
Le style de Marx. Un extrait du livre de Vincent Berthelier
L’œuvre de Karl Marx fait penser aux gros volumes du Capital, aux multiples ouvrages, articles, contributions, aux milliers de pages noircies par le révolutionnaire du 19e siècle, qui apparait à certains comme rébarbatif. Rien n’est plus faux. Car Marx c’est aussi un certain style fait d’images concrètes, de formules et de tournures frappantes qui donnent du corps, de la chair à son système conceptuel aussi bien qu’aux polémiques qui l’opposent à ses adversaires. Ce style constitue la charpente langagière et sensible de sa réflexion, dont Vincent Berthelier présente ici toute la richesse, insistant sur la singularité de l’écriture marxienne.

Introduction
Tout le monde n’a pas eu la chance de lire Karl Marx. Mais qui n’a pas en tête sa figure, celle d’un homme au regard serein, anobli par l’âge et arborant une monumentale barbe blanche ? Cette barbe, rehaussée d’une moustache restée noire, évoque volontiers celle d’un patriarche biblique, ou d’un père Noël venu offrir à l’humanité des lendemains qui chantent (l’expression n’est pas de lui, soit dit en passant). Une récente couverture du magazine allemand Der Spiegel le représentait même en hipster aux bras couverts de tatouages[1] !
Dans la seconde moitié du xixe siècle, les hommes portent volontiers la barbe : qu’on songe à Bakounine, à Victor Hugo, ou à nos présidents oubliés de la Troisième République. Dès lors, quel intérêt de s’attarder sur celle de Marx, si imposante soit-elle ? Une anecdote, d’abord : en février 1882, le vieux Marx débarque à Alger, où il a prévu de séjourner pour raisons de santé. En avril, il écrit à son ami Friedrich Engels : « à cause du soleil je me suis débarrassé de ma barbe de prophète et de ma perruque, mais (comme mes filles me préfèrent avec) je me suis fait photographier avant de sacrifier ma chevelure sur l’autel d’un barbier algérois[2]. » L’image du « prophète » barbu est donc le dernier cliché que Marx a volontairement laissé à sa postérité, un an avant de mourir en 1883.
Difficile de croire, en voyant sur cette photographie son regard souriant et son air bonhomme, qu’il ait pris très au sérieux le rôle de « Monsieur le prophète », ainsi qu’il s’appelle lui-même dans une autre lettre[3]. Les amateurs de psychanalyse pourront gloser la castration symbolique que représentait ce rasage, et la fonction réparatrice d’une telle photographie – qui de toute façon n’était pas destinée à sortir du cadre familial. Les historiens constateront que les portraits de Marx affichés par la propagande des « socialismes réels » sont autrement plus austères[4]. Mais ils ont longtemps inspiré l’iconographie et la symbolique révolutionnaire : la CIA n’a-t-elle pas monté une opération spéciale pour attenter à la barbe de Fidel Castro[5] ?
Les caractéristiques pileuses du citoyen Karl Marx semblent contingentes, anecdotiques, insignifiantes. Pourtant, c’est bien la première image qu’on a de lui, celle aussi que perçurent les nombreux visiteurs qu’il recevait à son domicile de Londres. Kautsky, le futur dirigeant de la social-démocratie allemande, remarquait la différence entre le dandy Engels, « toujours tiré à quatre épingles » et Marx « patriarche très digne » mais peu soucieux des convenances[6]. Ce n’est pas sans raison que Deleuze invitait à imaginer « un Marx philosophiquement glabre[7] ». La barbe foisonnante, symbole à la fois de sagesse, de virilité démiurgique et de rébellion, faisait partie intégrante de Marx, des rôles qu’il jouait ou affectait de jouer, de l’impression extérieure qu’il souhaitait donner, de sa manière d’être, bref, de son style.
Le pari que je fais dans ce livre est de prendre autant que possible au sérieux le style de Marx ; non pas tant le style extérieur de l’homme[8], assez commenté par les témoins de l’époque et les biographes, que le style de son œuvre. La manière d’écrire de Marx pourrait sembler insignifiante par rapport à ses idées, concepts et engagements ; et pourtant, en lisant Marx, ce sont bien des mots, des phrases, des tournures et des images qui nous traversent d’abord l’esprit.
La fonction de ce travail est triple. D’abord, élucider au mieux les rapports entre la lettre et la pensée, et discerner dans quelle mesure le style de Marx est le simple produit des habitudes littéraires de son milieu et de son temps, ou au contraire le squelette inséparable de sa chair théorique. Certaines des formules les plus mémorables du penseur viennent en fait d’ailleurs : « la religion est l’opium du peuple » (tirée de Kant et Hegel[9]) ; « les grands événements historiques se répètent deux fois, la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce » (tirée de Hegel et d’Engels), etc. Il n’y a pas là de quoi heurter le marxisme, qui est une charge impitoyable contre l’individualisme méthodologique, et il est naturel que le style de Marx soit le produit de son environnement, plus que l’invention singulière d’un individu génial.
Ensuite, il s’agit de réhabiliter l’écriture de Marx, bien moins barbante que ne l’ont prétendu certains. Je pense entre autres à la boutade de Pierre Desproges : « Vous avez essayé de lire Le Capital ? C’est emmerdant. Le Capital ? C’est comme l’annuaire, on tourne trois pages et on décroche[10]. » Or, c’est aussi pour sa force verbale qu’un livre comme le Manifeste du Parti communiste est l’un des plus lus au monde.
Enfin, ce livre veut offrir au lectorat français une synthèse des études déjà existantes sur la question. En effet, le sujet n’est pas nouveau, mais presque tous les textes qui lui sont consacrés sont indisponibles en français, à l’exception d’un article fort ancien de Franz Mehring sur la métaphore, d’un autre plus nourri de Marc Angenot et Darko Suvin sur le Manifeste, d’un billet d’Alain Lhomme qui trace les pistes d’une stylistique marxienne[11], et des diverses préfaces aux œuvres de Marx qui évoquent parfois les traits de langue de ses traités économiques ou de sa correspondance[12]. Le public français n’a pas accès à la monographie fondatrice (bien qu’un peu datée) de Ludovico Silva, pourtant traduite en plusieurs langues et récemment en anglais[13], ni à la somme de Siegbert S. Prawer sur Marx et la littérature mondiale[14], ni aux recueils collectifs[15] et dizaines d’articles parus dans le monde anglo-saxon et en Allemagne (voire en ex-RDA), qui seront mentionnés dans la bibliographie en fin de volume.
Une telle entreprise ne court-elle pas le risque de réduire Marx, son engagement révolutionnaire et sa critique radicale des rapports sociaux capitalistes, à des enjeux littéraires, à des finasseries d’esthète au pire sens du terme ? N’est-ce pas neutraliser Le Capital que de proposer de le lire comme un roman victorien, un polar, une réécriture de Dante ou de Tristram Shandy[16] ?
« Lire Le Capital comme de la littérature, c’est pareil que lire la Bible comme de la littérature : le texte a été traité comme une écriture sainte pendant si longtemps et par tant de gens qu’une telle approche suscite une profonde méfiance dans certains milieux, surtout si l’on considère la méfiance de longue date à l’égard de l’analyse « formaliste » de la part du marxisme lui-même[17]. »
De même que les musées de l’Ouest exposent désormais sans crainte l’art soviétique, longtemps décrié pour sa laideur et son kitsch, de même, saluer les qualités stylistiques de Marx ressemblerait à l’ultime hommage du vice à la vertu, et de la bourgeoisie à la subversion rendue inoffensive.
Face à ce danger, j’évoquerai l’hypothèse qui a guidé Prawer : aux trois sources du marxisme mentionnées par Engels (la philosophie allemande, le socialisme français et l’économie anglaise), on pourrait ajouter la littérature classique[18]. De fait, grand lecteur de Cervantès, Shakespeare, Heine ou Balzac, Marx n’a jamais négligé ni la littérature (rappelons ses tentatives de poète, sur lesquelles je ne m’attarderai pas[19]), ni les questions de style. S’il méprise les beaux-parleurs, les « styliste[s] prétentieux[20] » et la phraséologie, il n’en demeure pas moins un censeur rigoureux, qui amende le style de ses collaborateurs et le sien lorsqu’il dirige un périodique, et qui brocarde celui de ses adversaires lorsqu’il se fait pamphlétaire (des chapitres entiers de La Sainte Famille – pas les plus intéressants sans doute – sont constitués de critiques de ce genre).
Abstraction faite de ces habitudes puristes héritées de son éducation[21], si la dimension littéraire ressort aussi fortement de l’œuvre de Marx, pour peu qu’on lui consacre assez d’attention, c’est que son style y accompagne constamment, voire y précède la pensée. Dans son écriture, ses formulations, ses images, il y a déjà un raisonnement implicite, qui ne se dévoile pas toujours entièrement, et qui recèle peut-être certains des nœuds et des impensés de la philosophie marxienne. Si cependant cette hypothèse ne se vérifiait ou ne convainquait pas, ce travail aura toujours été l’occasion de faire lire Marx aux lettrés et aux dandys : voilà qui ne saurait leur faire de mal.
Plan de l’ouvrage
Le premier chapitre traitera du matériau même dont est forgé le style : la, ou plutôt les langues de Marx. Les chapitres suivants, consacrés aux traits stylistiques les plus saillants de l’œuvre, sont organisés par figures, suivant la tradition rhétorique : figure de construction (renversement et répétition), d’énonciation (citation et polyphonie), de pensée (ironie) et de sens (métaphores). On comprendra, à la nature des traits de style abordés, que l’étude stylistique d’un écrivain en langue·s étrangère·s est en fait un obstacle très secondaire. Le dernier chapitre élargira la perspective à l’architecture générale des œuvres et aux types de lecture qu’elles ménagent. L’oiseau de Minerve ne secouant ses plumes qu’à la tombée de la nuit, je reviendrai, en fin du parcours, sur ce qu’on doit entendre par style – notion dont l’éminente plasticité appelle une approche inductive – et sur ce que cela signifie d’en faire celui de Marx.
Extrait du chapitre 5 : Le voile, la scène, la taupe : quelques détours métaphoriques
La pensée souterraine
Dans le Dix-Huit Brumaire, outre une analyse du coup d’État, Marx offre un complément à sa théorie de la révolution : celle-ci n’est pas seulement la conséquence d’une évolution des forces productives entrant en contradiction avec les cadres sociaux antérieurs, elle est menée par des acteurs qui jouent un rôle tiré d’un imaginaire collectif – parfois préexistant (les révolutionnaires de 1789 jouent les Romains de la République), parfois encore à inventer, comme c’est le cas de la révolution communiste à venir. Comme ses rôles sont encore à écrire, la révolution prend des chemins détournés pour arriver à son but, et semble parfois faire fausse route ou avancer à l’aveugle. Marx illustre ces éléments avec une image terre-à-terre, dans tous les sens du terme : la taupe. En l’occurrence, la révolution de 1848 semble avoir renforcé le pouvoir de l’exécutif en amenant Bonaparte au pouvoir ; mais la taupe symbolise l’invisible travail de sape qu’elle a accompli :
« [La révolution] parachève le pouvoir exécutif, le réduit à sa plus pure expression, elle l’isole, le pose en face d’elle comme une seule et unique cible afin de concentrer toutes ses forces de destruction contre elle. Et lorsque cette seconde moitié de son travail préparatoire aura été accomplie, l’Europe sautera sur son siège et exultera : « Bien creusé, vieille taupe[22] ! » »
L’image de la taupe est empruntée à Shakespeare, dans le premier acte d’Hamlet : le fantôme du roi assassiné, demandant à être vengé, apparaît successivement en divers lieux de la scène, comme s’il se déplaçait sous le sol[23]. La réplique de son fils Hamlet est une intrusion du comique dans la tragédie, tout comme chez Marx elle est une intrusion de l’optimisme révolutionnaire dans un moment de désarroi politique.
On croise une autre occurrence de la taupe[24] dans un discours prononcé en 1856 au banquet du People’s Paper. Revenant sur les révolutions de 1848, le discours revient sur une énigme troublante : la coexistence entre, d’un côté, les formidables révolutions de la science et de la technique, et de l’autre, l’abrutissement des travailleurs modernes et l’impression de décadence généralisée qui en émanent.
« Certains partis peuvent se lamenter à ce sujet ; d’autres peuvent souhaiter se débarrasser des techniques modernes afin de se débarrasser des conflits modernes. Ou encore, ils peuvent imaginer qu’un progrès significatif dans l’industrie doit être complété par une régression tout aussi significative en politique. Pour notre part, nous ne nous trompons pas sur la forme de l’esprit astucieux qui continue à marquer toutes ces contradictions. […] Dans les signes qui déconcertent la classe moyenne, l’aristocratie et les pauvres prophètes de la régression, nous reconnaissons notre brave ami Robin Goodfellow, la vieille taupe qui peut travailler si vite dans la terre, ce valeureux pionnier – la Révolution[25]. »
Encore une fois, la taupe est une métaphore de la Révolution, dont l’œuvre souterraine va à l’encontre des signes apparents. C’est une métaphore hégélienne, non seulement parce que Marx l’emprunte à Shakespeare via Hegel[26], mais parce que, de manière plus large, la taupe illustre la marche de l’histoire, qui progresse, mais progresse à l’aveugle, de façon discontinue, avec (comme chez Hegel) des reculs apparents. Mais contrairement à Hegel qui fait côtoyer la taupe avec des images plus nobles, Marx la ramène au prosaïque. De là vient le mélange de références : on part de la tragédie d’Hamlet pour arriver au facétieux Puck (Robin Goodfellow) du Songe d’une nuit d’été.
Pour Peter Stallybrass, l’image comique de la taupe est une manière de résoudre symboliquement un problème théorique : d’un côté, les révolutions se font à partir (des costumes) du passé. De l’autre, la révolution prolétarienne, événement pur et rupture radicale avec l’ordre présent, est irreprésentable. La solution trouvée par Marx est donc de reproduire le geste subversif d’Hamlet, et de changer les costumes anciens en une forme irrévérencieuse. De même qu’Hamlet est le portrait de son père (qui lui apparaît dans son costume le plus digne, en armure), mais qu’il se réfère à lui en l’appelant « vieille taupe », de même la révolution prolétarienne prend la forme d’une taupe et d’un lutin, deux figures de l’indétermination[27].
La taupe mérite qu’on s’y attarde, pas seulement parce qu’elle est une manière optimiste, irrévérencieuse et hégélienne de représenter la révolution, mais parce qu’elle fournit un modèle bien plus large pour penser l’histoire, l’économie ou les sciences :
« […] les sciences, dont la marche historique ne conduit toujours au point de départ effectif qu’après mille détours et méandres. À la différence des autres architectes, la science ne dessine pas seulement des châteaux en Espagne, elle produit quelques étages habitables singuliers avant de poser la première pierre de l’édifice[28]. »
On est bien loin ici de la métaphore architecturale figée et binaire de la base et de la superstructure ; mais pas si loin de la taupe qui creuse son labyrinthe en dessous des fondations possibles[29]. Un peu plus loin dans la Contribution, la science passe de comparé à comparant, mais toujours selon le même schème souterrain :
« De même que dans le dos des alchimistes, lorsqu’ils voulaient faire de l’or, naissait la chimie, de même, dans le dos des possesseurs de marchandises, lorsqu’ils courent après sa figure ensorcelée [l’or], naissent les sources de l’industrie mondiale et du commerce mondial[30]. »
Le progrès scientifique par lequel une fausse science devient une science a quelque chose de magique, d’alchimique ; de même pour le fait que l’accumulation d’or suscite le marché mondial, avant même d’être une monnaie mondiale. Marx analyse non seulement des illusions qui ont une efficace sociale, mais aussi des processus invisibles qui échappent à ceux qui les mènent à leur terme. Même la théorie de la valeur de Marx, cette valeur toujours présente et active dans les rapports économiques, sans jamais se manifester directement dans les prix visibles, relève de cette pensée souterraine. Abondamment commentée comme allégorie de la révolution et marque du téléologisme de Marx[31], la taupe est surtout l’allégorie d’une pensée matérialiste et dialectique qui se distingue de l’empirisme.
Notes
[1]« Hatte Marx doch recht? », Der Spiegel, n° 1, 2023.
[2]Lettre à Engels du 28 avril 1882, citée par Marcello Musto, Les Dernières Années de Karl Marx : une biographie intellectuelle 1881-1883, A. Burlaud (trad.), Paris, Presses universitaires de France, 2023, p. 218.
[3]Lettre à Engels du 27 juin 1867, dans Karl Marx et Friedrich Engels, Correspondance, G. Badia et J. Mortier (trad.), Paris, Éditions sociales, 1981, t. VIII (janvier 1865-juin 1867), p. 401.
[4]Marcello Musto, Les Dernières Années de Karl Marx, op. cit., p. 218. Voir à titre de comparaison le buste qu’en fit son arrière-petit fils, le sculpteur Karl-Jean Longuet, buste qui participe de la même mythologie du génie au front fécond et au regard visionnaire.
[5]François Bougon, « Ces 638 fois où la CIA a voulu se débarrasser de Fidel Castro », Le Monde, 26 novembre 2016.
[6]Cité par Marcello Musto, Les Dernières Années de Karl Marx, op. cit., p. 40.
[7]Gilles Deleuze, Différence et répétition, Paris, Presses universitaires de France, 1968, p. 4.
[8]Une des plus intéressantes conceptions extra-littéraires du style a été élaboré par Giorgio Agamben, « Per un’ontologia dello stile », dans L’uso dei corpi, Vicence, Neri Pozza, 2014, p. 286-297. On en trouve une reformulation chez Marielle Macé, Styles : critique de nos formes de vie, Paris, Gallimard, 2016. Voir aussi la notion de « posture » chez Jérôme Meizoz, L’œil sociologue et la littérature, Genève, Slatkine Érudition, 2004.
[9]Voir Paul Clavier, « La religion, opium du peuple ? La réfutation pratique de la religion selon Karl Marx », in C. Bouriau, Y. Meessen et F. Larminach (dir.), Philosophie et religion : nouvelles approches, Nancy, Éditions de l’université de Lorraine, 2023, p. 35-47.
[10]Pierre Desproges, Textes de scène, Paris, Seuil, 1988, p. 62. Voir plus bas, le chapitre 7.
[11]NB : j’emploierai, suivant l’usage, l’adjectif « marxien » pour ce qui se rapporte directement à Marx lui-même – « marxiste » se rapportant au marxisme comme courant politique et idéologique.
[12]Franz Mehring, « Karl Marx et l’allégorie », in D. Riazanov (dir.), Karl Marx, homme, penseur et révolutionnaire, Paris, Éditions sociales internationales, 1928, p. 64-69 ; Marc Angenot et Darko Suvin, « L’implicite du manifeste : métaphores et imagerie de la démystification dans le “manifeste communiste” », Études françaises, vol. 16, no 3-4, 1980, p. 43-67 ; Alain Lhomme, « Le style de Marx », Question Marx, en ligne, 27 janvier 2012. Pour les préfaces, on peut évoquer celles des éditeurs de Karl Marx et Friedrich Engels, Correspondance, G. Badia et J. Mortier (trad.), fac-simile des deux premiers volumes, Paris, Les éditions sociales, 2019, tomes 1 et 2 (1835-1851), de Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique, G. Fondu et J. Quétier (trad.), Paris, Les éditions sociales, 2014, p. 17-24, de Karl Marx, Le Capital. Critique de l’économie politique, livre 1 (1867), J.-P. Lefebvre (trad.), Paris, Les éditions sociales, 2022, ou encore celles, nombreuses, du Manifeste : par Émile Bottigelli (Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste (1848), G. Raulet (éd.), É. Bottigelli (trad.), Paris, Flammarion, 1999), par Umberto Eco (Karl Marx et Friedrich Engels, Le Manifeste du parti communiste, F. Brière (trad.), Paris, 10/18, 2004), ou, dernière en date, par Éric Vuillard (Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste (1848), G. Cornillet (trad.), Paris, Les éditions sociales, 2023).
[13]Ludovico Silva, El Estilo literario de Marx, Mexico, Siglo XXI, 1971. Traduction anglaise : Ludovico Silva, Marx’s Literary Style, P. B. Núñez (trad.), Londres, Verso Books, 2023.
[14]Siegbert S. Prawer, Karl Marx and World Literature, Londres, Oxford University Press, 1976.
[15]Citons notamment : Samir Gandesha et Johan F. Hartle (dir.), Aesthetic Marx, Londres, Bloomsbury Academic, 2017 ; Michael Bies et Elisabetta Mengaldo (dir.), Marx konkret: Poetik und Ästhetik des Kapitals, Göttingen, Wallstein Verlag, 2020.
[16]Voir Anna Kornbluh, « London, Nineteenth Century, Capital of Realism: On Marx’s Victorian Novel », dans Realizing Capital, New York, Fordham University Press, 2014, p. 113-136, William Clare Roberts, Marx’s Inferno: The Political Theory of Capital, Princeton, Princeton University Press, 2017 et Francis Wheen, Marx’s Das Kapital: a biography, Londres, Atlantic, 2006, p. 42. Pour le polar, la suggestion (nettement plus pertinente) a été faite par Alix Bouffard dans l’émission de France Culture « Grande traversée : Karl Marx l’inconnu » (épisode 4 : « Dans l’antre du Capital ») du 23 juillet 2020.
[17]Duncan Large, « Karl Marx’s Shandean Humour: Scorpion und Felix and its Aftermath », dans K. Viewig, J. Vigus et K. M. Wheeler (dir.), Shandean humour in English and German literature and philosophy, Londres, Routledge, 2013, p. 110-123.
[18]S. S. Prawer, Karl Marx and World Literature, op. cit., p. 82.
[19]Voir Karl Marx, Poésies, H. Fleury, É. Lohr et G. Lohr (trad.), Montreuil, l’Insomniaque, 2014 et Marcel Ollivier, Marx et Engels poètes romantiques, Paris, Spartacus, 2014.
[20]À propos de Chateaubriand, dans sa lettre à Engels du 26 octobre 1854 (Karl Marx et Friedrich Engels, Correspondance, G. Badia et J. Mortier (éd.), Paris, Éditions sociales, 1974, t. IV (juillet 1853-juin 1857), p. 168).
[21]Sur Marx puriste, voir ce qu’en dit Liebknecht (Paul Lafargue et Wilhelm Liebknecht, Souvenirs sur Marx, Paris, Éd. du Sandre, 2008, p. 37-39).
[22]Karl Marx, Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte, op. cit., p. 187.
[23]Hamlet : « Well said, old mole ! Canst work i’ th’ earth so fast ? / A worthy pioner ! » (acte I, scène 5, dans William Shakespeare, Hamlet, Harold Jenkins (éd.), Londres, Thomson Learning, 2005, p. 225.).
[24]Abstraction faite de son emploi dans les manuscrits préparatoires de la thèse de Marx : « la taupe du véritable savoir philosophique qui ne cesse jamais son travail » (Karl Marx, Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure, J. Ponnier (trad.), Bordeaux, Ducros, 1970, p. 198).
[25]Karl Marx, « Fourth Anniversary Banquet of The People’s Paper », art. cité. Je traduis.
[26]Chez Hegel (dans Leçons sur l’histoire de la philosophie, III, 3, ch. E : « Résultat final »), la taupe est une image de l’Esprit. Voir Martin Harries, « Homo Alludens: Marx’s Eighteenth Brumaire », New German Critique, no 66, 1995, p. 35-64 ; David Farrell Krell, « The Mole: Philosophic Burrowings in Kant, Hegel, and Nietzsche », boundary 2, vol. 9/10, 1981, p. 169-185 ; Margreta de Grazia, « Teleology, Delay, and the “Old Mole” », Shakespeare Quarterly, vol. 50, no 3, 1999, p. 251-267.
[27]Peter Stallybrass, « “Well grubbed, old mole”: Marx, Hamlet , and the (un)fixing of representation », dans J. E. Howard et S. C. Shershow (dir.), Marxist Shakespeares, Londres, Routledge, 2000, p. 16-30. Pour Martin Harries, ce dilemme se résout grâce à l’allusion : « Marx recommande d’oublier le passé, mais le langage emprunté de cette recommandation fournit une incitation indirecte à creuser les sources historiques de ce langage. L’allusion oblige à reconnaître les usages qu’un discours trouve dans le passé, voire la généalogie d’une phrase. » (Martin Harries, « Homo Alludens », art. cité, p. 61)
[28]Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique, op. cit., p. 98.
[29]Chez Kant, les galeries de taupe de la métaphysique empêchent de fonder un édifice philosophique solide (Critique de la raison pure, « Dialectique transcendentale. Des idées en général »).
[30]Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique, op. cit., p. 183.
[31]Daniel Bensaïd, « Revolutions: Great and Still and Silent », dans Mike Haynes et Jim Wolfreys (dir.), History and Revolution. Refuting revisionism, Londres, Verso, 2007.