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La capitulation en Grèce n’est pas une fatalité. Contrairement à ce que laissent entendre nombre d’observateurs, ainsi que la direction de Syriza, une alternative existe, mais suppose de remettre en cause le cadre imposé par les créanciers et l’Union européenne. C’est ce que met en avant la Plateforme de gauche de Syriza, dont nous reproduisons ici une partie du programme.

Soumis par la Plateforme de Gauche à la réunion plénière du 10 juillet 2015 du groupe parlementaire de Syriza, ce texte est une version réduite d’un programme plus développé qui sera rendu public dans les prochains jours.

 

Dans un moment crucial comme celui que nous vivons, le gouvernement Syriza n’a pas d’autre choix que de rejeter le chantage des « Institutions » (UE, BCE, FMI) qui veulent  imposer un plan d’austérité, des dérégulations ainsi que des privatisations.

Le gouvernement doit déclarer à ces « Institutions » et proclamer au peuple grec que, même au dernier moment, sans un compromis positif qui s’incarnerait dans un programme mettant fin à l’austérité, injectant suffisamment de liquidés dans l’économie, menant à la reprise économique et incluant un effacement substantiel de la dette, il est prêt à suivre une voie progressiste alternative, qui remet en question la présence de notre pays dans la zone euro et implique une cessation du remboursement de la dette.

Afin de faire face aux pressions et aux exigences inacceptables des créanciers, le processus qui pourrait mener la Grèce hors de la zone euro est une entreprise sérieuse et complexe que le gouvernement et Syriza auraient dû préparer de façon systématique. Or, en raison du blocage tragique qui prévaut sur cette question à la fois au sein du gouvernement et du parti, cette tâche n’a pas été menée à bien.

Cependant, le gouvernement peut et doit, même maintenant, répondre au chantage des « Institutions » en les plaçant devant cette alternative : soit un programme sans nouvelles mesures d’austérité, fournissant des liquidités et menant à l’annulation de la dette, soit la sortie de l’euro, accompagnée d’un défaut de paiement de cette dette injuste et insoutenable.

Si les circonstances l’exigent, le gouvernement a la possibilité, même à ce jour – et il dispose d’ailleurs du minimum de liquidités nécessaires – de mettre en place un programme transitoire vers une monnaie nationale, qui lui permettrait d’honorer ses engagements vis-à-vis du peuple grec, en adoptant notamment les mesures suivantes :

  1. Une réorganisation radicale du système bancaire, sa nationalisation sous contrôle social, et sa réorientation vers des objectifs de croissance.
  2. Un refus absolu de toute austérité budgétaire (que ce soit sous la forme d’excédents primaires ou de budgets équilibrés) afin de répondre de façon efficace à la crise humanitaire, de satisfaire les besoins sociaux, de rebâtir l’État social et de sortir l’économie du cercle vicieux de la récession.
  3. La mise en œuvre des premières mesures menant à la sortie de l’euro, ainsi qu’à l’annulation de la plus grande partie de la dette. Il existe des marges de manœuvre pouvant conduire à un nouveau modèle économique orienté vers la production, la croissance ainsi qu’à un changement dans le rapport de forces social qui profiterait aux travailleurs et aux classes populaires.

Dans les conditions présentes, la sortie de la zone euro est un processus ardu mais réalisable, qui permettra au pays d’avancer sur une voie différente, loin des mesures inacceptables que renferme le plan Juncker.

Nous devons mettre l’accent sur le fait qu’une sortie de l’euro n’est pas une fin en soi, mais la première étape d’un processus de transformation sociale, de rétablissement de la souveraineté nationale et de progrès économique qui allierait croissance et justice sociale. Cela fait partie d’une stratégie d’ensemble qui s’appuie sur le redressement productif, la stimulation des investissements, ainsi que la reconstitution de l’Etat social et de l’Etat de droit.

Face à l’attitude intransigeante des créanciers, dont l’objectif est de contraindre le gouvernement Syriza à la capitulation totale, la sortie de l’euro est un choix juste d’un point de vue à la fois politique et éthique.

Enfin, cette sortie est une voie qui implique une confrontation avec des intérêts puissants aux niveaux national et international. C’est pourquoi le facteur le plus important dans la gestion des difficultés qui se font jour est la détermination de Syriza à mettre en œuvre son programme, puisant sa force dans le soutien populaire.

Afin de préciser cette perspective, voici quelques-uns des aspects positifs d’une sortie de l’euro :

  • Le rétablissement de la souveraineté monétaire, qui signifie automatiquement une capacité retrouvée à injecter des liquidités dans l’économie. Il n’y aucun autre moyen de briser l’étau de la BCE sur la Grèce.
  • L’élaboration d’un plan s’appuyant sur l’investissement public, ce qui n’empêchera pas pour autant le développement parallèle de l’investissement privé. La Grèce a besoin d’une relation nouvelle et productive entre les secteurs public et privé pour prendre le chemin du développement durable. La réalisation d’un tel projet passe nécessairement par un rétablissement des liquidités couplé à l’épargne nationale.
  • La reconquête du marché intérieur et le recul des importations redynamisera et renforcera le rôle des PME, qui ont toujours constitué la cheville ouvrière de l’économie grecque. Dans le même temps, les exportations seront stimulées par l’introduction d’une monnaie nationale.
  • L’Etat se trouvera libéré du carcan de l’Union Economique et Monétaire (UEM) en matière de politiques fiscale et monétaire. Il sera en mesure d’alléger sensiblement le poids de l’austérité, sans pour autant restreindre l’approvisionnement en liquidités. Cela permettra également à l’Etat d’adopter des mesures de justice fiscale et de redistribution des richesses et des revenus.
  • La reprise d’une croissance accélérée après les premiers mois difficiles. Les ressources inactives du fait de sept années de récession pourront rapidement être mobilisées afin de renverser la désastreuse politique des mémorandums, à condition de disposer des liquidités suffisantes, ainsi que d’une stimulation de la demande. Ce qui rendra possible un recul systématique du taux de chômage et une augmentation des revenus.

Enfin, en quittant l’UEM, la Grèce n’en sera pas moins européenne, elle suivra toutefois une voie différente de celle que suivent les pays du noyau de l’UE, une option qui est déjà suivie depuis un certain temps par des pays tels que la Suède ou le Danemark.  Non seulement la sortie de l’UEM n’isolera pas notre pays, mais elle nous permettra, au contraire, de jouer un nouveau rôle sur la scène internationale ; un rôle basé sur l’indépendance et la dignité, bien loin de la position de paria insignifiant, imposée par les politiques néolibérales des mémorandums.

Le processus de sortie de l’UEM exige évidemment une légitimité politique et un soutien populaire. Le référendum a démontré la volonté du peuple de refuser une fois pour toutes l’austérité, faisant fi des obstacles dressés par les élites nationales et internationales.

Il est clair à présent que notre gouvernement a été poussé hors de l’euro en raison du refus définitif, de la part de l’Union européenne, d’accepter des propositions raisonnables concernant l’allègement de la dette, la fin de l’austérité et le sauvetage de l’économie et de la société grecques, comme l’a démontré le nouvel ultimatum envoyé dans la foulée du référendum.

 

Traduit par Soraya Guénifi

 

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