Lire hors-ligne :

Catherine Samary, D’un communisme décolonial à la démocratie des communs, Bellecombe-en-Bauges, Editions du croquant, 2018, 163 p.

« De quelle sorte seront les mille grandes et petites mesures concrètes en vue d’introduire les principes socialistes dans l’économie, dans le droit, dans tous les rapports sociaux ? Là, aucun programme de parti, aucun manuel de socialisme ne peut fournir de renseignement (…). Seule l’expérience est capable d’apporter les correctifs nécessaires et d’ouvrir des voies nouvelles. Seule une vie bouillonnante, absolument libre, s’engage dans mille formes et improvisations nouvelles, reçoit une force créatrice, corrige elle-même ses propres fautes » (Rosa Luxemburg, La révolution russe[1]).

 

Le « siècle soviétique » dans la tourmente de la révolution permanente

Nous ne sommes plus dans le contexte du « siècle soviétique »[2] et l’on assiste à diverses formes de dépassement des organisations du « mouvement ouvrier » ancrées dans cette époque. Pourtant, alors que se déploient les polarisations politiques et une crise de civilisation (écologique, socio-économique, politique) intrinsèquement associée au capitalisme globalisé, les questions stratégiques « classiques » du XXe siècle se reformulent de façon complexe et interpellent, dans des conditions radicalement nouvelles, toutes les organisations qui demeurent convaincues de l’urgente nécessité de « changer ce monde »[3].

Le « pur capitalisme » du XXIe siècle[4], appuyé sur ses firmes et institutions mondialisées, financières et militaires, tend à revenir au XIXe siècle en voulant faire de toutes les résistances du « court XXe siècle » une simple et aberrante parenthèse, donc en réduisant au goulag les révolutions qui ont justement voulu transformer le monde. Sa guerre sociale s’accompagne d’opérations idéologiques dignes de la formulation de George Orwell (dans un ouvrage qui aurait dû s’intituler 1989 !) : « Celui qui contrôle le présent contrôle le passé. Celui qui contrôle le passé, contrôle le futur ». On ne peut y résister sans un inventaire pluriel et systématique des avancées, reculs, et échecs de la « révolution permanente » travaillant le « siècle soviétique » – sur des enjeux toujours actuels mais approfondissant les dimensions démocratiques et égalitaires d’un communisme décolonial[5] né en Octobre 1917[6].

 

Mise en perspective du devoir d’inventaire

La nouvelle ère géopolitique et sociale ouverte par le tournant dit « néolibéral » des années 1980 est celle d’une guerre sociale radicalisée et mondialisée et de nouvelles guerres « tout court » dites de civilisation, depuis le basculement de 1989/1991. Son point de départ a été la réponse de classe, sous une idéologie « néolibérale », à la profonde remise en cause du « système-monde capitaliste »[7] qui marquait les années 1960-1970 : celle-ci fut vécue par les dominants comme la menace interne/externe du « communisme » – comme en témoignent les rapports secrets des policiers « couvrant » la Conférence de solidarité avec les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine dite Tricontinentale se tenant à La Havane en 1966[8]. Cette menace, ouverte par Octobre 1917, ne s’est pas interrompue malgré la bureaucratisation des soviets et la stalinisation totalitaire de l’URSS, et malgré le comportement de cette nouvelle « grande puissance », cherchant à subordonner à sa diplomatie les PC du monde entier, dans le pire des brouillages idéologiques.

Il faut donc revenir sur le scénario « impur » (par rapport aux pronostics de Trotski notamment) de ce que fut la Seconde Guerre mondiale et les nouvelles révolutions qui se sont engouffrées dans une crise structurelle du capitalisme marquée par la montée du fascisme et les ruptures révolutionnaires au cœur de deux guerres mondiales et de la phase poststalinienne du « siècle soviétique »[9]. Il y eut de diverses façons « défaite du communisme dans sa victoire »[10] – avec un blocage des transformations socialistes par le bureaucratisme et le « substitutisme » des partis au pouvoir (parlant au nom des travailleurs) qui vont faciliter la restauration capitaliste – mais non sans avancées révolutionnaires dans le monde. Cela impose l’analyse concrète de l’imprévu, de l’hybride, et notamment des orientations des différents PC selon qu’ils se sont pliés ou pas (et comment ?) à la « défense du socialisme dans un seul pays ». Mais aussi la mise à plat de ce qui dans les échecs de ce siècle n’était dû ni aux adversaires de classe, ni aux réformismes de l’adaptation au capitalisme, ni au stalinisme – mais à tous ceux qui, révolutionnaires sincères, ont pu se tromper et mutuellement « s’excommunier » sans critiquer, dans leurs propres rangs, les méthodes dénoncées « ailleurs ».

Le devoir d’inventaire s’impose donc, comme le disait Daniel Bensaïd [11] à la fois au sein de chaque famille politique et sur des bases égalitaires avec des regards croisés : ce devoir a commencé et doit être poursuivi de façon plurielle au nom même d’un communisme qui n’est, disait Bensaïd en reprenant Marx et Engels, « ni une idée pure ni un modèle doctrinaire de société », mais « le nom d’un mouvement qui, en permanence, dépasse/supprime l’ordre établi » et conteste tous les rapports de domination.

Il faut analyser comment ce communisme-là travaillait aussi le « système-monde soviétique », au sens inclusif de toutes ces révolutions, contre et malgré la stalinisation : cela est vrai jusques et y compris avec l’émergence des conseils ouvriers contre l’occupation des tanks soviétiques en Tchécoslovaquie en 1968 ou la même année en Yougoslavie dans les mouvements exigeant « l’autogestion de bas en haut » contre la « bourgeoisie rouge »[12] ; et ce fut encore vérifié, en dépit d’un contexte idéologique de plus en plus brouillé, avec le « Rendez-nous nos usines » des travailleurs polonais [13] et le projet de république autogérée de leur syndicat indépendant Solidarnosc en 1980 – aux antipodes de la thérapie de choc libérale et des privatisations, une décennie plus tard – autant de mouvements aspirant à réduire l’écart entre idéaux communistes proclamés et réalité, révélant les contradictions réelles de ces régimes.

Le devoir communiste d’inventaire doit donc intégrer plusieurs exigences et objectifs, enrichissant et actualisant la problématique d’un communisme décolonial de la « révolution permanente » à l’œuvre dans la révolution d’Octobre, vers un « pluriversalisme décolonial »[14] .

 ENCART 1- Décolonial

Communisme, féminisme, pluriversalisme décoloniaux

J’utilise le qualificatif “décolonial” sans nécessairement adhérer à tous les usages qui en sont faits. Il est utile pour intégrer pleinement dans l’analyse des rapports d’exploitation et d’oppression croisées, tout d’abord l’exigence d’une analyse concrète et contextualisée de l’héritage de la colonisation à la fois dans les pays dominants et ceux qui sont ou furent dominés. Je m’inscris aussi, ce faisant, dans les approches de K.B. Anderson (cf. Note 5) qui soulignent l’évolution de la pensée et des analyses de Marx, se décentrant par rapport à des approches initiales très “occidentalo-centrées”. Les thèses de L. Trotski sur le “développement inégal et combiné” des formations sociales de la (semi)périphérie capitaliste, appuient le même rejet marxiste d’une approche “linéaire” des résistances et révolutions anti-capitalistes qui voudrait que tous les pays suivent le scénario d’industrialisation qu’ont connu les premières puissances capitalistes. Plus largement, l’intégration d’un point de vie “décolonial” dans l’analyse et le rejet des rapports de domination (entre pays ou catégories sociales) s’impose en critique des visions “civilisatrices” ou néo-coloniales de l’émancipation des peuples, classes, femmes, en mettant l’accent sur l’auto-organisation des communautés opprimées comme condition essentielle de rapports égalitaires. Cela n’implique nullement d’adhérer à un éclectisme “relativiste” ou à des approches “ethnicisées” des luttes, ni à leur subordination à une hiérarchie figée sélectionnant un “ennemi principal”. Au-delà de l’exigence de contextualisation des analyses et conditions de luttes, il s’agit d’affirmer une conviction “stratégique” : contre l’auto-proclamation d’un pseudo-universalisme qui cache des rapports de domination, il s’agit de la recherche et construction d’une universalisme concret parce pluriel (pluriversalisme), résultat à la fois de l’autonomie des cheminements et résistances et de leurs “intersections” et impact réciproque dans de possibles convergences “politiques”. 

Cette contribution ne peut être qu’un éclairage partiel dans cet inventaire pluriel nécessaire. Elle propose une interprétation du « siècle soviétique » qui intègre pleinement la tourmente de la « révolution permanente », sous l’angle international et celui de la transformation qui se voulait socialiste – dans leurs « impuretés », avancées et reculs, non réductible au stalinisme, et non interrompu par le stalinisme. L’objectif est aussi le dépassement d’anciens débats sur la « construction du socialisme » par leur actualisation dépassant de faux dilemmes à la lumière d’élaborations sur une société autogestionnaire, nées de l’expérience – celle des contradictions et des crises de la Yougoslavie des années 1960 et celles qui concernent les territoires et biens « mis en commun » [15], dans le monde. Les réflexions les plus élaborées sur ces dernières peuvent aider à comprendre ce qui a manqué à l’autogestion yougoslave ; mais réciproquement celle-ci permet de soulever les enjeux de pouvoir et de système dans les débats et expériences actuels sur les communs de façon à réfléchir aux conditions d’émergence d’une « société des communs » contradictoire avec la logique capitaliste – une utopie concrète ?

  ENCART 2 – Communs

« Communs » est la traduction du mot commons en anglais. Il ne faut pas l’entendre au sens habituel de ce terme en français (quand les « communs » sont les logements de services, par exemple dans un château). La notion de « communs est ici associée d’une part à une « communauté » de personnes (les commoners) qui décident de la « mise en commun » d’une ressources (naturelle ou produite, matérielle ou immatérielle), d’une part ; et qui, de plus déterminent ensemble les critères de la production, de l’entretien et/ou de l’usage de cette ressource. Un « bien commun » (l’eau d’une rivière par exemple) n’est pas (encore) un commun, tant que n’existent pas le « choix » et donc aussi les rapports humains entre commoners déterminant la « mise en commun » de cette ressource. Une telle décision ne dépend pas de la « nature » du bien, mais d’un choix collectif ; il peut porter sur n’importe quel type de bien ou service. Cette approche des communs est partagées par les auteur.es évoqué.es en note 15 p.25, en dépit d’élaborations partiellement différentes et de débats ouverts. Elle se distingue par contre des « définitions » d’une telle notion centrées sur des caractéristiques intrinsèques aux biens eux-mêmes. On oppose souvent les « communs » aux biens publics (qui seraient en propriété d’Etat) et aux biens qui sont en propriété privée. Certains auteurs excluent toute notion de « propriété » pour privilégier une approche selon le « droit d’usage » ; mais l’approche retenue ici est plus englobante. Il est notamment possible de transformer l’Etat lui-même (telle ou telle de ses institutions) en « communs » au sens indiqué ici, ou encore d’associer ses représentants sur un territoire donné, à la gestion d’un commun spécifié. De même, rien n’exclut que la « mise en commun » des ressources imbriquées sur un territoire donné permette l’association à cette procédure de divers propriétaires (privés, coopératifs, autogestionnaires, public) et usagers partageant un intérêt commun à s’associer. Nous reprendrons cette problématique dans le chapitre IV.

 

De la révolution d’Octobre à la stalinisation

La conception de la transformation socialiste et l’amorce d’un communisme décolonial

Le stalinisme a-t-il été le prix d’une révolution « prématurée » ? Dans les Leçons d’Octobre, Trotski[16] fustige ceux qui veulent que « les pays avancés montrent aux pays retardataires ce à quoi leur avenir doit ressembler » [17]. La formulation synthétise la rupture entre bolcheviks et mencheviks[18] – mais aussi une évolution de la pensée marxiste : avant la révolution d’Octobre, le scénario dominant supposait que la révolution socialiste surgirait des sociétés capitalistes les plus développées qui « montraient la voie » – non sans vision civilisatrice pénétrant y compris de premières formulations marxistes, analysées par K.B. Anderson[19]. Les soulèvements populaires au sein des pays (néo)colonisés mais aussi en Russie ont été essentiels pour modifier cette perception. Cette question est au cœur de bien des débats actuels contre les visions occidentalo-centrées des luttes et transformations à l’ordre du jour.

Les révolutions de Février et d’Octobre 1917 ont surgi des contradictions spécifiques de la société russe telle qu’elle était reliée au « système-monde capitaliste », alors en crise. Lénine avait affirmé avec force en avril 1917 l’actualité d’une rupture anticapitaliste commençant en Russie dans le contexte de la guerre mondiale inter-impérialiste[20]. Cette approche s’ancrait dans son analyse de l’impérialisme[21], marquant une inflexion de la pensée marxiste que la stalinisation va occulter : le capitalisme était appréhendé comme un système, articulé et hiérarchique, et non une somme d’États devant tous connaître le même scénario d’industrialisation.

(…) L’analyse de la « révolution permanente » de Trotski (caricaturée par Staline) s’appuyait sur une notion encore essentielle aux analyses actuelles : il partait du « développement inégal et combiné » d’une formation sociale de la semi-périphérie capitaliste, comme la Russie, mêlant dans ses structures des traits relevant de phases précapitalistes et d’une industrialisation extravertie, sous dépendance étroite des métropoles impérialistes[22]. La transformation socialiste d’une telle société dépendait des trois processus articulés de ce que Trotski appelait la « révolution permanente » : la transcroissance de la révolution démocratique bourgeoise (révolution de Février contre le tsarisme) en rupture anticapitaliste (Octobre) ancrée dans la dynamique même des luttes de classe[23] ; la radicale transformation de l’ancienne société au profit des classes dominées ouvrières et paysannes vers une société socialiste sans classes – sans recettes sur le comment ; l’extension mondiale de la révolution contre le système capitaliste, en crise structurelle.

C’est donc dans une optique révolutionnaire interne/externe, lourde d’incertitudes et de tensions, que les dirigeants bolcheviks menèrent de front au début des années 1920 des tâches stratégiquement combinées face à l’ordre mondial existant. D’une part, la construction de l’Internationale communiste (IC) conduisant aux grandes scissions de la IIe Internationale : celles-ci différenciaient les nouveaux partis communistes de la social-démocratie à la fois contre la guerre impérialiste et pour l’extension de la révolution socialiste mondiale dans le souffle d’Octobre. Les clivages imposés par les « 21 conditions » d’adhésion à l’IC se produisaient à la fois au cœur des métropoles impérialistes européennes et dans les pays colonisés, notamment d’Orient – et dans les rapports aux populations dominées de l’Empire russe.Simultanément se posaient pour la première fois concrètement les tâches pratiques d’organisation de la nouvelle société de « transition au socialisme ».

 

Notes

[1]   Rosa Luxemburg, La révolution russe, https://www.marxists.org/francais/luxembur/revo-rus/rrus.htm

[2]   Cf. Moshe Lewin, le Siècle soviétique, Paris 2003, Fayard/le Monde diplomatique.

[3]   Je ne peux traiter ici, mais je tente d’interpréter sous l’angle des enjeux stratégiques « L’essor et les crises du mouvement altermondialiste » dans un article sous ce nom paru dans : Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.), En quête d’alternative – L’état du monde 2018, Paris 2017, La Découverte.

[4]   Michel Husson, Un pur capitalisme, Lausanne 2008, Cahiers Libres/Page Deux.

[5]   Cf. encart. J’utilise ici les notions de « communisme décolonial » et de « pluriversalisme décolonial » (Zahra Ali Z. & Sonia Dayan-Herzbrun dir., « Un pluriversalisme décolonial », Tumultes n° 48, mai 2017, éditions Kimé) tout en les considérant évidemment ouvertes à bien des débats et analyses croisées en cours, parfois très conflictuelles, qu’il est hors de question de présenter ici. Lire notamment Capucine Boidin, « Études décoloniales et postcoloniales dans les débats français », Cahiers des Amériques latines (http://cal.revues.org/1620). Lire également K. B. Anderson (2010), Marx at the Margins, on nationalism, ethnicity and non-western societies http://abahlali.org/files/Anderson%20-%20Marx%20at%20the%20Margins.pdf

[6]   L’Internationale communiste impulsée par les bolcheviks ne pouvait encore être « post » coloniale mais bien commencer à être « décoloniale ». Franz Fanon estime dans les Damnés de la terre, que « les analyses marxistes doivent être toujours légèrement distendues chaque fois qu’on aborde le problème colonial ». Sur le communisme « postcolonial » voir notamment : http://revueperiode.net/provincialiser-le-sujet-occidental-pour-un-communisme-postcolonial/. Voir également : Benjamin Bürbaumer, « Retour vers le futur. Les origines du capitalisme », Revue Période (http://revueperiode.net/retour-vers-le-futur-les-origines-du-capitalisme/) et K.B. Anderson, Marx at the Margins (note5)

[7]   J’emprunte ici cette notion de « système-monde capitaliste » dans un sens sensiblement différent de celui que lui donne I. Wallerstein (Comprendre le monde – Introduction à la théorie des systèmes-monde, La Découverte, Paris 2009) : je retiens de son approche l’idée (commune aux thèses marxistes sur l’impérialisme) d’un système capitaliste articulé et marqué au XIXe siècle par des rapports de domination entre pays du « centre » et « (semi)périphéries » (néo)colonies ; mais j’y insère explicitement, contrairement à I. Wallerstein, l’approche marxiste des rapports de production et crises du capitalisme à la racine de la mondialisation impérialiste, exploitant les atouts de la colonisation antérieure. En omettant de le faire, I. Wallerstein « étend » la notion de « capitalisme » de façon non convaincante – ce que critique Robert Brenner (« La théorie du système-monde et la transition au capitalisme » http://revueperiode.net/la-théorie-du-systeme-monde-et-la-transition-au-capitalisme-perspectives-historique-et-theorique/) concernant l’émergence du capitalisme ; mais cette critique s’applique, de mon point de vue, à la non-prise en compte par I. Wallerstein d’un autre « système-monde », non capitaliste (et largement autarcique) issu des révolutions du « siècle soviétique », sur un tiers de la planète – favorisant aussi les résistances anticolonialistes. Cf. C. Samary, Contribution au débat sur la situation mondiale et l’impérialisme aujourd’hui : http://www.cadtm.org/Contribution-au-debat-sur-la

[8]   Cf. R. Gallissot, « Mehdi Ben Barka et la Tricontinentale », le Monde diplomatique, octobre 2005, https://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/GALLISSOT/12827 ; S. Bouamama, la Tricontinentale. Les peuples du tiers-monde à l’assaut du ciel, Cetim/Syllepse, Genève/Paris 2016.

[9]   Comme le fait Moshe Lewin, il faut distinguer une phase spécifiquement totalitaire – que Trotski lui-même a pu comparer dans bien des traits au nazisme – et l’URSS de l’après XXe congrès où le régime tente de se stabiliser par d’autres méthodes et des rapports de productions spécifiques sans transformation démocratique socialiste : il s’agit donc d’une semi-rupture avec le stalinisme. Cf. notamment les textes de Moshe Lewin rassemblés et présentés par Denis Paillard Russie/URSS/Russie (1917-1991), Page2 (Lausanne)-Syllepse(Paris), 2017. M. Lewin n’analyse cependant pas les dimensions internationales du siècle soviétique.

[10] Formule empruntée à Henri Maler, « Marx, le communisme, l’utopie », Revue des Deux Mondes, avril 2000, http://www.homme-moderne.org/societe/philo/hmaler/textes/marx.html

[11] Daniel Bensaïd, Puissances du communisme, https://www.contretemps.eu/puissances-communisme/

[12] On explicitera plus loin le contexte et les apports de ces mouvements reprenant les propositions des marxistes yougoslaves visant à remettre en cause à la fois l’aliénation par l’étatisme et par les rapports marchands.

[13] C’est le titre du livre sur le combat de Solidarnosc : Zbigniew Kowalewski, Rendez-nous nos usines : Solidarnosc dans le combat pour l’autogestion ouvrière, Paris 1985, La Brèche.

[14] Zahra Ali Z. & Sonia Dayan-Herzbrun, op. cit. note 5.

[15] Cf. encart) Cette contribution s’inscrit dans la problématique sur les « biens communs » explicitée par Silvia Federici (Federici S., Feminism And the Politics of the Commons, en pdf sur le site : http://www.thecommoner.org/) ou encore, entre autres, celle de David Harvey (« The future of the Commons », Radical Historic Review, issue 109, winter 2011), Jean-Marie Harribey (La richesse, la valeur et l’inestimable, Les Liens qui Libèrent 2013), Pierre Dardot & Christian Laval (Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte, Paris 2014), Benjamin Coriat (Coriat B. dir., le Retour des communs. La crise de l’idéologie propriétaire, Les Liens qui libèrent 2015)

[16] Léon Trotski, les Leçons d’Octobre (nouvelle traduction), Les Bons Caractères, Collection Classiques, Paris 2014.

[17] Sauf que dans ce texte le clivage s’exprime sur la question d’une démocratie parlementaire versus le pouvoir aux soviets. Il y a en fait superposition et chassés-croisés de plusieurs débats : Rosa Luxemburg soutient l’approche globale des bolcheviks sur Octobre et les soviets comme composante de la révolution socialiste mondiale, mais cela ne l’empêche pas de contester leur approche des enjeux démocratiques, y inclus l’Assemblée constituante. On y reviendra.

[18] Les marxistes russes, organisés au début du siècle dans le POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie) s’étaient divisés en deux courants sur divers enjeux organisationnels et stratégiques – les « bolcheviks », avec Lénine à leur tête (d’après le russe, pour désigner les « majoritaires ») et les « mencheviks » (minoritaires). Formant des organisations distinctes après la scission de 1903 avec des influences évolutives, ils se réunifient en 1905 jusqu’à une nouvelle (et définitive) scission en 1912. Les bolcheviks, avec Lénine à leur tête, prônent une alliance des prolétaires et des paysans pauvres, alors que les mencheviks sont pour l’alliance avec la bourgeoisie libérale. Trotski initialement critique de Lénine sur les questions d’organisation avait en même temps soutenu la thèse d’une dynamique anticapitaliste de la révolution russe dans son contexte mondial (cf. plus loin sur la « révolution permanente »), une thèse que Lénine rejoindra explicitement en avril 1917. Après la révolution d’Octobre, les bolcheviks prirent le nom de parti communiste, impulsant l’Internationale communiste (IC ou Komintern). Les mencheviks restèrent reliés à la IIe Internationale où resteront les « sociaux-démocrates » une appellation qui prit alors le sens d’un « réformisme » au sein du capitalisme, associé au rejet de la révolution d’Octobre.

[19] Op.cité note 5

[20] Cf. Jean-Jacques Marie, Lénine. La révolution permanente, Paris 2011, Payot, collection Biographie Payot.

[21] Cf. Claudio Katz, « La théorie classique de l’impérialisme», http://www.avanti4.be/debats-theorie-histoire/article/la-theorie-classique-de-l-imperialisme

[22] Cf. Michael Löwy, « L’actualité de la révolution permanente », Inprecor n° 449-450, juillet 2000 ; cf. aussi les débats sur le « développement inégal et combiné » : Benjamin Bürbaumer, op. cit. note 6.

[23] Au cœur de cette dynamique, Marc Ferro (La révolution de 1917, Albin Michel 1997) souligne la radicalité des antagonismes de classe ; mais il faut surtout mesurer la dialectique complexe entre les actions spontanées et les orientations politiques qui s’y inscrivaient dans divers sens, remarquablement soulignée, notamment par Alexander Rabinowitch (Les bolcheviks prennent le pouvoir. La révolution de 1917 à Pétrograd. La Fabrique éditions 2016) ou David Mandel (dans October 1917, Workers in power – avec des textes P. Le Blanc, E. Mandel, L. Trotski, R. Luxemburg et V. Lénine, Resistance Book et IIRE, Merlin Press 2016).

 

Photo: Manifestation de femmes ouvrières à Petrograd en 1917, BETTMANN/CORBIS

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