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Le souffle d’Octobre. Journée de réflexion et de débat sur la Révolution russe
18 novembre 2017 @ 10 h 00 min - 19 h 00 min
Présentation
« Ce qui en dix jours, a ébranlé le monde, ne saurait être effacé. La promesse d’humanité, d’universalité, d’émancipation qui s’est faite jour dans le feu éphémère de l’événement est bien trop mêlée aux intérêts de l’humanité pour qu’elle puisse s’oublier » (Daniel Bensaid, 1987).
La Révolution russe a été un événement majeur de l’histoire de l’émancipation des peuples, le produit d’un vaste mouvement d’affranchissement qui a suscité enthousiasme et espérance en un monde meilleur tout au long du vingtième siècle.
Revenir au processus révolutionnaire, retrouver les raisons d’agir de celles et ceux qui ont bouleversé la société russe et l’histoire du monde est essentiel, tout comme un travail critique pour donner vie à ces trésors d’expériences et d’enseignements.
Les circonstances expliquent une série d’erreurs ou de déviations : une révolution prolétarienne dans un océan paysan, une guerre civile d’une cruauté insensée, l’épuisement des forces productives et de toute la société, l’isolement international, l’histoire du pays et son absence de traditions démocratiques. Mais elles n’expliquent pas tout. Il faut comprendre jusqu’à quel point, pourquoi et comment le souffle d’Octobre s’est épuisé, avant même d’avoir été étouffé par le stalinisme.
Cette journée doit être l’occasion de réfléchir ensemble, de débattre largement de nombreuses questions : ce qu’est la révolution, qui la fait, comment prendre et détruire l’État existant, comment abattre le capitalisme, comment reconstruire un pouvoir politique démocratique. Avec quelques points de repères pour un projet émancipateur. Parce que la liberté ne se transmet pas de l’extérieur mais se conquiert, seule l’auto-organisation permet l’émancipation des travailleuses et des travailleurs par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Parce qu’une société n’est jamais homogène, la pluralité d’opinions et de formes de représentation doivent être garanties et rester indépendantes de l’État.
Cette journée sera donc tout sauf une commémoration car, comme l’écrivait aussi Daniel Bensaïd en 1993, « tous les passés n’ont pas le même avenir ».
Programme de la journée
Aspects et contradictions d’une révolution
Samedi matin (10h-12h 30) : en 2 ateliers parallèles et discussion avec la salle.
Des soviets à l’autogestion, de la Russie à la Yougoslavie : Catherine Samary
Centralisation (et laquelle) et/ou autonomie de gestion de la production des entreprises et des terres ? Spontanéité de l’auto-organisation et/ou droits autogestionnaires introduits (canalisés) “par en haut” ? L’expérience révolutionnaire a dépassé ces oppositions binaires (pour le meilleur et pour le pire) ; tirons-en le meilleur.
Le communisme tout de suite ? Les bolcheviks, les communes et les paysans : Eric Aunoble
En prenant l’exemple peu connu des communes agricoles, il s’agira de questionner la politique des bolcheviks à la campagne, dans son rapport aux plébéiens radicalisés et à la masse paysanne, entre radicalité transformatrice et adaptation aux structures sociales. Si la question agraire comme clé de voûte d’une possible révolution appartient largement au passé, celles du volontarisme politique, de l’utopie concrète et de la mobilisation des classes pauvres restent déterminantes pour l’avenir.
La guerre civile, un des tournants de la révolution : Jean-Jacques Marie
La guerre civile détruit l’économie de la Russie, épuise ses maigres ressources, engendre la famine, bloque la mise en œuvre de la plupart des mesures sociales émancipatrices décrétées de novembre 1917 à mars 1918, en particulier celles qui porte sur l’émancipation des femmes (construction d’un réseau de crèches, jardins d’enfants cantines collectives, etc.), dresse l’ensemble des autres partis contre le parti bolchevik, modifie la vie interne de ce dernier et prépare l’instauration du parti unique.
Espoirs et déceptions des féministes, dans les années 20 : Josette Trat
En prenant appui sur quelques -uns des écrits de Madeleine Pelletier, Emma Goldman d’un côté et Alexandra Kollontaï de l’autre, nous reviendrons sur l’enthousiasme suscité par la révolution russe chez ces trois militantes révolutionnaires mais aussi leur regard désabusé sur le sort réservé aux femmes dans le processus révolutionnaire en cours.
Soviets et comités, l’ancrage d’une démocratie par en bas : Yohan Dubigeon
Organes de base de la révolution d’octobre, les soviets et comités sont paradoxalement peu étudiés pour eux-mêmes. La présentation s’arrêtera sur leur rôle décisif dans le déclenchement révolutionnaire, les rapports très ambigus des partis politiques à ces organisations spontanées, et enfin les principes démocratiques qui président à leur installation.
Le souffle d’Octobre vers l’Orient : Pierre Rousset
La révolution russe a créé des conditions favorables à une internationalisation du marxisme en dehors de l’espace européen et, singulièrement, en Asie de l’Est. Ce processus a eu pour corollaire son enracinement (qui implique l’intégration de réalités nouvelles) dans des formations sociales très différentes de l’ouest-européen. Son succès permet, en retour, de revisiter la révolution russe du point de vue du « tiers monde » et non seulement des pays les plus industrialisés.
L’onde de choc européenne, le « biennio rosso » au prisme d’Octobre : Stéfanie Prezioso
L’extraordinaire nouveauté, la formidable force créatrice et le caractère socialiste des événements révolutionnaires qui se produisent en Russie, pour reprendre les termes d’Antonio Gramsci, nourrissent non seulement les espoirs mais aussi un terreau favorable à l’ouverture de processus révolutionnaire au sortir du conflit. En Italie, les grèves d’avril 1920, puis l’occupation des usines en septembre de la même année semblent alors constituer le prélude d’une « révolution en acte ».
Octobre 17 et les avant-gardes artistiques : continuité ou contiguité ? : Hervé Dubourjal
La question sera de savoir si la Révolution bolchevique a eu des effets visibles dans le domaine de l’art ou si les deux mouvements, politique et artistiques, ne se sont pas plutôt développés parallèlement, tout au moins jusqu’au « Littérature et Révolution » écrit par Trotski en 1922-1923.
Balises et bilans critiques
Samedi après-midi (14h-16h) en 2 ateliers parallèles et discussion avec la salle
Vie des soviets et soviets sans vie : Patrick Le Moal
L’objectif est de donner quelques repères pour prendre la mesure de la rapidité du processus de bureaucratisation des soviets et des autres structures d’auto organisation, et donner quelques éléments d’explication. Car les raisons de cette évolution sont multiples, liées à l’héritage du tsarisme, à l’absence de tradition démocratique, mais aussi à des choix politiques des bolcheviks, par exemple à propos des débats sur le contrôle ouvrier et sur le rôle du parti par rapport à la démocratie soviétique dans les décisions majeures.
Démocratie formelle et réelle, droits fondamentaux et mesures d’exception : Francis Sitel
Octobre 17 a longtemps fait fonction de modèle au regard de la stratégie et de la visée révolutionnaires. Au-delà des faiblesses, dérapages, voire erreurs, la question des droits et libertés dans la révolution russe indique davantage : une fêlure du modèle même. Sans relativiser la rupture du stalinisme et la dérive totalitaire, il convient de s’interroger sur la question de la liberté dans la révolution.
Penser la temporalité révolutionnaire avec Octobre et Daniel Bensaïd : Sophie Wahnich
Penser le temps révolutionnaire, suppose de surprendre une temporalité qui échappe aux sages ordonnancements d’un flux uniforme, homogène. C’est ainsi que Daniel Bensaïd tente de nous le faire pressentir en s’appuyant sur Walter Benjamin et sa critique du temps homogène et vide du capitalisme. Le temps révolutionnaire c’est celui de la décision, du kaïros et de l’accélération. Daniel Bensaïd parle d’un temps brisé, la cassure révolutionnaire est celle d’une décision-saisie, loin de toute pensée bureaucratique. Pour conjurer une catastrophe il faut un sens aigu du moment, alors l’événement dit-il « manifeste le présent d’une présence ». Il est temps. Or pour Daniel Bensaïd c’est le parti politique qui doit dire ce « il est temps », un parti « boite de vitesse ».
Comment en est-on arrivé au parti unique ? : Samy Johsua
En 1927, Boukharine écrit : « Sous la dictature du prolétariat, deux, trois ou quatre partis peuvent exister mais à une seule condition : l’un au pouvoir, les autres en prison ». « Analyse » devenue dogme sinistre. Pourtant le cheminement fut lent pour y parvenir, entièrement contradictoire avec l’histoire même du parti bolchevik, et la théorisation encore bien plus. Produit mal maîtrisé des circonstances ou racines profondes ?
La révolution russe, le socialisme, le communisme, Marx : Isabelle Garo
À la fin de sa vie, Marx avait envisagé une révolution en Russie. En retour, son œuvre y a joué un rôle dont il s’agit ici d’esquisser la nature et les limites, en s’arrêtant principalement sur les questions du socialisme et du communisme. Car la question des alternatives au capitalisme et de ses moyens politiques demeure la nôtre.
La stratégie léniniste, qu’en reste-t-il ? : Ugo Palheta
Lénine et le léninisme font figure de grands oubliés du renouveau des pensées critiques discernable depuis une quinzaine d’années, du moins en France. Après avoir tenté de montrer comment la pensée stratégique de Lénine s’est construite en dialogue permanent avec la trajectoire chaotique des luttes de classe (en Russie et ailleurs), on examinera plusieurs points centraux de ce qui peut être nommé stratégie léniniste, en tentant de les saisir comme une série de problèmes ouverts, ou à rouvrir, et non comme autant de postulats, incontestables et inamovibles.
1917-2017, après un siècle que reste-t-il d’Octobre 17 ?
Samedi après-midi (fin) 16h 30-18h 30 (table ronde entre les intervenants).
- Qui fait la révolution ? Prolétariat, salariat, peuple ?
- Révolution ou transformation progressive
- Le pouvoir est-ce l’État : l’investir, le prendre, le détruire ?
- Social et politique : faut-il un parti, des partis, plus de partis ?
- Quelles leçons d’Octobre ? Pour hier et aujourd’hui
Présentation globale : François Sabado.
Intervenants : Clémentine Autain, Olivier Besancenot, Roger Martelli, Christian Laval, Francisco Louçã (Bloc de gauche du Portugal).
Conclusion et présentation de la Société Daniel Bensaïd : Charles Michaloux.