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Howard Zinn, l’historien, écrivain et militant socialiste américain, est décédé le jeudi 27 janvier à l’âge de 87 ans.  Cela représente la perte d’une des rares voix qui s’élevèrent sans relâche contre le capitalisme et l’impérialisme américain pendant plus d’un demi-siècle. Howard était en effet la voix la plus connue de la gauche américaine des dernières décennies.

Il est probablement surtout connu pour son ouvrage Une histoire populaire des Etats-Unis, qui  fait vivre la tradition, extrêmement riche mais bien cachée par les livres d’histoire,  de la résistance de ceux et celles qui refusèrent le statu quo de l’oppression et de l’injustice à tous les moments de l’histoire des Etats-Unis. Grâce à ce livre, des centaines de milliers de personnes ont vu que, à côté de l’histoire des guerres, du racisme, de la violence la plus brutale, il a toujours existé aux Etats-Unis une histoire d’en bas: une histoire de luttes, de solidarité et de résistances.

Mais Howard Zinn n’était pas simplement un intellectuel qui a découvert des traditions cachées ; il était lui-même acteur et moteur de toutes les luttes sociales et politiques qui ont jalonné sa vie d’adulte. Du mouvement des droits civiques des années 1950 jusqu’à la résistance à l’invasion de l’Irak et la campagne contre la peine de mort des années 2000 en passant par le  mouvement contre la guerre du Vietnam des années 60, Zinn était un participant actif qui ne pouvait pas se décourager dans la lutte. Comme l’a dit Noam Chomsky dans son hommage, « quand il y avait un appel à l’action, on pouvait toujours avoir la certitude qu’il serait en première ligne, un exemple et un guide digne de confiance ».

 

Né en 1922 à New York d’une famille d’immigrés juifs, il a travaillé très jeune dans les chantiers navals de Brooklyn. Sa première expérience de remise en cause de la politique américaine eut sûrement lieu pendant et après la Deuxième Guerre Mondiale, où Howard servit dans l’armée de l’air. Il participa à une mission de bombardement en 1945 qui fut le prétexte pour l’une des premières utilisations de Napalm. Les années suivantes, lorsqu’il découvrit l’effet de ces missions sur les victimes des bombardements, il renonça à l’idée que cela avait été une « guerre juste » dans laquelle les Etats-Unis avaient participé par simple souci de combattre le fascisme.

Au terme de ses études après la guerre, Zinn débuta sa carrière de professeur en 1956 à Spelman College, un campus historiquement réservé aux femmes noires. Au moment où le mouvement des Droits Civiques était en pleine expansion, Zinn participa à de nombreuses marches et sit-in, ce qui lui a valu son licenciement par l’administration conservatrice de l’université.

Au début des années 60 Howard s’installa à Boston, où il vécut le reste de sa vie. Professeur à Boston University, il participa très tôt au mouvement d’opposition à la guerre au Vietnam. Il aida à rendre public des documents secrets du Pentagone qui expliquaient la stratégie militaire américaine. Il fit également partie en 1968, au moment de l’offensive du Tet, du petit groupe d’Américains qui allèrent rencontrer les résistants vietnamiens à Hanoï.

Pendant les années 60, Zinn publia plusieurs ouvrages dont SNCC : The New Abolitionists, Disobedience and Democracy, et Vietnam : The Logic of Withdrawal.

 

Howard Zinn poursuivit son militantisme dans les années qui suivirent de façon aussi déterminée que pendant sa jeunesse. Il ne ratait pas une occasion pour venir parler aux rassemblements et manifestations, et voyageait beaucoup pour prendre la parole dans plusieurs universités. Il partit à la retraite assez tôt en 1988 pour pouvoir se consacrer entièrement à son activité politique. En plus de ses nombreux voyages, Howard continua à écrire, et n’hésitait pas à expérimenter d’autres manières d’expliquer l’histoire de la résistance des opprimés. Il écrivit deux œuvres de théâtre : Emma, une pièce sur la vie de l’anarchiste Emma Goldman, et Marx in Soho, qui raconte un retour de Karl Marx dans le New York de la fin des années 90—évoquant la nécessité des idées marxistes dans la société contemporaine.

En 1994 dans son autobiographie,  You Can’t Be Neutral on a Moving Train, Zinn nous montre une vie inséparable des luttes qui l’ont formé. Séparer l’histoire qu’il a enseignée et cette vie de lutte ne serait que reproduire le point de vue de ceux qui dominent. « Depuis le début, mon enseignement a été imprégné de ma propre histoire. J’exposais d’autres points de vue, bien sûr, mais je voulais plus qu’une « objectivité ». Je voulais que mes étudiants sortent de mes cours non seulement mieux informés, mais préparés à s’écarter de la voie confortable du silence, plus préparés à réagir contre toute injustice qu’ils pourraient voir »…

(…)  « Ce sur quoi nous choisissons de mettre l’accent dans cette histoire complexe va déterminer nos vies. Si nous ne voyons que le pire, cela détruit notre capacité à faire quelque chose. Si l’on se souvient des moments et des lieux — et il y en a beaucoup — où les gens se sont comportés magnifiquement, cela nous donne l’énergie d’agir, et au moins la possibilité d’orienter le monde vers une autre direction ».

Lors de son dernier jour à Boston University, Zinn termina son cours 30 minutes en avance pour pouvoir rejoindre un piquet de grève tenu par des travailleurs du campus, y invitant ses 500 étudiants. Une manière inspirante de terminer sa carrière de professeur, sur le train mouvant de l’histoire, toujours. Nous rendons hommage à l’intellectuel militant et son exemple ne cessera de nous inspirer pour les luttes à venir.

 

 

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