Deux scénarios pour Gaza : Grand Israël contre Oslo
Une invasion terrestre semble imminente, mais quelle peut être l’issue politique ? Spécialiste du Moyen-Orient, auteur notamment du livre Le Choc des barbaries, Gilbert Achcar analyse les deux scénarios politico-militaires qui semblent se dégager au sein de la classe dirigeante israélienne et parmi ses soutiens états-uniens : entre une annexion de Gaza et une expulsion des Palestinien-nes visant à former à terme ce que l’extrême droite sioniste nomme le « Grand Israël », et une stratégie inspirée d’Oslo d’un État palestinien croupion reprenant le contrôle de Gaza mais évidemment sous la férule d’Israël.
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Annoncée comme imminente il y a plusieurs jours, après que plus d’un million d’habitants de la moitié nord de la bande de Gaza ne se virent accordés que 24 heures pour fuir vers le sud, l’attaque terrestre des forces armées israéliennes contre Gaza n’a pas encore commencé au moment de la rédaction de cet article. Malgré les tentatives visant à donner une impression contraire, ce retard reflète le fait que les dirigeants politiques et le commandement militaire d’Israël n’avaient pas de plan tout prêt pour l’invasion de Gaza à l’échelle qu’ils envisagent depuis l’assaut lancé par le Hamas le 7 octobre dernier.
La question de l’invasion terrestre
Les forces armées israéliennes ne pouvaient guère anticiper une réoccupation de Gaza, qu’elles avaient évacuée il y a 18 ans. Les opérations successives qu’elles ont lancées contre ce territoire en 2006, 2008-2009, 2012, 2014 et 2021 – pour ne citer que les plus importantes – ont toutes été limitées, consistant essentiellement en bombardements, ainsi qu’en attaques terrestres circonscrites en 2009 et 2014. L’ampleur extraordinaire et l’effet traumatisant du 7 octobre ont fait qu’il est devenu impossible pour les dirigeants israéliens de se fixer un objectif moindre que l’éradication totale du Hamas et la « pacification » de la bande de Gaza.
Il s’agit là d’un défi formidable, car non seulement l’invasion d’un territoire aussi densément peuplé implique une guerre urbaine à haut risque pour l’assaillant, mais elle pose avec acuité le problème de savoir que faire ensuite du territoire conquis. Il va sans dire que le problème n’est pas seulement militaire ; il est aussi, voire surtout, politique. L’étroite interdépendance des considérations politiques et militaires est particulièrement évidente dans la situation actuelle. L’ampleur de la violence, inévitable dans la poursuite des objectifs proclamés par Israël, provoquera inévitablement des retombées politiques qui auront un impact sur la conduite de la guerre elle-même.
Le facteur le plus évident dans cette équation est que la tolérance d’Israël à l’égard des pertes parmi ses troupes est très limitée, comme l’a illustré de la manière la plus spectaculaire l’échange en 2011 du soldat israélien Gilad Shalit, retenu captif à Gaza, contre plus de 1000 prisonniers palestiniens.
Cela rend impossible pour l’armée israélienne de lancer des assauts terrestres dans des conditions qui lui coûteraient cher en soldats, à l’instar des assauts que les troupes russes (régulières et/ou affiliées au service paramilitaire Wagner) ont lancé en Ukraine depuis 2022 – sans parler de cas extrêmes tels que les « vagues humaines » que l’Iran a lancées lors de sa guerre contre l’Irak de 1980 à 1988. C’est pourquoi la supériorité de l’armée israélienne est à son maximum dans des terrains comme le désert égyptien du Sinaï ou le plateau du Golan syrien, où les bâtiments sont clairsemés et où la force de frappe à distance est décisive.
À l’inverse, lorsqu’Ariel Sharon, alors ministre israélien de la Défense, ordonna à ses troupes d’entrer dans Beyrouth assiégée début août 1982, elles durent abandonner leur tentative le lendemain même. Ce n’est qu’après l’évacuation négociée des combattants palestiniens de Beyrouth que les forces israéliennes parvinrent à prendre d’assaut la ville à la mi-septembre. Elles se retirèrent à la fin du même mois après qu’un mouvement naissant de résistance urbaine libanaise ait commencé à les prendre pour cible.
Le corollaire de ce qui précède est que la seule façon pour l’armée israélienne d’envahir une quelconque partie d’un paysage urbain aussi dense et vaste que la bande de Gaza avec un minimum de pertes israéliennes est d’aplatir les zones qu’elle s’efforce d’occuper au moyen de bombardements intensifs préalables à l’offensive au sol. C’est, en effet, ce qui a commencé immédiatement après le 7 octobre, avec un niveau de dégâts qui, par son ampleur et son intensité, va bien au-delà des précédentes campagnes de bombardements israéliens, du Liban en 2006 aux guerres successives contre Gaza. L’aplatissement de vastes étendues de territoire urbain n’était possible pour l’armée israélienne dans aucune des guerres précédentes – non par manque de puissance destructrice, bien entendu, mais en raison de l’absence de conditions politiques propices.
Cela a été particulièrement évident en 1982, lorsque le siège israélien de Beyrouth provoqua un tollé international majeur et une crise politique en Israël même, où l’opposition au gouvernement Likoud de Menahem Begin et d’Ariel Sharon organisa des manifestations massives. Lors des guerres précédentes contre Gaza, les forces armées israéliennes n’avaient de toute façon aucune intention de réoccuper une partie du territoire.
Cette fois-ci, cependant, cette intention est clairement affichée : l’onde de choc provoquée par le meurtre sans précédent d’un grand nombre de civils et de soldats israéliens est d’une telle ampleur que l’opinion publique israélienne et les soutiens internationaux traditionnels d’Israël approuvent explicitement ou implicitement la réoccupation de Gaza dans son intégralité. Que peuvent sinon signifier l’éradication du Hamas et l’analogie avec le groupe État islamique, à moins de ratisser l’ensemble de la bande de Gaza ?
Comme le Financial Times l’a récemment rapporté, sur la base d’entretiens avec des experts militaires :
L’armée israélienne déploiera ce qu’elle appelle « doctrine de la victoire », qui exige que l’armée de l’air détruise rapidement une masse importante de cibles préalablement sélectionnées. C’est déjà en cours, avec des avions de combat bombardant intensivement de vastes étendues de Gaza en ne s’arrêtant que pour faire le plein, souvent en plein vol. La campagne vise à prendre de vitesse la capacité du Hamas à se regrouper et – selon une personne familière avec les discussions qui ont abouti à la doctrine en 2020 – à « atteindre le maximum d’objectifs avant que la communauté internationale n’exerce une pression politique pour ralentir ».
C’est le scénario militaire qui se prépare. Et c’est là que survient la dimension politique. Si l’objectif militaire est effectivement de réoccuper Gaza afin d’éradiquer le Hamas, les questions qui se posent ensuite sont naturellement : pour combien de temps et pour remplacer le Hamas par quoi ? Il y a beaucoup plus de possibilité de désaccord sur ces deux questions de stratégie politique que sur la stratégie militaire, dont les paramètres sont beaucoup plus restreints car ils dépendent de considérations objectives et de la nature des moyens militaires disponibles. Les deux pôles opposés de la divergence politique se traduisent par deux scénarios que l’on pourrait appeler le scénario du Grand Israël et le scénario d’Oslo.
Le scénario du Grand Israël
Le scénario du Grand Israël est celui qui séduit le plus Benjamin Netanyahu et ses acolytes de l’extrême droite israélienne. Le parti Likoud est l’héritier de l’extrême droite sioniste, connue sous le nom de sionisme révisionniste, dont les branches armées ont perpétré le massacre de Deir Yassin, le meurtre de masse de Palestiniens le plus infâme perpétré en 1948, au milieu de ce que les Arabes appellent la Nakba (catastrophe).
Sur les 78 % du territoire de la Palestine sous mandat britannique que les forces armées sionistes réussirent à conquérir au cours de la guerre de cette année-là (les sionistes s’étaient vu accorder 55 % par le plan de partage approuvé par une ONU naissante, alors dominée par les pays du Nord), 80 % de la population palestinienne a été déracinée. Ils et elles avaient fui la guerre, effrayé-es par des atrocités telles que celle de Deir Yassin, et ne devaient jamais être autorisé-es à retourner chez eux-elles et sur leurs terres. Toutefois, l’extrême droite sioniste n’a jamais pardonné au courant sioniste dominant, alors dirigé par David Ben Gourion, d’avoir accepté d’arrêter la guerre avant de conquérir 100 % de la Palestine du mandat britannique entre la mer Méditerranée et le Jourdain.
Lors de son récent discours à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, deux semaines seulement avant le 7 octobre, Netanyahu a brandi une carte du Moyen-Orient montrant un Grand Israël incluant Gaza et la Cisjordanie. Ce qui est encore plus pertinent dans le cadre de la nouvelle guerre de Gaza est le fait – à peine mentionné dans les médias internationaux – que Netanyahu avait démissionné du cabinet israélien dirigé par Sharon en 2005 pour protester contre la décision de ce dernier d’évacuer Gaza. (Sharon avait succédé à Netanyahu à la tête du Likoud en 1999, après la défaite électorale de ce dernier face au Parti travailliste alors dirigé par Ehud Barak. Il avait ensuite réussi à remporter les élections suivantes, en 2003, et avait offert le ministère des finances à Netanyahu).
Plus militaire que politicien, Sharon était attentif à l’opinion des militaires souhaitant le retrait des troupes de la bande de Gaza, zone particulièrement difficile à soumettre, et préférant la contrôler de l’extérieur. Il ne voyait aucune perspective d’annexion rampante de Gaza similaire à ce qui se déroule en Cisjordanie depuis son occupation en 1967. Il jugea donc qu’il serait plus avisé de laisser l’Autorité palestinienne, établie par les accords d’Oslo de 1993, s’occuper de Gaza, tout en se concentrant sur la Cisjordanie – objectif sioniste beaucoup plus prisé et consensuel.
Oslo exigeait le retrait des troupes israéliennes uniquement des zones de Cisjordanie densément peuplées de Palestiniens, tout en permettant à Israël de conserver le contrôle de la majeure partie du territoire. Pour montrer son mépris à l’égard de l’Autorité palestinienne, Sharon opta pour un « désengagement » unilatéral de Gaza en 2005 – autrement dit, sans le préparer avec l’Autorité palestinienne. Deux ans plus tard, le Hamas s’emparait du pouvoir dans la bande de Gaza.
Netanyahu s’était opposé au désengagement de Sharon. Il dirigea l’opposition à Sharon au sein du Likoud et rassembla suffisamment de forces pour l’inciter à quitter le parti et à en fonder un nouveau la même année, 2005. Netanyahu est à la tête du Likoud depuis lors. Il a accédé au poste de premier ministre en 2009 en jouant sur la fragmentation de la scène politique israélienne – un art dans lequel il excelle en opportuniste accompli – et est resté à ce poste jusqu’en juin 2021.
Fin 2022, il était de retour à la barre, à la tête du gouvernement le plus à l’extrême droite de l’histoire d’Israël – un pays où plusieurs gouvernements successifs, depuis la première victoire du Likoud en 1977, ont été qualifiés de « plus à droite de l’histoire », dans une dérive droitière interminable. Netanyahu n’a approuvé le « plan de paix » de Donald Trump (et de Jared Kushner) en 2020 que parce qu’il savait pertinemment que les Palestiniens ne pouvaient pas l’accepter. Il a probablement vu ce rejet inévitable comme un bon prétexte pour une annexion unilatérale de la majeure partie de la Cisjordanie à un moment ultérieur.
La perspective de reconquérir Gaza nécessitait un bouleversement majeur qui n’était pas à l’horizon. Personne n’aurait pu s’attendre à ce qu’il soit créé, tout à coup, par l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » menée par le Hamas. C’était, en effet, l’équivalent israélien du 11 septembre 2001. Le 7 octobre a même été 20 fois plus meurtrier que le 11 septembre par rapport à la population de chaque pays, comme Netanyahu l’a souligné à l’attention de Joe Biden lors de la visite de ce dernier en Israël le 18 octobre. Tout comme le 11 septembre a créé les conditions politiques qui ont permis à l’administration Bush de réaliser son projet favori d’invasion de l’Irak, le 7 octobre a créé pour Israël les conditions politiques pour la reconquête de Gaza, un projet que Netanyahu caressait depuis longtemps mais qui était trop insensé et hors de portée pour être ouvertement discuté jusque-là. Il reste bien sûr à voir si cet objectif est réalisable, mais c’est ce à quoi aspire l’extrême droite sioniste.
Les appels répétés des autorités politiques et militaires israéliennes aux habitants de Gaza pour qu’ils fuient vers le sud, vers la frontière avec l’Égypte, et leur empressement à convaincre le Caire d’ouvrir la porte de la péninsule du Sinaï afin d’accueillir la majeure partie de la population de Gaza (2,3 millions de personnes) sont donc compris à juste titre par les Égyptiens comme une invitation à laisser les Gazaoui-es s’installer dans le Sinaï pour un avenir indéfini – tout comme les Palestinien-nes déplacé-es de leurs terres en 1948 et 1967 ont été transformé-es en réfugié-es permanent-es dans les pays arabes voisins. Le 18 octobre, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a mis un terme à cette idée en conseillant astucieusement à Israël d’accorder refuge aux Gazaouis dans le désert du Néguev, sur son propre territoire de 1948, s’il cherche réellement à leur accorder un abri temporaire.
Le scénario d’Oslo
Le Grand Israël n’est cependant pas une ambition unanime des dirigeants israéliens – même après le 7 octobre. Il bénéficie de quelque soutien aux États-Unis, dans l’extrême droite du Parti républicain et parmi les sionistes chrétiens. Mais cette idée n’est certainement pas soutenue par la majeure partie de l’establishment américain de la politique étrangère, et en particulier par les Démocrates. L’administration Biden – connue pour avoir peu de sympathie pour Netanyahu, qui en 2012 a ouvertement soutenu le Républicain Mitt Romney à la présidence contre Barack Obama (et Biden, son vice-président) – s’en tient à la perspective, créée par les accords d’Oslo, d’un État palestinien croupion, pouvant fournir un alibi pour marginaliser la cause palestinienne et ouvrir la voie au développement des liens et de la collaboration entre Israël et les États arabes.
C’est pourquoi Biden a déclaré à CBS le 15 octobre que « ce serait une grave erreur » qu’Israël occupe Gaza. Le président américain n’a pas voulu dire que l’invasion de la totalité de la bande de Gaza pour éradiquer le Hamas serait une erreur. Au contraire, il a clairement déclaré que « entrer mais éliminer les extrémistes […] est une condition nécessaire ». Le journaliste lui ayant alors demandé : « Croyez-vous que le Hamas doive être entièrement éliminé ? », Biden répondit :
Oui je le crois. Mais il faut une autorité palestinienne. Il doit y avoir une voie vers un État palestinien. Cette voie, appelée « la solution à deux États », constitue la politique américaine depuis des décennies. Cela créerait une nation indépendante à côté d’Israël pour les 5 millions de Palestiniens qui vivent à Gaza et en Cisjordanie.
Le but de la journée de visite de Biden en Israël n’était pas seulement de rehausser son profil politique pour l’élection présidentielle de 2024, en garantissant que Trump, les Républicains de droite et les sionistes chrétiens évangéliques ne puissent pas surenchérir sur lui dans leur soutien militaire à Israël. (Notez qu’en agissant ainsi, Biden va à l’encontre des opinions d’une majorité de citoyen-nes américain-e.s, et en particulier de la majorité des Démocrates, qui sont favorables à une approche plus équilibrée du conflit israélo-palestinien.)
L’objectif de Biden n’était pas non plus uniquement de négocier un geste humanitaire symbolique afin de pouvoir prétendre que son administration fait tout son possible pour atténuer le désastre en cours. Son objectif était aussi, et peut-être avant tout, de convaincre la classe politique israélienne – avec ou sans Netanyahu – de la nécessité de s’en tenir à la perspective d’Oslo. Il souhaitait dynamiser cette entreprise en rencontrant Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinienne, ainsi que le roi de Jordanie. Mais la destruction de l’Hôpital Arabe Al-Ahli la veille de sa visite a contrecarré son projet.
L’indication la plus claire à ce jour qu’une partie de l’establishment militaro-politique israélien est d’accord avec l’administration Biden a été fournie par Ehud Barak, ancien chef d’état-major général des forces armées israéliennes et ancien premier ministre. Il a peaufiné le scénario d’Oslo dans une interview accordée à The Economist :
M. Barak estime que le résultat optimal, une fois que les capacités militaires du Hamas auront été suffisamment dégradées, sera le rétablissement de l’Autorité palestinienne à Gaza. […] Il prévient toutefois que Mahmoud Abbas, le président palestinien, « ne doit pas être perçu comme retournant à la pointe des baïonnettes israéliennes ». Il faudra donc une période intérimaire pendant laquelle « Israël, cédant à la pression internationale, remettra Gaza à une force arabe de maintien de la paix, qui pourrait inclure des pays tels que l’Égypte, le Maroc et les Émirats arabes unis. Ils sécuriseront la zone jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne soit en mesure d’en prendre le contrôle. »
Le fait que le processus d’Oslo soit tombé au point mort peu après son lancement en grande pompe en 1993 – ce qui a conduit au déclenchement de la deuxième Intifada en 2000, suivie par la réoccupation temporaire par Israël des parties de la Cisjordanie qu’il avait évacuées en faveur de l’Autorité palestinienne – ne semble pas dissuader Washington et ses alliés de le considérer comme le seul règlement possible. Ils croient probablement qu’une sorte d’échange territorial comme envisagé dans le « plan de paix » de Trump-Kushner pourrait éventuellement permettre de concilier l’annexion des zones de Cisjordanie où les colonies ont proliféré avec l’octroi aux Palestiniens d’un « État indépendant » fragmentaire sur 22 % de leur territoire ancestral à l’ouest du Jourdain.
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En fin de compte, les deux scénarios – le Grand Israël et Oslo – reposent sur la capacité d’Israël à détruire le Hamas à un degré suffisant pour l’empêcher de contrôler Gaza. Cela implique la conquête par les forces armées israéliennes de la majeure partie de la bande de Gaza, sinon de sa totalité – un objectif qu’elles ne pourraient atteindre qu’en détruisant la majeure partie de ce territoire, à un énorme coût humain.
Le Washington Post a récemment cité Bruce Hoffman, expert en lutte contre le terrorisme et professeur à l’Université de Georgetown, qui a souligné que l’éradication des Tigres tamouls dans la partie nord du Sri Lanka était le seul type de succès possible dans de tels efforts. Les Tigres ont été anéantis en 2009 après une offensive militaire des forces armées du Sri Lanka qui a entraîné la mort de près de 40 000 civils, selon les estimations de l’ONU. « À Dieu ne plaise que ce genre de carnage se produise aujourd’hui », a déclaré Hoffman au Post. « Mais si vous êtes déterminé à détruire une organisation terroriste, vous le pouvez. Il y a une certaine cruauté qui va avec. »
Sauf que l’attention du monde est incomparablement plus concentrée sur ce qui se passe au Moyen-Orient que sur ce qui s’est passé au Sri Lanka. La question est donc de savoir ce que l’armée israélienne peut réaliser avant qu’une combinaison de pertes dans ses rangs et de pressions internationales ne l’oblige à s’arrêter – sans parler de la possibilité d’une conflagration régionale impliquant le Hezbollah libanais, avec le soutien de l’Iran. Il n’est donc nullement certain que l’un ou l’autre des deux scénarios se réalise. L’armée israélienne a prudemment élaboré un plan minimal consistant à créer une nouvelle zone tampon étendue à l’intérieur de Gaza tout le long des frontières du territoire, aggravant encore sa condition de « prison à ciel ouvert ».
La seule chose certaine, c’est que la nouvelle attaque israélienne contre Gaza est déjà plus meurtrière et destructrice que tous les épisodes précédents des 75 années d’histoire tragique du conflit israélo-palestinien. Il est également certain que la situation va s’aggraver de façon exponentielle, ce qui ne fera qu’ajouter à la déstabilisation de ce qui est déjà la région la plus instable du monde et qui joue un rôle majeur dans la déstabilisation du Nord mondial lui-même – par vagues de réfugiés et extension de la violence. Une fois de plus, la myopie et les deux poids, deux mesures des États-Unis et de leurs alliés européens vont leur exploser à la figure – avec des conséquences encore plus tragiques cette fois-ci.
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Traduit de l’original anglais paru le 23 octobre dans New Lines.