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Nous traduisons et reproduisons ici le discours prononcé par Stathis Kouvélakis lors du rassemblement organisé à Londres devant l’ambassade de Grèce le 21 septembre 2013, en l’honneur de Pavlos Fyssas, rappeur et militant antifasciste assassiné en pleine rue par les nervis du parti nazi Aube dorée.

 

Le meurtre de Pavlos Fyssas par les brutes néonazies d’Aube dorée est une preuve de plus que la situation en Grèce est celle d’un Etat d’exception.

Ce n’est à coup sûr pas la première fois qu’Aube dorée agresse et tue des gens dans les rues. C’est ce que fait ce gang depuis toujours, et de manière croissante tout au long de la dernière année. Nous n’oublions pas, en particulier, le meurtre du travailleur pakistanais Sahjat Lukman en janvier, l’un des nombreux meurtres racistes qui ont eu lieu en Grèce durant les dernières années.

Néanmoins, chacun comprend que le meurtre d’un militant de gauche et antifasciste constitue un tournant décisif. Venant après l’attaque armée contre des militants communistes dans le quartier de banlieue de Perama, il signale une intensification qualitative de la stratégie de la tension poursuivie par Aube dorée. Or cette stratégie n’aurait jamais pu être mise en œuvre sans le support direct et indirect de l’Etat, de la police et des médias.

Il importe de commencer en disant quelques mots à propos de Pavlos. Pavlos Fyssas était un jeune homme séduisant de 34 ans, issu de la classe ouvrière, travaillant occasionnellement comme ouvrier métallurgiste sur les chantiers navals, emploi qu’avait occupé son père pendant toute sa vie. Comme lui, Pavlos était membre du syndicat des ouvriers métallurgistes, un syndicat combatif de classe, et il a passé sa vie à Keratsini, un bastion ouvrier emblématique de la ceinture industrielle du Pirée. Pavlos était aussi une figure familière dans la communauté locale et au-delà. Antifasciste engagé, il était également, sous le nom de Killah P., un artiste actif sur la scène hip-hop.

Ses chansons expriment la rage des gens de sa classe. Mais la sienne était une rage chargée politiquement et socialement consciente. En écoutant ses chansons, des milliers de jeunes pouvaient entrevoir un discours politique en lien direct avec leur expérience quotidienne. Pavlos est devenue une cible pour les voyous néonazis parce qu’il était l’une des personnes dont la présence sur le terrain, dans ces quartiers populaires dévastés par la crise, est un obstacle permanent pour l’agitation et le recrutement fascistes.

Le meurtre de Pavlos n’est pas un acte isolé.

Ce n’est pas une coïncidence si la violence s’est intensifiée précisément après l’organisation des grèves les plus importantes depuis 18 mois. Ce n’est pas une coïncidence si, tout au long de cette période, Aube dorée a bénéficié du soutien – parfois passif, parfois actif – des forces de police au sein desquelles le cancer fasciste s’est profondément enraciné.   

Et ce n’est évidemment pas une coïncidence si les gouvernements successifs ont, depuis plusieurs années, pris les migrant•e•s pour cibles, légitimant ainsi les discours racistes qui font d’elles et eux les responsables de la crise.

Dans la lignée de ses prédécesseurs, l’actuel gouvernement a fait du racisme une doctrine et une politique d’État. Il a également légitimé la participation d’Aube dorée à la vie politique en donnant de l’écho à la prétendue théorie des « deux extrêmes » – cette théorie, sans cesse propagée par les médias, prétend en substance que les nazis ne sont pas pire que la gauche radicale et que la violence nazie ne constitue pas une plus grande menace que la violence supposée des manifestations populaires.

Comment tout cela est-il devenu possible ? Pourquoi le fascisme, sous sa forme la plus radicale, est-il en plein essor dans un pays comme la Grèce qui a une telle expérience de la dictature et où le fascisme ne s’est jamais mué en mouvement populaire ?

La réponse est au fond assez simple. Le fascisme et son expression politique, Aube dorée, ne pouvaient émerger en tant que mouvement de masse que dans un pays dévasté par la stratégie du choc mise en œuvre tout au long de ces trois dernières années sous la surveillance de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI).

Dans un pays où récession, chômage et pauvreté ont atteint des niveaux jamais vus dans cette partie du monde depuis les années 1930.

Dans un pays où la démocratie a été détruite et une société entière humiliée.

Il n’est pas possible de mener une quelconque lutte contre le fascisme sans combattre, simultanément, ces politiques qui ont pavé la voie de son ascension. Il est scandaleux de stigmatiser le peuple grec ou une partie de la société grecque, au prétexte qu’ils auraient une plus grande propension à soutenir un parti fasciste, sans prendre en compte l’immense destruction et le désespoir qu’il y a derrière tout cela.

Pour combattre le fascisme, il est indispensable que nous parvenions à l’unitéla plus large possible. Mais cette uniténe doit, d’aucune manière, servir de prétexte pour établir des ponts avec des partis ou un système qui ont amené à cette escalade. Cette unionne peut concerner que toutes les forces impliquées dans les résistances populaires contre ces politiques barbares. Elle doit être construite à tous les niveaux, au travers d’actions et de discussions conjointes.

Notre rassemblement d’aujourd’hui montre que cette unité n’est pas seulement nécessaire mais qu’elle est également possible. Nous appelons tous ceux et toutes celles qui sont intéressé•e•s à se joindre à nous pour former un réseau contre le fascisme en Grèce.

Il est temps de contre-attaquer !

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No pasaran !

 

Traduction : Stella Magliani-Belkacem et Ugo Palheta

Photo : La Horde

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