est la logique de mon métissage entre deux univers que l’écriture de ce livre m’a permis de débusquer, et que sa lecture permettra, je l’espère, de comprendre. Porter l’hybridation en soi est une irremplaçable richesse pour s’orienter dans des univers opposés sans être dépaysée, pour en capter les curiosités et les travers, et faire ainsi sa propre pelote. Toutefois, les deux univers ne sont pas à renvoyer dos à dos ; ils ne sont pas symétriques. L’espace universitaire a le privilège de constituer les autres mondes sociaux en objets ; la réciproque n’est pas vraie.

En ce sens, et sans vouloir les composer en groupe homogène ou en prophètes, les transfuges de classe, parce qu’ils participent de plusieurs mondes, sont de possibles lanceurs d’alertes sur les inégalités et injustices des sociétés. Ils et elles disent l’implacabilité de la reproduction des classes sociales et de la dureté du monde25, tout en élargissant des interstices par lesquels ils et elles ont réussi à se faufiler. En raison de leur écart différentiel à l’un et l’autre monde, et à la condition de ne pas se laisser récupérer par les prétentions et privilèges de l’univers d’accueil, ils sont de possibles réfractaires à l’ordre injuste des choses. Quand ils et elles se décident à témoigner, leurs ouvrages mettent en critique le monde social, avec ce regard dédoublé et acéré que leur confère leur position singulière, mais non exemplaire. Écrit par une transfuge, ce livre invite à refuser les « je ne m’en sortirai jamais » : les puissants se frotteraient les mains d’entendre cette démission programmée. À l’exemple de Frank Capra, fils de paysan, il faut « dire à ceux qui ont perdu courage, à ceux qui doutent ou à ceux qui désespèrent ce que j’avais la présomption de vouloir dire dans mes films : Ami, tu es un divin amalgame de boyaux et de poussière d’étoile. Alors, tiens bon ! Si les portes se sont ouvertes pour moi, elles peuvent s’ouvrir pour n’importe qui26 ». Ne pas se résigner à son sort, c’est savoir qu’aucun sort n’est jeté par avance, mais qu’il faut lutter collectivement pour abolir la domination masculine et la société de classes, de sorte qu’on n’aurait plus à passer d’une classe l’autre.

Lire hors-ligne :

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1 Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », art. cit., p. 72.
2 Julie Pagis et Paul Pasquali, « Observer les mobilités sociales en train de se faire. Micro-contextes, expériences vécues et incidences socio-politiques », Politix, n° 114, 2016, p. 7-20.
3 Louis Chauvel, Le Destin des générations. Structure sociale et cohortes en France du xxe siècle aux années 2010, PUF, Paris, 2010.
4 David Guilbaud, L’Illusion méritocratique, Odile Jacob, Paris, 2018.
5 « Bourse au mérite », République française, site internet service-public.fr.
6 En l’absence de cérémonie pour remettre la médaille du Mérite, que je me suis bien gardée d’organiser, cette médaille est devenue « une croix de chocolat », comme nous disions à l’école primaire.
7 Didier Éribon, Retour à Reims, op. cit., p. 195.
8 Pierre Bourdieu, « Préface » in Brigitte Mazon, Aux origines de l’EHESS, op. cit., p. II.
9 Lydie Salvayre, Marcher jusqu’au soir, op. cit., p. 99.
10 Pierre Bourdieu, Esquisse pour une auto‑analyse, op. cit., p. 135.
11 Jacques Revel, « Une histoire au ras du sol », préface à l’édition française de l’ouvrage de Giovanni Lévi, Le Pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle, Gallimard, Paris, 1989.
12 Pierre Bourdieu, « Avenir de classe et causalité du probable », art. cit., p. 10.
13 Chantal Jaquet, Les Transclasses ou la non‑reproduction, op. cit., p. 103-217.
14 Richard Hoggart, La Culture du pauvre, op. cit., p. 352.
15 Didier Éribon, Retour à Reims, op. cit., p. 25.
16 Annie Ernaux, Les Armoires vides, op. cit., p. 180-181.
17 Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueulle, op. cit., p. 211.
18 Pierre Bourdieu, Esquisse pour une auto‑analyse, op. cit., p. 127.
19 Voir à cet égard la discussion du concept d’habitus clivé proposée par Paul Pasquali, Passer les frontières sociales, op. cit., p. 406-408.
20 Vincent de Gaulejac, La Névrose de classe, Payot Rivages, Paris, 2016.
21 À l’inverse de Pierre Bourdieu qui écrit : « J’ai en effet le sentiment que, en raison de l’amplitude de mon parcours dans l’espace social et de l’incompatibilité pratique des mondes sociaux qu’il relie sans les réconcilier », in Esquisse pour une autoanalyse, op. cit., p. 11.
22 Jules Michelet, Le Peuple, op. cit., p. 70.
23 Gérard Bras, « Monter et rester peuple. Les leçons de Michelet », in Chantal Jaquet et Gérard Bras, La Fabrique des transclassess, op. cit., p. 35-58.
24 Bernard Lahire (dir.), Enfances de classe, op. cit., p. 1171.
25 Robert Castel, « Pierre Bourdieu et la dureté du monde », in Pierre Encrevé et Rose-Marie Lagrave, Travailler avec Bourdieu, Flammarion, Paris, 2003, p. 347-355.
26 Frank Capra, Hollywood Story (Autobiographie), Stock, Paris, 1976, p. 439.